Conseil d'État
N° 474464
ECLI:FR:CECHS:2023:474464.20231026
Inédit au recueil Lebon
7ème chambre
M. Olivier Japiot, président
M. Hervé Cassara, rapporteur
M. Nicolas Labrune, rapporteur public
SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS, avocats
Lecture du jeudi 26 octobre 2023
Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler la procédure de passation du marché de maîtrise d'oeuvre pour la restauration de l'église protestante Saint-Pierre-le-Jeune à Strasbourg, ainsi que les décisions attribuant ce marché à la société 1090 architectes et rejetant son offre.
Par une ordonnance n° 2302706 du 9 mai 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a annulé la procédure de passation du marché de maîtrise d'oeuvre litigieux, la décision de la commission d'appel d'offres du 2 février 2023 attribuant le marché au groupement conjoint dont la société 1090 architectes est le mandataire solidaire et la décision de rejet de l'offre de M. A....
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 mai, 8 juin et 12 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Strasbourg demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de M. A... ;
3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Hervé Cassara, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la commune de Strasbourg et à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg que, par un avis d'appel public à la concurrence publié le 20 juin 2022, la commune de Strasbourg a engagé une procédure avec négociation en vue de la passation d'un marché de maîtrise d'oeuvre ayant pour objet la restauration de l'église protestante Saint-Pierre-le-Jeune à Strasbourg. Le 2 février 2023, la commission d'appel d'offres a attribué le marché à un groupement conjoint dont la société 1090 architectes est le mandataire solidaire. Par une ordonnance du 9 mai 2023, contre laquelle la commune de Strasbourg se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a annulé dans sa totalité la procédure de passation du marché de maîtrise d'oeuvre litigieux, la décision d'attribution de ce marché et celle rejetant l'offre de M. A....
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation (...) ". Aux termes du I de l'article L. 551-2 du même code : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations ".
3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2141-2 du code de la commande publique : " Sont exclues de la procédure de passation des marchés les personnes qui n'ont pas souscrit les déclarations leur incombant en matière fiscale ou sociale ou n'ont pas acquitté les impôts, taxes, contributions ou cotisations sociales exigibles. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 2143-7 du même code : " L'acheteur accepte comme preuve suffisante attestant que le candidat ne se trouve pas dans un cas d'exclusion mentionné à l'article L. 2141-2, les certificats délivrés par les administrations et organismes compétents. La liste des impôts, taxes, contributions ou cotisations sociales devant donner lieu à délivrance d'un certificat ainsi que la liste des administrations et organismes compétents figurent dans un arrêté du ministre chargé de l'économie annexé au présent code ". Selon son article R. 2143-8 : " Le candidat produit, le cas échéant, les pièces prévues aux articles R. 1263-12, D. 8222-5 ou D. 8222-7 ou D. 8254-2 à D. 8254-5 du code du travail ". Aux termes de l'article R. 2144-4 du même code : " L'acheteur ne peut exiger que du seul candidat auquel il est envisagé d'attribuer le marché qu'il justifie ne pas relever d'un motif d'exclusion de la procédure de passation du marché ". Aux termes de l'article R. 2144-5 du même code : " Lorsque l'acheteur limite le nombre de candidats admis à poursuivre la procédure, les vérifications mentionnées aux articles R. 2144-1, R. 2144-3 et R. 2144-4 interviennent au plus tard avant l'envoi de l'invitation à soumissionner ou à participer au dialogue ". Aux termes de l'article R. 2144-7 du même code : " Si un candidat ou un soumissionnaire se trouve dans un cas d'exclusion, ne satisfait pas aux conditions de participation fixées par l'acheteur, produit, à l'appui de sa candidature, de faux renseignements ou documents, ou ne peut produire dans le délai imparti les documents justificatifs, les moyens de preuve, les compléments ou explications requis par l'acheteur, sa candidature est déclarée irrecevable et le candidat est éliminé. / Dans ce cas, lorsque la vérification des candidatures intervient après la sélection des candidats ou le classement des offres, le candidat ou le soumissionnaire dont la candidature ou l'offre a été classée immédiatement après la sienne est sollicité pour produire les documents nécessaires. Si nécessaire, cette procédure peut être reproduite tant qu'il subsiste des candidatures recevables ou des offres qui n'ont pas été écartées au motif qu'elles sont inappropriées, irrégulières ou inacceptables ".
4. Aux termes de l'article D. 8222-5 du code du travail : " La personne qui contracte, lorsqu'elle n'est pas un particulier répondant aux conditions fixées par l'article D. 8222-4, est considérée comme ayant procédé aux vérifications imposées par l'article L. 8222-1 si elle se fait remettre par son cocontractant, lors de la conclusion et tous les six mois jusqu'à la fin de son exécution : / 1° Une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale prévue à l'article L. 243-15 émanant de l'organisme de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations et des contributions datant de moins de six mois dont elle s'assure de l'authenticité auprès de l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale. (...) ".
5. Il résulte de la combinaison des dispositions citées aux points 3 et 4 que le candidat auquel il est envisagé d'attribuer le marché doit produire des documents attestant notamment qu'il est à jour de ses obligations fiscales et sociales avant la signature du marché. A défaut, son offre doit être rejetée, le candidat dont l'offre a été classée immédiatement après la sienne pouvant se voir attribuer le marché.
6. Aux termes de l'article 8.2 du règlement de la consultation : " L'offre la mieux classée sera donc retenue à titre provisoire en attendant que le ou les candidats produisent les certificats et attestations des articles R. 2143-6 à R. 2143-10 du code de la commande publique. Le délai imparti par le pouvoir adjudicateur pour remettre ces documents ne pourra être supérieur à 6 jours. A défaut, le candidat classé immédiatement après sera sollicité pour produire les documents nécessaires à l'attribution de l'accord cadre et visés à l'article R. 2144-7 dudit code ".
7. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg que le groupement dont le mandataire est la société 1090 architectes a transmis l'ensemble des certificats et attestations prévus par les articles R. 2143-6 à R. 2143-10 du code de la commande publique au stade de sa candidature puis a procédé à une nouvelle transmission entre le 1er mars et le 14 avril 2013 de ces mêmes certificats et attestations en cours de validité. Ces transmissions ont ainsi mis la commune à même de s'assurer que ce groupement était à jour de ses obligations tant lors du dépôt de sa candidature qu'avant la signature du marché, conformément à ce qui a été dit au point 5. Dès lors, la seule circonstance que ces certificats et attestations n'auraient pas été produits dans le délai imparti par les stipulations de l'article 8.2 du règlement de la consultation citées au point précédent est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie. Par suite, en jugeant que cette circonstance constituait un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence susceptible d'avoir lésé M. A..., le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a commis une erreur de droit.
8. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, la commune de Strasbourg est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.
9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par M. A....
10. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 7 que la circonstance, à la supposer avérée, que la communication des certificats et attestations prévus par les articles R. 2143-6 à R. 2143-10 du code de la commande publique ne soit pas intervenue dans le délai prescrit par les stipulations de l'article 8.2 du règlement de la consultation, n'est pas de nature à léser le requérant dès lors qu'il est constant que ces documents attestant que les membres du groupement attributaire étaient à jour de leurs obligations fiscales et sociales avaient été transmis avant la signature du marché.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2152-7 du code de la commande publique : " Le marché est attribué au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse sur la base d'un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution. (...) ". Aux termes de son article R. 2152-7 : " Pour attribuer le marché au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, l'acheteur se fonde : (...) / 2° Soit sur une pluralité de critères non-discriminatoires et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution, parmi lesquels figure le critère du prix ou du coût et un ou plusieurs autres critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux. (...) ". Selon l'article R. 2152-11 du même code : " Les critères d'attribution ainsi que les modalités de leur mise en oeuvre sont indiqués dans les documents de la consultation ". Enfin, son article R. 2152-12 précise que : " Pour les marchés passés selon une procédure formalisée, les critères d'attribution font l'objet d'une pondération ou, lorsque la pondération n'est pas possible pour des raisons objectives, sont indiqués par ordre décroissant d'importance ".
12. L'article 8.1 du règlement de la consultation du marché prévoit un jugement des offres au regard d'un critère de la valeur technique, pondéré à hauteur de 60 points, et d'un critère du prix des prestations, pondéré à hauteur de 40 points. Il précise que le critère du prix des prestations comporte trois sous-critères : le montant global des honoraires, la répartition des honoraires par intervenant et la répartition des honoraires par mission. La répartition des honoraires par intervenant et la répartition des honoraires par mission ne sont pas, contrairement à ce que soutient le requérant, prises en compte au titre de la méthode de notation du critère du prix mais constituent des sous-critères, distincts de celui du montant global des honoraires, qui sont liés à l'objet du marché et qui ont été portés à la connaissance des candidats avec leur pondération.
13. En troisième lieu, en se bornant à indiquer que " les attentes concernant le sous-critère 2.2 ne sont pas clairement explicitées dans le règlement de la consultation présenté par la ville de Strasbourg ", le requérant ne met pas le juge des référés à même d'apprécier la portée et le bien-fondé du moyen qu'il a entendu soulever.
14. En quatrième lieu, si M. A... soutient, d'une part, que l'égalité de traitement des candidats n'a pas été respectée au regard de la note obtenue par l'attributaire sur le sous-critère 2.2 du prix et, d'autre part, que des demandes d'éclaircissements relatives à son offre auraient dû lui être adressées, ce moyen n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, alors au demeurant que le pouvoir adjudicateur n'est jamais tenu d'inviter les candidats à préciser ou compléter, préalablement aux opérations de notation, la teneur d'offres incomplètes ou comportant des contradictions ou ambiguïtés.
15. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 2124-3 du code de la commande publique : " La procédure avec négociation est la procédure par laquelle l'acheteur négocie les conditions du marché avec un ou plusieurs opérateurs économiques ". Aux termes de l'article R. 2161-17 du même code : " Le pouvoir adjudicateur négocie avec tous les soumissionnaires leurs offres initiales et ultérieures, à l'exception des offres finales. / Il peut toutefois attribuer le marché sur la base des offres initiales sans négociation, à condition d'avoir indiqué dans l'avis de marché ou dans l'invitation à confirmer l'intérêt qu'il se réserve la possibilité de le faire ".
16. Il résulte de l'instruction que l'article 8.2 du règlement de la consultation stipule que la commune de Strasbourg se réservait la possibilité d'attribuer le contrat sur la base des offres initiales sans négociation. Par suite et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que le pouvoir adjudicateur aurait négocié avec d'autres candidats, la seule circonstance que celui-ci s'est abstenu de négocier avec le requérant n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure suivie.
17. En dernier lieu, si M. A... soutient que la note qu'il a obtenue sur le sous-critère 1.1 de la valeur technique, relatif à la " Compréhension du programme et/ou des intentions de la maîtrise d'ouvrage, méthodologie proposée pour optimiser les délais d'études et de réalisation ", est injustifiée, il n'appartient pas au juge du référé précontractuel, à qui il incombe seulement de vérifier le respect, par le pouvoir adjudicateur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un contrat, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
18. Il résulte de ce qui précède que la demande de M. A... doit être rejetée.
19. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme de 4 500 euros à verser à la commune de Strasbourg au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour l'ensemble de la procédure. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Strasbourg, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du 9 mai 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.
Article 3 : M. A... versera à la commune de Strasbourg une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. A... devant le Conseil d'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Strasbourg et à M. B... A....
Copie en sera adressée à la société 1090 Architectes.
N° 474464
ECLI:FR:CECHS:2023:474464.20231026
Inédit au recueil Lebon
7ème chambre
M. Olivier Japiot, président
M. Hervé Cassara, rapporteur
M. Nicolas Labrune, rapporteur public
SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS, avocats
Lecture du jeudi 26 octobre 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler la procédure de passation du marché de maîtrise d'oeuvre pour la restauration de l'église protestante Saint-Pierre-le-Jeune à Strasbourg, ainsi que les décisions attribuant ce marché à la société 1090 architectes et rejetant son offre.
Par une ordonnance n° 2302706 du 9 mai 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a annulé la procédure de passation du marché de maîtrise d'oeuvre litigieux, la décision de la commission d'appel d'offres du 2 février 2023 attribuant le marché au groupement conjoint dont la société 1090 architectes est le mandataire solidaire et la décision de rejet de l'offre de M. A....
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 mai, 8 juin et 12 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Strasbourg demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de M. A... ;
3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Hervé Cassara, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la commune de Strasbourg et à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg que, par un avis d'appel public à la concurrence publié le 20 juin 2022, la commune de Strasbourg a engagé une procédure avec négociation en vue de la passation d'un marché de maîtrise d'oeuvre ayant pour objet la restauration de l'église protestante Saint-Pierre-le-Jeune à Strasbourg. Le 2 février 2023, la commission d'appel d'offres a attribué le marché à un groupement conjoint dont la société 1090 architectes est le mandataire solidaire. Par une ordonnance du 9 mai 2023, contre laquelle la commune de Strasbourg se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a annulé dans sa totalité la procédure de passation du marché de maîtrise d'oeuvre litigieux, la décision d'attribution de ce marché et celle rejetant l'offre de M. A....
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation (...) ". Aux termes du I de l'article L. 551-2 du même code : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations ".
3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2141-2 du code de la commande publique : " Sont exclues de la procédure de passation des marchés les personnes qui n'ont pas souscrit les déclarations leur incombant en matière fiscale ou sociale ou n'ont pas acquitté les impôts, taxes, contributions ou cotisations sociales exigibles. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 2143-7 du même code : " L'acheteur accepte comme preuve suffisante attestant que le candidat ne se trouve pas dans un cas d'exclusion mentionné à l'article L. 2141-2, les certificats délivrés par les administrations et organismes compétents. La liste des impôts, taxes, contributions ou cotisations sociales devant donner lieu à délivrance d'un certificat ainsi que la liste des administrations et organismes compétents figurent dans un arrêté du ministre chargé de l'économie annexé au présent code ". Selon son article R. 2143-8 : " Le candidat produit, le cas échéant, les pièces prévues aux articles R. 1263-12, D. 8222-5 ou D. 8222-7 ou D. 8254-2 à D. 8254-5 du code du travail ". Aux termes de l'article R. 2144-4 du même code : " L'acheteur ne peut exiger que du seul candidat auquel il est envisagé d'attribuer le marché qu'il justifie ne pas relever d'un motif d'exclusion de la procédure de passation du marché ". Aux termes de l'article R. 2144-5 du même code : " Lorsque l'acheteur limite le nombre de candidats admis à poursuivre la procédure, les vérifications mentionnées aux articles R. 2144-1, R. 2144-3 et R. 2144-4 interviennent au plus tard avant l'envoi de l'invitation à soumissionner ou à participer au dialogue ". Aux termes de l'article R. 2144-7 du même code : " Si un candidat ou un soumissionnaire se trouve dans un cas d'exclusion, ne satisfait pas aux conditions de participation fixées par l'acheteur, produit, à l'appui de sa candidature, de faux renseignements ou documents, ou ne peut produire dans le délai imparti les documents justificatifs, les moyens de preuve, les compléments ou explications requis par l'acheteur, sa candidature est déclarée irrecevable et le candidat est éliminé. / Dans ce cas, lorsque la vérification des candidatures intervient après la sélection des candidats ou le classement des offres, le candidat ou le soumissionnaire dont la candidature ou l'offre a été classée immédiatement après la sienne est sollicité pour produire les documents nécessaires. Si nécessaire, cette procédure peut être reproduite tant qu'il subsiste des candidatures recevables ou des offres qui n'ont pas été écartées au motif qu'elles sont inappropriées, irrégulières ou inacceptables ".
4. Aux termes de l'article D. 8222-5 du code du travail : " La personne qui contracte, lorsqu'elle n'est pas un particulier répondant aux conditions fixées par l'article D. 8222-4, est considérée comme ayant procédé aux vérifications imposées par l'article L. 8222-1 si elle se fait remettre par son cocontractant, lors de la conclusion et tous les six mois jusqu'à la fin de son exécution : / 1° Une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale prévue à l'article L. 243-15 émanant de l'organisme de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations et des contributions datant de moins de six mois dont elle s'assure de l'authenticité auprès de l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale. (...) ".
5. Il résulte de la combinaison des dispositions citées aux points 3 et 4 que le candidat auquel il est envisagé d'attribuer le marché doit produire des documents attestant notamment qu'il est à jour de ses obligations fiscales et sociales avant la signature du marché. A défaut, son offre doit être rejetée, le candidat dont l'offre a été classée immédiatement après la sienne pouvant se voir attribuer le marché.
6. Aux termes de l'article 8.2 du règlement de la consultation : " L'offre la mieux classée sera donc retenue à titre provisoire en attendant que le ou les candidats produisent les certificats et attestations des articles R. 2143-6 à R. 2143-10 du code de la commande publique. Le délai imparti par le pouvoir adjudicateur pour remettre ces documents ne pourra être supérieur à 6 jours. A défaut, le candidat classé immédiatement après sera sollicité pour produire les documents nécessaires à l'attribution de l'accord cadre et visés à l'article R. 2144-7 dudit code ".
7. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg que le groupement dont le mandataire est la société 1090 architectes a transmis l'ensemble des certificats et attestations prévus par les articles R. 2143-6 à R. 2143-10 du code de la commande publique au stade de sa candidature puis a procédé à une nouvelle transmission entre le 1er mars et le 14 avril 2013 de ces mêmes certificats et attestations en cours de validité. Ces transmissions ont ainsi mis la commune à même de s'assurer que ce groupement était à jour de ses obligations tant lors du dépôt de sa candidature qu'avant la signature du marché, conformément à ce qui a été dit au point 5. Dès lors, la seule circonstance que ces certificats et attestations n'auraient pas été produits dans le délai imparti par les stipulations de l'article 8.2 du règlement de la consultation citées au point précédent est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie. Par suite, en jugeant que cette circonstance constituait un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence susceptible d'avoir lésé M. A..., le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a commis une erreur de droit.
8. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, la commune de Strasbourg est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.
9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par M. A....
10. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 7 que la circonstance, à la supposer avérée, que la communication des certificats et attestations prévus par les articles R. 2143-6 à R. 2143-10 du code de la commande publique ne soit pas intervenue dans le délai prescrit par les stipulations de l'article 8.2 du règlement de la consultation, n'est pas de nature à léser le requérant dès lors qu'il est constant que ces documents attestant que les membres du groupement attributaire étaient à jour de leurs obligations fiscales et sociales avaient été transmis avant la signature du marché.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2152-7 du code de la commande publique : " Le marché est attribué au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse sur la base d'un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution. (...) ". Aux termes de son article R. 2152-7 : " Pour attribuer le marché au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, l'acheteur se fonde : (...) / 2° Soit sur une pluralité de critères non-discriminatoires et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution, parmi lesquels figure le critère du prix ou du coût et un ou plusieurs autres critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux. (...) ". Selon l'article R. 2152-11 du même code : " Les critères d'attribution ainsi que les modalités de leur mise en oeuvre sont indiqués dans les documents de la consultation ". Enfin, son article R. 2152-12 précise que : " Pour les marchés passés selon une procédure formalisée, les critères d'attribution font l'objet d'une pondération ou, lorsque la pondération n'est pas possible pour des raisons objectives, sont indiqués par ordre décroissant d'importance ".
12. L'article 8.1 du règlement de la consultation du marché prévoit un jugement des offres au regard d'un critère de la valeur technique, pondéré à hauteur de 60 points, et d'un critère du prix des prestations, pondéré à hauteur de 40 points. Il précise que le critère du prix des prestations comporte trois sous-critères : le montant global des honoraires, la répartition des honoraires par intervenant et la répartition des honoraires par mission. La répartition des honoraires par intervenant et la répartition des honoraires par mission ne sont pas, contrairement à ce que soutient le requérant, prises en compte au titre de la méthode de notation du critère du prix mais constituent des sous-critères, distincts de celui du montant global des honoraires, qui sont liés à l'objet du marché et qui ont été portés à la connaissance des candidats avec leur pondération.
13. En troisième lieu, en se bornant à indiquer que " les attentes concernant le sous-critère 2.2 ne sont pas clairement explicitées dans le règlement de la consultation présenté par la ville de Strasbourg ", le requérant ne met pas le juge des référés à même d'apprécier la portée et le bien-fondé du moyen qu'il a entendu soulever.
14. En quatrième lieu, si M. A... soutient, d'une part, que l'égalité de traitement des candidats n'a pas été respectée au regard de la note obtenue par l'attributaire sur le sous-critère 2.2 du prix et, d'autre part, que des demandes d'éclaircissements relatives à son offre auraient dû lui être adressées, ce moyen n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, alors au demeurant que le pouvoir adjudicateur n'est jamais tenu d'inviter les candidats à préciser ou compléter, préalablement aux opérations de notation, la teneur d'offres incomplètes ou comportant des contradictions ou ambiguïtés.
15. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 2124-3 du code de la commande publique : " La procédure avec négociation est la procédure par laquelle l'acheteur négocie les conditions du marché avec un ou plusieurs opérateurs économiques ". Aux termes de l'article R. 2161-17 du même code : " Le pouvoir adjudicateur négocie avec tous les soumissionnaires leurs offres initiales et ultérieures, à l'exception des offres finales. / Il peut toutefois attribuer le marché sur la base des offres initiales sans négociation, à condition d'avoir indiqué dans l'avis de marché ou dans l'invitation à confirmer l'intérêt qu'il se réserve la possibilité de le faire ".
16. Il résulte de l'instruction que l'article 8.2 du règlement de la consultation stipule que la commune de Strasbourg se réservait la possibilité d'attribuer le contrat sur la base des offres initiales sans négociation. Par suite et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que le pouvoir adjudicateur aurait négocié avec d'autres candidats, la seule circonstance que celui-ci s'est abstenu de négocier avec le requérant n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure suivie.
17. En dernier lieu, si M. A... soutient que la note qu'il a obtenue sur le sous-critère 1.1 de la valeur technique, relatif à la " Compréhension du programme et/ou des intentions de la maîtrise d'ouvrage, méthodologie proposée pour optimiser les délais d'études et de réalisation ", est injustifiée, il n'appartient pas au juge du référé précontractuel, à qui il incombe seulement de vérifier le respect, par le pouvoir adjudicateur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un contrat, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
18. Il résulte de ce qui précède que la demande de M. A... doit être rejetée.
19. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme de 4 500 euros à verser à la commune de Strasbourg au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour l'ensemble de la procédure. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Strasbourg, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 9 mai 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.
Article 3 : M. A... versera à la commune de Strasbourg une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. A... devant le Conseil d'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Strasbourg et à M. B... A....
Copie en sera adressée à la société 1090 Architectes.