Conseil d'État
N° 467743
ECLI:FR:CEORD:2024:467743.20240305
Inédit au recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
Mme Muriel Deroc, rapporteur
M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public
Lecture du mardi 5 mars 2024
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 22 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Générations Futures demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-411 du 23 mars 2022 relatif à l'interdiction de production, de stockage et de circulation de certains produits phytopharmaceutiques pour des raisons liées à la protection de la santé humaine ou animale et de l'environnement ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux contre ce décret ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Muriel Deroc, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. L'association Générations futures demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 23 mars 2022 relatif à l'interdiction de production, de stockage et de circulation de certains produits phytopharmaceutiques pour des raisons liées à la protection de la santé humaine ou animale et de l'environnement. Ce décret a complété le code rural et de la pêche maritime par un article D. 253-46-1-6 relatif aux délais qui peuvent être accordés pour permettre la production, le stockage et la mise en circulation en vue de leur exportation de produits phytopharmaceutiques qui contiennent une substance active dont l'approbation a été retirée ou non renouvelée ou dont le renouvellement n'a pas été demandé pour des raisons relatives à la protection de la santé humaine ou animale ou de l'environnement.
2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 4 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil : " Une substance active est approuvée conformément à l'annexe II s'il est prévisible, eu égard à l'état actuel des connaissances scientifiques et techniques, que, compte tenu des critères d'approbation énoncés aux points 2 et 3 de cette annexe, les produits phytopharmaceutiques contenant cette substance active satisfont aux conditions prévues aux paragraphes 2 et 3 (...) ". Aux termes de l'article 20 du même règlement : " 1. Un règlement, adopté conformément à la procédure de réglementation visée à l'article 79, paragraphe 3, prévoit que : / a) l'approbation d'une substance active est renouvelée et, s'il y a lieu, assortie de conditions et de restrictions ; ou / b) l'approbation d'une substance active n'est pas renouvelée. / 2. Si les raisons du non-renouvellement de l'approbation ne concernent pas la protection de la santé ou l'environnement, le règlement visé au paragraphe 1 prévoit un délai de grâce ne pouvant excéder six mois pour la vente et la distribution et un an supplémentaire pour l'élimination, le stockage et l'utilisation des stocks existants des produits phytopharmaceutiques concernés. Le délai de grâce pour la vente et la distribution tient compte de la période normale d'utilisation du produit phytopharmaceutique ; cependant, le délai de grâce total ne peut dépasser dix-huit mois. / En cas de retrait de l'approbation ou si l'approbation n'est pas renouvelée en raison de préoccupations immédiates concernant la santé humaine ou animale ou l'environnement, les produits phytopharmaceutiques concernés sont immédiatement retirés du marché ". L'article 21 du même règlement prévoit que : " lorsque la Commission arrive à la conclusion qu'il n'est plus satisfait aux critères d'approbation prévus à l'article 4 (...), un règlement retirant ou modifiant l'approbation est adopté conformément à la procédure de réglementation visée à l'article 79, paragraphe 3. / L'article 13, paragraphe 4, et l'article 20, paragraphe 2, s'appliquent ".
3. Le IV de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, issu de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018, dispose que : " sont interdits à compter du 1er janvier 2022 la production, le stockage et la circulation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées pour des raisons liées à la protection de la santé humaine ou animale ou de l'environnement conformément au règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 précitée, sous réserve du respect des règles de l'Organisation mondiale du commerce ".
4. L'article D. 253-46-1-6 du code rural et de la pêche maritime, résultant du décret attaqué, dispose que : " I. -Lorsqu'un règlement d'exécution adopté en application des articles 20 ou 21 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009, retire l'approbation d'une substance active, ou en refuse le renouvellement, pour des raisons liées à la protection de la santé humaine ou animale ou de l'environnement, les produits phytopharmaceutiques qui en contiennent peuvent être, à titre transitoire, produits, stockés et mis en circulation en vue de leur exportation jusqu'à la fin du délai de grâce fixé par le règlement d'exécution. / II. -Lorsque l'approbation d'une substance est arrivée à échéance et que son renouvellement n'est pas demandé, pour des raisons relatives à la protection de la santé humaine ou animale ou de l'environnement, les produits phytopharmaceutiques qui en contiennent peuvent être, à titre transitoire, produits, stockés et mis en circulation en vue de leur exportation jusqu'à une date fixée par un arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture et de l'environnement. Cette date est déterminée sur la base d'une évaluation de l'impact de l'interdiction de production, de stockage et de mise en circulation en vue de leur exportation des produits contenant les substances concernées ".
5. L'interdiction instituée par le IV de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime visant les produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées pour des raisons liées à la protection de la santé humaine ou animale ou de l'environnement conformément au règlement (CE) n° 1107/2009, et prohibant de manière générale la production, le stockage et la circulation de ces produits, ces dispositions doivent être lues comme prévoyant que cette interdiction s'applique dans des conditions conformes à celles prévues par ce règlement. Or, les dispositions de ce règlement citées au point 2 énoncent que le règlement d'exécution portant retrait ou refus de renouvellement de l'approbation d'une substance active peut prévoir, en l'absence de préoccupations immédiates concernant la protection de la santé humaine ou animale ou de l'environnement, un délai de grâce pour la vente, la distribution, le stockage et l'utilisation des stocks existants de produits phytopharmaceutiques contenant cette substance active. Dans ces conditions, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions du I de l'article D. 253-46-1-6 du code rural et de la pêche maritime, issues du décret attaqué, qui prévoient que, lorsqu'un tel délai de grâce a été prévu par un règlement d'exécution retirant ou refusant le renouvellement de l'approbation d'une substance active, les produits phytopharmaceutiques concernés peuvent, à titre transitoire, être produits, stockés et mis en circulation en vue de leur exportation jusqu'à la fin de ce délai de grâce, auraient été prises par une autorité incompétente et méconnaîtraient l'interdiction posée par le IV de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime. Elle n'est pas davantage fondée à soutenir que ces dispositions ne pouvaient faire référence au délai de grâce institué par le règlement (CE) n° 1107/2009 au motif que, régissant l'exportation des produits concernés, elles n'entrent pas dans son champ d'application, dès lors que le IV de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime pose un principe unique d'interdiction de la production, du stockage et de la circulation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées.
6. En revanche, d'une part, les dispositions du paragraphe II de l'article D. 253-46-1-6 du code rural et de la pêche maritime, issues du décret attaqué, en prévoyant que des produits phytopharmaceutiques contenant une substance active dont l'approbation est arrivée à échéance et dont le renouvellement n'a pas été demandé pour des raisons relatives à la protection de la santé humaine ou animale et de l'environnement peuvent être, à titre transitoire, produits, stockés et mis en circulation en vue de leur exportation jusqu'à une date fixée par arrêté, et ne prévoyant, au demeurant, aucun encadrement de la durée de ce délai et aucune prise en compte, dans l'évaluation prévue, des nécessités de protection de la santé humaine ou animale et de l'environnement, méconnaissent les dispositions du IV de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, dès lors que celles-ci ne sauraient être regardées comme permettant une telle autorisation provisoire en l'absence de toute possibilité d'obtenir un délai de grâce en application du règlement n° 1107/2009 du 21 octobre 2009. D'autre part, le législateur ayant lui-même reporté de plus de trois ans l'entrée en vigueur de l'interdiction qu'il édictait, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire ne saurait, en tout état de cause, soutenir que le principe de sécurité juridique ou les dispositions des articles L. 221-5 et L. 221-6 du code des relations du public avec l'administration lui auraient imposé de prévoir, par voie réglementaire, une dérogation à l'interdiction en cause.
7. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Générations Futures est seulement fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir des dispositions du II de l'article D. 253-46-1-6 du code rural et de la pêche maritime, issues du décret du 23 mars 2022.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'article 1er du décret du 23 mars 2022 est annulé en tant qu'il insère un II au sein de l'article D. 253-46-1-6 du code rural et de la pêche maritime.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à l'association Générations Futures au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de l'association Générations Futures est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'association Générations Futures et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Copie en sera adressée au Premier ministre et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré à l'issue de la séance du 14 février 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, conseillers d'Etat et Mme Muriel Deroc, maîtresse des requêtes-rapporteure.
Rendu le 5 mars 2024.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Muriel Deroc
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin
N° 467743
ECLI:FR:CEORD:2024:467743.20240305
Inédit au recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
Mme Muriel Deroc, rapporteur
M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public
Lecture du mardi 5 mars 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 22 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Générations Futures demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-411 du 23 mars 2022 relatif à l'interdiction de production, de stockage et de circulation de certains produits phytopharmaceutiques pour des raisons liées à la protection de la santé humaine ou animale et de l'environnement ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux contre ce décret ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Muriel Deroc, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. L'association Générations futures demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 23 mars 2022 relatif à l'interdiction de production, de stockage et de circulation de certains produits phytopharmaceutiques pour des raisons liées à la protection de la santé humaine ou animale et de l'environnement. Ce décret a complété le code rural et de la pêche maritime par un article D. 253-46-1-6 relatif aux délais qui peuvent être accordés pour permettre la production, le stockage et la mise en circulation en vue de leur exportation de produits phytopharmaceutiques qui contiennent une substance active dont l'approbation a été retirée ou non renouvelée ou dont le renouvellement n'a pas été demandé pour des raisons relatives à la protection de la santé humaine ou animale ou de l'environnement.
2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 4 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil : " Une substance active est approuvée conformément à l'annexe II s'il est prévisible, eu égard à l'état actuel des connaissances scientifiques et techniques, que, compte tenu des critères d'approbation énoncés aux points 2 et 3 de cette annexe, les produits phytopharmaceutiques contenant cette substance active satisfont aux conditions prévues aux paragraphes 2 et 3 (...) ". Aux termes de l'article 20 du même règlement : " 1. Un règlement, adopté conformément à la procédure de réglementation visée à l'article 79, paragraphe 3, prévoit que : / a) l'approbation d'une substance active est renouvelée et, s'il y a lieu, assortie de conditions et de restrictions ; ou / b) l'approbation d'une substance active n'est pas renouvelée. / 2. Si les raisons du non-renouvellement de l'approbation ne concernent pas la protection de la santé ou l'environnement, le règlement visé au paragraphe 1 prévoit un délai de grâce ne pouvant excéder six mois pour la vente et la distribution et un an supplémentaire pour l'élimination, le stockage et l'utilisation des stocks existants des produits phytopharmaceutiques concernés. Le délai de grâce pour la vente et la distribution tient compte de la période normale d'utilisation du produit phytopharmaceutique ; cependant, le délai de grâce total ne peut dépasser dix-huit mois. / En cas de retrait de l'approbation ou si l'approbation n'est pas renouvelée en raison de préoccupations immédiates concernant la santé humaine ou animale ou l'environnement, les produits phytopharmaceutiques concernés sont immédiatement retirés du marché ". L'article 21 du même règlement prévoit que : " lorsque la Commission arrive à la conclusion qu'il n'est plus satisfait aux critères d'approbation prévus à l'article 4 (...), un règlement retirant ou modifiant l'approbation est adopté conformément à la procédure de réglementation visée à l'article 79, paragraphe 3. / L'article 13, paragraphe 4, et l'article 20, paragraphe 2, s'appliquent ".
3. Le IV de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, issu de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018, dispose que : " sont interdits à compter du 1er janvier 2022 la production, le stockage et la circulation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées pour des raisons liées à la protection de la santé humaine ou animale ou de l'environnement conformément au règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 précitée, sous réserve du respect des règles de l'Organisation mondiale du commerce ".
4. L'article D. 253-46-1-6 du code rural et de la pêche maritime, résultant du décret attaqué, dispose que : " I. -Lorsqu'un règlement d'exécution adopté en application des articles 20 ou 21 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009, retire l'approbation d'une substance active, ou en refuse le renouvellement, pour des raisons liées à la protection de la santé humaine ou animale ou de l'environnement, les produits phytopharmaceutiques qui en contiennent peuvent être, à titre transitoire, produits, stockés et mis en circulation en vue de leur exportation jusqu'à la fin du délai de grâce fixé par le règlement d'exécution. / II. -Lorsque l'approbation d'une substance est arrivée à échéance et que son renouvellement n'est pas demandé, pour des raisons relatives à la protection de la santé humaine ou animale ou de l'environnement, les produits phytopharmaceutiques qui en contiennent peuvent être, à titre transitoire, produits, stockés et mis en circulation en vue de leur exportation jusqu'à une date fixée par un arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture et de l'environnement. Cette date est déterminée sur la base d'une évaluation de l'impact de l'interdiction de production, de stockage et de mise en circulation en vue de leur exportation des produits contenant les substances concernées ".
5. L'interdiction instituée par le IV de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime visant les produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées pour des raisons liées à la protection de la santé humaine ou animale ou de l'environnement conformément au règlement (CE) n° 1107/2009, et prohibant de manière générale la production, le stockage et la circulation de ces produits, ces dispositions doivent être lues comme prévoyant que cette interdiction s'applique dans des conditions conformes à celles prévues par ce règlement. Or, les dispositions de ce règlement citées au point 2 énoncent que le règlement d'exécution portant retrait ou refus de renouvellement de l'approbation d'une substance active peut prévoir, en l'absence de préoccupations immédiates concernant la protection de la santé humaine ou animale ou de l'environnement, un délai de grâce pour la vente, la distribution, le stockage et l'utilisation des stocks existants de produits phytopharmaceutiques contenant cette substance active. Dans ces conditions, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions du I de l'article D. 253-46-1-6 du code rural et de la pêche maritime, issues du décret attaqué, qui prévoient que, lorsqu'un tel délai de grâce a été prévu par un règlement d'exécution retirant ou refusant le renouvellement de l'approbation d'une substance active, les produits phytopharmaceutiques concernés peuvent, à titre transitoire, être produits, stockés et mis en circulation en vue de leur exportation jusqu'à la fin de ce délai de grâce, auraient été prises par une autorité incompétente et méconnaîtraient l'interdiction posée par le IV de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime. Elle n'est pas davantage fondée à soutenir que ces dispositions ne pouvaient faire référence au délai de grâce institué par le règlement (CE) n° 1107/2009 au motif que, régissant l'exportation des produits concernés, elles n'entrent pas dans son champ d'application, dès lors que le IV de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime pose un principe unique d'interdiction de la production, du stockage et de la circulation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées.
6. En revanche, d'une part, les dispositions du paragraphe II de l'article D. 253-46-1-6 du code rural et de la pêche maritime, issues du décret attaqué, en prévoyant que des produits phytopharmaceutiques contenant une substance active dont l'approbation est arrivée à échéance et dont le renouvellement n'a pas été demandé pour des raisons relatives à la protection de la santé humaine ou animale et de l'environnement peuvent être, à titre transitoire, produits, stockés et mis en circulation en vue de leur exportation jusqu'à une date fixée par arrêté, et ne prévoyant, au demeurant, aucun encadrement de la durée de ce délai et aucune prise en compte, dans l'évaluation prévue, des nécessités de protection de la santé humaine ou animale et de l'environnement, méconnaissent les dispositions du IV de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, dès lors que celles-ci ne sauraient être regardées comme permettant une telle autorisation provisoire en l'absence de toute possibilité d'obtenir un délai de grâce en application du règlement n° 1107/2009 du 21 octobre 2009. D'autre part, le législateur ayant lui-même reporté de plus de trois ans l'entrée en vigueur de l'interdiction qu'il édictait, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire ne saurait, en tout état de cause, soutenir que le principe de sécurité juridique ou les dispositions des articles L. 221-5 et L. 221-6 du code des relations du public avec l'administration lui auraient imposé de prévoir, par voie réglementaire, une dérogation à l'interdiction en cause.
7. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Générations Futures est seulement fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir des dispositions du II de l'article D. 253-46-1-6 du code rural et de la pêche maritime, issues du décret du 23 mars 2022.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'article 1er du décret du 23 mars 2022 est annulé en tant qu'il insère un II au sein de l'article D. 253-46-1-6 du code rural et de la pêche maritime.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à l'association Générations Futures au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de l'association Générations Futures est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'association Générations Futures et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Copie en sera adressée au Premier ministre et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré à l'issue de la séance du 14 février 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, conseillers d'Etat et Mme Muriel Deroc, maîtresse des requêtes-rapporteure.
Rendu le 5 mars 2024.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Muriel Deroc
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin