Conseil d'État
N° 487891
ECLI:FR:CEORD:2023:487891.20230907
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés, formation collégiale
M. Pierre Collin, président
M. B Bohnert, rapporteur
Lecture du jeudi 7 septembre 2023
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er et 5 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Action droits des musulmans demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de la décision du 27 août 2023 du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse portant interdiction du port de l'abaya, y compris le port du qamis, dans l'enceinte des écoles, collèges et lycées publics, telle que confirmée par la décision du 31 août 2023 et par une lettre aux parents d'élèves du 31 août 2023 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le Conseil d'Etat est compétent dès lors que la déclaration du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur la chaîne TF1 du 27 août 2023, la note de service et la lettre adressée aux parents d'élèves du 31 août 2023 produisent des effets notables sur la situation de tiers à l'administration et qu'elles ont le caractère d'une instruction de portée générale adressée aux familles et aux chefs d'établissement ;
- elle a intérêt à agir eu égard à son objet social ;
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que la décision attaquée porte une atteinte grave à plusieurs libertés fondamentales et qu'elle doit prendre effet dans un délai très court, dès le lundi 4 septembre 2023 ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;
- la décision attaquée porte atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale dès lors que, d'une part, les élèves des établissements publics souhaitant porter l'abaya ou le qamis se verront interdire le port d'une tenue vestimentaire leur permettant d'exprimer leur attachement à une culture ou à une région géographique, les privant ainsi de la possibilité d'accomplir leur personnalité et, d'autre part, qu'elle encourage les personnels de l'éducation nationale à exiger des élèves qu'ils divulguent leurs convictions religieuses afin de déterminer si leurs tenues revêtent ou non un caractère religieux ;
- la décision attaquée porte atteinte à la liberté de culte en ce que, d'une part, elle qualifie un vêtement de religieux sans que les autorités cultuelles de ladite religion le qualifie comme tel et, d'autre part, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse avait considéré, en juin 2023, que le port de l'abaya ou du qamis ne revêtait pas en soi un caractère religieux ;
- la décision attaquée porte atteinte au droit à l'éducation et à l'intérêt supérieur de l'enfant dès lors qu'en associant de manière irrévocable le port de l'abaya et du qamis à des tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse elle a vocation à priver de nombreux enfants de l'accès à l'éducation ;
- la décision attaquée porte atteinte au principe de non-discrimination dès lors qu'elle risque de discriminer et de cibler des jeunes filles en raison de leurs origines ethniques.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 septembre 2023, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés dès lors que, en premier lieu, la libre détermination du choix de ses vêtements ne constitue ni une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, ni une composante du droit au respect de la vie privée et familiale, en deuxième lieu, la décision attaquée n'a ni pour objet, ni pour effet d'affecter les conditions d'exercice du culte musulman, en troisième lieu, la décision attaquée prévoit l'application de la loi sans distinction ni discrimination, directe ou indirecte, entre les élèves en raison de leur appartenance vraie ou supposée à une ethnie ou à une prétendue race et, en dernier lieu, la décision attaquée n'a ni pour objet, ni pour effet de déroger à l'obligation d'instruction et au droit à l'éducation en ce qu'elle se borne à préciser l'appréciation du port de l'abaya et du qamis au regard de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 4 septembre 2023, l'association Jeunesse France Harcèlement demande au juge des référés de faire droit aux conclusions de la requête. Elle soutient qu'elle a intérêt à intervenir au soutien de la requête, que la condition d'urgence est satisfaite et qu'il est porté atteinte à plusieurs libertés fondamentales.
Par un nouveau mémoire, enregistré le 5 septembre 2023, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut à ce que le juge des référés du Conseil d'Etat refuse d'admettre l'intervention de l'association Jeunesse France Harcèlement, faute pour cette association de justifier d'un intérêt à intervenir au soutien de la requête.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 5 septembre 2023, l'association La France En Partage demande au juge des référés de rejeter la requête. Elle soutient qu'elle a intérêt à intervenir au soutien des conclusions en défense du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ;
- le code de l'éducation ;
- la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 ;
- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, l'association Action droits des musulmans, et d'autre part, le ministre de l'éducation et de la jeunesse ainsi que l'association Jeunesse France Harcèlement ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 5 septembre 2023, à 15 heures :
- les représentants de l'association Action droits des musulmans ;
- les représentants du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse ;
- le représentant de l'association Jeunesse France Harcèlement ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a prononcé la clôture de l'instruction ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".
Sur les interventions :
2. L'association Jeunesse France Harcèlement et l'association La France En Partage ne justifient pas, par leur objet statutaire respectif, d'un intérêt leur donnant qualité pour intervenir, pour la première, au soutien de la requête et, pour la seconde, en défense. Par suite, leurs interventions sont irrecevables.
Sur la demande en référé :
3. L'association Action droits des musulmans demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, exprimée par une note de service relative au respect des valeurs de la République publiée le 31 août 2023 au bulletin officiel de l'éducation nationale, d'interdire le port de l'abaya et du qamis dans l'enceinte des établissements scolaires.
4. Aux termes de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation, issu de l'article 1er de la loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes, de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics : " Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. / Le règlement intérieur rappelle que la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire est précédée d'un dialogue avec l'élève ". Il résulte de ces dispositions que, si les élèves des écoles, collèges et lycées publics peuvent porter des signes religieux discrets, sont en revanche interdits, d'une part, les signes ou tenues, tels notamment un voile ou un foulard islamique, une kippa ou une grande croix, dont le port, par lui-même, manifeste ostensiblement une appartenance religieuse, d'autre part, ceux dont le port ne manifeste ostensiblement une appartenance religieuse qu'en raison du comportement de l'élève.
5. Il résulte de l'instruction que les signalements d'atteinte à la laïcité liés au port de signes ou de tenues méconnaissant les dispositions de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation dans les établissements d'enseignement publics ont connu une forte augmentation au cours de l'année scolaire 2022-2023, avec 1 984 signalements contre 617 au cours de l'année scolaire précédente. Il résulte des éléments versés à l'instruction et notamment des indications données lors de l'audience de référé que ces signalements ont trait, en grande majorité, au port par des élèves d'écoles, de collèges et de lycées publics de tenues de type abaya, terme dont les représentants de l'administration ont indiqué au cours de l'audience qu'il doit s'entendre d'un vêtement féminin couvrant l'ensemble du corps à l'exception du visage et des mains, ou qamis, son équivalent masculin, et que le choix de ces tenues vestimentaires s'inscrit dans une logique d'affirmation religieuse. Le ministre fait à cet égard valoir que le port de ces vêtements s'accompagne en général, notamment au cours du dialogue engagé, en application des dispositions législatives précitées, avec les élèves faisant le choix de les porter, d'un discours mettant en avant des motifs liés à la pratique religieuse, inspiré d'argumentaires diffusés sur des réseaux sociaux.
6. Dans ces conditions et en l'état de l'instruction, il n'apparaît pas qu'en estimant que le port de ce type de vêtements, qui ne peuvent être regardés comme étant discrets, constitue une manifestation ostensible de l'appartenance religieuse des élèves concernés méconnaissant l'interdiction posée par les dispositions de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation et en invitant les chefs d'établissement, lorsque l'élève n'y a pas renoncé à l'issue d'une phase de dialogue, à engager une procédure disciplinaire, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée, à la liberté de culte, au droit à l'éducation et au respect de l'intérêt supérieur de l'enfant ou au principe de non-discrimination.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, que l'association Action droits des musulmans n'est pas fondée à demander la suspension de l'exécution de la note de service du 31 août 2023. Sa requête doit en conséquence être rejetée, y compris ses conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : Les interventions des associations Jeunesse France Harcèlement et La France En Partage ne sont pas admises.
Article 2 : La requête de l'association Action droits des musulmans est rejetée.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association Action droits des musulmans, au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, à l'association Jeunesse France Harcèlement et à l'association La France En Partage.
Délibéré à l'issue de la séance du 5 septembre 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Nathalie Escaut et M. Benoît Bohnert, conseillers d'Etat, juges des référés.
Fait à Paris, le 7 septembre 2023
Signé : Pierre Collin
N° 487891
ECLI:FR:CEORD:2023:487891.20230907
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés, formation collégiale
M. Pierre Collin, président
M. B Bohnert, rapporteur
Lecture du jeudi 7 septembre 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er et 5 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Action droits des musulmans demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de la décision du 27 août 2023 du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse portant interdiction du port de l'abaya, y compris le port du qamis, dans l'enceinte des écoles, collèges et lycées publics, telle que confirmée par la décision du 31 août 2023 et par une lettre aux parents d'élèves du 31 août 2023 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le Conseil d'Etat est compétent dès lors que la déclaration du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur la chaîne TF1 du 27 août 2023, la note de service et la lettre adressée aux parents d'élèves du 31 août 2023 produisent des effets notables sur la situation de tiers à l'administration et qu'elles ont le caractère d'une instruction de portée générale adressée aux familles et aux chefs d'établissement ;
- elle a intérêt à agir eu égard à son objet social ;
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que la décision attaquée porte une atteinte grave à plusieurs libertés fondamentales et qu'elle doit prendre effet dans un délai très court, dès le lundi 4 septembre 2023 ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;
- la décision attaquée porte atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale dès lors que, d'une part, les élèves des établissements publics souhaitant porter l'abaya ou le qamis se verront interdire le port d'une tenue vestimentaire leur permettant d'exprimer leur attachement à une culture ou à une région géographique, les privant ainsi de la possibilité d'accomplir leur personnalité et, d'autre part, qu'elle encourage les personnels de l'éducation nationale à exiger des élèves qu'ils divulguent leurs convictions religieuses afin de déterminer si leurs tenues revêtent ou non un caractère religieux ;
- la décision attaquée porte atteinte à la liberté de culte en ce que, d'une part, elle qualifie un vêtement de religieux sans que les autorités cultuelles de ladite religion le qualifie comme tel et, d'autre part, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse avait considéré, en juin 2023, que le port de l'abaya ou du qamis ne revêtait pas en soi un caractère religieux ;
- la décision attaquée porte atteinte au droit à l'éducation et à l'intérêt supérieur de l'enfant dès lors qu'en associant de manière irrévocable le port de l'abaya et du qamis à des tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse elle a vocation à priver de nombreux enfants de l'accès à l'éducation ;
- la décision attaquée porte atteinte au principe de non-discrimination dès lors qu'elle risque de discriminer et de cibler des jeunes filles en raison de leurs origines ethniques.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 septembre 2023, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés dès lors que, en premier lieu, la libre détermination du choix de ses vêtements ne constitue ni une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, ni une composante du droit au respect de la vie privée et familiale, en deuxième lieu, la décision attaquée n'a ni pour objet, ni pour effet d'affecter les conditions d'exercice du culte musulman, en troisième lieu, la décision attaquée prévoit l'application de la loi sans distinction ni discrimination, directe ou indirecte, entre les élèves en raison de leur appartenance vraie ou supposée à une ethnie ou à une prétendue race et, en dernier lieu, la décision attaquée n'a ni pour objet, ni pour effet de déroger à l'obligation d'instruction et au droit à l'éducation en ce qu'elle se borne à préciser l'appréciation du port de l'abaya et du qamis au regard de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 4 septembre 2023, l'association Jeunesse France Harcèlement demande au juge des référés de faire droit aux conclusions de la requête. Elle soutient qu'elle a intérêt à intervenir au soutien de la requête, que la condition d'urgence est satisfaite et qu'il est porté atteinte à plusieurs libertés fondamentales.
Par un nouveau mémoire, enregistré le 5 septembre 2023, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut à ce que le juge des référés du Conseil d'Etat refuse d'admettre l'intervention de l'association Jeunesse France Harcèlement, faute pour cette association de justifier d'un intérêt à intervenir au soutien de la requête.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 5 septembre 2023, l'association La France En Partage demande au juge des référés de rejeter la requête. Elle soutient qu'elle a intérêt à intervenir au soutien des conclusions en défense du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ;
- le code de l'éducation ;
- la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 ;
- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, l'association Action droits des musulmans, et d'autre part, le ministre de l'éducation et de la jeunesse ainsi que l'association Jeunesse France Harcèlement ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 5 septembre 2023, à 15 heures :
- les représentants de l'association Action droits des musulmans ;
- les représentants du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse ;
- le représentant de l'association Jeunesse France Harcèlement ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a prononcé la clôture de l'instruction ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".
Sur les interventions :
2. L'association Jeunesse France Harcèlement et l'association La France En Partage ne justifient pas, par leur objet statutaire respectif, d'un intérêt leur donnant qualité pour intervenir, pour la première, au soutien de la requête et, pour la seconde, en défense. Par suite, leurs interventions sont irrecevables.
Sur la demande en référé :
3. L'association Action droits des musulmans demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, exprimée par une note de service relative au respect des valeurs de la République publiée le 31 août 2023 au bulletin officiel de l'éducation nationale, d'interdire le port de l'abaya et du qamis dans l'enceinte des établissements scolaires.
4. Aux termes de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation, issu de l'article 1er de la loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes, de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics : " Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. / Le règlement intérieur rappelle que la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire est précédée d'un dialogue avec l'élève ". Il résulte de ces dispositions que, si les élèves des écoles, collèges et lycées publics peuvent porter des signes religieux discrets, sont en revanche interdits, d'une part, les signes ou tenues, tels notamment un voile ou un foulard islamique, une kippa ou une grande croix, dont le port, par lui-même, manifeste ostensiblement une appartenance religieuse, d'autre part, ceux dont le port ne manifeste ostensiblement une appartenance religieuse qu'en raison du comportement de l'élève.
5. Il résulte de l'instruction que les signalements d'atteinte à la laïcité liés au port de signes ou de tenues méconnaissant les dispositions de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation dans les établissements d'enseignement publics ont connu une forte augmentation au cours de l'année scolaire 2022-2023, avec 1 984 signalements contre 617 au cours de l'année scolaire précédente. Il résulte des éléments versés à l'instruction et notamment des indications données lors de l'audience de référé que ces signalements ont trait, en grande majorité, au port par des élèves d'écoles, de collèges et de lycées publics de tenues de type abaya, terme dont les représentants de l'administration ont indiqué au cours de l'audience qu'il doit s'entendre d'un vêtement féminin couvrant l'ensemble du corps à l'exception du visage et des mains, ou qamis, son équivalent masculin, et que le choix de ces tenues vestimentaires s'inscrit dans une logique d'affirmation religieuse. Le ministre fait à cet égard valoir que le port de ces vêtements s'accompagne en général, notamment au cours du dialogue engagé, en application des dispositions législatives précitées, avec les élèves faisant le choix de les porter, d'un discours mettant en avant des motifs liés à la pratique religieuse, inspiré d'argumentaires diffusés sur des réseaux sociaux.
6. Dans ces conditions et en l'état de l'instruction, il n'apparaît pas qu'en estimant que le port de ce type de vêtements, qui ne peuvent être regardés comme étant discrets, constitue une manifestation ostensible de l'appartenance religieuse des élèves concernés méconnaissant l'interdiction posée par les dispositions de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation et en invitant les chefs d'établissement, lorsque l'élève n'y a pas renoncé à l'issue d'une phase de dialogue, à engager une procédure disciplinaire, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée, à la liberté de culte, au droit à l'éducation et au respect de l'intérêt supérieur de l'enfant ou au principe de non-discrimination.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, que l'association Action droits des musulmans n'est pas fondée à demander la suspension de l'exécution de la note de service du 31 août 2023. Sa requête doit en conséquence être rejetée, y compris ses conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : Les interventions des associations Jeunesse France Harcèlement et La France En Partage ne sont pas admises.
Article 2 : La requête de l'association Action droits des musulmans est rejetée.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association Action droits des musulmans, au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, à l'association Jeunesse France Harcèlement et à l'association La France En Partage.
Délibéré à l'issue de la séance du 5 septembre 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Nathalie Escaut et M. Benoît Bohnert, conseillers d'Etat, juges des référés.
Fait à Paris, le 7 septembre 2023
Signé : Pierre Collin