Conseil d'État
N° 465323
ECLI:FR:CECHR:2023:465323.20230630
Inédit au recueil Lebon
1ère - 4ème chambres réunies
Mme Christine Maugüé , président
Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, rapporteur
M. Mathieu Le Coq, rapporteur public
CABINET AKILYS AVOCATS, avocats
Lecture du vendredi 30 juin 2023
Vu la procédure suivante :
Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 27 juin et 1er décembre 2022 et le 10 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs (FEHAP) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'instruction n° DGCS/SD5B/DSS/SD1A/CNSA/DESMS/2022/81 du 24 mars 2022 relative aux orientations de la troisième phase de campagne budgétaire des établissements et services médico-sociaux accueillant des personnes âgées pour l'exercice 2021 en tant qu'elle ne prévoit pas de crédits supplémentaires pour le financement de la prime " Grand âge " versée par les établissements et services privés à but non lucratif en 2021 ;
2°) d'enjoindre au ministre de la santé et de la prévention, au ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées et à la directrice de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, en application des dispositions des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative, de prendre une instruction définissant les orientations de la troisième phase de campagne budgétaire des établissements et services médicaux sociaux du secteur privé non lucratif, adhérents de la FEHAP, accueillant des personnes âgées ou des personnes handicapées permettant le versement par les agences régionales de santé des dotations pour le financement de la prime " Grand âge " pour la période allant de juin à décembre 2021 dans un délai de quinze jours et sous une astreinte d'un montant de 10 000 euros par jour et de prévoir un montant complémentaire de 13 millions d'euros à verser à ces établissements pour financer l'extension en année pleine de cette prime pour 2022 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le décret n° 2020-66 du 30 janvier 2020 ;
- le décret n° 2020-1189 du 29 septembre 2020 ;
- l'arrêté du 30 janvier 2020 fixant le montant de la prime instituée par le décret n° 2020-66 du 30 janvier 2020 portant création d'une prime " Grand âge " pour certains personnels affectés dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- l'arrêté du 8 juin 2021 fixant pour l'année 2021 l'objectif de dépenses et le montant total annuel des dépenses pour les établissements et services relevant de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie mentionnée à l'article L. 314-3 du code de l'action sociale et des familles et fixant le montant mentionné à l'article L. 314-3-4 du même code ;
- l'arrêté du 10 décembre 2021 relatif à l'agrément de certains accords de travail applicables dans les établissements et services du secteur social et médico-social privé à but non lucratif ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, qu'après l'adoption du décret du 30 janvier 2020 portant création d'une prime " Grand âge " pour certains personnels affectés dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n°86-33 du 9 janvier 1986, correspondant aux corps des aides-soignants et auxiliaires de puériculture et des accompagnants éducatifs et sociaux de la fonction publique hospitalière, d'un montant mensuel de 118 euros brut, à compter du 1er janvier 2020, dont le bénéfice a été étendu par le décret du 29 septembre 2020 visé ci-dessus aux personnels des corps équivalents de la fonction publique territoriale à compter du 1er mai 2020, les partenaires sociaux ont négocié le 29 juin 2021 un avenant 2021-04 à la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 visant à créer une prime équivalente à compter du 1er octobre 2021 pour les personnels exerçant les mêmes fonctions dans les établissements relevant de cette convention collective. Après que la commission nationale d'agrément a donné un avis défavorable à l'agrément de cet avenant, compte tenu de son important effet report sur 2022, la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs a pris, le 25 octobre 2021, une recommandation patronale relative à l'attribution d'une prime mensuelle " Grand âge " d'un montant de 70 euros bruts à compter du 1er juin 2021, agréée par un arrêté du ministre de la santé et des solidarités du 10 décembre 2021 publié au Journal Officiel de la République française du 18 décembre 2021. D'autre part, après l'intervention de l'arrêté du 8 juin 2021 fixant pour l'année 2021 l'objectif de dépenses et le montant total annuel des dépenses pour les établissements et services relevant de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie mentionnée à l'article L. 314-3 du code de l'action sociale et des familles et fixant le montant mentionné à l'article L. 314-3-4 du même code, incluant un taux d'évolution de la masse salariale de ce secteur de 1,2 %, la campagne budgétaire pour 2021 a fait l'objet de trois instructions budgétaires adressées par le ministre des solidarités et de la santé et la directrice de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie aux agences régionales de santé. La première, du 8 juin 2021, relative aux orientations budgétaires de l'exercice 2021 pour la campagne budgétaire des établissements et services médico-sociaux accueillant des personnes en situation de handicap et des personnes âgées, complétée par une deuxième instruction du 16 novembre 2021, a prévu des délégations de crédit au bénéfice des établissements d'hébergement des personnes âgées dépendantes privés non lucratifs incluant le financement de cette évolution de la masse salariale. Enfin, la troisième instruction du 24 mars 2022 a notamment précisé les crédits supplémentaires alloués aux établissements et services pour personnes âgées relevant de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique territoriale pour financer la tranche 2021 de la prime " Grand âge ". La Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs demande l'annulation de cette troisième instruction en tant qu'elle ne prévoit pas de crédits supplémentaires pour financer la prime " Grand âge " versée, en application de la recommandation patronale agréée, à compter du 1er juin 2021, à leurs personnels par les établissements et services privés à but non lucratif.
Sur la légalité externe :
2. Aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / 1° (...) les directeurs d'administration centrale (...) / 2° Les chefs de service, directeurs-adjoints (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que Mme B... D..., reconduite dans ses fonctions de cheffe de service, adjointe au directeur de la sécurité sociale, à l'administration centrale du ministère des solidarités et de la santé et du ministère de l'économie, des finances et de la relance pour une période de trois ans, à compter du 14 janvier 2022, par un arrêté du 3 janvier 2022, publié au Journal officiel de la République française du 5 janvier 2022, était habilitée à signer l'instruction attaqué aux noms de la ministre des solidarités et de la santé et du ministre de l'action et des comptes publics, en leur qualité de ministres chargés de la sécurité sociale. Il en résulte, d'autre part, que Mme C... A..., nommée directrice générale de la cohésion sociale à compter du 1er septembre 2019 par un décret du 24 juillet 2019, publié au Journal officiel de la République française du 25 juillet 2019, avait qualité pour la signer au nom du ministre des solidarités et de la santé, en sa qualité de ministre chargé de l'action sociale. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence des signataires de l'instruction attaquée doit être écarté.
Sur la légalité interne :
4. Aux termes de l'article L. 314-6 du code de l'action sociale et des familles : " Les conventions collectives de travail, conventions d'entreprise ou d'établissement et accords de retraite applicables aux salariés des établissements et services sociaux et médico-sociaux à but non lucratif dont les dépenses de fonctionnement sont, en vertu de dispositions législatives ou réglementaires, supportées, en tout ou partie, directement ou indirectement, soit par des personnes morales de droit public, soit par des organismes de sécurité sociale, ne prennent effet qu'après agrément donné par le ministre compétent après avis d'une commission où sont représentés des élus locaux et dans des conditions fixées par voie réglementaire (...). Les conventions ou accords agréés s'imposent aux autorités compétentes en matière de tarification, à l'exception des conventions collectives de travail et conventions d'entreprise ou d'établissement applicables au personnel des établissements et services ayant conclu un contrat mentionné au IV ter de l'article L. 313-12 ou à l'article L. 313-12-2. / Les ministres chargés de la sécurité sociale et de l'action sociale établissent annuellement, avant le 1er mars de l'année en cours, un rapport relatif aux agréments des conventions et accords mentionnés à l'alinéa précédent, pour l'année écoulée, et aux orientations en matière d'agrément des accords pour l'année en cours. Ils fixent, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, les paramètres d'évolution de la masse salariale pour l'année en cours, liés notamment à la diversité des financeurs et aux modalités de prise en charge des personnes, qui sont opposables aux parties négociant les conventions susmentionnées. (...) ". Aux termes de l'article R. 314-199 du même code : " Les paramètres d'évolution de la masse salariale figurent dans le rapport prévu à l'article L. 314-6. / Dans la limite du montant fixé au premier alinéa de l'article L. 314-4 et compte tenu de l'objectif des dépenses d'assurance maladie fixé par la loi de financement de la sécurité sociale et des objectifs mentionnés à l'article L. 314-8, ces paramètres sont fixés au regard notamment : / a) Des orientations nationales ou locales en matière de prise en charge des personnes ; / b) Des mesures législatives ou réglementaires ayant une incidence sur la masse salariale des établissements et services sociaux et médico-sociaux et des services concourant à leur fonctionnement du siège de leurs organismes gestionnaires. / Ils peuvent également varier compte tenu de l'évolution prévisionnelle des rémunérations des personnels des établissements et services sociaux et médico-sociaux compte tenu de leur ancienneté ou de leur qualification. (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions qu'afin de réguler l'évolution des dépenses de fonctionnement supportées par les financeurs des établissements et services privés non lucratifs sociaux et médico-sociaux, l'article L. 314-6 du code de l'action sociale et des familles a prévu un mécanisme d'agrément obligatoire des accords collectifs de travail dans le secteur social et médico-social privé à but non lucratif. Les ministres chargés de la sécurité sociale et de l'action sociale fixent par ailleurs, pour l'année en cours, les paramètres d'évolution de la masse salariale, qui figurent dans le rapport établi annuellement avant le 1er mars relatif aux conventions collectives et accords d'entreprises qu'ils ont agréés pour l'année écoulée et aux orientations en matière d'agrément des accords pour l'année en cours. Ces paramètres sont opposables aux parties négociant une convention ou un accord collectif destiné à être rendu applicable aux salariés des établissements et services sociaux et médico-sociaux à but non lucratif dont les dépenses de fonctionnement sont, en vertu de dispositions législatives ou réglementaires, supportées, en tout ou partie, directement ou indirectement, soit par des personnes morales de droit public, soit par des organismes de sécurité sociale, de même qu'aux recommandations patronales qui interviennent dans le champ de tels conventions ou accords collectifs. Une fois agréés, ces conventions ou accords collectifs prennent effet et, sous réserve de l'exception prévue par ces dispositions, s'imposent aux autorités compétentes en matière de tarification.
6. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la recommandation patronale du 25 octobre 2021 agréée par l'arrêté ministériel du 10 décembre 2021 s'impose aux autorités compétentes en matière de tarification. Il ressort à cet égard des pièces du dossier que les crédits alloués au titre de l'augmentation de la masse salariale, fixée en application de l'article L. 314-6 du code de l'action sociale et des familles à 1,2 % pour 2021, correspondant, selon les termes mêmes de la Fédération requérante, à 102 millions d'euros, dont 0,65 % au titre du " glissement vieillesse technicité " et 0,19 % au titre des effets reports des mesures prises en 2020 sur l'année 2021, qui ont fait l'objet de la première instruction budgétaire du 8 juin 2021, permettaient de financer la part relevant de l'assurance maladie de la prime " Grand âge " créée par la recommandation patronale dans les établissements hospitaliers et sociaux et médico-sociaux privés non lucratifs à compter du 1er juin 2021, dont le coût total est chiffré pour 2021 à 18,34 millions d'euros par la fédération requérante. Par suite, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que l'instruction du 24 mars 2022 serait illégale faute d'avoir prévu les moyens de financement de la prime " Grand âge " pour les établissements ou services hospitaliers sociaux et médico-sociaux privés non lucratifs en 2021 et, en tout état de cause, en 2022, peu important, d'une part, que l'agrément de la recommandation patronale, à laquelle les paramètres d'évolution de la masse salariale fixés pour l'année en cours s'imposaient, soit intervenu après cette première instruction budgétaire et, d'autre part, que les crédits correspondant au financement de cette prime dans ces établissements n'aient pas été fléchés par l'instruction du 8 juin 2021.
7. En second lieu, les agents de la fonction publique ne sont pas, en matière de régime indemnitaire, placés dans la même situation que les salariés de droit privé. Par suite, le moyen tiré de ce que l'instruction litigieuse méconnaîtrait le principe d'égalité en ce qu'elle prévoit, au-delà des crédits nécessaires pour prendre en compte le taux d'évolution de la masse salariale de 1,2 % pour 2021, des crédits supplémentaires à hauteur de 18 millions d'euros pour le financement de la prime " Grand âge " au seul bénéfice des agents de la fonction publique ne peut qu'être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs et au ministre de la santé et de la prévention.
Délibéré à l'issue de la séance du 5 juin 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Alain Seban, M. Jean-Luc Nevache, Mme Anne Lazar Sury, M. Damien Botteghi et M. Alban de Nervaux, conseillers d'Etat ; Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, maître des requêtes-rapporteure.
Rendu le 30 juin 2023.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
La rapporteure :
Signé : Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber
N° 465323
ECLI:FR:CECHR:2023:465323.20230630
Inédit au recueil Lebon
1ère - 4ème chambres réunies
Mme Christine Maugüé , président
Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, rapporteur
M. Mathieu Le Coq, rapporteur public
CABINET AKILYS AVOCATS, avocats
Lecture du vendredi 30 juin 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 27 juin et 1er décembre 2022 et le 10 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs (FEHAP) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'instruction n° DGCS/SD5B/DSS/SD1A/CNSA/DESMS/2022/81 du 24 mars 2022 relative aux orientations de la troisième phase de campagne budgétaire des établissements et services médico-sociaux accueillant des personnes âgées pour l'exercice 2021 en tant qu'elle ne prévoit pas de crédits supplémentaires pour le financement de la prime " Grand âge " versée par les établissements et services privés à but non lucratif en 2021 ;
2°) d'enjoindre au ministre de la santé et de la prévention, au ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées et à la directrice de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, en application des dispositions des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative, de prendre une instruction définissant les orientations de la troisième phase de campagne budgétaire des établissements et services médicaux sociaux du secteur privé non lucratif, adhérents de la FEHAP, accueillant des personnes âgées ou des personnes handicapées permettant le versement par les agences régionales de santé des dotations pour le financement de la prime " Grand âge " pour la période allant de juin à décembre 2021 dans un délai de quinze jours et sous une astreinte d'un montant de 10 000 euros par jour et de prévoir un montant complémentaire de 13 millions d'euros à verser à ces établissements pour financer l'extension en année pleine de cette prime pour 2022 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le décret n° 2020-66 du 30 janvier 2020 ;
- le décret n° 2020-1189 du 29 septembre 2020 ;
- l'arrêté du 30 janvier 2020 fixant le montant de la prime instituée par le décret n° 2020-66 du 30 janvier 2020 portant création d'une prime " Grand âge " pour certains personnels affectés dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- l'arrêté du 8 juin 2021 fixant pour l'année 2021 l'objectif de dépenses et le montant total annuel des dépenses pour les établissements et services relevant de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie mentionnée à l'article L. 314-3 du code de l'action sociale et des familles et fixant le montant mentionné à l'article L. 314-3-4 du même code ;
- l'arrêté du 10 décembre 2021 relatif à l'agrément de certains accords de travail applicables dans les établissements et services du secteur social et médico-social privé à but non lucratif ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, qu'après l'adoption du décret du 30 janvier 2020 portant création d'une prime " Grand âge " pour certains personnels affectés dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n°86-33 du 9 janvier 1986, correspondant aux corps des aides-soignants et auxiliaires de puériculture et des accompagnants éducatifs et sociaux de la fonction publique hospitalière, d'un montant mensuel de 118 euros brut, à compter du 1er janvier 2020, dont le bénéfice a été étendu par le décret du 29 septembre 2020 visé ci-dessus aux personnels des corps équivalents de la fonction publique territoriale à compter du 1er mai 2020, les partenaires sociaux ont négocié le 29 juin 2021 un avenant 2021-04 à la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 visant à créer une prime équivalente à compter du 1er octobre 2021 pour les personnels exerçant les mêmes fonctions dans les établissements relevant de cette convention collective. Après que la commission nationale d'agrément a donné un avis défavorable à l'agrément de cet avenant, compte tenu de son important effet report sur 2022, la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs a pris, le 25 octobre 2021, une recommandation patronale relative à l'attribution d'une prime mensuelle " Grand âge " d'un montant de 70 euros bruts à compter du 1er juin 2021, agréée par un arrêté du ministre de la santé et des solidarités du 10 décembre 2021 publié au Journal Officiel de la République française du 18 décembre 2021. D'autre part, après l'intervention de l'arrêté du 8 juin 2021 fixant pour l'année 2021 l'objectif de dépenses et le montant total annuel des dépenses pour les établissements et services relevant de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie mentionnée à l'article L. 314-3 du code de l'action sociale et des familles et fixant le montant mentionné à l'article L. 314-3-4 du même code, incluant un taux d'évolution de la masse salariale de ce secteur de 1,2 %, la campagne budgétaire pour 2021 a fait l'objet de trois instructions budgétaires adressées par le ministre des solidarités et de la santé et la directrice de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie aux agences régionales de santé. La première, du 8 juin 2021, relative aux orientations budgétaires de l'exercice 2021 pour la campagne budgétaire des établissements et services médico-sociaux accueillant des personnes en situation de handicap et des personnes âgées, complétée par une deuxième instruction du 16 novembre 2021, a prévu des délégations de crédit au bénéfice des établissements d'hébergement des personnes âgées dépendantes privés non lucratifs incluant le financement de cette évolution de la masse salariale. Enfin, la troisième instruction du 24 mars 2022 a notamment précisé les crédits supplémentaires alloués aux établissements et services pour personnes âgées relevant de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique territoriale pour financer la tranche 2021 de la prime " Grand âge ". La Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs demande l'annulation de cette troisième instruction en tant qu'elle ne prévoit pas de crédits supplémentaires pour financer la prime " Grand âge " versée, en application de la recommandation patronale agréée, à compter du 1er juin 2021, à leurs personnels par les établissements et services privés à but non lucratif.
Sur la légalité externe :
2. Aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / 1° (...) les directeurs d'administration centrale (...) / 2° Les chefs de service, directeurs-adjoints (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que Mme B... D..., reconduite dans ses fonctions de cheffe de service, adjointe au directeur de la sécurité sociale, à l'administration centrale du ministère des solidarités et de la santé et du ministère de l'économie, des finances et de la relance pour une période de trois ans, à compter du 14 janvier 2022, par un arrêté du 3 janvier 2022, publié au Journal officiel de la République française du 5 janvier 2022, était habilitée à signer l'instruction attaqué aux noms de la ministre des solidarités et de la santé et du ministre de l'action et des comptes publics, en leur qualité de ministres chargés de la sécurité sociale. Il en résulte, d'autre part, que Mme C... A..., nommée directrice générale de la cohésion sociale à compter du 1er septembre 2019 par un décret du 24 juillet 2019, publié au Journal officiel de la République française du 25 juillet 2019, avait qualité pour la signer au nom du ministre des solidarités et de la santé, en sa qualité de ministre chargé de l'action sociale. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence des signataires de l'instruction attaquée doit être écarté.
Sur la légalité interne :
4. Aux termes de l'article L. 314-6 du code de l'action sociale et des familles : " Les conventions collectives de travail, conventions d'entreprise ou d'établissement et accords de retraite applicables aux salariés des établissements et services sociaux et médico-sociaux à but non lucratif dont les dépenses de fonctionnement sont, en vertu de dispositions législatives ou réglementaires, supportées, en tout ou partie, directement ou indirectement, soit par des personnes morales de droit public, soit par des organismes de sécurité sociale, ne prennent effet qu'après agrément donné par le ministre compétent après avis d'une commission où sont représentés des élus locaux et dans des conditions fixées par voie réglementaire (...). Les conventions ou accords agréés s'imposent aux autorités compétentes en matière de tarification, à l'exception des conventions collectives de travail et conventions d'entreprise ou d'établissement applicables au personnel des établissements et services ayant conclu un contrat mentionné au IV ter de l'article L. 313-12 ou à l'article L. 313-12-2. / Les ministres chargés de la sécurité sociale et de l'action sociale établissent annuellement, avant le 1er mars de l'année en cours, un rapport relatif aux agréments des conventions et accords mentionnés à l'alinéa précédent, pour l'année écoulée, et aux orientations en matière d'agrément des accords pour l'année en cours. Ils fixent, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, les paramètres d'évolution de la masse salariale pour l'année en cours, liés notamment à la diversité des financeurs et aux modalités de prise en charge des personnes, qui sont opposables aux parties négociant les conventions susmentionnées. (...) ". Aux termes de l'article R. 314-199 du même code : " Les paramètres d'évolution de la masse salariale figurent dans le rapport prévu à l'article L. 314-6. / Dans la limite du montant fixé au premier alinéa de l'article L. 314-4 et compte tenu de l'objectif des dépenses d'assurance maladie fixé par la loi de financement de la sécurité sociale et des objectifs mentionnés à l'article L. 314-8, ces paramètres sont fixés au regard notamment : / a) Des orientations nationales ou locales en matière de prise en charge des personnes ; / b) Des mesures législatives ou réglementaires ayant une incidence sur la masse salariale des établissements et services sociaux et médico-sociaux et des services concourant à leur fonctionnement du siège de leurs organismes gestionnaires. / Ils peuvent également varier compte tenu de l'évolution prévisionnelle des rémunérations des personnels des établissements et services sociaux et médico-sociaux compte tenu de leur ancienneté ou de leur qualification. (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions qu'afin de réguler l'évolution des dépenses de fonctionnement supportées par les financeurs des établissements et services privés non lucratifs sociaux et médico-sociaux, l'article L. 314-6 du code de l'action sociale et des familles a prévu un mécanisme d'agrément obligatoire des accords collectifs de travail dans le secteur social et médico-social privé à but non lucratif. Les ministres chargés de la sécurité sociale et de l'action sociale fixent par ailleurs, pour l'année en cours, les paramètres d'évolution de la masse salariale, qui figurent dans le rapport établi annuellement avant le 1er mars relatif aux conventions collectives et accords d'entreprises qu'ils ont agréés pour l'année écoulée et aux orientations en matière d'agrément des accords pour l'année en cours. Ces paramètres sont opposables aux parties négociant une convention ou un accord collectif destiné à être rendu applicable aux salariés des établissements et services sociaux et médico-sociaux à but non lucratif dont les dépenses de fonctionnement sont, en vertu de dispositions législatives ou réglementaires, supportées, en tout ou partie, directement ou indirectement, soit par des personnes morales de droit public, soit par des organismes de sécurité sociale, de même qu'aux recommandations patronales qui interviennent dans le champ de tels conventions ou accords collectifs. Une fois agréés, ces conventions ou accords collectifs prennent effet et, sous réserve de l'exception prévue par ces dispositions, s'imposent aux autorités compétentes en matière de tarification.
6. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la recommandation patronale du 25 octobre 2021 agréée par l'arrêté ministériel du 10 décembre 2021 s'impose aux autorités compétentes en matière de tarification. Il ressort à cet égard des pièces du dossier que les crédits alloués au titre de l'augmentation de la masse salariale, fixée en application de l'article L. 314-6 du code de l'action sociale et des familles à 1,2 % pour 2021, correspondant, selon les termes mêmes de la Fédération requérante, à 102 millions d'euros, dont 0,65 % au titre du " glissement vieillesse technicité " et 0,19 % au titre des effets reports des mesures prises en 2020 sur l'année 2021, qui ont fait l'objet de la première instruction budgétaire du 8 juin 2021, permettaient de financer la part relevant de l'assurance maladie de la prime " Grand âge " créée par la recommandation patronale dans les établissements hospitaliers et sociaux et médico-sociaux privés non lucratifs à compter du 1er juin 2021, dont le coût total est chiffré pour 2021 à 18,34 millions d'euros par la fédération requérante. Par suite, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que l'instruction du 24 mars 2022 serait illégale faute d'avoir prévu les moyens de financement de la prime " Grand âge " pour les établissements ou services hospitaliers sociaux et médico-sociaux privés non lucratifs en 2021 et, en tout état de cause, en 2022, peu important, d'une part, que l'agrément de la recommandation patronale, à laquelle les paramètres d'évolution de la masse salariale fixés pour l'année en cours s'imposaient, soit intervenu après cette première instruction budgétaire et, d'autre part, que les crédits correspondant au financement de cette prime dans ces établissements n'aient pas été fléchés par l'instruction du 8 juin 2021.
7. En second lieu, les agents de la fonction publique ne sont pas, en matière de régime indemnitaire, placés dans la même situation que les salariés de droit privé. Par suite, le moyen tiré de ce que l'instruction litigieuse méconnaîtrait le principe d'égalité en ce qu'elle prévoit, au-delà des crédits nécessaires pour prendre en compte le taux d'évolution de la masse salariale de 1,2 % pour 2021, des crédits supplémentaires à hauteur de 18 millions d'euros pour le financement de la prime " Grand âge " au seul bénéfice des agents de la fonction publique ne peut qu'être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs et au ministre de la santé et de la prévention.
Délibéré à l'issue de la séance du 5 juin 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Alain Seban, M. Jean-Luc Nevache, Mme Anne Lazar Sury, M. Damien Botteghi et M. Alban de Nervaux, conseillers d'Etat ; Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, maître des requêtes-rapporteure.
Rendu le 30 juin 2023.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
La rapporteure :
Signé : Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber