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Ariane Web: Conseil d'État 455961, lecture du 10 juillet 2023, ECLI:FR:CECHR:2023:455961.20230710

Décision n° 455961
10 juillet 2023
Conseil d'État

N° 455961
ECLI:FR:CECHR:2023:455961.20230710
Mentionné aux tables du recueil Lebon
4ème - 1ère chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
M. Sylvain Monteillet, rapporteur
M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public
SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO, avocats


Lecture du lundi 10 juillet 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 août et
23 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société UNIVETIS demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du
8 juillet 2021 du Conseil national de l'ordre des vétérinaires prononçant sa radiation du tableau de l'ordre des vétérinaires, prise sur son recours formé contre la décision du 25 mars 2021 par laquelle le conseil régional de Bretagne de l'ordre des vétérinaires avait prononcé sa radiation du tableau de l'ordre des vétérinaires ;

2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de poser à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : " La directive européenne 2006/123, le paragraphe 2 de l'article 26 et les articles 49, 56, 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ainsi que l'article 6 du traité sur l'Union européenne, et les principes de libre concurrence, de liberté d'établissement, de libre prestation de services protégés par le droit de l'Union et la Charte des droits fondamentaux s'opposent-ils à une réglementation nationale qui exige que plus de la moitié du capital social et des droits de vote d'une société d'exercice libéral (SEL) vétérinaire soit détenue, directement ou par l'intermédiaire des sociétés inscrites auprès de l'ordre, par des personnes exerçant légalement la profession de vétérinaire en exercice au sein de la société, comprise comme exigeant que ces personnes y accomplissent des actes de médecine ou de chirurgie des animaux ' " ;

3°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des vétérinaires la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Dans sa requête, elle soutient que la décision attaquée est entachée :
- à titre principal, d'illégalité :
- en ce qu'elle lui oppose les dispositions du 1° du II de l'article L. 241-17 du code rural et de la pêche maritime en les interprétant comme impliquant que les vétérinaires détenant la majorité du capital d'une société vétérinaire exercent la médecine et la chirurgie des animaux au sein de la société, faute d'avoir procédé à une interprétation de ces dispositions conforme au principe constitutionnel de la liberté d'entreprendre et au droit de l'Union européenne ;
- en ce qu'elle lui oppose les dispositions du 1° du II de l'article L. 241-17 du code rural et de la pêche maritime qui, telles qu'elle les a interprétées, sont incompatibles avec les articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et avec l'article 15 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 ;
- à titre subsidiaire :
- d'incompétence, l'ordre des vétérinaires n'étant pas compétent pour prendre la décision attaquée à raison de faits qui ne peuvent être soumis qu'à la juridiction disciplinaire ;
- d'insuffisance de motivation, en ce qu'elle ne mentionne pas quelles circonstances postérieures à l'inscription justifient qu'elle soit regardée comme ne respectant plus les conditions d'inscription d'une société vétérinaire au tableau de l'ordre.


Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- le traité sur l'Union européenne, notamment son article 267 ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 ;
- la loi n° 2013-619 du 16 juillet 2013 ;
- l'ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023 ;
- l'arrêt C-297/16 de la Cour de justice de l'Union européenne du
1er mars 2018 ;
- l'arrêt C-209/18 de la Cour de justice de l'Union européenne du
29 juillet 2019 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Sylvain Monteillet, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau,
Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société UNIVETIS et au Cabinet Rousseau, Tapie, avocat du Conseil national de l'ordre des vétérinaires ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que la société d'exercice libéral UNIVETIS, inscrite au tableau de l'ordre des vétérinaires, est détenue à 100% par la société de participations financières de professions libérales (SPFPL) Finexvet, inscrite sur la liste spéciale du tableau de l'ordre, qui est elle-même détenue à hauteur de 45,46% par M. C..., à hauteur de 27,27% par M. B... et à hauteur de 27,27% par M. A..., qui sont vétérinaires. Elle déclare six domiciles professionnels d'exercice (DPE), onze vétérinaires salariés et dix vétérinaires collaborateurs libéraux. Par une décision du 25 mars 2021, le conseil régional de Bretagne de l'ordre des vétérinaires a prononcé sa radiation, au motif que MM. C..., B... et A... n'exercent pas, au sein de la société UNIVETIS, la médecine et la chirurgie des animaux. Par une décision du
8 juillet 2021, prise sur le recours de la société UNIVETIS, le Conseil national de l'ordre des vétérinaires a également prononcé sa radiation pour le même motif. La société UNIVETIS demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir cette décision.

Sur la légalité externe :

2. En premier lieu, si en vertu de l'article R. 242-89 du code rural et de la pêche maritime, les décisions de radiation prévues à l'article L. 242-4 de ce code ne peuvent être motivées par des faits pouvant donner lieu à poursuites disciplinaires en application de l'article
L. 242-6, les faits pouvant donner lieu à poursuites disciplinaires sont, selon ce dernier article, les manquements aux obligations visées au premier alinéa du II de l'article L. 242-1, en l'occurrence, l'obligation de respecter les principe d'indépendance, de moralité et de probité ainsi que les règles déontologiques, en particulier du secret professionnel, et d'entretenir les compétences indispensables à l'exercice de la profession vétérinaire. Or il ressort des pièces du dossier que, pour prendre la décision attaquée, le Conseil national de l'ordre des vétérinaires ne s'est pas fondé sur l'une de ces obligations mais sur le non-respect par la société UNIVETIS de conditions posées à l'article L. 241-17 de ce code, tenant en particulier à ce que la majorité du capital social d'une société vétérinaire soit détenue par des vétérinaires en exercice dans la société, auxquelles l'inscription d'une société vétérinaire au tableau de l'ordre est subordonnée. Par suite, la société UNIVETIS n'est pas fondée à soutenir que le Conseil national de l'ordre des vétérinaires n'était pas compétent pour prononcer sa radiation administrative.

3. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 242-84 du code rural et de la pêche maritime : " Toute décision administrative d'un conseil régional de l'ordre rendue en application des dispositions du présent code de déontologie vétérinaire peut faire l'objet d'un recours administratif devant le conseil supérieur. Seule la décision du conseil supérieur de l'ordre rendue sur ce recours peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d'Etat ". Il en va ainsi y compris s'agissant des décisions administratives d'un conseil régional de l'ordre des vétérinaires prises en application de l'article L. 241-17 du code rural et de la pêche maritime relatif à l'inscription au tableau de l'ordre des sociétés vétérinaires et à leur radiation.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) / 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire ".

5. Il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée mentionne que la radiation de la société UNIVETIS du tableau de l'ordre des vétérinaires est prise en application de l'article L. 241-17 du code rural et de la pêche maritime et résulte de ce que MM. C..., B... et A... n'exercent pas la médecine et la chirurgie des animaux dans les domiciles professionnels d'exercice lui étant rattachés. Elle énonce ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle est fondée. Par suite la société UNIVETIS n'est pas fondée à soutenir que la décision qu'elle attaque, qui est une décision administrative et non une décision juridictionnelle, serait insuffisamment motivée.

Sur la légalité interne :

En ce qui concerne le moyen d'erreur de fait :

6. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment pas des pièces produites à l'appui du mémoire du 21 décembre 2021 par la société UNIVETIS, que MM. C..., B... et A... exerçaient à la date de la décision attaquée la médecine et la chirurgie des animaux au sein de la société UNIVETIS. Par suite, la société UNIVETIS n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée, en ce qu'elle retient qu'ils n'avaient pas une telle activité en son sein, serait entachée d'erreur de fait.

En ce qui concerne les autres moyens :

7. De première part, en vertu des dispositions du I de l'article L. 242-1 du code rural et de la pêche maritime, l'ordre des vétérinaires groupe obligatoirement tous les vétérinaires " en exercice " et les " sociétés d'exercice vétérinaire ", satisfaisant aux conditions légales. En vertu des articles L. 242-6 de ce code, la chambre régionale de discipline en première instance réprime les manquements commis par les vétérinaires et les sociétés vétérinaires aux obligations visées au premier alinéa du II de l'article L. 242-1 " exerçant dans la région ordinale ".
Aux termes de l'article R. 242-32 du même code : " Les dispositions du code de déontologie vétérinaire s'appliquent : / (...) 3° Aux sociétés mentionnées à l'article L. 241-17 (...) ".
Aux termes de l'article R. 242-33 du même code : " I. -L'exercice de l'art vétérinaire est personnel. Chaque vétérinaire est responsable de ses décisions et de ses actes. /
II. -Le vétérinaire ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit. / III. -Le vétérinaire est tenu de remplir tous les devoirs que lui imposent les lois et règlements. Il accomplit les actes liés à son art selon les règles de bonnes pratiques professionnelles. (...) / VI. -Le vétérinaire n'exerce en aucun cas sa profession dans des conditions pouvant compromettre la qualité de ses actes. / VII.- Le vétérinaire prend en compte les conséquences de son activité professionnelle sur la santé publique notamment en matière d'antibiorésistance. / (...) XI. -Tout compérage entre vétérinaires, entre vétérinaires et pharmaciens ou toutes autres personnes est interdit. (...) / XIII- Le vétérinaire accomplit scrupuleusement, dans les meilleurs délais, conformément aux instructions reçues, les missions de service public dont il est chargé par l'autorité administrative. (...) / XVIII. -Le vétérinaire ne peut pratiquer sa profession comme un commerce ni privilégier son propre intérêt par rapport à celui de ses clients ou des animaux qu'il traite. (...) ". Aux termes de l'article R. 242-53 :
" (...) Tout vétérinaire inscrit à l'ordre et en exercice a au moins un domicile professionnel d'exercice. / Un vétérinaire ou un groupe de vétérinaire ayant pour but l'exercice professionnel en commun peuvent avoir plusieurs domiciles professionnels d'exercice. / (...) ".

8. De deuxième part, aux termes de l'article L. 241-17 du code rural et de la pêche maritime : " I.- Les personnes exerçant légalement la profession de vétérinaire peuvent exercer en commun la médecine et la chirurgie des animaux dans le cadre : / (...) / 2° De sociétés d'exercice libéral ; / (...) / Cet exercice en commun ne peut être entrepris qu'après inscription de la société au tableau de l'ordre mentionné à l'article L. 242-4, dans les conditions prévues par ce dernier. / II.- Les sociétés mentionnées au I répondent aux conditions cumulatives suivantes : / 1° Plus de la moitié du capital social et des droits de vote doit être détenue, directement ou par l'intermédiaire des sociétés inscrites auprès de l'ordre, par des personnes exerçant légalement la profession de vétérinaire en exercice au sein de la société ; / (...) ".

9. De troisième et dernière part, en vertu de l'article 1er de la loi du
31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire, dont l'ordonnance du 8 février 2023 relative à l'exercice en société des professions libérales réglementées a prévu l'abrogation à compter du
1er septembre 2024, les sociétés d'exercice libéral ont pour objet l'exercice en commun d'une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé.

10. Il en résulte que, pour être inscrite au tableau de l'ordre des vétérinaires, une société d'exercice libéral ayant pour objet l'exercice en commun de la médecine et de la chirurgie des animaux doit justifier notamment que plus de la moitié de son capital social est détenu, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés inscrites au tableau de l'ordre, par des vétérinaires qui exercent la médecine et la chirurgie des animaux en son sein, ainsi que le prévoient les termes mêmes des dispositions citées aux points 7 à 9.

11. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée, qui prononce sa radiation au motif que les trois vétérinaires détenant indirectement plus de la moitié de son capital social n'exercent pas la médecine et la chirurgie des animaux en son sein, a fait une application inexacte des dispositions du 1° du II de l'article L. 241-17 du code rural et de la pêche maritime.

12. Le société requérante fait toutefois valoir, par la voie de l'exception, que les dispositions du 1° du II de l'article L. 241-17 du code rural et de la pêche maritime, en tant qu'elles comportent une telle exigence notamment pour les sociétés d'exercice libéral, seraient incompatibles avec l'article 15 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur. Si la requérante excipe également de l'incompatibilité de ces dispositions législatives avec les articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, cette contestation ne peut qu'être écartée comme inopérante, les dispositions législatives contestées n'ayant ni pour objet ni pour effet d'instituer des ententes et autres accords restrictifs de la concurrence ou de permettre l'exploitation abusive d'une position dominante.

13. Aux termes de l'article 15 de la directive du 12 décembre 2006 : " 1. Les États membres examinent si leur système juridique prévoit les exigences visées au paragraphe 2 et veillent à ce que ces exigences soient compatibles avec les conditions visées au paragraphe 3. Les États membres adaptent leurs dispositions législatives, réglementaires ou administratives afin de les rendre compatibles avec ces conditions. / 2. Les États membres examinent si leur système juridique subordonne l'accès à une activité de service ou son exercice au respect de l'une des exigences non discriminatoires suivantes : / (...) / c) les exigences relatives à la détention du capital d'une société ; (...) / 3. Les États membres vérifient que les exigences visées au paragraphe 2 remplissent les conditions suivantes : / a) non-discrimination: les exigences ne sont pas directement ou indirectement discriminatoires en fonction de la nationalité ou, en ce qui concerne les sociétés, de l'emplacement de leur siège statutaire ; / b) nécessité: les exigences sont justifiées par une raison impérieuse d'intérêt général ; / c) proportionnalité: les exigences doivent être propres à garantir la réalisation de l'objectif poursuivi, ne pas aller
au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif et d'autres mesures moins contraignantes ne doivent pas permettre d'atteindre le même résultat (...) ". Aux termes de l'article 4, paragraphe 8, de cette même directive, les raisons impérieuses d'intérêt général s'entendent comme " des raisons reconnues comme telles par la jurisprudence de la Cour de justice, qui incluent les justifications suivantes : (...) la santé publique, (...) la protection des consommateurs, des destinataires de services et des travailleurs, (...) la protection de l'environnement et de l'environnement urbain, la santé des animaux (...) ".

14. Il résulte du paragraphe 3 de cet article 15 que les Etats membres sont autorisés à instituer une des exigences visées au paragraphe 2 sous réserve qu'elle soit conforme aux conditions de nondiscrimination, de nécessité et de proportionnalité prévues au paragraphe 3 du même article.

15. En tant qu'elles prévoient que, pour être inscrite au tableau de l'ordre des vétérinaires, une société d'exercice libéral ayant pour objet l'exercice en commun de la médecine et de la chirurgie des animaux doit notamment justifier que plus de la moitié de son capital social est détenu, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés inscrites au tableau de l'ordre, par des vétérinaires qui exercent la médecine et la chirurgie des animaux en son sein, les dispositions du 1° du II de l'article L. 241-17 du code rural et de la pêche maritime constituent une exigence à laquelle l'exercice, dans le cadre d'une société d'exercice libéral, de la profession vétérinaire en France est subordonné. Une telle mesure, qui porte sur une activité qui entre dans le champ de la directive du 12 décembre 2006, relève de celles visées au paragraphe 2 de l'article 15 de la directive du 12 décembre 2006.

16. S'agissant des conditions prévues au paragraphe 3 de cet article 15, il ressort des termes mêmes des dispositions de l'article L. 241-17 du code rural et de la pêche maritime que l'exigence qu'elles prévoient s'applique à l'ensemble des sociétés vétérinaires mentionnées au I de cet article, lesquelles incluent tant les sociétés civiles professionnelles, les sociétés d'exercice libéral que toutes formes de sociétés de droit national ou de sociétés constituées en conformité avec la législation d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen et y ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement. Une telle exigence ne présente donc pas un caractère discriminatoire.

17. En outre, une telle exigence vise à assurer l'effectivité du respect des obligations déontologiques qui régissent l'exercice de la profession vétérinaire y compris lorsqu'elle s'exerce dans le cadre d'une société, en particulier l'interdiction, énoncée au XVIII de l'article R. 242-33 du code rural et de la pêche maritime, de pratiquer la profession vétérinaire comme un commerce ou de privilégier l'intérêt du vétérinaire ou de la société par rapport à celui des clients et des animaux pris en charge, ainsi que le respect de l'exigence d'indépendance. Par ailleurs, alors que moins de cinq pour cent des vétérinaires en France sont agents publics ou militaires, des missions réglementaires de surveillance, de prévention et de lutte contre des maladies animales sont confiées aux vétérinaires libéraux, en qualité de vétérinaires sanitaires habilités, dans les conditions prévues aux articles L. 203-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime, de même que des missions de police sanitaire et de certification, pour lesquelles des vétérinaires libéraux sont mandatés, en application des articles L. 203-8 et suivants du même code. L'exigence résultant des dispositions du 1° du II de l'article L. 241-17 du code rural et de la pêche maritime est, dans ces conditions, justifiée par l'objectif de protection de la santé publique, laquelle est liée à la santé animale dès lors que certaines maladies animales sont transmissibles à l'homme et que certains produits alimentaires d'origine animale sont susceptibles de mettre en danger la santé humaine lorsqu'ils proviennent d'animaux malades ou porteurs de bactéries résistantes aux traitements ou qu'ils contiennent des résidus de médicaments utilisés pour le traitement des animaux, ainsi que par les objectifs de protection des destinataires de services, de protection de l'environnement et de la santé des animaux. Cette mesure est ainsi justifiée par des raisons impérieuses d'intérêt général et répond, dès lors, à la condition de nécessité posée par le b) du 3 de l'article 15 de la directive du 12 décembre 2006.

18. Enfin, il y a lieu de déterminer, pour vérifier le respect de la condition posée par le c) du 3 de cet article 15, si l'exigence contestée est propre à garantir la réalisation de l'objectif poursuivi et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre et que cet objectif ne peut pas être atteint par une mesure moins contraignante.

19. L'obligation que les associés professionnels d'une société d'exercice libéral pratiquent les actes de leur profession en son sein, outre qu'elle est inhérente à l'objet même d'une telle société, instituée par la loi du 31 décembre 1990 pour permettre aux membres de professions libérales d'exercer leur activité en commun sous la forme d'une société de capitaux, a pour objet et pour effet de réduire les risques qu'une telle société adopte des stratégies économiques, animées essentiellement par un objectif de rentabilité, susceptibles de porter atteinte à l'objectif de protection de la santé publique et de la santé animale et d'assurer l'effectivité du respect, par la société et par l'ensemble des vétérinaires qui exercent en son sein, des obligations déontologiques qui régissent l'exercice de la profession vétérinaire, en particulier l'interdiction d'exercer la profession comme un commerce et le respect de l'indépendance professionnelle, ce dont doivent s'assurer personnellement les vétérinaires associés, sous peine de voir leur propre responsabilité disciplinaire engagée en même temps que celle de la société. Elle est, en outre, de nature à faciliter la collaboration des vétérinaires libéraux au service public, eu égard aux missions réglementaires de surveillance, de prévention et de lutte contre des maladies animales qui peuvent leur être confiées, comme en cas d'épizooties, ainsi qu'il a été dit au point 17. Cette exigence de plus de la moitié du capital de la société vétérinaire détenue par des vétérinaires exerçant au sein de la société ne fait pour autant pas obstacle à ce que des vétérinaires exerçant dans une société prennent des parts importantes dans d'autres sociétés sans y exercer dès lors que la condition y est respectée par une majorité des actionnaires professionnels. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette mesure aille au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif, ni que cet objectif puisse être atteint, pour de telles sociétés, par une mesure moins contraignante. Il s'ensuit que la condition de proportionnalité prévue par le c) du 3 de l'article 15 de la directive du 12 décembre 2006 doit être regardée comme remplie.

20. Dès lors, la société UNIVETIS n'est pas fondée à soutenir, par la voie de l'exception, que l'exigence d'exercice effectif des associés majoritaires d'une société d'exercice libéral vétérinaire résultant des dispositions du 1° du II de l'article L. 241-17 du code rural et de la pêche maritime serait incompatible avec l'article 15 de la directive 2006/123/CE du
12 décembre 2006.

21. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la société UNIVETIS doit être rejetée, y compris en ce qu'elle comporte des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au même titre par le Conseil national de l'ordre des vétérinaires.



D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la société UNIVETIS est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du Conseil national de l'ordre des vétérinaires présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société UNIVETIS et au Conseil national de l'ordre des vétérinaires.
Copie en sera adressée au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.


Voir aussi