Conseil d'État
N° 459252
ECLI:FR:CECHR:2023:459252.20231113
Inédit au recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
M. Rémy Schwartz, président
Mme Isabelle Lemesle, rapporteur
M. Laurent Domingo, rapporteur public
Lecture du lundi 13 novembre 2023
Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 8 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par la Première ministre sur sa demande tendant à l'édiction du décret prévu à l'article 13 de la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité, codifié au II de l'article L. 423-4 du code de l'environnement ;
2°) d'enjoindre à la Première ministre d'édicter, dans un délai de six mois, ce décret, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. L'article L. 423-4 du code de l'environnement, dans sa rédaction résultant de l'article 13 de la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité, est ainsi rédigé : " I.- Il est créé un fichier national du permis de chasser constitué du fichier central des titres permanents du permis de chasser géré par l'Office français de la biodiversité et du fichier central des validations et autorisations de chasser géré par la Fédération nationale des chasseurs. / Le fichier national du permis de chasser est géré conjointement par l'Office français de la biodiversité et la Fédération nationale des chasseurs. / Les fédérations départementales des chasseurs transmettent quotidiennement à la Fédération nationale des chasseurs la liste de leurs adhérents titulaires d'une validation ou d'une autorisation de chasser. / L'autorité judiciaire informe l'Office français de la biodiversité des peines prononcées en application des articles L. 428-14 et L. 428-15 du présent code ainsi que des retraits du permis de chasser prononcés en vertu des articles 131-14 et 131-16 du code pénal. L'autorité administrative informe l'Office français de la biodiversité des inscriptions au fichier national automatisé des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes prévu à l'article L. 312-16 du code de la sécurité intérieure. / L'Office français de la biodiversité et la Fédération nationale des chasseurs mettent à jour leurs fichiers centraux et actualisent quotidiennement le fichier national du permis de chasser pour lequel ils disposent d'un accès permanent. II.- Un décret pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés précise les modalités de constitution et de mise à jour du fichier national mentionné au I du présent article. Il précise également les conditions dans lesquelles les inspecteurs de l'environnement affectés à l'Office français de la biodiversité et les agents de développement commissionnés et assermentés des fédérations départementales des chasseurs consultent le fichier dans le cadre de leurs missions de police de la chasse. ".
2. L'association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS) demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par la Première ministre sur sa demande tendant à l'édiction du décret prévu par le II de l'article L. 423-4 du code de l'environnement et de lui enjoindre de prendre ce décret dans un délai de six mois, sous astreinte de deux cents euros par jour de retard.
Sur la légalité de la décision attaquée :
3. En vertu de l'article 21 de la Constitution, le Premier ministre " assure l'exécution des lois " et " exerce le pouvoir réglementaire ", sous réserve de la compétence conférée au Président de la République pour les décrets en Conseil des ministres par l'article 13 de la Constitution. L'exercice du pouvoir réglementaire comporte non seulement le droit mais aussi l'obligation de prendre dans un délai raisonnable les mesures qu'implique nécessairement l'application de la loi, hors le cas où le respect des engagements internationaux de la France y ferait obstacle.
4. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 423-4 du code de l'environnement, dans sa version résultant de l'article 13 de la loi du 24 juillet 2019, qu'un décret, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, est nécessaire pour, d'une part, préciser les modalités de constitution et de mise à jour du fichier national du permis de chasser et, d'autre part, définir les conditions de consultation du fichier par les agents de l'Office français de la biodiversité et de la Fédération nationale des chasseurs.
5. En second lieu, à la date de la présente décision, il s'est écoulé plus de quatre ans depuis la promulgation de la loi du 24 juillet 2019. Quand bien même, comme l'allègue le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en défense, l'élaboration du décret se serait heurtée à certaines difficultés d'ordre juridique et technique, du fait notamment des interconnexions devant être réalisées entre le fichier national mentionné à l'article L. 423-4 du code de l'environnement et les fichiers existants consacrés au contrôle des armes, tels que le fichier national des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes (Finiada) et le système d'information sur les armes (SIA), ces difficultés ne sont pas de nature à justifier une abstention qui s'est prolongée au-delà d'un délai raisonnable.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête, que l'ASPAS est fondée à demander l'annulation de la décision de la Première ministre refusant de prendre le décret prévu au II de l'article L. 423-4 du code de l'environnement.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. L'annulation du refus de prendre le décret prévu par le II de l'article L. 423-4 du code de l'environnement implique nécessairement l'édiction de ce décret. Il y a lieu d'enjoindre à la Première ministre de prendre ce décret dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision et, dans les circonstances de l'espèce, de prononcer à l'encontre de l'Etat, à défaut pour la Première ministre de justifier de l'édiction de ce décret dans le délai prescrit, une astreinte de 200 euros par jour de retard jusqu'à la date à laquelle la présente décision aura reçu exécution.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La décision implicite par laquelle la Première ministre a refusé de prendre le décret prévu par le II de l'article L. 423-4 du code de l'environnement dans sa rédaction résultant de l'article 13 de la loi du 24 juillet 2019 est annulée.
Article 2 : Il est enjoint à la Première ministre de prendre ce décret dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association pour la protection des animaux sauvages, à la Première ministre et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
N° 459252
ECLI:FR:CECHR:2023:459252.20231113
Inédit au recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
M. Rémy Schwartz, président
Mme Isabelle Lemesle, rapporteur
M. Laurent Domingo, rapporteur public
Lecture du lundi 13 novembre 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 8 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par la Première ministre sur sa demande tendant à l'édiction du décret prévu à l'article 13 de la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité, codifié au II de l'article L. 423-4 du code de l'environnement ;
2°) d'enjoindre à la Première ministre d'édicter, dans un délai de six mois, ce décret, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. L'article L. 423-4 du code de l'environnement, dans sa rédaction résultant de l'article 13 de la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité, est ainsi rédigé : " I.- Il est créé un fichier national du permis de chasser constitué du fichier central des titres permanents du permis de chasser géré par l'Office français de la biodiversité et du fichier central des validations et autorisations de chasser géré par la Fédération nationale des chasseurs. / Le fichier national du permis de chasser est géré conjointement par l'Office français de la biodiversité et la Fédération nationale des chasseurs. / Les fédérations départementales des chasseurs transmettent quotidiennement à la Fédération nationale des chasseurs la liste de leurs adhérents titulaires d'une validation ou d'une autorisation de chasser. / L'autorité judiciaire informe l'Office français de la biodiversité des peines prononcées en application des articles L. 428-14 et L. 428-15 du présent code ainsi que des retraits du permis de chasser prononcés en vertu des articles 131-14 et 131-16 du code pénal. L'autorité administrative informe l'Office français de la biodiversité des inscriptions au fichier national automatisé des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes prévu à l'article L. 312-16 du code de la sécurité intérieure. / L'Office français de la biodiversité et la Fédération nationale des chasseurs mettent à jour leurs fichiers centraux et actualisent quotidiennement le fichier national du permis de chasser pour lequel ils disposent d'un accès permanent. II.- Un décret pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés précise les modalités de constitution et de mise à jour du fichier national mentionné au I du présent article. Il précise également les conditions dans lesquelles les inspecteurs de l'environnement affectés à l'Office français de la biodiversité et les agents de développement commissionnés et assermentés des fédérations départementales des chasseurs consultent le fichier dans le cadre de leurs missions de police de la chasse. ".
2. L'association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS) demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par la Première ministre sur sa demande tendant à l'édiction du décret prévu par le II de l'article L. 423-4 du code de l'environnement et de lui enjoindre de prendre ce décret dans un délai de six mois, sous astreinte de deux cents euros par jour de retard.
Sur la légalité de la décision attaquée :
3. En vertu de l'article 21 de la Constitution, le Premier ministre " assure l'exécution des lois " et " exerce le pouvoir réglementaire ", sous réserve de la compétence conférée au Président de la République pour les décrets en Conseil des ministres par l'article 13 de la Constitution. L'exercice du pouvoir réglementaire comporte non seulement le droit mais aussi l'obligation de prendre dans un délai raisonnable les mesures qu'implique nécessairement l'application de la loi, hors le cas où le respect des engagements internationaux de la France y ferait obstacle.
4. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 423-4 du code de l'environnement, dans sa version résultant de l'article 13 de la loi du 24 juillet 2019, qu'un décret, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, est nécessaire pour, d'une part, préciser les modalités de constitution et de mise à jour du fichier national du permis de chasser et, d'autre part, définir les conditions de consultation du fichier par les agents de l'Office français de la biodiversité et de la Fédération nationale des chasseurs.
5. En second lieu, à la date de la présente décision, il s'est écoulé plus de quatre ans depuis la promulgation de la loi du 24 juillet 2019. Quand bien même, comme l'allègue le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en défense, l'élaboration du décret se serait heurtée à certaines difficultés d'ordre juridique et technique, du fait notamment des interconnexions devant être réalisées entre le fichier national mentionné à l'article L. 423-4 du code de l'environnement et les fichiers existants consacrés au contrôle des armes, tels que le fichier national des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes (Finiada) et le système d'information sur les armes (SIA), ces difficultés ne sont pas de nature à justifier une abstention qui s'est prolongée au-delà d'un délai raisonnable.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête, que l'ASPAS est fondée à demander l'annulation de la décision de la Première ministre refusant de prendre le décret prévu au II de l'article L. 423-4 du code de l'environnement.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. L'annulation du refus de prendre le décret prévu par le II de l'article L. 423-4 du code de l'environnement implique nécessairement l'édiction de ce décret. Il y a lieu d'enjoindre à la Première ministre de prendre ce décret dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision et, dans les circonstances de l'espèce, de prononcer à l'encontre de l'Etat, à défaut pour la Première ministre de justifier de l'édiction de ce décret dans le délai prescrit, une astreinte de 200 euros par jour de retard jusqu'à la date à laquelle la présente décision aura reçu exécution.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La décision implicite par laquelle la Première ministre a refusé de prendre le décret prévu par le II de l'article L. 423-4 du code de l'environnement dans sa rédaction résultant de l'article 13 de la loi du 24 juillet 2019 est annulée.
Article 2 : Il est enjoint à la Première ministre de prendre ce décret dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association pour la protection des animaux sauvages, à la Première ministre et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la Commission nationale de l'informatique et des libertés.