Conseil d'État
N° 468694
ECLI:FR:CECHR:2023:468694.20231013
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère - 4ème chambres réunies
Mme Christine Maugüé , président
Mme Anne Redondo, rapporteur
M. Mathieu Le Coq, rapporteur public
Lecture du vendredi 13 octobre 2023
Vu la procédure suivante :
La société civile immobilière SZ a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du 18 août 2022 par lequel le maire de Cannes a décidé d'exercer le droit de préemption urbain sur les lots n° 1 à 5 de la parcelle cadastrée section CP n° 165 et sur les lots n° 2 et 3 de la parcelle cadastrée section CP n° 166. Par une ordonnance n° 2204672 du 20 octobre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a fait droit à cette demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 et 21 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Cannes demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société SZ ;
3°) de mettre à la charge de la société SZ la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu :
- la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 ;
- la décision d'exécution (UE) 2022/382 du Conseil du 4 mars 2022 ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Anne Redondo, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la commune de Cannes ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif que la société SZ s'est portée acquéreuse auprès de la société Raphaël des lots n°s 1 à 5 de la parcelle cadastrée section CP n° 165 et des lots n°s 2 et 3 de la parcelle cadastrée section CP n° 166 de l'immeuble situé 45, boulevard de la République à Cannes. Par un arrêté du 18 août 2022, la commune de Cannes a exercé le droit de préemption urbain sur ces lots, après que le préfet des Alpes-Maritimes, renonçant pour lui-même à l'exercice de ce droit en application du deuxième alinéa de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, l'y a autorisée par un arrêté du 18 juillet 2022. La société SZ a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice la suspension, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de l'exécution de cette décision de préemption. Par une ordonnance du 20 octobre 2022, contre laquelle la commune de Cannes se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a fait droit à cette demande en jugeant propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté du 18 août 2022 les moyens tirés de ce que le motif retenu pour l'exercice du droit de préemption ne correspondait pas à une action ou opération répondant aux objets définis à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme et de l'absence de justification par la commune d'un projet d'action ou d'aménagement répondant aux objets mentionnés au même article.
2. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, à préserver la qualité de la ressource en eau et à permettre l'adaptation des territoires au recul du trait de côte, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement./ (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 300-1 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser la mutation, le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels, notamment en recherchant l'optimisation de l'utilisation des espaces urbanisés et à urbaniser ".
3. Il résulte des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme cités ci-dessus que, pour exercer légalement ce droit, les collectivités titulaires du droit de préemption urbain doivent, d'une part, justifier, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, faire apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en oeuvre de ce droit doit répondre à un intérêt général suffisant.
4. En premier lieu, pour l'application de ces dispositions, l'hébergement de personnes déplacées en provenance d'Ukraine et bénéficiaires de la protection temporaire instituée, compte tenu du constat d'afflux massif de ces personnes opéré par la décision d'exécution (UE) 2022/382 du Conseil du 4 mars 2022 visée ci-dessus, en application de la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les Etats membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil, peut être regardé comme s'inscrivant dans une politique locale de l'habitat et comme constituant une action ou une opération d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme. Par suite, en retenant comme propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision de préemption en litige le moyen tiré de ce que le motif de la préemption, destinée à permettre à la commune de disposer de locaux pour l'hébergement des personnes déplacées en provenance d'Ukraine, ne constituait pas une action ou une opération d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, le juge des référés du tribunal administratif a commis une erreur de droit.
5. En second lieu, il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif qu'à la date de la décision en litige, la commune de Cannes avait, avec le centre communal d'action sociale, engagé une démarche d'ensemble visant à l'hébergement de personnes déplacées en provenance d'Ukraine, se traduisant en particulier par l'accompagnement de sept cent quatre-vingt-cinq personnes pour permettre leur hébergement dans le secteur privé, l'hébergement de quatre-vingt-douze personnes dans des locaux relevant du patrimoine immobilier de la commune, la transformation de la maison des associations en centre et foyer d'accueil ou encore la préemption d'un immeuble situé 6, rue Mirmont, pour l'accueil de ces personnes. Par suite, le juge des référés du tribunal administratif a entaché son ordonnance de dénaturation en estimant propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision de préemption litigieuse le moyen tiré de ce que la commune de Cannes ne justifiait pas, à la date de cette décision, de la réalité d'un projet.
6. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la commune de Cannes est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
8. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
9. Les moyens invoqués par la société SZ, tirés de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée, de l'insuffisance de sa motivation, de l'illégalité de l'arrêté du 18 juillet 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a renoncé pour lui-même à l'exercice du droit de préemption et a autorisé la commune à l'exercer, de la tardiveté de l'exercice, par la commune, du droit de préemption, de ce que le motif retenu pour l'exercice du droit de préemption ne constituait pas une action ou une opération répondant aux objets définis à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme et, enfin, de l'absence de justification de la réalité d'un projet d'action ou d'aménagement répondant aux objets mentionnés au même article ne sont pas, en l'état de l'instruction, propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.
10. Il suit de là qu'en l'état de l'instruction, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, la société SZ n'est pas fondée à demander la suspension de l'exécution de l'arrêté du 18 août 2022.
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Cannes qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société SZ une somme de 3 000 euros à verser à la commune de Cannes au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du 20 octobre 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Nice est annulée.
Article 2 : La demande présentée par la société SZ devant le juge des référés du tribunal administratif de Nice est rejetée.
Article 3 : La société SZ versera à la commune de Cannes une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Cannes et à la société civile immobilière SZ.
Délibéré à l'issue de la séance du 2 octobre 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Jean-Dominique Langlais, M. Alban de Nervaux, M. Jérôme Marchand-Arvier, conseillers d'Etat ; Mme Agnès Pic, maître des requêtes en service extraordinaire et Mme Anne Redondo, maître des requêtes-rapporteure.
Rendu le 13 octobre 2023.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
La rapporteure :
Signé : Mme Anne Redondo
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber
N° 468694
ECLI:FR:CECHR:2023:468694.20231013
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère - 4ème chambres réunies
Mme Christine Maugüé , président
Mme Anne Redondo, rapporteur
M. Mathieu Le Coq, rapporteur public
Lecture du vendredi 13 octobre 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société civile immobilière SZ a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du 18 août 2022 par lequel le maire de Cannes a décidé d'exercer le droit de préemption urbain sur les lots n° 1 à 5 de la parcelle cadastrée section CP n° 165 et sur les lots n° 2 et 3 de la parcelle cadastrée section CP n° 166. Par une ordonnance n° 2204672 du 20 octobre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a fait droit à cette demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 et 21 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Cannes demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société SZ ;
3°) de mettre à la charge de la société SZ la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu :
- la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 ;
- la décision d'exécution (UE) 2022/382 du Conseil du 4 mars 2022 ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Anne Redondo, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la commune de Cannes ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif que la société SZ s'est portée acquéreuse auprès de la société Raphaël des lots n°s 1 à 5 de la parcelle cadastrée section CP n° 165 et des lots n°s 2 et 3 de la parcelle cadastrée section CP n° 166 de l'immeuble situé 45, boulevard de la République à Cannes. Par un arrêté du 18 août 2022, la commune de Cannes a exercé le droit de préemption urbain sur ces lots, après que le préfet des Alpes-Maritimes, renonçant pour lui-même à l'exercice de ce droit en application du deuxième alinéa de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, l'y a autorisée par un arrêté du 18 juillet 2022. La société SZ a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice la suspension, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de l'exécution de cette décision de préemption. Par une ordonnance du 20 octobre 2022, contre laquelle la commune de Cannes se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a fait droit à cette demande en jugeant propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté du 18 août 2022 les moyens tirés de ce que le motif retenu pour l'exercice du droit de préemption ne correspondait pas à une action ou opération répondant aux objets définis à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme et de l'absence de justification par la commune d'un projet d'action ou d'aménagement répondant aux objets mentionnés au même article.
2. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, à préserver la qualité de la ressource en eau et à permettre l'adaptation des territoires au recul du trait de côte, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement./ (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 300-1 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser la mutation, le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels, notamment en recherchant l'optimisation de l'utilisation des espaces urbanisés et à urbaniser ".
3. Il résulte des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme cités ci-dessus que, pour exercer légalement ce droit, les collectivités titulaires du droit de préemption urbain doivent, d'une part, justifier, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, faire apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en oeuvre de ce droit doit répondre à un intérêt général suffisant.
4. En premier lieu, pour l'application de ces dispositions, l'hébergement de personnes déplacées en provenance d'Ukraine et bénéficiaires de la protection temporaire instituée, compte tenu du constat d'afflux massif de ces personnes opéré par la décision d'exécution (UE) 2022/382 du Conseil du 4 mars 2022 visée ci-dessus, en application de la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les Etats membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil, peut être regardé comme s'inscrivant dans une politique locale de l'habitat et comme constituant une action ou une opération d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme. Par suite, en retenant comme propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision de préemption en litige le moyen tiré de ce que le motif de la préemption, destinée à permettre à la commune de disposer de locaux pour l'hébergement des personnes déplacées en provenance d'Ukraine, ne constituait pas une action ou une opération d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, le juge des référés du tribunal administratif a commis une erreur de droit.
5. En second lieu, il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif qu'à la date de la décision en litige, la commune de Cannes avait, avec le centre communal d'action sociale, engagé une démarche d'ensemble visant à l'hébergement de personnes déplacées en provenance d'Ukraine, se traduisant en particulier par l'accompagnement de sept cent quatre-vingt-cinq personnes pour permettre leur hébergement dans le secteur privé, l'hébergement de quatre-vingt-douze personnes dans des locaux relevant du patrimoine immobilier de la commune, la transformation de la maison des associations en centre et foyer d'accueil ou encore la préemption d'un immeuble situé 6, rue Mirmont, pour l'accueil de ces personnes. Par suite, le juge des référés du tribunal administratif a entaché son ordonnance de dénaturation en estimant propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision de préemption litigieuse le moyen tiré de ce que la commune de Cannes ne justifiait pas, à la date de cette décision, de la réalité d'un projet.
6. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la commune de Cannes est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
8. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
9. Les moyens invoqués par la société SZ, tirés de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée, de l'insuffisance de sa motivation, de l'illégalité de l'arrêté du 18 juillet 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a renoncé pour lui-même à l'exercice du droit de préemption et a autorisé la commune à l'exercer, de la tardiveté de l'exercice, par la commune, du droit de préemption, de ce que le motif retenu pour l'exercice du droit de préemption ne constituait pas une action ou une opération répondant aux objets définis à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme et, enfin, de l'absence de justification de la réalité d'un projet d'action ou d'aménagement répondant aux objets mentionnés au même article ne sont pas, en l'état de l'instruction, propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.
10. Il suit de là qu'en l'état de l'instruction, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, la société SZ n'est pas fondée à demander la suspension de l'exécution de l'arrêté du 18 août 2022.
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Cannes qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société SZ une somme de 3 000 euros à verser à la commune de Cannes au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du 20 octobre 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Nice est annulée.
Article 2 : La demande présentée par la société SZ devant le juge des référés du tribunal administratif de Nice est rejetée.
Article 3 : La société SZ versera à la commune de Cannes une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Cannes et à la société civile immobilière SZ.
Délibéré à l'issue de la séance du 2 octobre 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Jean-Dominique Langlais, M. Alban de Nervaux, M. Jérôme Marchand-Arvier, conseillers d'Etat ; Mme Agnès Pic, maître des requêtes en service extraordinaire et Mme Anne Redondo, maître des requêtes-rapporteure.
Rendu le 13 octobre 2023.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
La rapporteure :
Signé : Mme Anne Redondo
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber