Conseil d'État
N° 467991
ECLI:FR:CECHR:2023:467991.20231201
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème - 6ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
M. Alain Seban, rapporteur
M. Maxime Boutron, rapporteur public
WEIGEL;SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, RAMEIX, avocats
Lecture du vendredi 1 décembre 2023
Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 467991, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 octobre 2022 et 9 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat des radios indépendantes (SIRTI) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de la santé et de la prévention du 29 juillet 2022 relatif au message de mise en garde contre le jeu excessif ou pathologique devant figurer sur les communications commerciales diffusées dans les salles de spectacles cinématographiques par des services de communication audiovisuelle, sur support imprimé, affichage et par voie radiophonique ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 471033, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 février, 3 mai et 7 novembre 2023 et au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Le Bureau de la Radio demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de la santé et de la prévention du 29 juillet 2022 relatif au message de mise en garde contre le jeu excessif ou pathologique devant figurer sur les communications commerciales diffusées dans les salles de spectacles cinématographiques par des services de communication audiovisuelle, sur support imprimé, affichage et par voie radiophonique ainsi que la décision implicite du même ministre rejetant son recours gracieux contre cet arrêté ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le décret n° 2020-1349 du 4 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alain Seban, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de l'association Le Bureau De La Radio ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 novembre 2023, présentée par le Syndicat des radios indépendantes (SIRTI) ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 novembre 2023, présentée par l'association Le Bureau de la Radio ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 320-3 du code de la sécurité intérieure : " La politique de l'Etat en matière de jeux d'argent et de hasard a pour objectif de limiter et d'encadrer l'offre et la consommation des jeux et d'en contrôler l'exploitation afin de : / 1° Prévenir le jeu excessif ou pathologique et protéger les mineurs (...) ". Aux termes de l'article L. 320-12 du même code : " Toute communication commerciale en faveur d'un opérateur de jeux d'argent et de hasard autorisé est : / 1° Assortie d'un message de mise en garde contre le jeu excessif ou pathologique ainsi que d'un message faisant référence au système d'information et d'assistance prévu à l'article 29 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne (...) ", qui dispose qu'" un numéro d'appel téléphonique est mis à la disposition des joueurs excessifs ou pathologiques et de leur entourage par les pouvoirs publics sous la responsabilité de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé. Cet appel est facturé à l'abonné au prix d'un appel local ". Aux termes de l'article D. 320-2 du même code, issu du décret du 4 novembre 2020 relatif aux modalités de régulation de l'Autorité nationale des jeux : " Toute communication commerciale en faveur d'un opérateur de jeux d'argent et de hasard est assortie d'un message de mise en garde contre les risques liés à la pratique du jeu. Ce message, qui doit figurer sur chaque support publicitaire ou promotionnel, contient notamment le numéro du service de communication en ligne du dispositif public d'aide aux joueurs mis en place sous la responsabilité de l'agence nationale de santé publique. / Il est présenté de manière accessible et aisément lisible, conforme à sa vocation de santé publique et clairement distinguable du message publicitaire ou promotionnel qui l'accompagne. / Un arrêté du ministre chargé de la santé précise le contenu, les modalités d'affichage et de diffusion de ce message. " Sur le fondement de ces dernières dispositions a été pris l'arrêté du ministre de la santé et de la prévention du 29 juillet 2022 relatif au message de mise en garde contre le jeu excessif ou pathologique devant figurer sur les communications commerciales diffusées dans les salles de spectacles cinématographiques par des services de communication audiovisuelle, sur support imprimé, affichage et par voie radiophonique. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par une seule décision, le Syndicat des radios indépendantes (SIRTI) et l'association Le Bureau de la Radio demandent l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté, en tant qu'il s'applique à la diffusion du message de mise en garde par voie radiophonique.
2. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté attaqué : " Le message de mise en garde, prévu à l'article D. 320-2 du code de la sécurité intérieure, est le suivant : " Les jeux d'argent et de hasard peuvent être dangereux : pertes d'argent, conflits familiaux, addictions ... Retrouvez nos conseils sur joueurs-info-servive.fr (09 74 75 13 13 - appel non surtaxé ". / (...) Ce message est présenté selon les modalités techniques prévues à l'annexe jointe au présent arrêté. / Le message est présenté de manière accessible et aisément lisible, respectueuse de sa vocation de santé publique et clairement distinguable du message publicitaire ou promotionnel qui l'accompagne ". Et aux termes du III de son annexe : " III. - Messages publicitaires, de parrainage ou promotionnels diffusés par voie radiophonique / Lorsque les messages publicitaires, de parrainage ou promotionnels sont diffusés par voie radiophonique, le message de mise en garde est diffusé immédiatement après le message publicitaire. Pour la radiodiffusion, le message est ainsi adapté : " Les jeux d'argent et de hasard peuvent être dangereux : pertes d'argent, conflits familiaux, addiction ... Retrouvez nos conseils sur joueurs-info-service.fr et au 09 74 75 13 13, appel non surtaxé " ".
Sur la légalité externe :
3. Aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions (...), peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : 1° (...) les directeurs d'administration centrale (...) ". En application de ces dispositions, M. C... B..., nommé directeur général adjoint de la santé par un décret publié au Journal officiel le 27 janvier 2022, était compétent pour signer, au nom du ministre de la santé et de la prévention, l'arrêté attaqué.
4. Aux termes de l'article L. 320-13 du code de la sécurité intérieure : " Une délibération de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique précise les conditions de diffusion, par les services de communication audiovisuelle, des communications commerciales mentionnées au premier alinéa de l'article L. 320-12, notamment les modalités d'application du 3° du même article " Aux termes de l'article D. 320-5 du même code : " La présentation du message de mise en garde mentionné à l'article D. 320-2 respecte les principes fixés aux articles D. 320-8 et D. 320-9 ainsi que les bonnes pratiques définies par la profession et le Conseil supérieur de l'audiovisuel ". Il ne résulte ni de ces dispositions, ni d'aucune autre disposition ou principe, que l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, qui a succédé au Conseil supérieur de l'audiovisuel, devait être consultée préalablement à l'intervention de l'arrêté litigieux, ni que le ministre chargé de la santé était tenu de prendre connaissance, avant d'édicter cet arrêté, des résultats de la consultation publique organisée par cette autorité afin de prendre les dispositions qui lui incombent en application de l'article L. 320-13 du code de la sécurité intérieure.
Sur la légalité interne :
5. Il résulte des dispositions du code de la sécurité intérieure citées au point 1 que la protection de la santé publique est l'une des finalités de la police des jeux, ainsi que le rappelle notamment l'article D. 320-2 de ce code, pour l'application duquel a été pris l'arrêté attaqué. Il ressort des pièces du dossier, notamment des éléments fournis en défense par le ministre chargé de la santé, qu'en dépit des dispositions antérieures analogues établies par le décret du 8 juin 2010 relatif à la réglementation des communications commerciales en faveur des opérateurs de jeux d'argent et de hasard ainsi qu'à l'information des joueurs quant aux risques liés à la pratique du jeu, depuis abrogées par le décret du 4 novembre 2020, l'offre de jeu en ligne, et notamment des paris sportifs en ligne, a connu depuis 2019 un développement important. Cette évolution, ainsi que l'augmentation du nombre de joueurs en ligne observée depuis la période de confinement motivée par l'épidémie de Covid-19, ont eu pour conséquence une augmentation du nombre de joueurs et, parmi ceux-ci, de la part de ceux qui pratiquent le jeu de manière excessive.
6. En premier lieu, si l'association Le Bureau de la Radio soutient que l'arrêté attaqué serait illégal du fait de l'illégalité des dispositions des articles D. 320-2 et D. 320-5 du code de la sécurité intérieure, il ne saurait se déduire, contrairement à ce qui est allégué, des dispositions de l'article D. 320-2 qu'elles ne permettaient pas aux auteurs de l'arrêté attaqué de prévoir que les messages diffusés dans les différents médias seraient substantiellement identiques, sous réserve d'adaptations liées à la nature du support. Cette circonstance n'est constitutive ni d'une méconnaissance du principe d'égalité devant la loi, dès lors que les règles qui sont appliquées au média radio sont en rapport avec la situation particulière qui est la sienne au regard des autres médias, ni du principe de la liberté du commerce et de l'industrie qui doit se concilier avec les exigences découlant de l'ordre public. D'autre part, l'article D. 320-5 du code de la sécurité intérieure pouvait légalement prévoir que le message d'information sur les risques liés au jeu excessif serait diffusé immédiatement après le message publicitaire, plutôt que d'autres modalités que la requérante aurait estimées moins pénalisantes pour les radios.
7. En deuxième lieu, s'il est constant que la durée de lecture à haute voix du message de mise en garde prescrit par l'arrêté attaqué est d'environ 10 secondes, soit le double de la durée du message antérieurement fixé pour les services de radio par le décret du 8 juin 2010, le contenu de ce message, d'une part est adapté à la finalité de protection de la santé publique qu'il poursuit, eu égard au développement important des jeux de hasard et aux risques particuliers qu'ils présentent, d'autre part n'est pas d'une longueur et d'une complexité telles qu'il ne pourrait être regardé comme accessible aux auditeurs et méconnaîtrait ainsi les dispositions de l'article D. 320-2 du code de la sécurité intérieure. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il porterait une atteinte excessive tant au principe de la liberté du commerce et de l'industrie qu'à la libre concurrence sur le marché publicitaire alors même que la longueur du message prescrit peut avoir pour effet de dissuader certains annonceurs du secteur des jeux de hasard de diffuser des messages publicitaires à la radio. Il n'appartenait pas, au demeurant, à l'arrêté attaqué, eu égard à la finalité de santé publique qu'il poursuit, de prendre en compte les équilibres des marchés publicitaires entre les différents médias. Dans ces conditions, le ministre chargé de la santé n'a pas fait un usage excessif des pouvoirs qu'il tient de l'article D. 320-2 du code de la sécurité intérieure.
8. En troisième lieu, s'il résulte des dispositions des articles L. 320-12 et D. 320-2 du code de la sécurité intérieure que le message de prévention du jeu excessif doit mentionner le numéro de téléphone du service national d'aide aux joueurs, ni ces dispositions ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne faisaient obstacle à ce que le ministre de la santé prévoie que le message mentionne également l'adresse du site internet public Joueurs-infoservice.fr, dispositif d'information et de prévention des risques relatifs à la pratique des jeux d'argent et de hasard, mis en oeuvre par Santé publique France et l'Agence nationale de santé publique dès lors que, comme il a été dit, le contenu de ce message, apprécié dans son ensemble, n'est pas illégal.
9. Enfin, si l'application des règles résultant de l'arrêté attaqué aux messages publicitaires diffusés par voie radiophonique, compte tenu des caractéristiques de ce média imposant que le message de mise en garde fasse l'objet d'une lecture à haute voix diffusé immédiatement après le message publicitaire, conduit à traiter ce média différemment des autres médias où le message de mise en garde peut être lu directement par ses destinataires, cette différence de traitement est en rapport direct avec l'objet de la norme et n'est pas manifestement disproportionnée, de sorte que le principe d'égalité n'est pas méconnu.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le SIRTI et l'association Le Bureau de la Radio ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté qu'ils attaquent. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les requêtes du SIRTI et de l'association Le Bureau de la Radio sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au Syndicat des radios indépendantes, à l'association Le Bureau de la Radio et au ministre de la santé et de la prévention.
