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Ariane Web: Conseil d'État 456015, lecture du 2 juin 2023, ECLI:FR:CECHR:2023:456015.20230602

Décision n° 456015
2 juin 2023
Conseil d'État

N° 456015
ECLI:FR:CECHR:2023:456015.20230602
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
M. Rémy Schwartz, président
M. David Gaudillère, rapporteur
M. Nicolas Agnoux, rapporteur public
SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO, avocats


Lecture du vendredi 2 juin 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

L'association d'aide aux maîtres d'ouvrage individuels a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 avril 2018 par lequel la préfète de l'Essonne lui a retiré l'agrément qui lui avait été délivré en tant qu'association de défense des consommateurs, sur le fondement des articles L. 811-1 et L. 811-2 du code de la consommation. Par un jugement n° 1804495 du 2 décembre 2019, le tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 19VE04112 du 29 juin 2021, la cour administrative d'appel de Versailles a, après avoir admis les interventions de M. A... B..., de la société Groupe Teber Avenir, de la société SFMI, de la société Maison Pierre et de la caisse de garantie immobilière du bâtiment, rejeté l'appel formé par l'association d'aide aux maîtres d'ouvrage individuels contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 août et 26 novembre 2021, et le 5 mai 2023, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association d'aide aux maîtres d'ouvrage individuels demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, de M. A... B..., de la société Groupe Teber Avenir, de la société SFMI, de la caisse de garantie immobilière du bâtiment et de la société Maisons Pierre, intervenants devant la cour administrative d'appel, la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de la consommation, notamment ses articles L. 811-2 et R. 811-7 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. David Gaudillère, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de l'association d'aide aux maitres d'ouvrage Individuels, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société Maisons Pierre et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la caisse de garantie immobilière du bâtiment ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'association d'aide aux maîtres d'ouvrage individuels, association à but non lucratif créée en 2001 et spécialisée dans les contrats de construction de maisons individuelles, a été agréée par arrêté préfectoral du 6 janvier 2006 en qualité d'association de défense des consommateurs. Par arrêté du préfet de l'Essonne du 7 décembre 2010, son agrément départemental a été renouvelé pour une période de cinq ans. Par une demande du 29 mai 2015, l'association a sollicité le renouvellement de cet agrément. En l'absence de réponse à cette demande, dont l'administration avait accusé réception le 8 juin 2015, un agrément tacite est intervenu le 8 décembre 2015, à l'expiration du délai de six mois prévu par l'article R. 811-5 du code de la consommation. Toutefois, par arrêté du 24 avril 2018, la préfète de l'Essonne a, après avis du 28 mars 2018 de la procureure générale près la cour d'appel de Paris, procédé au retrait de cet agrément tacite, sur le fondement de l'article R. 811-7 du code de la consommation. L'association a saisi le tribunal administratif de Versailles d'une demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté. Par un jugement en date du 2 décembre 2019, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par un arrêt du 29 juin 2021, contre lequel l'association d'aide aux maîtres d'ouvrage individuels se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation de ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 811-1 du code de la consommation : " Les associations de défense des consommateurs peuvent être agréées après avis du ministère public. / Les conditions dans lesquelles ces associations peuvent être agréées compte tenu de leur représentativité sur le plan national ou local ainsi que les conditions de retrait de cet agrément sont fixées par décret ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 811-2 du même code : " L'agrément ne peut être accordé qu'aux associations indépendantes de toutes formes d'activités professionnelles ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 621-1 du même code : " Les associations régulièrement déclarées ayant pour objet statutaire explicite la défense des intérêts des consommateurs peuvent, si elles ont été agréées à cette fin en application de l'article L. 811-1, exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs ". Aux termes de l'article R. 811-7 du même code : " L'agrément peut être retiré après avis du procureur général, lorsque l'association n'a plus le nombre d'adhérents requis pour son agrément, lorsqu'elle ne peut plus justifier de l'activité définie à l'article R. 811-1 ou lorsqu'il est établi qu'elle n'est plus indépendante de toutes formes d'activités professionnelles (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'une association de défense des consommateurs ne peut obtenir et conserver l'agrément prévu à l'article L. 811-1 du code de la consommation, lequel fonde sa capacité à se constituer partie civile en application de l'article L. 621-1 du même code, qu'à la condition de présenter des garanties d'indépendance à l'égard de toutes formes d'activités professionnelles. Il appartient à l'autorité compétente de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que l'association qui sollicite la délivrance ou est titulaire d'un tel agrément justifie, eu égard à ses statuts, ses modalités d'organisation et ses conditions de fonctionnement, d'une indépendance à l'égard non seulement d'opérateurs économiques susceptibles de porter atteinte aux intérêts des consommateurs que l'association a pour objet de défendre, mais aussi, ainsi qu'il résulte de la lettre même des dispositions précitées des articles L. 811-2 et R. 811-7 de ce code et de leur objet, de toutes autres formes d'activités professionnelles.

4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour, pour juger que la préfète de l'Essonne avait pu légalement retirer l'agrément de l'association d'aide aux maîtres d'ouvrage individuels au motif que celle-ci ne respectait plus la condition d'indépendance à l'égard de toutes formes d'activités professionnelles prévue aux articles L. 811-2 et R. 811-7 du code de la consommation, s'est fondée sur une appréciation des relations entretenues entre cette association et un cabinet d'avocats en relevant, d'une part, l'existence d'un lien de filiation entre le président d'honneur de cette association et une associée-fondatrice du cabinet d'avocats en cause et, d'autre part, sur les circonstances que ce cabinet d'avocats figurait dans une liste de professionnels recommandés par l'association, était très régulièrement mandaté par l'association dans les litiges l'opposant à des constructeurs ou à la caisse de garantie immobilière du bâtiment et intervenait pour donner des conférences ou des consultations au siège de l'association. Toutefois, en retenant ces circonstances, alors qu'il n'était pas contesté que l'association menait exclusivement une action désintéressée de soutien aux maîtres d'ouvrage individuels et qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que ce cabinet d'avocats, spécialisé en droit de la construction, n'était pas le seul cabinet dont les services étaient recommandés, pour juger que la préfète avait pu retirer à l'association requérante son agrément au motif qu'elle ne respectait plus la condition d'indépendance à l'égard de toutes formes d'activités professionnelles prévues aux articles L. 811-2 et R. 811-7 du code de la consommation, la cour a commis une erreur de qualification juridique.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que l'association d'aide aux maîtres d'ouvrage individuels est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser à l'association d'aide aux maîtres d'ouvrage individuels au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font en tout état de cause obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'association requérante, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 29 juin 2021 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : L'Etat, versera à l'association d'aide aux maîtres d'ouvrage individuels une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la caisse de garantie immobilière du bâtiment et par la société Maisons Pierre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'association d'aide aux maîtres d'ouvrage individuels, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à la caisse de garantie immobilière du bâtiment, à la société Maisons Pierre, à la société Groupe Teber Avenir, à la société SFMI et à M. A... B....
Délibéré à l'issue de la séance du 12 mai 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et M. David Gaudillère, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 2 juin 2023.

Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. David Gaudillère
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain


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