Conseil d'État
N° 459447
ECLI:FR:CECHR:2023:459447.20230613
Inédit au recueil Lebon
5ème - 6ème chambres réunies
Mme Christine Maugüé , président
M. Christophe Barthélemy, rapporteur
M. Maxime Boutron, rapporteur public
Lecture du mardi 13 juin 2023
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 14 décembre 2021 et le 9 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... et la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Pharmacie A... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'instruction du ministre des solidarités et de la santé n° DGOS/RH2/2021/218 du 28 octobre 2021 relative au contrôle de l'obligation vaccinale des professionnels de santé libéraux ;
2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;
- le décret n° 2017-1076 du 24 mai 2017 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, dans sa rédaction en vigueur à la date de signature de l'instruction attaquée : " I. - Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : (...) 2° Les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du code de la santé publique, lorsqu'ils ne relèvent pas du 1° du présent I ; (...) ". En vertu de l'article 13 de la même loi : " I. - Les personnes mentionnées au I de l'article 12 établissent : 1° Satisfaire à l'obligation de vaccination en présentant le certificat de statut vaccinal prévu au second alinéa du II du même article 12. (...) V. - Les employeurs sont chargés de contrôler le respect de l'obligation prévue au I de l'article 12 par les personnes placées sous leur responsabilité. Les agences régionales de santé compétentes sont chargées de contrôler le respect de cette même obligation par les autres personnes concernées. (...) ". Selon l'article 14 de la même loi : " I. - A. - A compter du lendemain de la publication de la présente loi et jusqu'au 14 septembre 2021 inclus, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 (...). B. - A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12. Par dérogation au premier alinéa du présent B, à compter du 15 septembre 2021 et jusqu'au 15 octobre 2021 inclus, sont autorisées à exercer leur activité les personnes mentionnées au I de l'article 12 qui, dans le cadre d'un schéma vaccinal comprenant plusieurs doses, justifient de l'administration d'au moins une des doses requises par le décret mentionné au II du même article 12, sous réserve de présenter le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 prévu par le même décret. (...). IV. - Les agences régionales de santé vérifient que les personnes mentionnées aux 2° (...) du I de l'article 12 qui ne leur ont pas adressé les documents mentionnés au I de l'article 13 ne méconnaissent pas l'interdiction d'exercer leur activité prévue au I du présent article. V. - Lorsque l'employeur ou l'agence régionale de santé constate qu'un professionnel de santé ne peut plus exercer son activité en application du présent article depuis plus de trente jours, il en informe, le cas échéant, le conseil national de l'ordre dont il relève. ".
2. M. A... et la SELARL Pharmacie A... demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'instruction n° DGOS/RH2/2021/218 du 28 octobre 2021 relative au contrôle de l'obligation vaccinale des professionnels de santé libéraux, adressée par le ministre des solidarités et de la santé aux directeurs généraux des agences régionales de santé (ARS), qui rappelle les obligations des professionnels de santé libéraux, décrit la procédure de contrôle que doivent suivre les ARS et énonce les suites à donner en cas de méconnaissance de l'obligation vaccinale contre la covid 19 par un professionnel de santé libéral, en tant qu'elle concerne les pharmaciens. Cette instruction prévoit notamment que, en cas de manquement d'un professionnel de santé à l'obligation de vaccination, le directeur général de l'ARS, d'une part informe l'intéressé de sa suspension d'exercice et de la suspension des remboursements aux assurés sociaux par l'assurance maladie à l'issue d'un délai de trente jours, et, d'autre part informe le conseil départemental de l'ordre professionnel compétent ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du lieu d'exercice principal du professionnel de santé, afin que celle-ci informe les assurés sociaux suivis habituellement par ce professionnel de la suspension dont il fait l'objet. Elle précise que, en cas de poursuite de son activité par le professionnel, le conseil départemental de l'ordre compétent peut être saisi d'une plainte pour manquement déontologique. Elle prévoit que, même en l'absence de décision de suspension ou d'action disciplinaire, le professionnel de santé ne peut plus, dès l'expiration des délais prévus par l'article 14 de la loi du 5 août 2021, procéder à des téléconsultations, ni se faire remplacer, même sans contrepartie financière. Elle prévoit également que les pharmacies d'officine doivent être fermées en cas de méconnaissance de l'obligation vaccinale par le pharmacien titulaire.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre des solidarités et de la santé :
3. Les documents de portée générale émanant d'autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en oeuvre. Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices.
4. Eu égard à sa teneur, rappelée au point 2, l'instruction attaquée, adressée aux directeurs généraux des ARS, chargés par la loi de contrôler le respect de l'obligation vaccinale par les professionnels de santé libéraux, est susceptible de produire des effets notables sur la situation de ces professionnels. Il suit de là que la fin de non-recevoir opposée par le ministre des solidarités et de la santé, tirée de ce que l'instruction attaquée serait insusceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, doit être écartée.
Sur la légalité externe de l'instruction attaquée :
En ce qui concerne le défaut de saisine du Conseil national de l'ordre des pharmaciens :
5. Aux termes de l'article L. 4231-1 du code de la santé publique : " L'ordre national des pharmaciens a pour objet : 1° D'assurer le respect des devoirs professionnels ; 2° D'assurer la défense de l'honneur et de l'indépendance de la profession ; 3° De veiller à la compétence des pharmaciens ; 4° De contribuer à promouvoir la santé publique et la qualité des soins, notamment la sécurité des actes professionnels. L'ordre national des pharmaciens groupe les pharmaciens exerçant leur art en France. ". En vertu des dispositions de l'article L. 4231-2 du même code : " Le Conseil national de l'ordre des pharmaciens est le défenseur de la légalité et de la moralité professionnelle. (...). Il délibère sur les affaires soumises à son examen par le ministre chargé de la santé et par les conseils centraux. ". Ni ces dispositions, ni aucune autre disposition ne faisait obligation au ministre chargé de la santé de consulter le Conseil national de l'ordre des pharmaciens sur l'instruction attaquée. Par suite, le moyen tiré du défaut de consultation de ce conseil ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la compétence du ministre chargé de la santé :
6. En premier lieu, il résulte des dispositions combinées des articles 13 et 14 de la loi du 5 août 2021 que les professionnels de santé qui n'ont pas respecté l'obligation de se vacciner contre la covid 19 n'ont plus le droit d'exercer leur activité. L'instruction attaquée n'est ainsi, en tout état de cause, pas entachée d'incompétence en ce qu'elle rappelle que " même en l'absence de toute décision de suspension ou d'action disciplinaire, le professionnel de santé ne peut, dès l'entrée en application des délais prévus par la loi du 5 août 2021 : procéder à de la téléconsultation (...) ".
7. En deuxième lieu, toutefois, l'instruction attaquée dispose que les professionnels concernés sont informés " de la suspension des remboursements par l'assurance maladie à l'issue d'un délai de prévenance de trente jours ". En ce qu'elle prévoit ainsi, s'agissant des pharmaciens, que les médicaments délivrés sur prescription médicale par un pharmacien dont le manquement à l'obligation vaccinale contre la covid 19 a été constaté ne pourront plus, à l'issue d'un délai de trente jours, donner lieu à remboursement par l'assurance maladie, le ministre chargé de la santé a ajouté aux dispositions de l'article 14 de la loi du 5 août 2021, et ainsi fixé une règle nouvelle entachée d'incompétence.
8. En troisième lieu, il résulte des dispositions des articles L. 5125-16 et R. 5125-39 du code de la santé publique que les pharmaciens peuvent se faire remplacer temporairement dans leur exercice, dans les conditions qu'elles fixent. En l'absence de toute disposition législative ou réglementaire l'y habilitant, le ministre chargé de la santé a fixé une règle nouvelle entachée d'incompétence, d'une part en interdisant aux pharmaciens n'ayant pas satisfait à l'obligation vaccinale contre la covid 19 de se faire remplacer et, d'autre part en prévoyant de ce fait dans tous les cas la fermeture des pharmacies d'officine dont le pharmacien titulaire ne satisfait pas le schéma vaccinal.
Sur la légalité interne de l'instruction attaquée :
En ce qui concerne la méconnaissance de l'article 57 de la convention nationale organisant les rapports entre les pharmaciens titulaires d'officine et l'assurance maladie par les caisses primaires d'assurance maladie :
9. L'article 57 de de la convention nationale organisant les rapports entre les pharmaciens titulaires d'officine et l'assurance maladie alors applicable, approuvée par arrêté du 4 mai 2012, impose la consultation de la commission paritaire nationale avant toute décision de déconventionnement. Les requérants ne peuvent en tout état de cause utilement se prévaloir de ces dispositions à l'encontre de la circulaire attaquée, qui ne contient aucune disposition prévoyant le déconventionnement des pharmaciens.
En ce qui concerne la méconnaissance du principe de non-rétroactivité des actes administratifs :
10. L'instruction attaquée rappelle que la loi du 5 août 2021 a fixé l'entrée en vigueur de l'interdiction d'exercice au 15 septembre 2021 pour les professionnels non vaccinés et au 16 octobre 2021 pour les professionnels engagés dans un schéma vaccinal. Elle prescrit l'organisation de contrôles sur pièces ou sur place conduisant, lorsqu'un manquement à l'obligation vaccinale est constaté, à informer le professionnel de santé des suites à donner à cette situation, en lui accordant un délai de trente jours avant la prise d'effet des conséquences attachées à cette interdiction d'exercice. Par suite, le moyen tiré de ce que l'instruction attaquée méconnaîtrait le principe de non-rétroactivité des actes administratifs ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions des articles 12 et 14 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire :
11. L'instruction attaquée rappelle les conséquences attachées au non-respect, par les professionnels soumis à l'obligation vaccinale contre la covid 19, de l'interdiction d'exercice prévue par l'article 14 de la loi du 5 août 2021. Les requérants ne sont par suite pas fondés à soutenir qu'elle méconnaîtrait les dispositions des articles 12 et 14 de cette loi en ne distinguant pas entre les professionnels de santé non vaccinés qui exercent néanmoins leur activité et les autres professionnels de santé.
12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens dirigés contre les dispositions mentionnées aux points 7 et 8, que M. A... et la SELARL Pharmacie A... ne sont fondés à demander l'annulation pour excès de pouvoir de l'instruction ministérielle attaquée qu'en tant qu'elle prévoit la suspension des remboursements par l'assurance maladie des médicaments dispensés par un pharmacien n'ayant pas respecté l'obligation vaccinale contre la covid 19, qu'elle indique que les pharmaciens libéraux non vaccinés ne peuvent pas se faire remplacer et qu'elle prescrit dans tous les cas la fermeture des officines dont le pharmacien principal est suspendu en raison de sa méconnaissance de l'obligation vaccinale.
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. A... et une somme de 1 500 euros à verser à la SELARL Pharmacie A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'instruction du ministre des solidarités et de la santé n° DGOS/RH2/2021/218 du 28 octobre 2021 relative au contrôle de l'obligation vaccinale des professionnels de santé libéraux est annulée en tant qu'elle prévoit la suspension des remboursements par l'assurance maladie des médicaments dispensés par un pharmacien n'ayant pas respecté l'obligation vaccinale contre la covid 19, qu'elle indique que les pharmaciens libéraux non vaccinés ne peuvent pas se faire remplacer et qu'elle prescrit dans tous les cas la fermeture des officines dont le pharmacien titulaire est suspendu en raison de sa méconnaissance de l'obligation vaccinale.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. A... et la somme de 1 500 euros à la SELARL Pharmacie A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
rticle 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., à la SELARL Pharmacie A... et au ministre de la santé et de la prévention.
Délibéré à l'issue de la séance du 21 avril 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat, Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, conseillères d'Etat, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat et M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 13 juin 2023.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
Le rapporteur :
Signé : M. Christophe Barthélemy
La secrétaire :
Signé : Mme Anne-Lise Calvaire
N° 459447
ECLI:FR:CECHR:2023:459447.20230613
Inédit au recueil Lebon
5ème - 6ème chambres réunies
Mme Christine Maugüé , président
M. Christophe Barthélemy, rapporteur
M. Maxime Boutron, rapporteur public
Lecture du mardi 13 juin 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 14 décembre 2021 et le 9 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... et la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Pharmacie A... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'instruction du ministre des solidarités et de la santé n° DGOS/RH2/2021/218 du 28 octobre 2021 relative au contrôle de l'obligation vaccinale des professionnels de santé libéraux ;
2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;
- le décret n° 2017-1076 du 24 mai 2017 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, dans sa rédaction en vigueur à la date de signature de l'instruction attaquée : " I. - Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : (...) 2° Les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du code de la santé publique, lorsqu'ils ne relèvent pas du 1° du présent I ; (...) ". En vertu de l'article 13 de la même loi : " I. - Les personnes mentionnées au I de l'article 12 établissent : 1° Satisfaire à l'obligation de vaccination en présentant le certificat de statut vaccinal prévu au second alinéa du II du même article 12. (...) V. - Les employeurs sont chargés de contrôler le respect de l'obligation prévue au I de l'article 12 par les personnes placées sous leur responsabilité. Les agences régionales de santé compétentes sont chargées de contrôler le respect de cette même obligation par les autres personnes concernées. (...) ". Selon l'article 14 de la même loi : " I. - A. - A compter du lendemain de la publication de la présente loi et jusqu'au 14 septembre 2021 inclus, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 (...). B. - A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12. Par dérogation au premier alinéa du présent B, à compter du 15 septembre 2021 et jusqu'au 15 octobre 2021 inclus, sont autorisées à exercer leur activité les personnes mentionnées au I de l'article 12 qui, dans le cadre d'un schéma vaccinal comprenant plusieurs doses, justifient de l'administration d'au moins une des doses requises par le décret mentionné au II du même article 12, sous réserve de présenter le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 prévu par le même décret. (...). IV. - Les agences régionales de santé vérifient que les personnes mentionnées aux 2° (...) du I de l'article 12 qui ne leur ont pas adressé les documents mentionnés au I de l'article 13 ne méconnaissent pas l'interdiction d'exercer leur activité prévue au I du présent article. V. - Lorsque l'employeur ou l'agence régionale de santé constate qu'un professionnel de santé ne peut plus exercer son activité en application du présent article depuis plus de trente jours, il en informe, le cas échéant, le conseil national de l'ordre dont il relève. ".
2. M. A... et la SELARL Pharmacie A... demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'instruction n° DGOS/RH2/2021/218 du 28 octobre 2021 relative au contrôle de l'obligation vaccinale des professionnels de santé libéraux, adressée par le ministre des solidarités et de la santé aux directeurs généraux des agences régionales de santé (ARS), qui rappelle les obligations des professionnels de santé libéraux, décrit la procédure de contrôle que doivent suivre les ARS et énonce les suites à donner en cas de méconnaissance de l'obligation vaccinale contre la covid 19 par un professionnel de santé libéral, en tant qu'elle concerne les pharmaciens. Cette instruction prévoit notamment que, en cas de manquement d'un professionnel de santé à l'obligation de vaccination, le directeur général de l'ARS, d'une part informe l'intéressé de sa suspension d'exercice et de la suspension des remboursements aux assurés sociaux par l'assurance maladie à l'issue d'un délai de trente jours, et, d'autre part informe le conseil départemental de l'ordre professionnel compétent ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du lieu d'exercice principal du professionnel de santé, afin que celle-ci informe les assurés sociaux suivis habituellement par ce professionnel de la suspension dont il fait l'objet. Elle précise que, en cas de poursuite de son activité par le professionnel, le conseil départemental de l'ordre compétent peut être saisi d'une plainte pour manquement déontologique. Elle prévoit que, même en l'absence de décision de suspension ou d'action disciplinaire, le professionnel de santé ne peut plus, dès l'expiration des délais prévus par l'article 14 de la loi du 5 août 2021, procéder à des téléconsultations, ni se faire remplacer, même sans contrepartie financière. Elle prévoit également que les pharmacies d'officine doivent être fermées en cas de méconnaissance de l'obligation vaccinale par le pharmacien titulaire.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre des solidarités et de la santé :
3. Les documents de portée générale émanant d'autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en oeuvre. Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices.
4. Eu égard à sa teneur, rappelée au point 2, l'instruction attaquée, adressée aux directeurs généraux des ARS, chargés par la loi de contrôler le respect de l'obligation vaccinale par les professionnels de santé libéraux, est susceptible de produire des effets notables sur la situation de ces professionnels. Il suit de là que la fin de non-recevoir opposée par le ministre des solidarités et de la santé, tirée de ce que l'instruction attaquée serait insusceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, doit être écartée.
Sur la légalité externe de l'instruction attaquée :
En ce qui concerne le défaut de saisine du Conseil national de l'ordre des pharmaciens :
5. Aux termes de l'article L. 4231-1 du code de la santé publique : " L'ordre national des pharmaciens a pour objet : 1° D'assurer le respect des devoirs professionnels ; 2° D'assurer la défense de l'honneur et de l'indépendance de la profession ; 3° De veiller à la compétence des pharmaciens ; 4° De contribuer à promouvoir la santé publique et la qualité des soins, notamment la sécurité des actes professionnels. L'ordre national des pharmaciens groupe les pharmaciens exerçant leur art en France. ". En vertu des dispositions de l'article L. 4231-2 du même code : " Le Conseil national de l'ordre des pharmaciens est le défenseur de la légalité et de la moralité professionnelle. (...). Il délibère sur les affaires soumises à son examen par le ministre chargé de la santé et par les conseils centraux. ". Ni ces dispositions, ni aucune autre disposition ne faisait obligation au ministre chargé de la santé de consulter le Conseil national de l'ordre des pharmaciens sur l'instruction attaquée. Par suite, le moyen tiré du défaut de consultation de ce conseil ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la compétence du ministre chargé de la santé :
6. En premier lieu, il résulte des dispositions combinées des articles 13 et 14 de la loi du 5 août 2021 que les professionnels de santé qui n'ont pas respecté l'obligation de se vacciner contre la covid 19 n'ont plus le droit d'exercer leur activité. L'instruction attaquée n'est ainsi, en tout état de cause, pas entachée d'incompétence en ce qu'elle rappelle que " même en l'absence de toute décision de suspension ou d'action disciplinaire, le professionnel de santé ne peut, dès l'entrée en application des délais prévus par la loi du 5 août 2021 : procéder à de la téléconsultation (...) ".
7. En deuxième lieu, toutefois, l'instruction attaquée dispose que les professionnels concernés sont informés " de la suspension des remboursements par l'assurance maladie à l'issue d'un délai de prévenance de trente jours ". En ce qu'elle prévoit ainsi, s'agissant des pharmaciens, que les médicaments délivrés sur prescription médicale par un pharmacien dont le manquement à l'obligation vaccinale contre la covid 19 a été constaté ne pourront plus, à l'issue d'un délai de trente jours, donner lieu à remboursement par l'assurance maladie, le ministre chargé de la santé a ajouté aux dispositions de l'article 14 de la loi du 5 août 2021, et ainsi fixé une règle nouvelle entachée d'incompétence.
8. En troisième lieu, il résulte des dispositions des articles L. 5125-16 et R. 5125-39 du code de la santé publique que les pharmaciens peuvent se faire remplacer temporairement dans leur exercice, dans les conditions qu'elles fixent. En l'absence de toute disposition législative ou réglementaire l'y habilitant, le ministre chargé de la santé a fixé une règle nouvelle entachée d'incompétence, d'une part en interdisant aux pharmaciens n'ayant pas satisfait à l'obligation vaccinale contre la covid 19 de se faire remplacer et, d'autre part en prévoyant de ce fait dans tous les cas la fermeture des pharmacies d'officine dont le pharmacien titulaire ne satisfait pas le schéma vaccinal.
Sur la légalité interne de l'instruction attaquée :
En ce qui concerne la méconnaissance de l'article 57 de la convention nationale organisant les rapports entre les pharmaciens titulaires d'officine et l'assurance maladie par les caisses primaires d'assurance maladie :
9. L'article 57 de de la convention nationale organisant les rapports entre les pharmaciens titulaires d'officine et l'assurance maladie alors applicable, approuvée par arrêté du 4 mai 2012, impose la consultation de la commission paritaire nationale avant toute décision de déconventionnement. Les requérants ne peuvent en tout état de cause utilement se prévaloir de ces dispositions à l'encontre de la circulaire attaquée, qui ne contient aucune disposition prévoyant le déconventionnement des pharmaciens.
En ce qui concerne la méconnaissance du principe de non-rétroactivité des actes administratifs :
10. L'instruction attaquée rappelle que la loi du 5 août 2021 a fixé l'entrée en vigueur de l'interdiction d'exercice au 15 septembre 2021 pour les professionnels non vaccinés et au 16 octobre 2021 pour les professionnels engagés dans un schéma vaccinal. Elle prescrit l'organisation de contrôles sur pièces ou sur place conduisant, lorsqu'un manquement à l'obligation vaccinale est constaté, à informer le professionnel de santé des suites à donner à cette situation, en lui accordant un délai de trente jours avant la prise d'effet des conséquences attachées à cette interdiction d'exercice. Par suite, le moyen tiré de ce que l'instruction attaquée méconnaîtrait le principe de non-rétroactivité des actes administratifs ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions des articles 12 et 14 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire :
11. L'instruction attaquée rappelle les conséquences attachées au non-respect, par les professionnels soumis à l'obligation vaccinale contre la covid 19, de l'interdiction d'exercice prévue par l'article 14 de la loi du 5 août 2021. Les requérants ne sont par suite pas fondés à soutenir qu'elle méconnaîtrait les dispositions des articles 12 et 14 de cette loi en ne distinguant pas entre les professionnels de santé non vaccinés qui exercent néanmoins leur activité et les autres professionnels de santé.
12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens dirigés contre les dispositions mentionnées aux points 7 et 8, que M. A... et la SELARL Pharmacie A... ne sont fondés à demander l'annulation pour excès de pouvoir de l'instruction ministérielle attaquée qu'en tant qu'elle prévoit la suspension des remboursements par l'assurance maladie des médicaments dispensés par un pharmacien n'ayant pas respecté l'obligation vaccinale contre la covid 19, qu'elle indique que les pharmaciens libéraux non vaccinés ne peuvent pas se faire remplacer et qu'elle prescrit dans tous les cas la fermeture des officines dont le pharmacien principal est suspendu en raison de sa méconnaissance de l'obligation vaccinale.
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. A... et une somme de 1 500 euros à verser à la SELARL Pharmacie A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'instruction du ministre des solidarités et de la santé n° DGOS/RH2/2021/218 du 28 octobre 2021 relative au contrôle de l'obligation vaccinale des professionnels de santé libéraux est annulée en tant qu'elle prévoit la suspension des remboursements par l'assurance maladie des médicaments dispensés par un pharmacien n'ayant pas respecté l'obligation vaccinale contre la covid 19, qu'elle indique que les pharmaciens libéraux non vaccinés ne peuvent pas se faire remplacer et qu'elle prescrit dans tous les cas la fermeture des officines dont le pharmacien titulaire est suspendu en raison de sa méconnaissance de l'obligation vaccinale.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. A... et la somme de 1 500 euros à la SELARL Pharmacie A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
rticle 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., à la SELARL Pharmacie A... et au ministre de la santé et de la prévention.
Délibéré à l'issue de la séance du 21 avril 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat, Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, conseillères d'Etat, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat et M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 13 juin 2023.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
Le rapporteur :
Signé : M. Christophe Barthélemy
La secrétaire :
Signé : Mme Anne-Lise Calvaire