Copie en sera adressée à la ministre de la culture et à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 13 novembre 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Fabienne Lambolez, conseillères d'Etat, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Stéphane Hoynck, conseillers d'Etat et M. Alain Seban, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 1er décembre 2023.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Alain Seban
La secrétaire :
Signé : Mme Anne-Lise Calvaire
N° 467991
ECLI:FR:CECHR:2023:467991.20231201
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème - 6ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
M. Alain Seban, rapporteur
M. Maxime Boutron, rapporteur public
WEIGEL;SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, RAMEIX, avocats
Lecture du vendredi 1 décembre 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 467991, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 octobre 2022 et 9 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat des radios indépendantes (SIRTI) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de la santé et de la prévention du 29 juillet 2022 relatif au message de mise en garde contre le jeu excessif ou pathologique devant figurer sur les communications commerciales diffusées dans les salles de spectacles cinématographiques par des services de communication audiovisuelle, sur support imprimé, affichage et par voie radiophonique ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 471033, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 février, 3 mai et 7 novembre 2023 et au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Le Bureau de la Radio demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de la santé et de la prévention du 29 juillet 2022 relatif au message de mise en garde contre le jeu excessif ou pathologique devant figurer sur les communications commerciales diffusées dans les salles de spectacles cinématographiques par des services de communication audiovisuelle, sur support imprimé, affichage et par voie radiophonique ainsi que la décision implicite du même ministre rejetant son recours gracieux contre cet arrêté ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le décret n° 2020-1349 du 4 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alain Seban, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de l'association Le Bureau De La Radio ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 novembre 2023, présentée par le Syndicat des radios indépendantes (SIRTI) ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 novembre 2023, présentée par l'association Le Bureau de la Radio ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 320-3 du code de la sécurité intérieure : " La politique de l'Etat en matière de jeux d'argent et de hasard a pour objectif de limiter et d'encadrer l'offre et la consommation des jeux et d'en contrôler l'exploitation afin de : / 1° Prévenir le jeu excessif ou pathologique et protéger les mineurs (...) ". Aux termes de l'article L. 320-12 du même code : " Toute communication commerciale en faveur d'un opérateur de jeux d'argent et de hasard autorisé est : / 1° Assortie d'un message de mise en garde contre le jeu excessif ou pathologique ainsi que d'un message faisant référence au système d'information et d'assistance prévu à l'article 29 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne (...) ", qui dispose qu'" un numéro d'appel téléphonique est mis à la disposition des joueurs excessifs ou pathologiques et de leur entourage par les pouvoirs publics sous la responsabilité de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé. Cet appel est facturé à l'abonné au prix d'un appel local ". Aux termes de l'article D. 320-2 du même code, issu du décret du 4 novembre 2020 relatif aux modalités de régulation de l'Autorité nationale des jeux : " Toute communication commerciale en faveur d'un opérateur de jeux d'argent et de hasard est assortie d'un message de mise en garde contre les risques liés à la pratique du jeu. Ce message, qui doit figurer sur chaque support publicitaire ou promotionnel, contient notamment le numéro du service de communication en ligne du dispositif public d'aide aux joueurs mis en place sous la responsabilité de l'agence nationale de santé publique. / Il est présenté de manière accessible et aisément lisible, conforme à sa vocation de santé publique et clairement distinguable du message publicitaire ou promotionnel qui l'accompagne. / Un arrêté du ministre chargé de la santé précise le contenu, les modalités d'affichage et de diffusion de ce message. " Sur le fondement de ces dernières dispositions a été pris l'arrêté du ministre de la santé et de la prévention du 29 juillet 2022 relatif au message de mise en garde contre le jeu excessif ou pathologique devant figurer sur les communications commerciales diffusées dans les salles de spectacles cinématographiques par des services de communication audiovisuelle, sur support imprimé, affichage et par voie radiophonique. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par une seule décision, le Syndicat des radios indépendantes (SIRTI) et l'association Le Bureau de la Radio demandent l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté, en tant qu'il s'applique à la diffusion du message de mise en garde par voie radiophonique.
2. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté attaqué : " Le message de mise en garde, prévu à l'article D. 320-2 du code de la sécurité intérieure, est le suivant : " Les jeux d'argent et de hasard peuvent être dangereux : pertes d'argent, conflits familiaux, addictions ... Retrouvez nos conseils sur joueurs-info-servive.fr (09 74 75 13 13 - appel non surtaxé ". / (...) Ce message est présenté selon les modalités techniques prévues à l'annexe jointe au présent arrêté. / Le message est présenté de manière accessible et aisément lisible, respectueuse de sa vocation de santé publique et clairement distinguable du message publicitaire ou promotionnel qui l'accompagne ". Et aux termes du III de son annexe : " III. - Messages publicitaires, de parrainage ou promotionnels diffusés par voie radiophonique / Lorsque les messages publicitaires, de parrainage ou promotionnels sont diffusés par voie radiophonique, le message de mise en garde est diffusé immédiatement après le message publicitaire. Pour la radiodiffusion, le message est ainsi adapté : " Les jeux d'argent et de hasard peuvent être dangereux : pertes d'argent, conflits familiaux, addiction ... Retrouvez nos conseils sur joueurs-info-service.fr et au 09 74 75 13 13, appel non surtaxé " ".
Sur la légalité externe :
3. Aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions (...), peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : 1° (...) les directeurs d'administration centrale (...) ". En application de ces dispositions, M. C... B..., nommé directeur général adjoint de la santé par un décret publié au Journal officiel le 27 janvier 2022, était compétent pour signer, au nom du ministre de la santé et de la prévention, l'arrêté attaqué.
4. Aux termes de l'article L. 320-13 du code de la sécurité intérieure : " Une délibération de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique précise les conditions de diffusion, par les services de communication audiovisuelle, des communications commerciales mentionnées au premier alinéa de l'article L. 320-12, notamment les modalités d'application du 3° du même article " Aux termes de l'article D. 320-5 du même code : " La présentation du message de mise en garde mentionné à l'article D. 320-2 respecte les principes fixés aux articles D. 320-8 et D. 320-9 ainsi que les bonnes pratiques définies par la profession et le Conseil supérieur de l'audiovisuel ". Il ne résulte ni de ces dispositions, ni d'aucune autre disposition ou principe, que l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, qui a succédé au Conseil supérieur de l'audiovisuel, devait être consultée préalablement à l'intervention de l'arrêté litigieux, ni que le ministre chargé de la santé était tenu de prendre connaissance, avant d'édicter cet arrêté, des résultats de la consultation publique organisée par cette autorité afin de prendre les dispositions qui lui incombent en application de l'article L. 320-13 du code de la sécurité intérieure.
Sur la légalité interne :
5. Il résulte des dispositions du code de la sécurité intérieure citées au point 1 que la protection de la santé publique est l'une des finalités de la police des jeux, ainsi que le rappelle notamment l'article D. 320-2 de ce code, pour l'application duquel a été pris l'arrêté attaqué. Il ressort des pièces du dossier, notamment des éléments fournis en défense par le ministre chargé de la santé, qu'en dépit des dispositions antérieures analogues établies par le décret du 8 juin 2010 relatif à la réglementation des communications commerciales en faveur des opérateurs de jeux d'argent et de hasard ainsi qu'à l'information des joueurs quant aux risques liés à la pratique du jeu, depuis abrogées par le décret du 4 novembre 2020, l'offre de jeu en ligne, et notamment des paris sportifs en ligne, a connu depuis 2019 un développement important. Cette évolution, ainsi que l'augmentation du nombre de joueurs en ligne observée depuis la période de confinement motivée par l'épidémie de Covid-19, ont eu pour conséquence une augmentation du nombre de joueurs et, parmi ceux-ci, de la part de ceux qui pratiquent le jeu de manière excessive.
6. En premier lieu, si l'association Le Bureau de la Radio soutient que l'arrêté attaqué serait illégal du fait de l'illégalité des dispositions des articles D. 320-2 et D. 320-5 du code de la sécurité intérieure, il ne saurait se déduire, contrairement à ce qui est allégué, des dispositions de l'article D. 320-2 qu'elles ne permettaient pas aux auteurs de l'arrêté attaqué de prévoir que les messages diffusés dans les différents médias seraient substantiellement identiques, sous réserve d'adaptations liées à la nature du support. Cette circonstance n'est constitutive ni d'une méconnaissance du principe d'égalité devant la loi, dès lors que les règles qui sont appliquées au média radio sont en rapport avec la situation particulière qui est la sienne au regard des autres médias, ni du principe de la liberté du commerce et de l'industrie qui doit se concilier avec les exigences découlant de l'ordre public. D'autre part, l'article D. 320-5 du code de la sécurité intérieure pouvait légalement prévoir que le message d'information sur les risques liés au jeu excessif serait diffusé immédiatement après le message publicitaire, plutôt que d'autres modalités que la requérante aurait estimées moins pénalisantes pour les radios.
7. En deuxième lieu, s'il est constant que la durée de lecture à haute voix du message de mise en garde prescrit par l'arrêté attaqué est d'environ 10 secondes, soit le double de la durée du message antérieurement fixé pour les services de radio par le décret du 8 juin 2010, le contenu de ce message, d'une part est adapté à la finalité de protection de la santé publique qu'il poursuit, eu égard au développement important des jeux de hasard et aux risques particuliers qu'ils présentent, d'autre part n'est pas d'une longueur et d'une complexité telles qu'il ne pourrait être regardé comme accessible aux auditeurs et méconnaîtrait ainsi les dispositions de l'article D. 320-2 du code de la sécurité intérieure. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il porterait une atteinte excessive tant au principe de la liberté du commerce et de l'industrie qu'à la libre concurrence sur le marché publicitaire alors même que la longueur du message prescrit peut avoir pour effet de dissuader certains annonceurs du secteur des jeux de hasard de diffuser des messages publicitaires à la radio. Il n'appartenait pas, au demeurant, à l'arrêté attaqué, eu égard à la finalité de santé publique qu'il poursuit, de prendre en compte les équilibres des marchés publicitaires entre les différents médias. Dans ces conditions, le ministre chargé de la santé n'a pas fait un usage excessif des pouvoirs qu'il tient de l'article D. 320-2 du code de la sécurité intérieure.
8. En troisième lieu, s'il résulte des dispositions des articles L. 320-12 et D. 320-2 du code de la sécurité intérieure que le message de prévention du jeu excessif doit mentionner le numéro de téléphone du service national d'aide aux joueurs, ni ces dispositions ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne faisaient obstacle à ce que le ministre de la santé prévoie que le message mentionne également l'adresse du site internet public Joueurs-infoservice.fr, dispositif d'information et de prévention des risques relatifs à la pratique des jeux d'argent et de hasard, mis en oeuvre par Santé publique France et l'Agence nationale de santé publique dès lors que, comme il a été dit, le contenu de ce message, apprécié dans son ensemble, n'est pas illégal.
9. Enfin, si l'application des règles résultant de l'arrêté attaqué aux messages publicitaires diffusés par voie radiophonique, compte tenu des caractéristiques de ce média imposant que le message de mise en garde fasse l'objet d'une lecture à haute voix diffusé immédiatement après le message publicitaire, conduit à traiter ce média différemment des autres médias où le message de mise en garde peut être lu directement par ses destinataires, cette différence de traitement est en rapport direct avec l'objet de la norme et n'est pas manifestement disproportionnée, de sorte que le principe d'égalité n'est pas méconnu.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le SIRTI et l'association Le Bureau de la Radio ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté qu'ils attaquent. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les requêtes du SIRTI et de l'association Le Bureau de la Radio sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au Syndicat des radios indépendantes, à l'association Le Bureau de la Radio et au ministre de la santé et de la prévention.
Copie en sera adressée à la ministre de la culture et à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 13 novembre 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Fabienne Lambolez, conseillères d'Etat, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Stéphane Hoynck, conseillers d'Etat et M. Alain Seban, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 1er décembre 2023.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Alain Seban
La secrétaire :
Signé : Mme Anne-Lise Calvaire