Conseil d'État
N° 468050
ECLI:FR:CECHR:2023:468050.20230927
Inédit au recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
M. Christophe Chantepy, président
M. Alexandre Trémolière, rapporteur
Mme Dorothée Pradines, rapporteur public
CARVE A.A.R.P.I, avocats
Lecture du mercredi 27 septembre 2023
Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 5 octobre 2022, 3 janvier 2023 et 23 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Coyote System demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-1119 du 3 août 2022 relatif aux services numériques d'assistance aux déplacements ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 août 2022 du ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports, relatif aux services numériques d'assistance aux déplacements ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le code de l'environnement ;
- le code des transports ;
- la décision du 11 juillet 2023 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Coyote System ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexandre Trémolière, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique,
Considérant ce qui suit :
1. La société Coyote System demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2022-1119 du 3 août 2022 relatif aux services numériques d'assistance aux déplacements et de l'arrêté du même jour du ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports, pris pour l'application des articles D. 1115-18 à D. 1115-21 du code des transports, issues de ce décret.
2. Aux termes du I de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement : " I. - Le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public, prévu à l'article 7 de la Charte de l'environnement, est applicable aux décisions, autres que les décisions individuelles, des autorités publiques ayant une incidence sur l'environnement lorsque celles-ci ne sont pas soumises, par les dispositions législatives qui leur sont applicables, à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration. / Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux décisions qui modifient, prorogent, retirent ou abrogent les décisions mentionnées à l'alinéa précédent soumises à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration. / Ne sont pas regardées comme ayant une incidence sur l'environnement les décisions qui ont sur ce dernier un effet indirect ou non significatif (...) ".
3. Le décret attaqué a pour objet de définir les informations que les services numériques d'assistance aux déplacements doivent porter à la connaissance de leurs utilisateurs ou leur rendre accessibles, en particulier en ce qui concerne les différents modes de transport utilisables pour se rendre d'un point à un autre, les restrictions de circulation visant les poids lourds, les effets de l'utilisation d'un véhicule individuel et les émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques pour chaque itinéraire proposé, et de leur imposer, lorsqu'ils proposent des itinéraires, de tenir compte de la qualification de voies comme secondaires au sens du 2° de l'article L. 1115-8-1 du code des transports, afin d'en limiter l'utilisation, et de mettre en avant les itinéraires dont l'impact est le plus faible en termes d'émissions de gaz à effet de serre. Eu égard à sa finalité et à sa portée, ce décret, en encadrant les informations et les propositions fournies aux utilisateurs de véhicules individuels et de services de transports par les services numériques d'assistance aux déplacements, qu'ils consultent massivement, contribue à modifier leurs comportements au regard, en particulier, des incidences environnementales du choix des modes de transport et des trajets qu'ils empruntent. Dans ces conditions, il doit être regardé comme ayant une incidence directe et significative sur l'environnement, au sens des dispositions de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement précédemment citées. Son adoption devait, par conséquent, être précédée, à peine d'illégalité, d'une consultation préalable du public conformément à ces dispositions. Par suite, la société requérante est fondée à soutenir que le décret attaqué a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors que ses dispositions n'ont pas fait l'objet d'une consultation du public préalablement à leur adoption.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête et sans qu'il y ait lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que la société Coyote System est fondée à demander l'annulation du décret du 3 août 2022 ainsi que, par voie de conséquence, de l'arrêté du même jour.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Coyote System, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le décret n° 2022-1119 du 3 août 2022 relatif aux services numériques d'assistance aux déplacements et l'arrêté du 3 août 2022 du ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports, relatif aux services numériques d'assistance aux déplacements sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à la société Coyote System une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Coyote System, à la Première ministre, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la ministre de la transition énergétique.
Délibéré à l'issue de la séance du 8 septembre 2023 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. Olivier Rousselle, M. Benoît Bohnert, Mme Anne Courrèges, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et M. Alexandre Trémolière, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 27 septembre 2023.
Le président :
Signé : M. Christophe Chantepy
Le rapporteur :
Signé : M. Alexandre Trémolière
La secrétaire :
Signé : Mme Eliane Evrard
N° 468050
ECLI:FR:CECHR:2023:468050.20230927
Inédit au recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
M. Christophe Chantepy, président
M. Alexandre Trémolière, rapporteur
Mme Dorothée Pradines, rapporteur public
CARVE A.A.R.P.I, avocats
Lecture du mercredi 27 septembre 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 5 octobre 2022, 3 janvier 2023 et 23 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Coyote System demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-1119 du 3 août 2022 relatif aux services numériques d'assistance aux déplacements ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 août 2022 du ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports, relatif aux services numériques d'assistance aux déplacements ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le code de l'environnement ;
- le code des transports ;
- la décision du 11 juillet 2023 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Coyote System ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexandre Trémolière, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique,
Considérant ce qui suit :
1. La société Coyote System demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2022-1119 du 3 août 2022 relatif aux services numériques d'assistance aux déplacements et de l'arrêté du même jour du ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports, pris pour l'application des articles D. 1115-18 à D. 1115-21 du code des transports, issues de ce décret.
2. Aux termes du I de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement : " I. - Le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public, prévu à l'article 7 de la Charte de l'environnement, est applicable aux décisions, autres que les décisions individuelles, des autorités publiques ayant une incidence sur l'environnement lorsque celles-ci ne sont pas soumises, par les dispositions législatives qui leur sont applicables, à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration. / Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux décisions qui modifient, prorogent, retirent ou abrogent les décisions mentionnées à l'alinéa précédent soumises à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration. / Ne sont pas regardées comme ayant une incidence sur l'environnement les décisions qui ont sur ce dernier un effet indirect ou non significatif (...) ".
3. Le décret attaqué a pour objet de définir les informations que les services numériques d'assistance aux déplacements doivent porter à la connaissance de leurs utilisateurs ou leur rendre accessibles, en particulier en ce qui concerne les différents modes de transport utilisables pour se rendre d'un point à un autre, les restrictions de circulation visant les poids lourds, les effets de l'utilisation d'un véhicule individuel et les émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques pour chaque itinéraire proposé, et de leur imposer, lorsqu'ils proposent des itinéraires, de tenir compte de la qualification de voies comme secondaires au sens du 2° de l'article L. 1115-8-1 du code des transports, afin d'en limiter l'utilisation, et de mettre en avant les itinéraires dont l'impact est le plus faible en termes d'émissions de gaz à effet de serre. Eu égard à sa finalité et à sa portée, ce décret, en encadrant les informations et les propositions fournies aux utilisateurs de véhicules individuels et de services de transports par les services numériques d'assistance aux déplacements, qu'ils consultent massivement, contribue à modifier leurs comportements au regard, en particulier, des incidences environnementales du choix des modes de transport et des trajets qu'ils empruntent. Dans ces conditions, il doit être regardé comme ayant une incidence directe et significative sur l'environnement, au sens des dispositions de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement précédemment citées. Son adoption devait, par conséquent, être précédée, à peine d'illégalité, d'une consultation préalable du public conformément à ces dispositions. Par suite, la société requérante est fondée à soutenir que le décret attaqué a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors que ses dispositions n'ont pas fait l'objet d'une consultation du public préalablement à leur adoption.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête et sans qu'il y ait lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que la société Coyote System est fondée à demander l'annulation du décret du 3 août 2022 ainsi que, par voie de conséquence, de l'arrêté du même jour.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Coyote System, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le décret n° 2022-1119 du 3 août 2022 relatif aux services numériques d'assistance aux déplacements et l'arrêté du 3 août 2022 du ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports, relatif aux services numériques d'assistance aux déplacements sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à la société Coyote System une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Coyote System, à la Première ministre, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la ministre de la transition énergétique.
Délibéré à l'issue de la séance du 8 septembre 2023 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. Olivier Rousselle, M. Benoît Bohnert, Mme Anne Courrèges, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et M. Alexandre Trémolière, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 27 septembre 2023.
Le président :
Signé : M. Christophe Chantepy
Le rapporteur :
Signé : M. Alexandre Trémolière
La secrétaire :
Signé : Mme Eliane Evrard