Conseil d'État
N° 466950
ECLI:FR:CECHS:2023:466950.20231011
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre
M. Stéphane Verclytte, président
Mme Cécile Isidoro, rapporteur
M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public
SCP BUK LAMENT - ROBILLOT, avocats
Lecture du mercredi 11 octobre 2023
Vu la procédure suivante :
Mme C... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Pau, d'une part, d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'arrêté du 3 juin 2022 par lequel le président du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques a prononcé son licenciement sans préavis ni indemnité de licenciement à compter du 1er juillet 2022, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision, d'autre part, d'enjoindre au président du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques de procéder à sa réintégration sur son poste de travail dans un délai de quinze jours à compter de l'ordonnance à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard sur le fondement des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Par une ordonnance n°2201578 du 9 août 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Pau a suspendu l'exécution de l'arrêté prononçant le licenciement de Mme B... et enjoint au département des Pyrénées-Atlantiques de la réintégrer dans les effectifs des assistants familiaux du département dans un délai d'un mois.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 août et 8 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département des Pyrénées-Atlantiques demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de Mme B... ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Isidoro, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat du département des Pyrénées Atlantiques et à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de Mme C... B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que Mme B... a été recrutée par les services du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques le 5 mai 2008 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée en vue d'exercer les fonctions d'assistante familiale. Elle a accueilli à titre continu à son domicile deux soeurs, respectivement nées en 2006 et 2007, toutes deux confiées au département des Pyrénées-Atlantiques dans le cadre d'un placement administratif puis judiciaire, peu de temps après leur naissance. A la suite du signalement par l'une de ces soeurs d'un incident survenu le 15 septembre 2021 en raison d'un comportement violent du mari de Mme A..., le département des Pyrénées-Atlantiques a suspendu temporairement l'agrément de Mme B... et engagé, d'une part, une procédure tendant au retrait de son agrément et, d'autre part, une procédure disciplinaire. Après avis de la commission consultative paritaire départementale, le président du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques a, par une décision du 2 févier 2022, maintenu l'agrément de Mme B... en le restreignant de 3 à 2 enfants et en l'assortissant d'un avertissement. Par ailleurs, au terme de la procédure disciplinaire, le président du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques a, par un arrêté du 3 juin 2022, prononcé le licenciement disciplinaire de Mme B... sans préavis ni indemnité de licenciement, à compter du 1er juillet 2022. Mme B... a saisi le tribunal administratif de Pau d'une demande tendant à l'annulation de cette dernière décision et, parallèlement, sur le fondement de l'article L.521-1 du code de justice administrative, d'une demande de suspension de son exécution. Le département des Pyrénées-Atlantiques se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 9 août 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Pau a suspendu la décision de licenciement et lui a enjoint de réintégrer Mme B....
2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. / (...) La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision ".
3. D'une part, aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'agrément nécessaire pour exercer la profession d'assistant maternel ou d'assistant familial est délivré par le président du conseil départemental du département où le demandeur réside. (...) ". Le troisième alinéa de l'article L. 421-6 du même code dispose que : " Si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, le président du conseil départemental peut, après avis d'une commission consultative paritaire départementale, modifier le contenu de l'agrément ou précéder à son retrait. En cas d'urgence, le président du conseil départemental peut suspendre l'agrément. ". Enfin, aux termes de l'article R. 421-6 du code précité : " Un manquement grave ou des manquements répétés aux obligations d'inscription, de déclaration et de notification prévues aux articles R. 421-18-1, R. 421-38, aux quatre premiers alinéas de l'article R. 421-39, et aux articles R. 421-40 et R. 421-41 (...) peuvent justifier, après avertissement, un retrait d'agrément ". D'autre part, aux termes de l'article R. 422-20 du code précité : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux assistantes et assistants maternels sont : 1° L'avertissement ; 2° Le blâme ; 3° Le licenciement ".
4. L'avertissement préalable à une décision de retrait d'agrément prévu par les dispositions précitées de l'article R. 421-6 du code de l'action sociale et des familles ne constitue pas, à la différence de l'avertissement prévu par les dispositions de l'article R. 422-20 du même code, une sanction disciplinaire mais une mesure préalable à une mesure de police administrative. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la décision du 2 février 2022 par laquelle le président du conseil départemental des Pyrénées a assorti la restriction de l'agrément de Mme B... d'un avertissement a été prise sur le fondement et pour l'application des dispositions de l'article R. 421-26 du code de l'action sociale et des familles. Par suite, le juge des référés a commis une erreur de droit en jugeant que le moyen tiré de ce que le prononcé de la sanction disciplinaire de licenciement sans préavis ni indemnité méconnaissait le principe non bis in idem au motif que Mme B... aurait déjà fait l'objet, à raison de cet avertissement, d'une sanction disciplinaire pour les mêmes faits, et que ce moyen était de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision litigieuse. Son ordonnance doit par suite être annulée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application de l'article L. 821-1 du code de justice administrative.
Sur l'intervention de la Fédération nationale des assistants familiaux et de la protection de l'enfance :
6. La Fédération nationale des assistants familiaux et de la protection de l'enfance ayant intérêt à l'annulation de la décision attaquée, son intervention est admise.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le département des Pyrénées-Atlantiques :
7. Aux termes de l'article R. 522-1 du code de justice administrative : " (...) A peine d'irrecevabilité, les conclusions tendant à la suspension d'une décision administrative ou de certains de ses effets doivent être présentées par requête distincte de la requête à fin d'annulation ou de réformation et accompagnées d'une copie de cette dernière. ". Il résulte de ces dispositions qu'une demande tendant à la suspension de l'exécution d'une décision administrative ou de certains de ses effets est irrecevable si elle n'est pas accompagnée d'une copie de la demande à fin d'annulation ou de réformation de cette décision.
8. Si le département des Pyrénées-Atlantiques soutient que la demande de suspension a été présentée par Mme B... en méconnaissance des dispositions de l'article R. 522-1 du code de justice administrative, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'une requête en annulation de l'arrêté attaqué a été bien été enregistrée le 14 juillet 2022. La fin de non-recevoir soulevée par le département des Pyrénées-Atlantiques ne peut, dès lors, qu'être écartée.
Sur l'urgence :
9. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. Il en va ainsi, alors même que cette décision n'aurait un objet ou des répercussions que purement financiers et que, en cas d'annulation, ses effets pourraient être effacés par une réparation pécuniaire.
10. Il ressort des éléments versés au dossier de la procédure de référé que le licenciement de Mme B... la prive de ressources financières conséquentes de l'ordre de plus de 2 000 euros par mois, alors que son époux est dépourvu d'emploi et qu'elle doit faire face à des charges liées à divers crédits et aux charges de la vie courante. Cette situation financière préjudicie de manière grave et immédiate aux intérêts de Mme B..., que ne suffit pas à compenser la perception d'éventuelles indemnités journalières de maladie. Dès lors, la condition d'urgence doit être regardée comme remplie.
Sur le doute sérieux :
11. Il résulte de l'instruction que le président du conseil départemental s'est fondé sur cinq manquements pour justifier le licenciement à titre disciplinaire de Mme B.... En l'état de l'instruction, il apparaît que Mme B... a effectivement manqué à son obligation d'information du service d'aide sociale à l'enfance sur la situation et les difficultés rencontrées, en particulier lors d'incidents survenus en septembre 2021 du fait de l'attitude violente de son mari à l'égard de l'un des enfants qu'elle accueillait. En revanche, s'agissant du refus d'accompagnement professionnel qui lui est reproché, Mme B... elle-même s'est rendue à de nombreux rendez-vous collectifs et individuels entre août 2019 et août 2021, le refus invoqué ne portant que sur les rendez-vous impliquant son mari, en raison de l'opposition de celui-ci. S'agissant du grief tenant au défaut de soin et à la mise en danger de l'enfant confié à sa charge et souffrant de diabète, la gravité des manquements invoqués n'est, en l'état de l'instruction, pas établie. Enfin, le grief tenant à la difficulté à prendre en compte les besoins particuliers de chaque enfant et l'incapacité à les accompagner et à leur proposer un cadre sécurisant, et le grief tenant au non-respect de l'application des décisions de l'autorité hiérarchique ne sont pas, en l'état de l'instruction, suffisamment étayés, alors même que Mme B... accueillait ces mêmes enfants depuis le plus jeune âge. Il résulte également de l'instruction, au demeurant, que les mêmes faits ont été regardés par le président du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques comme justifiant non un retrait de l'agrément de Mme B..., mais seulement une restriction de ce dernier à l'accueil de deux enfants, assortie d'un avertissement. Dans ces conditions, et en l'état de l'instruction, le moyen tiré de ce que le département aurait commis une erreur d'appréciation en prononçant, pour les motifs rappelés ci-dessus, une sanction de licenciement sans préavis ni indemnité de licenciement est de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête, à demander la suspension de l'arrêté attaqué jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur sa légalité.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Il y a lieu d'enjoindre au président du département des Pyrénées-Atlantiques de procéder à la réintégration de Mme B... dans les effectifs d'assistants familiaux du département dans un délai d'un mois à compter de l'ordonnance à intervenir, sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département des Pyrénées-Atlantiques la somme de 3 500 euros que Mme B... demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du 9 août 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Pau est annulée.
Article 2 : L'intervention de la Fédération nationale des assistants familiaux et de la protection de l'enfance est admise.
Article 3 : L'exécution de l'arrêté du président du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques du 3 juin 2022 est suspendue jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur sa légalité.
Article 4 : Il est enjoint au président du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques de réintégrer Mme B... dans les effectifs d'assistants familiaux du département dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 5 : Le département des Pyrénées-Atlantiques versera la somme de 3 500 euros à Mme B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : La présente décision sera notifiée au département des Pyrénées-Atlantiques et à Mme B....
Délibéré à l'issue de la séance du 21 septembre 2023 où siégeaient : M. Stéphane Verclytte, président de chambre, présidant ; M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat et Mme Cécile Isidoro, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 11 octobre 2023.
Le président :
Signé : M. Stéphane Verclytte
La rapporteure :
Signé : Mme Cécile Isidoro
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova
N° 466950
ECLI:FR:CECHS:2023:466950.20231011
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre
M. Stéphane Verclytte, président
Mme Cécile Isidoro, rapporteur
M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public
SCP BUK LAMENT - ROBILLOT, avocats
Lecture du mercredi 11 octobre 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Mme C... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Pau, d'une part, d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'arrêté du 3 juin 2022 par lequel le président du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques a prononcé son licenciement sans préavis ni indemnité de licenciement à compter du 1er juillet 2022, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision, d'autre part, d'enjoindre au président du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques de procéder à sa réintégration sur son poste de travail dans un délai de quinze jours à compter de l'ordonnance à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard sur le fondement des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Par une ordonnance n°2201578 du 9 août 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Pau a suspendu l'exécution de l'arrêté prononçant le licenciement de Mme B... et enjoint au département des Pyrénées-Atlantiques de la réintégrer dans les effectifs des assistants familiaux du département dans un délai d'un mois.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 août et 8 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département des Pyrénées-Atlantiques demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de Mme B... ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Isidoro, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat du département des Pyrénées Atlantiques et à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de Mme C... B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que Mme B... a été recrutée par les services du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques le 5 mai 2008 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée en vue d'exercer les fonctions d'assistante familiale. Elle a accueilli à titre continu à son domicile deux soeurs, respectivement nées en 2006 et 2007, toutes deux confiées au département des Pyrénées-Atlantiques dans le cadre d'un placement administratif puis judiciaire, peu de temps après leur naissance. A la suite du signalement par l'une de ces soeurs d'un incident survenu le 15 septembre 2021 en raison d'un comportement violent du mari de Mme A..., le département des Pyrénées-Atlantiques a suspendu temporairement l'agrément de Mme B... et engagé, d'une part, une procédure tendant au retrait de son agrément et, d'autre part, une procédure disciplinaire. Après avis de la commission consultative paritaire départementale, le président du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques a, par une décision du 2 févier 2022, maintenu l'agrément de Mme B... en le restreignant de 3 à 2 enfants et en l'assortissant d'un avertissement. Par ailleurs, au terme de la procédure disciplinaire, le président du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques a, par un arrêté du 3 juin 2022, prononcé le licenciement disciplinaire de Mme B... sans préavis ni indemnité de licenciement, à compter du 1er juillet 2022. Mme B... a saisi le tribunal administratif de Pau d'une demande tendant à l'annulation de cette dernière décision et, parallèlement, sur le fondement de l'article L.521-1 du code de justice administrative, d'une demande de suspension de son exécution. Le département des Pyrénées-Atlantiques se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 9 août 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Pau a suspendu la décision de licenciement et lui a enjoint de réintégrer Mme B....
2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. / (...) La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision ".
3. D'une part, aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'agrément nécessaire pour exercer la profession d'assistant maternel ou d'assistant familial est délivré par le président du conseil départemental du département où le demandeur réside. (...) ". Le troisième alinéa de l'article L. 421-6 du même code dispose que : " Si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, le président du conseil départemental peut, après avis d'une commission consultative paritaire départementale, modifier le contenu de l'agrément ou précéder à son retrait. En cas d'urgence, le président du conseil départemental peut suspendre l'agrément. ". Enfin, aux termes de l'article R. 421-6 du code précité : " Un manquement grave ou des manquements répétés aux obligations d'inscription, de déclaration et de notification prévues aux articles R. 421-18-1, R. 421-38, aux quatre premiers alinéas de l'article R. 421-39, et aux articles R. 421-40 et R. 421-41 (...) peuvent justifier, après avertissement, un retrait d'agrément ". D'autre part, aux termes de l'article R. 422-20 du code précité : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux assistantes et assistants maternels sont : 1° L'avertissement ; 2° Le blâme ; 3° Le licenciement ".
4. L'avertissement préalable à une décision de retrait d'agrément prévu par les dispositions précitées de l'article R. 421-6 du code de l'action sociale et des familles ne constitue pas, à la différence de l'avertissement prévu par les dispositions de l'article R. 422-20 du même code, une sanction disciplinaire mais une mesure préalable à une mesure de police administrative. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la décision du 2 février 2022 par laquelle le président du conseil départemental des Pyrénées a assorti la restriction de l'agrément de Mme B... d'un avertissement a été prise sur le fondement et pour l'application des dispositions de l'article R. 421-26 du code de l'action sociale et des familles. Par suite, le juge des référés a commis une erreur de droit en jugeant que le moyen tiré de ce que le prononcé de la sanction disciplinaire de licenciement sans préavis ni indemnité méconnaissait le principe non bis in idem au motif que Mme B... aurait déjà fait l'objet, à raison de cet avertissement, d'une sanction disciplinaire pour les mêmes faits, et que ce moyen était de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision litigieuse. Son ordonnance doit par suite être annulée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application de l'article L. 821-1 du code de justice administrative.
Sur l'intervention de la Fédération nationale des assistants familiaux et de la protection de l'enfance :
6. La Fédération nationale des assistants familiaux et de la protection de l'enfance ayant intérêt à l'annulation de la décision attaquée, son intervention est admise.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le département des Pyrénées-Atlantiques :
7. Aux termes de l'article R. 522-1 du code de justice administrative : " (...) A peine d'irrecevabilité, les conclusions tendant à la suspension d'une décision administrative ou de certains de ses effets doivent être présentées par requête distincte de la requête à fin d'annulation ou de réformation et accompagnées d'une copie de cette dernière. ". Il résulte de ces dispositions qu'une demande tendant à la suspension de l'exécution d'une décision administrative ou de certains de ses effets est irrecevable si elle n'est pas accompagnée d'une copie de la demande à fin d'annulation ou de réformation de cette décision.
8. Si le département des Pyrénées-Atlantiques soutient que la demande de suspension a été présentée par Mme B... en méconnaissance des dispositions de l'article R. 522-1 du code de justice administrative, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'une requête en annulation de l'arrêté attaqué a été bien été enregistrée le 14 juillet 2022. La fin de non-recevoir soulevée par le département des Pyrénées-Atlantiques ne peut, dès lors, qu'être écartée.
Sur l'urgence :
9. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. Il en va ainsi, alors même que cette décision n'aurait un objet ou des répercussions que purement financiers et que, en cas d'annulation, ses effets pourraient être effacés par une réparation pécuniaire.
10. Il ressort des éléments versés au dossier de la procédure de référé que le licenciement de Mme B... la prive de ressources financières conséquentes de l'ordre de plus de 2 000 euros par mois, alors que son époux est dépourvu d'emploi et qu'elle doit faire face à des charges liées à divers crédits et aux charges de la vie courante. Cette situation financière préjudicie de manière grave et immédiate aux intérêts de Mme B..., que ne suffit pas à compenser la perception d'éventuelles indemnités journalières de maladie. Dès lors, la condition d'urgence doit être regardée comme remplie.
Sur le doute sérieux :
11. Il résulte de l'instruction que le président du conseil départemental s'est fondé sur cinq manquements pour justifier le licenciement à titre disciplinaire de Mme B.... En l'état de l'instruction, il apparaît que Mme B... a effectivement manqué à son obligation d'information du service d'aide sociale à l'enfance sur la situation et les difficultés rencontrées, en particulier lors d'incidents survenus en septembre 2021 du fait de l'attitude violente de son mari à l'égard de l'un des enfants qu'elle accueillait. En revanche, s'agissant du refus d'accompagnement professionnel qui lui est reproché, Mme B... elle-même s'est rendue à de nombreux rendez-vous collectifs et individuels entre août 2019 et août 2021, le refus invoqué ne portant que sur les rendez-vous impliquant son mari, en raison de l'opposition de celui-ci. S'agissant du grief tenant au défaut de soin et à la mise en danger de l'enfant confié à sa charge et souffrant de diabète, la gravité des manquements invoqués n'est, en l'état de l'instruction, pas établie. Enfin, le grief tenant à la difficulté à prendre en compte les besoins particuliers de chaque enfant et l'incapacité à les accompagner et à leur proposer un cadre sécurisant, et le grief tenant au non-respect de l'application des décisions de l'autorité hiérarchique ne sont pas, en l'état de l'instruction, suffisamment étayés, alors même que Mme B... accueillait ces mêmes enfants depuis le plus jeune âge. Il résulte également de l'instruction, au demeurant, que les mêmes faits ont été regardés par le président du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques comme justifiant non un retrait de l'agrément de Mme B..., mais seulement une restriction de ce dernier à l'accueil de deux enfants, assortie d'un avertissement. Dans ces conditions, et en l'état de l'instruction, le moyen tiré de ce que le département aurait commis une erreur d'appréciation en prononçant, pour les motifs rappelés ci-dessus, une sanction de licenciement sans préavis ni indemnité de licenciement est de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête, à demander la suspension de l'arrêté attaqué jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur sa légalité.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Il y a lieu d'enjoindre au président du département des Pyrénées-Atlantiques de procéder à la réintégration de Mme B... dans les effectifs d'assistants familiaux du département dans un délai d'un mois à compter de l'ordonnance à intervenir, sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département des Pyrénées-Atlantiques la somme de 3 500 euros que Mme B... demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du 9 août 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Pau est annulée.
Article 2 : L'intervention de la Fédération nationale des assistants familiaux et de la protection de l'enfance est admise.
Article 3 : L'exécution de l'arrêté du président du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques du 3 juin 2022 est suspendue jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur sa légalité.
Article 4 : Il est enjoint au président du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques de réintégrer Mme B... dans les effectifs d'assistants familiaux du département dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 5 : Le département des Pyrénées-Atlantiques versera la somme de 3 500 euros à Mme B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : La présente décision sera notifiée au département des Pyrénées-Atlantiques et à Mme B....
Délibéré à l'issue de la séance du 21 septembre 2023 où siégeaient : M. Stéphane Verclytte, président de chambre, présidant ; M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat et Mme Cécile Isidoro, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 11 octobre 2023.
Le président :
Signé : M. Stéphane Verclytte
La rapporteure :
Signé : Mme Cécile Isidoro
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova