Conseil d'État
N° 452089
ECLI:FR:CECHR:2023:452089.20230628
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
Mme Cécile Isidoro, rapporteur
M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public
SARL DELVOLVE ET TRICHET, avocats
Lecture du mercredi 28 juin 2023
Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 avril et 28 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération professionnelle représentative des entreprises coopératives et SICA de fruits et légumes frais et transformés, horticulture et pommes de terre (Felcoop) et la Fédération des producteurs de légumes de France demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de refus de modifier les énonciations du guide de lecture pris pour l'application des règlements CE n° 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007 et CE n° 889/2008 de la Commission du 5 septembre 2008 adopté par l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO), dans sa version du mois de juillet 2019, en abrogeant les mentions précisant que " Le chauffage des serres est possible uniquement dans le respect des cycles naturels. Dans ce cadre la commercialisation au stade de la production avec la qualité biologique pour les légumes : tomates, courgettes, poivrons, aubergines et concombres est interdite entre le 21 décembre et le 30 avril sur le territoire métropolitain " ;
2°) d'enjoindre à l'INAO de procéder à cette abrogation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'INAO la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007 ;
- le règlement d'exécution (CE) n° 889/2008 de la Commission du 5 septembre 2008 ;
- le règlement (UE) 2018/848 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Isidoro, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Felcoop et de la Fédération des producteurs de légumes de France et au cabinet François Pinet, avocat de l'Institut national de l'origine et de la qualité ;
Considérant ce qui suit :
Sur les conclusions à fin d'annulation :
1. Il ressort des pièces du dossier que l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) a modifié en juillet 2019 son Guide de lecture des règlements (CE) n° 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007 relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques et (CE) n° 889/2008 de la Commission du 5 septembre 2008 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 834/2007 pour, notamment, préciser son interprétation des dispositions figurant au a) i et au a) iii de l'article 3 du règlement n° 834/2007 dans sa rédaction alors en vigueur, lequel disposait que " la production biologique poursuit les objectifs généraux suivants : / a) établir un système de gestion durable pour l'agriculture qui : / i) respecte les systèmes et cycles naturels (...) ; / iii) fait une utilisation responsable de l'énergie et des ressources naturelles (...) ". Le Guide de lecture tel que modifié en juillet 2019 indiquait, en regard des dispositions du a) i et du a) iii citées ci-dessus : " Le chauffage des serres est possible uniquement dans le respect des cycles naturels. Dans ce cadre la commercialisation au stade de la production avec la qualité biologique pour les légumes : tomates, courgettes, poivrons, aubergines et concombres est interdite entre le 21 décembre et le 30 avril sur le territoire métropolitain ". La Fédération professionnelle représentative des entreprises coopératives et SICA de fruits et légumes frais et transformés, horticulture et pommes de terre (Felcoop) et la Fédération des producteurs de légumes de France demandent l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite par laquelle l'INAO a rejeté sa demande d'abrogation de ces énonciations du Guide de lecture.
2. L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus opposé à la demande mentionnée au point précédent réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, pour l'autorité compétente, de prendre les mesures jugées nécessaires. La légalité de ce refus doit, dès lors, être appréciée par ce juge au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision.
3. D'une part, il en résulte que les règlements européens à prendre en considération sont ceux applicables à la date de la présente décision, à savoir le règlement (UE) 2018/848 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques, et abrogeant le règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil. D'autre part, si l'INAO a mis en ligne, sur son site internet, un nouveau Guide de lecture de la réglementation biologique, applicable à compter du 1er janvier 2022, ce dernier reprend à l'identique, à son point 17, les énonciations contestées par les requérantes, qui doivent être regardées comme critiquant les énonciations de ce point 17 du nouveau guide.
4. L'article 1er du règlement (UE) 2018/848 du 30 mai 2018 dispose que celui-ci " établit les principes de la production biologique et énonce les règles régissant la production biologique, la certification correspondante et l'utilisation, dans l'étiquetage et la publicité, d'indications faisant référence à la production biologique, ainsi que les règles applicables aux contrôles en sus de ceux que prévoit le règlement (UE) 2017/625 ", et son article 2 prévoit qu'il s'applique aux produits énumérés à son annexe I. Ce règlement précise à l'article 3 que la " production biologique " désigne " l'utilisation (...) de méthodes de production conformes au présent règlement à toutes les étapes de la production, de la préparation et de la distribution (...) ", et fixe les règles concernant chacune de ces étapes. En particulier, son article 9 énonce les " règles de production générales " applicables à la production agricole biologique, son article 12 et la partie 1 de son annexe II définissent les " règles applicables à la production végétale ", et son article 50 dispose que " Les autorités compétentes, les autorités de contrôle et les organismes de contrôle, pour des motifs liés à la production, à l'étiquetage ou à la présentation des produits, n'interdisent pas ou ne restreignent pas la commercialisation des produits biologiques ou en conversion contrôlés par une autre autorité compétente, une autre autorité de contrôle ou un autre organisme de contrôle établi dans un autre État membre si ces produits sont conformes au présent règlement. (...) ".
5. Aux termes de l'article L. 641-13 du code rural et de la pêche maritime : " Peuvent bénéficier de la mention " agriculture biologique " les produits agricoles, transformés ou non, qui satisfont aux exigences de la réglementation communautaire relative à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques ou, le cas échéant, aux conditions définies par les cahiers des charges homologués par arrêté du ou des ministres intéressés sur proposition de l'Institut national de l'origine et de la qualité ".
6. Le règlement (UE) 2018/848 a défini de manière exhaustive, sans renvoyer à l'adoption de textes d'application par les Etats membres et sans que de tels textes soient rendus nécessaires pour sa pleine efficacité, les règles relatives à la production biologique de végétaux et à la commercialisation de tels produits. Dès lors, les autorités nationales ne sont pas compétentes pour édicter des dispositions nationales réitérant, précisant ou complétant cette réglementation.
7. L'INAO et le ministre de l'agriculture soutiennent cependant que les énonciations critiquées se bornent à expliciter, sans y ajouter, les dispositions, figurant désormais à l'article 5 du règlement (UE) 2018/848, aux termes desquelles : " La production biologique est un système de gestion durable qui repose sur les principes généraux suivants : / a) respecter les systèmes et cycles naturels (...) ; / c) faire une utilisation responsable de l'énergie et des ressources naturelles (...) ", et que la prohibition de commercialiser avec la qualité biologique, entre le 21 décembre et le 30 avril, des tomates, courgettes, poivrons, aubergines et concombres cultivées sur le territoire métropolitain sous serre chauffée se borne à donner un effet utile à l'impératif de respecter les cycles naturels, tel qu'énoncé par les dispositions précitées, en répondant à l'exigence d'utilisation responsable de l'énergie également énoncée par ces dispositions par la réduction des émissions de gaz à effet de serre produites par les dispositifs de chauffage des serres, en conformité avec l'objectif assigné à la production biologique de " contribuer à la protection de l'environnement et du climat " figurant au a) de l'article 4 de ce règlement et en participant à la lutte contre les contaminations de l'environnement mentionnée au § 1.6 de la partie 1 de l'annexe II de ce règlement.
8. Toutefois, aucune disposition du règlement (UE) 2018/848 n'assortit ces principes et objectifs généraux d'une prohibition ou d'un encadrement, pour la production agricole biologique, de la culture sous serre chauffée. Dans ces conditions, et en tout état de cause, les énonciations critiquées méconnaissent la portée des dispositions que leur auteur entendait expliciter.
9. La Fédération professionnelle représentative des entreprises coopératives et SICA de fruits et légumes frais et transformés, horticulture et pommes de terre (Felcoop) et la Fédération des producteurs de légumes de France sont donc fondées, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de leur requête, à demander l'annulation du refus d'abroger les énonciations du guide de lecture qu'elles contestent.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
10. L'annulation de la décision de refus d'abroger les énonciations figurant désormais au point 17 du guide de lecture implique nécessairement leur abrogation. Il y a lieu d'ordonner à l'INAO d'abroger ces énonciations dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'INAO la somme de 3 000 euros à verser à la Fédération professionnelle représentative des entreprises coopératives et SICA de fruits et légumes frais et transformés, horticulture et pommes de terre (Felcoop) et à la Fédération des producteurs de légumes de France. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge des requérantes, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La décision implicite de rejet née du silence gardé par l'INAO sur la demande de la Fédération professionnelle représentative des entreprises coopératives et SICA de fruits et légumes frais et transformés, horticulture et pommes de terre (Felcoop) et de la Fédération des producteurs de légumes de France tendant à l'abrogation des énonciations figurant désormais au point 17 du guide de lecture de l'INAO est annulée.
Article 2 : Il est enjoint à l'INAO d'abroger ces énonciations dans un délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision.
Article 3 : L'INAO versera à la Fédération professionnelle représentative des entreprises coopératives et SICA de fruits et légumes frais et transformés, horticulture et pommes de terre (Felcoop) et à la Fédération des producteurs de légumes de France une somme globale de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la Fédération professionnelle représentative des entreprises coopératives et SICA de fruits et légumes frais et transformés, horticulture et pommes de terre (Felcoop) et de la Fédération des producteurs de légumes de France est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la Fédération professionnelle représentative des entreprises coopératives et SICA de fruits et légumes frais et transformés, horticulture et pommes de terre (Felcoop) et à la Fédération des producteurs de légumes de France, à l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Délibéré à l'issue de la séance du 12 mai 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et Mme Cécile Isidoro, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 28 juin 2023.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Cécile Isidoro
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin
N° 452089
ECLI:FR:CECHR:2023:452089.20230628
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
Mme Cécile Isidoro, rapporteur
M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public
SARL DELVOLVE ET TRICHET, avocats
Lecture du mercredi 28 juin 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 avril et 28 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération professionnelle représentative des entreprises coopératives et SICA de fruits et légumes frais et transformés, horticulture et pommes de terre (Felcoop) et la Fédération des producteurs de légumes de France demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de refus de modifier les énonciations du guide de lecture pris pour l'application des règlements CE n° 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007 et CE n° 889/2008 de la Commission du 5 septembre 2008 adopté par l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO), dans sa version du mois de juillet 2019, en abrogeant les mentions précisant que " Le chauffage des serres est possible uniquement dans le respect des cycles naturels. Dans ce cadre la commercialisation au stade de la production avec la qualité biologique pour les légumes : tomates, courgettes, poivrons, aubergines et concombres est interdite entre le 21 décembre et le 30 avril sur le territoire métropolitain " ;
2°) d'enjoindre à l'INAO de procéder à cette abrogation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'INAO la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007 ;
- le règlement d'exécution (CE) n° 889/2008 de la Commission du 5 septembre 2008 ;
- le règlement (UE) 2018/848 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Isidoro, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Felcoop et de la Fédération des producteurs de légumes de France et au cabinet François Pinet, avocat de l'Institut national de l'origine et de la qualité ;
Considérant ce qui suit :
Sur les conclusions à fin d'annulation :
1. Il ressort des pièces du dossier que l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) a modifié en juillet 2019 son Guide de lecture des règlements (CE) n° 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007 relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques et (CE) n° 889/2008 de la Commission du 5 septembre 2008 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 834/2007 pour, notamment, préciser son interprétation des dispositions figurant au a) i et au a) iii de l'article 3 du règlement n° 834/2007 dans sa rédaction alors en vigueur, lequel disposait que " la production biologique poursuit les objectifs généraux suivants : / a) établir un système de gestion durable pour l'agriculture qui : / i) respecte les systèmes et cycles naturels (...) ; / iii) fait une utilisation responsable de l'énergie et des ressources naturelles (...) ". Le Guide de lecture tel que modifié en juillet 2019 indiquait, en regard des dispositions du a) i et du a) iii citées ci-dessus : " Le chauffage des serres est possible uniquement dans le respect des cycles naturels. Dans ce cadre la commercialisation au stade de la production avec la qualité biologique pour les légumes : tomates, courgettes, poivrons, aubergines et concombres est interdite entre le 21 décembre et le 30 avril sur le territoire métropolitain ". La Fédération professionnelle représentative des entreprises coopératives et SICA de fruits et légumes frais et transformés, horticulture et pommes de terre (Felcoop) et la Fédération des producteurs de légumes de France demandent l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite par laquelle l'INAO a rejeté sa demande d'abrogation de ces énonciations du Guide de lecture.
2. L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus opposé à la demande mentionnée au point précédent réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, pour l'autorité compétente, de prendre les mesures jugées nécessaires. La légalité de ce refus doit, dès lors, être appréciée par ce juge au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision.
3. D'une part, il en résulte que les règlements européens à prendre en considération sont ceux applicables à la date de la présente décision, à savoir le règlement (UE) 2018/848 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques, et abrogeant le règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil. D'autre part, si l'INAO a mis en ligne, sur son site internet, un nouveau Guide de lecture de la réglementation biologique, applicable à compter du 1er janvier 2022, ce dernier reprend à l'identique, à son point 17, les énonciations contestées par les requérantes, qui doivent être regardées comme critiquant les énonciations de ce point 17 du nouveau guide.
4. L'article 1er du règlement (UE) 2018/848 du 30 mai 2018 dispose que celui-ci " établit les principes de la production biologique et énonce les règles régissant la production biologique, la certification correspondante et l'utilisation, dans l'étiquetage et la publicité, d'indications faisant référence à la production biologique, ainsi que les règles applicables aux contrôles en sus de ceux que prévoit le règlement (UE) 2017/625 ", et son article 2 prévoit qu'il s'applique aux produits énumérés à son annexe I. Ce règlement précise à l'article 3 que la " production biologique " désigne " l'utilisation (...) de méthodes de production conformes au présent règlement à toutes les étapes de la production, de la préparation et de la distribution (...) ", et fixe les règles concernant chacune de ces étapes. En particulier, son article 9 énonce les " règles de production générales " applicables à la production agricole biologique, son article 12 et la partie 1 de son annexe II définissent les " règles applicables à la production végétale ", et son article 50 dispose que " Les autorités compétentes, les autorités de contrôle et les organismes de contrôle, pour des motifs liés à la production, à l'étiquetage ou à la présentation des produits, n'interdisent pas ou ne restreignent pas la commercialisation des produits biologiques ou en conversion contrôlés par une autre autorité compétente, une autre autorité de contrôle ou un autre organisme de contrôle établi dans un autre État membre si ces produits sont conformes au présent règlement. (...) ".
5. Aux termes de l'article L. 641-13 du code rural et de la pêche maritime : " Peuvent bénéficier de la mention " agriculture biologique " les produits agricoles, transformés ou non, qui satisfont aux exigences de la réglementation communautaire relative à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques ou, le cas échéant, aux conditions définies par les cahiers des charges homologués par arrêté du ou des ministres intéressés sur proposition de l'Institut national de l'origine et de la qualité ".
6. Le règlement (UE) 2018/848 a défini de manière exhaustive, sans renvoyer à l'adoption de textes d'application par les Etats membres et sans que de tels textes soient rendus nécessaires pour sa pleine efficacité, les règles relatives à la production biologique de végétaux et à la commercialisation de tels produits. Dès lors, les autorités nationales ne sont pas compétentes pour édicter des dispositions nationales réitérant, précisant ou complétant cette réglementation.
7. L'INAO et le ministre de l'agriculture soutiennent cependant que les énonciations critiquées se bornent à expliciter, sans y ajouter, les dispositions, figurant désormais à l'article 5 du règlement (UE) 2018/848, aux termes desquelles : " La production biologique est un système de gestion durable qui repose sur les principes généraux suivants : / a) respecter les systèmes et cycles naturels (...) ; / c) faire une utilisation responsable de l'énergie et des ressources naturelles (...) ", et que la prohibition de commercialiser avec la qualité biologique, entre le 21 décembre et le 30 avril, des tomates, courgettes, poivrons, aubergines et concombres cultivées sur le territoire métropolitain sous serre chauffée se borne à donner un effet utile à l'impératif de respecter les cycles naturels, tel qu'énoncé par les dispositions précitées, en répondant à l'exigence d'utilisation responsable de l'énergie également énoncée par ces dispositions par la réduction des émissions de gaz à effet de serre produites par les dispositifs de chauffage des serres, en conformité avec l'objectif assigné à la production biologique de " contribuer à la protection de l'environnement et du climat " figurant au a) de l'article 4 de ce règlement et en participant à la lutte contre les contaminations de l'environnement mentionnée au § 1.6 de la partie 1 de l'annexe II de ce règlement.
8. Toutefois, aucune disposition du règlement (UE) 2018/848 n'assortit ces principes et objectifs généraux d'une prohibition ou d'un encadrement, pour la production agricole biologique, de la culture sous serre chauffée. Dans ces conditions, et en tout état de cause, les énonciations critiquées méconnaissent la portée des dispositions que leur auteur entendait expliciter.
9. La Fédération professionnelle représentative des entreprises coopératives et SICA de fruits et légumes frais et transformés, horticulture et pommes de terre (Felcoop) et la Fédération des producteurs de légumes de France sont donc fondées, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de leur requête, à demander l'annulation du refus d'abroger les énonciations du guide de lecture qu'elles contestent.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
10. L'annulation de la décision de refus d'abroger les énonciations figurant désormais au point 17 du guide de lecture implique nécessairement leur abrogation. Il y a lieu d'ordonner à l'INAO d'abroger ces énonciations dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'INAO la somme de 3 000 euros à verser à la Fédération professionnelle représentative des entreprises coopératives et SICA de fruits et légumes frais et transformés, horticulture et pommes de terre (Felcoop) et à la Fédération des producteurs de légumes de France. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge des requérantes, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La décision implicite de rejet née du silence gardé par l'INAO sur la demande de la Fédération professionnelle représentative des entreprises coopératives et SICA de fruits et légumes frais et transformés, horticulture et pommes de terre (Felcoop) et de la Fédération des producteurs de légumes de France tendant à l'abrogation des énonciations figurant désormais au point 17 du guide de lecture de l'INAO est annulée.
Article 2 : Il est enjoint à l'INAO d'abroger ces énonciations dans un délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision.
Article 3 : L'INAO versera à la Fédération professionnelle représentative des entreprises coopératives et SICA de fruits et légumes frais et transformés, horticulture et pommes de terre (Felcoop) et à la Fédération des producteurs de légumes de France une somme globale de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la Fédération professionnelle représentative des entreprises coopératives et SICA de fruits et légumes frais et transformés, horticulture et pommes de terre (Felcoop) et de la Fédération des producteurs de légumes de France est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la Fédération professionnelle représentative des entreprises coopératives et SICA de fruits et légumes frais et transformés, horticulture et pommes de terre (Felcoop) et à la Fédération des producteurs de légumes de France, à l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Délibéré à l'issue de la séance du 12 mai 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et Mme Cécile Isidoro, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 28 juin 2023.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Cécile Isidoro
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin