Conseil d'État
N° 473930
ECLI:FR:CEORD:2023:473930.20230601
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
M. Benoît Bohnert, président
M. B Bohnert, rapporteur
SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL, avocats
Lecture du jeudi 1 juin 2023
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 9 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les associations Respire, Ras-le-Scoot et Paris sans voiture demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de la décision implicite de refus de la Première ministre d'adopter toutes les mesures nécessaires à l'application du décret n° 2021-1062 du 9 août 2021 relatif à la mise en place du contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur et de la directive 2014/45/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 relative au contrôle technique périodique des véhicules à moteur et de leurs remorques ;
2°) d'enjoindre à l'Etat de soumettre au préalable à une procédure de participation du public en application de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement toute mesure de nature à garantir l'effectivité de l'obligation lui incombant d'assurer la transposition de la directive 2014/45/UE, et de garantir l'effectivité du contrôle technique des deux-roues imposé par le décret n° 2021-1062 du 9 août 2021 en précisant le contenu et les méthodes de contrôles, tels que détaillés dans l'annexe I de la directive 2014/45/UE, dès la lecture de l'ordonnance à intervenir et sous astreinte définitive de 1 000 000 euros par jour de retard ;
3°) d'enjoindre à l'Etat, par suite, d'adopter toute mesure de nature à garantir l'effectivité de l'obligation lui incombant d'assurer la transposition de la directive 2014/45/UE, et de garantir l'effectivité du contrôle technique des deux roues imposé par le décret n° 2021-1062 du 9 août 2021 en précisant le contenu et les méthodes de contrôles, tels que détaillés dans l'annexe I de la directive 2014/45/UE, dès la clôture de la procédure de participation du public, sous astreinte définitive de 1 000 000 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros à verser à chacune d'entre elles au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la condition d'urgence est satisfaite eu égard, d'une part, à l'absence d'effectivité de l'obligation de soumettre les véhicules à deux-roues motorisés à l'obligation de contrôle technique à compter du 1er janvier 2022, ce qui méconnaît la directive 2014/45/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 et les décisions juridictionnelles rendues par le Conseil d'Etat et, d'autre part, à l'impact important de ces véhicules sur l'environnement et la santé publique ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- la décision contestée méconnaît l'obligation, pour l'autorité chargée de les édicter, de prendre les mesures qu'implique nécessairement l'application d'un décret dans un délai raisonnable ;
- elle méconnaît l'obligation d'assurer en droit interne la transposition de la directive du 3 avril 2014 précitée, qui impose de soumettre les véhicules motorisés à deux roues relevant de catégories ou sous-catégories déterminées à un dispositif de contrôle technique périodique à compter du 1er janvier 2022, sauf à ce que l'Etat membre opte pour une exclusion de ces catégories de véhicules du champ du contrôle technique obligatoire par la mise en place de mesures alternatives de sécurité routière suffisantes, ce que n'a pas fait la France ;
- elle méconnaît l'autorité de la chose jugée attachée à la décision n° 457398 du Conseil d'Etat du 27 juillet 2022 qui a annulé les articles 6 et 9 du décret du 9 août 2021 en ce qu'ils reportaient l'entrée en vigueur de l'obligation de soumettre les véhicules en cause à un contrôle technique périodique au-delà du 1er janvier 2022.
Par une intervention, enregistrée le 25 mai 2023, la Fédération française des motards en colère conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie.
La requête a été communiquée à la Première ministre et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires qui n'ont pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, et notamment son Préambule ;
- la directive 2014/45/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 ;
- le code de l'environnement ;
- le code de la route ;
- le décret n° 2021-1062 du 9 août 2021 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, les associations Respire, Ras-le-Scoot et Paris sans voiture et d'autre part, la Première ministre, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et la Fédération française des motards en colère ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 25 mai 2023, à 15 heures :
- les représentants des associations Respire, Ras-le-Scoot et Paris sans voiture ;
- les représentants du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ;
- Me Thiriez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Fédération française des motards en colère ;
- le représentant de la Fédération française des motards en colère ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a prononcé la clôture de l'instruction ;
Considérant ce qui suit :
Sur l'intervention de la Fédération française des motards :
1. La Fédération française des motards en colère a intérêt au rejet de la requête de l'association Respire et autres. Son intervention est, par suite, recevable.
2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
Sur le cadre juridique du litige :
3. Aux termes de son article 1er, la directive 2014/45/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 relative au contrôle technique périodique des véhicules à moteur et de leurs remorques " établit les exigences minimales pour un dispositif de contrôle technique périodique des véhicules utilisés sur la voie publique ", son article 4 précisant que " Chaque État membre veille à ce que les véhicules immatriculés sur son territoire soient périodiquement contrôlés conformément à la présente directive par les centres de contrôle autorisés par l'État membre où ces véhicules sont immatriculés ". Aux termes de l'article 2 de la directive : " 1. La présente directive s'applique aux véhicules dont la vitesse par construction est supérieure à 25 km/h et appartenant aux catégories suivantes, telles que visées par les directives 2002/24/CE, 2003/37/CE et 2007/46/CE: (...) à compter du 1er janvier 2022, véhicules à deux ou trois roues - véhicules des catégories et sous-catégories L3e, L4e, L5e et L7e, de cylindrée supérieure à 125 cm3 ; (...) 2. Les États membres peuvent exclure de l'application de la présente directive les véhicules suivants, immatriculés sur leur territoire: (...) véhicules de catégories L3e, L4e, L5e et L7e, de cylindrée supérieure à 125 cm3, lorsque l'État membre a mis en place des mesures alternatives de sécurité routière pour les véhicules à deux ou trois roues, en tenant notamment compte des statistiques pertinentes en matière de sécurité routière pour les cinq dernières années. Les États membres communiquent ces exemptions à la Commission ". Il résulte de ces dispositions que la directive 2014/45 du Parlement européen et du Conseil fait obligation aux Etats-membres de soumettre les véhicules à deux roues relevant des catégories et sous-catégories L3e, L4e, L5e et L7e, de cylindrée supérieure à 125 cm3 à un dispositif de contrôle technique périodique, lequel doit alors être applicable à compter du 1er janvier 2022, sauf à ce qu'un Etat membre opte pour une exclusion de ces catégories de véhicules du champ du contrôle technique obligatoire, lorsqu'il a mis en place des mesures alternatives de sécurité routière, qui doivent alors tenir notamment compte des statistiques pertinentes de sécurité routière. Si l'Etat membre opte pour une telle exclusion, il doit alors communiquer les exemptions retenues à la Commission européenne. Enfin, il résulte des dispositions précitées de la directive, éclairées notamment par ses considérants 1, 2, 3, 7 et 8, que cette directive a pour objectif tant le renforcement de la sécurité routière dans l'Union européenne et la diminution du nombre de décès liés aux transports routiers que la réduction de leur impact sur l'environnement, et qu'à cet égard le contrôle technique vise notamment à garantir que les véhicules sont maintenus dans un état acceptable au regard de la sécurité et de la protection de l'environnement pendant leur exploitation. Il résulte en particulier des considérants 7 et 8 que la mise en place par les Etats-membres d'un contrôle technique périodique a pour objectif de contrôler et de limiter la circulation des véhicules dont les systèmes de régulation des émissions fonctionnent mal, qui ont un impact sur l'environnement plus important que les véhicules correctement entretenus et, ce faisant, de contribuer à améliorer l'état de l'environnement, en réduisant les émissions moyennes des véhicules. La directive vise également à prévenir la manipulation frauduleuse ou la falsification de pièces et de composants de ces véhicules, susceptibles d'avoir une incidence négative sur leur impact sur l'environnement. Son annexe 1 comporte ainsi des exigences minimales concernant le contenu et les méthodes de contrôle recommandées à utiliser pour le contrôle technique périodique et les critères sur lesquels se fonder pour déterminer si l'état du véhicule est acceptable, en particulier en ce qui concerne les émissions à l'échappement et les nuisances sonores.
Sur la demande en référé :
4. Par la présente requête, les associations Respire et autres demandent au juge des référés, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre la décision implicite de refus de la Première ministre d'adopter toutes les mesures nécessaires à l'application du décret n° 2021-1062 du 9 août 2021 relatif à la mise en place du contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur et, d'autre part, d'enjoindre à l'Etat d'adopter l'ensemble des mesures de nature à garantir l'effectivité de l'obligation lui incombant d'assurer la transposition de la directive 2014/45/UE.
Sur l'urgence :
5. La condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.
6. Le décret du 9 août 2021 relatif à la mise en place du contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur a prévu par son article 6 que les véhicules motorisés à deux ou trois roues et les quadricycles à moteur font l'objet d'un contrôle technique à compter du 1er janvier 2023. Aux termes de son article 8, le premier contrôle des véhicules immatriculés avant le 1er janvier 2016 devait être réalisé en 2023. Ce même article 8 a fixé le calendrier applicable à l'entrée en vigueur de cette mesure aux véhicules immatriculés postérieurement, soumis au contrôle technique entre 2024 et 2026. L'article 9 de ce même décret prévoyait son entrée en vigueur au 1er janvier 2022 à l'exception des dispositions des articles 6 et 8 devant entrer en vigueur le 1er janvier 2023.
7. Les articles 6 et 9 du décret du 9 août 2021 relatif à la mise en place du contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur ont été annulés par la décision n° 457398 du 27 juillet 2022 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, en tant qu'ils reportent au-delà du 1er janvier 2022 l'entrée en vigueur de l'obligation de contrôle technique des véhicules de catégorie L3e, L4e, L5e et L7e de cylindrée supérieure à 125 cm3, et l'article 8 du même décret a été annulé par la même décision. Par ailleurs, le décret du 25 juillet 2022 abrogeant le décret du 9 août 2021 relatif à la mise en place du contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur a été annulé par la décision n° 466125 du 31 octobre 2022 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux. Par cette même décision, le Conseil d'Etat a jugé qu'il n'y avait pas lieu de faire droit aux conclusions aux fins d'injonction des associations requérantes dès lors que l'annulation prononcée, dont l'effet était de faire à nouveau entrer en vigueur le décret du 9 août 2021, à l'exception de ses articles 6, 8 et 9, n'impliquait pas à ce stade l'édiction de mesures d'exécution au sens des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative.
8. Pour demander la suspension de la décision implicite de refus de la Première ministre d'adopter toutes les mesures nécessaires à l'entrée en vigueur de l'obligation de contrôle technique des véhicules de catégorie L, les associations requérantes invoquent, en premier lieu, l'atteinte aux intérêts publics qui s'attachent à la sécurité routière et à la protection des populations contre la pollution de l'air et contre les nuisances sonores des véhicules. Elles indiquent que, selon un rapport de l'Observatoire interministériel de la sécurité routière publié en 2001, 23,4% des personnes victimes d'un accident mortel en France en 2019 étaient usagers de deux roues-motorisés alors que la part de ces véhicules dans le trafic routier est estimée à moins de 2 %, ce qui correspond à un risque 22 fois plus élevé pour ces usagers que pour les usagers de véhicules légers, alors que cet écart serait moindre dans les Etats qui ont instauré de longue date un contrôle technique des deux-roues, comme c'est le cas en Espagne ou en Allemagne. Elles font également valoir les progrès qu'est susceptible d'apporter l'obligation de contrôle technique de ces véhicules en matière de qualité de l'air et de lutte contre les nuisances sonores, eu égard aux pratiques contraires au cadre réglementaire applicable, notamment le débridage des moteurs.
9. Les associations requérantes invoquent, en second lieu, l'intérêt public qui s'attache à ce qu'il soit mis fin immédiatement aux atteintes portées au droit de l'Union européenne, en faisant valoir que le délai de transposition de la directive 2014/45 du 3 avril 2014 du Parlement européen et du Conseil relative au contrôle technique périodique des véhicules à moteur et de leurs remorques est expiré depuis le 20 mai 2017 et que la directive fixe une date d'application au 1er janvier 2022.
10. L'intérêt qui s'attache à ce qu'il soit mis fin immédiatement à une atteinte aux droits conférés par l'ordre juridique de l'Union européenne est au nombre des intérêts publics qui doivent être pris en considération par le juge des référés dans le cadre de son office énoncé au point 5 ci-dessus. La directive 2014/45 du Parlement européen et du Conseil impose de soumettre les véhicules de catégorie L3e, L4e, L5e et L7e de cylindrée supérieure à 125 cm3 à un dispositif de contrôle technique périodique, tout en ouvrant aux Etats membres la faculté de ne pas prévoir cette obligation lorsqu'ils ont mis en place et notifié à la Commission européenne des mesures alternatives de sécurité routière en tenant compte des statistiques pertinentes de sécurité routière.
11. Or, il résulte des échanges au cours de l'audience que le Gouvernement, qui a pris acte de l'annulation par la décision n° 466125 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, du décret du 25 juillet 2022 abrogeant le décret du 9 août 2021 relatif à la mise en place du contrôle technique des véhicules motorisés concernés, qui a eu pour effet de rétablir l'obligation d'instituer un tel contrôle issue de ce décret, entend se conformer à cette obligation et n'envisage plus de recourir à des mesures alternatives de sécurité routière au sens de la directive. Si les représentants du ministère de la transition écologique et de la cohésion du territoire ont indiqué à l'audience que le Gouvernement a mené avec l'ensemble des parties prenantes les concertations nécessaires en vue de la mise en place du processus de contrôle technique, ils n'ont pas été en mesure d'indiquer le calendrier de publication de l'arrêté ministériel qui définira les modalités techniques selon lesquelles le contrôle sera réalisé, ni la date à compter de laquelle cette procédure sera effectivement mise en oeuvre dans les centres de contrôle technique. Eu égard à l'objectif d'amélioration de la sécurité routière et de protection de l'environnement recherché par la directive, dont le troisième considérant relève que " Les contrôles périodiques devraient constituer l'instrument principal pour garantir le bon état des véhicules ", l'intérêt public commande par suite que soient prises les mesures nécessaires pour faire cesser l'atteinte aux droits conférés par l'ordre juridique de l'Union européenne.
12. Il résulte de ce qui précède que la condition d'urgence doit être regardée comme constituée, dès lors que l'obligation de contrôle technique des véhicules de catégorie L3e, L4e, L5e et L7e de cylindrée supérieure à 125 cm3 aurait dû être mise en oeuvre au plus tard à compter du 1er janvier 2022.
Sur la condition de doute sérieux :
13. La seule circonstance que le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires a, ainsi que l'ont indiqué ses représentants, engagé à la suite de la décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux n° 466125 du 31 octobre 2022, les concertations et les travaux nécessaires à l'adoption de l'arrêté d'application du décret du 9 août 2021 qui définira les modalités selon lesquelles le contrôle technique des véhicules motorisés concernés sera réalisé n'est, en l'absence de mise en oeuvre effective à la date de la présente ordonnance des mesures envisagées et, à défaut d'indications quant à la date à laquelle cet arrêté sera publié, pas de nature à justifier de la transposition de cette directive. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation de transposition de cette directive est, par suite, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.
14. Il résulte de ce qui précède que les associations requérantes sont fondées à demander la suspension de la décision implicite de rejet de la demande notifiée à la Première ministre le 28 février 2022, tendant à l'adoption de l'ensemble des mesures nécessaires à l'application du décret du 9 août 2021 relatif à la mise en place du contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur. Il y a lieu d'enjoindre au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires de prendre l'arrêté d'application de ce décret dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais du litige :
15. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à chacune des associations requérantes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : L'intervention de la Fédération française des motards en colère est admise.
Article 2 : La décision implicite de rejet de la demande notifiée à la Première ministre le 28 février 2022, tendant à l'adoption de l'ensemble des mesures nécessaires à l'application du décret du 9 août 2021 relatif à la mise en place du contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur est suspendue.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires de prendre l'arrêté d'application du décret du 9 août 2021 relatif à la mise en place du contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de l'association Respire et autres est rejeté.
Article 5 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à l'association Respire, à l'association Ras-le-Scoot et à l'association Paris sans voiture en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association Respire, première requérante dénommée, à la Première ministre, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la Fédération française des motards en colère.
Fait à Paris, le 1er juin 2023
Signé : Benoît Bohnert
N° 473930
ECLI:FR:CEORD:2023:473930.20230601
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
M. Benoît Bohnert, président
M. B Bohnert, rapporteur
SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL, avocats
Lecture du jeudi 1 juin 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 9 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les associations Respire, Ras-le-Scoot et Paris sans voiture demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de la décision implicite de refus de la Première ministre d'adopter toutes les mesures nécessaires à l'application du décret n° 2021-1062 du 9 août 2021 relatif à la mise en place du contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur et de la directive 2014/45/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 relative au contrôle technique périodique des véhicules à moteur et de leurs remorques ;
2°) d'enjoindre à l'Etat de soumettre au préalable à une procédure de participation du public en application de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement toute mesure de nature à garantir l'effectivité de l'obligation lui incombant d'assurer la transposition de la directive 2014/45/UE, et de garantir l'effectivité du contrôle technique des deux-roues imposé par le décret n° 2021-1062 du 9 août 2021 en précisant le contenu et les méthodes de contrôles, tels que détaillés dans l'annexe I de la directive 2014/45/UE, dès la lecture de l'ordonnance à intervenir et sous astreinte définitive de 1 000 000 euros par jour de retard ;
3°) d'enjoindre à l'Etat, par suite, d'adopter toute mesure de nature à garantir l'effectivité de l'obligation lui incombant d'assurer la transposition de la directive 2014/45/UE, et de garantir l'effectivité du contrôle technique des deux roues imposé par le décret n° 2021-1062 du 9 août 2021 en précisant le contenu et les méthodes de contrôles, tels que détaillés dans l'annexe I de la directive 2014/45/UE, dès la clôture de la procédure de participation du public, sous astreinte définitive de 1 000 000 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros à verser à chacune d'entre elles au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la condition d'urgence est satisfaite eu égard, d'une part, à l'absence d'effectivité de l'obligation de soumettre les véhicules à deux-roues motorisés à l'obligation de contrôle technique à compter du 1er janvier 2022, ce qui méconnaît la directive 2014/45/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 et les décisions juridictionnelles rendues par le Conseil d'Etat et, d'autre part, à l'impact important de ces véhicules sur l'environnement et la santé publique ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- la décision contestée méconnaît l'obligation, pour l'autorité chargée de les édicter, de prendre les mesures qu'implique nécessairement l'application d'un décret dans un délai raisonnable ;
- elle méconnaît l'obligation d'assurer en droit interne la transposition de la directive du 3 avril 2014 précitée, qui impose de soumettre les véhicules motorisés à deux roues relevant de catégories ou sous-catégories déterminées à un dispositif de contrôle technique périodique à compter du 1er janvier 2022, sauf à ce que l'Etat membre opte pour une exclusion de ces catégories de véhicules du champ du contrôle technique obligatoire par la mise en place de mesures alternatives de sécurité routière suffisantes, ce que n'a pas fait la France ;
- elle méconnaît l'autorité de la chose jugée attachée à la décision n° 457398 du Conseil d'Etat du 27 juillet 2022 qui a annulé les articles 6 et 9 du décret du 9 août 2021 en ce qu'ils reportaient l'entrée en vigueur de l'obligation de soumettre les véhicules en cause à un contrôle technique périodique au-delà du 1er janvier 2022.
Par une intervention, enregistrée le 25 mai 2023, la Fédération française des motards en colère conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie.
La requête a été communiquée à la Première ministre et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires qui n'ont pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, et notamment son Préambule ;
- la directive 2014/45/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 ;
- le code de l'environnement ;
- le code de la route ;
- le décret n° 2021-1062 du 9 août 2021 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, les associations Respire, Ras-le-Scoot et Paris sans voiture et d'autre part, la Première ministre, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et la Fédération française des motards en colère ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 25 mai 2023, à 15 heures :
- les représentants des associations Respire, Ras-le-Scoot et Paris sans voiture ;
- les représentants du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ;
- Me Thiriez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Fédération française des motards en colère ;
- le représentant de la Fédération française des motards en colère ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a prononcé la clôture de l'instruction ;
Considérant ce qui suit :
Sur l'intervention de la Fédération française des motards :
1. La Fédération française des motards en colère a intérêt au rejet de la requête de l'association Respire et autres. Son intervention est, par suite, recevable.
2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
Sur le cadre juridique du litige :
3. Aux termes de son article 1er, la directive 2014/45/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 relative au contrôle technique périodique des véhicules à moteur et de leurs remorques " établit les exigences minimales pour un dispositif de contrôle technique périodique des véhicules utilisés sur la voie publique ", son article 4 précisant que " Chaque État membre veille à ce que les véhicules immatriculés sur son territoire soient périodiquement contrôlés conformément à la présente directive par les centres de contrôle autorisés par l'État membre où ces véhicules sont immatriculés ". Aux termes de l'article 2 de la directive : " 1. La présente directive s'applique aux véhicules dont la vitesse par construction est supérieure à 25 km/h et appartenant aux catégories suivantes, telles que visées par les directives 2002/24/CE, 2003/37/CE et 2007/46/CE: (...) à compter du 1er janvier 2022, véhicules à deux ou trois roues - véhicules des catégories et sous-catégories L3e, L4e, L5e et L7e, de cylindrée supérieure à 125 cm3 ; (...) 2. Les États membres peuvent exclure de l'application de la présente directive les véhicules suivants, immatriculés sur leur territoire: (...) véhicules de catégories L3e, L4e, L5e et L7e, de cylindrée supérieure à 125 cm3, lorsque l'État membre a mis en place des mesures alternatives de sécurité routière pour les véhicules à deux ou trois roues, en tenant notamment compte des statistiques pertinentes en matière de sécurité routière pour les cinq dernières années. Les États membres communiquent ces exemptions à la Commission ". Il résulte de ces dispositions que la directive 2014/45 du Parlement européen et du Conseil fait obligation aux Etats-membres de soumettre les véhicules à deux roues relevant des catégories et sous-catégories L3e, L4e, L5e et L7e, de cylindrée supérieure à 125 cm3 à un dispositif de contrôle technique périodique, lequel doit alors être applicable à compter du 1er janvier 2022, sauf à ce qu'un Etat membre opte pour une exclusion de ces catégories de véhicules du champ du contrôle technique obligatoire, lorsqu'il a mis en place des mesures alternatives de sécurité routière, qui doivent alors tenir notamment compte des statistiques pertinentes de sécurité routière. Si l'Etat membre opte pour une telle exclusion, il doit alors communiquer les exemptions retenues à la Commission européenne. Enfin, il résulte des dispositions précitées de la directive, éclairées notamment par ses considérants 1, 2, 3, 7 et 8, que cette directive a pour objectif tant le renforcement de la sécurité routière dans l'Union européenne et la diminution du nombre de décès liés aux transports routiers que la réduction de leur impact sur l'environnement, et qu'à cet égard le contrôle technique vise notamment à garantir que les véhicules sont maintenus dans un état acceptable au regard de la sécurité et de la protection de l'environnement pendant leur exploitation. Il résulte en particulier des considérants 7 et 8 que la mise en place par les Etats-membres d'un contrôle technique périodique a pour objectif de contrôler et de limiter la circulation des véhicules dont les systèmes de régulation des émissions fonctionnent mal, qui ont un impact sur l'environnement plus important que les véhicules correctement entretenus et, ce faisant, de contribuer à améliorer l'état de l'environnement, en réduisant les émissions moyennes des véhicules. La directive vise également à prévenir la manipulation frauduleuse ou la falsification de pièces et de composants de ces véhicules, susceptibles d'avoir une incidence négative sur leur impact sur l'environnement. Son annexe 1 comporte ainsi des exigences minimales concernant le contenu et les méthodes de contrôle recommandées à utiliser pour le contrôle technique périodique et les critères sur lesquels se fonder pour déterminer si l'état du véhicule est acceptable, en particulier en ce qui concerne les émissions à l'échappement et les nuisances sonores.
Sur la demande en référé :
4. Par la présente requête, les associations Respire et autres demandent au juge des référés, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre la décision implicite de refus de la Première ministre d'adopter toutes les mesures nécessaires à l'application du décret n° 2021-1062 du 9 août 2021 relatif à la mise en place du contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur et, d'autre part, d'enjoindre à l'Etat d'adopter l'ensemble des mesures de nature à garantir l'effectivité de l'obligation lui incombant d'assurer la transposition de la directive 2014/45/UE.
Sur l'urgence :
5. La condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.
6. Le décret du 9 août 2021 relatif à la mise en place du contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur a prévu par son article 6 que les véhicules motorisés à deux ou trois roues et les quadricycles à moteur font l'objet d'un contrôle technique à compter du 1er janvier 2023. Aux termes de son article 8, le premier contrôle des véhicules immatriculés avant le 1er janvier 2016 devait être réalisé en 2023. Ce même article 8 a fixé le calendrier applicable à l'entrée en vigueur de cette mesure aux véhicules immatriculés postérieurement, soumis au contrôle technique entre 2024 et 2026. L'article 9 de ce même décret prévoyait son entrée en vigueur au 1er janvier 2022 à l'exception des dispositions des articles 6 et 8 devant entrer en vigueur le 1er janvier 2023.
7. Les articles 6 et 9 du décret du 9 août 2021 relatif à la mise en place du contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur ont été annulés par la décision n° 457398 du 27 juillet 2022 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, en tant qu'ils reportent au-delà du 1er janvier 2022 l'entrée en vigueur de l'obligation de contrôle technique des véhicules de catégorie L3e, L4e, L5e et L7e de cylindrée supérieure à 125 cm3, et l'article 8 du même décret a été annulé par la même décision. Par ailleurs, le décret du 25 juillet 2022 abrogeant le décret du 9 août 2021 relatif à la mise en place du contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur a été annulé par la décision n° 466125 du 31 octobre 2022 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux. Par cette même décision, le Conseil d'Etat a jugé qu'il n'y avait pas lieu de faire droit aux conclusions aux fins d'injonction des associations requérantes dès lors que l'annulation prononcée, dont l'effet était de faire à nouveau entrer en vigueur le décret du 9 août 2021, à l'exception de ses articles 6, 8 et 9, n'impliquait pas à ce stade l'édiction de mesures d'exécution au sens des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative.
8. Pour demander la suspension de la décision implicite de refus de la Première ministre d'adopter toutes les mesures nécessaires à l'entrée en vigueur de l'obligation de contrôle technique des véhicules de catégorie L, les associations requérantes invoquent, en premier lieu, l'atteinte aux intérêts publics qui s'attachent à la sécurité routière et à la protection des populations contre la pollution de l'air et contre les nuisances sonores des véhicules. Elles indiquent que, selon un rapport de l'Observatoire interministériel de la sécurité routière publié en 2001, 23,4% des personnes victimes d'un accident mortel en France en 2019 étaient usagers de deux roues-motorisés alors que la part de ces véhicules dans le trafic routier est estimée à moins de 2 %, ce qui correspond à un risque 22 fois plus élevé pour ces usagers que pour les usagers de véhicules légers, alors que cet écart serait moindre dans les Etats qui ont instauré de longue date un contrôle technique des deux-roues, comme c'est le cas en Espagne ou en Allemagne. Elles font également valoir les progrès qu'est susceptible d'apporter l'obligation de contrôle technique de ces véhicules en matière de qualité de l'air et de lutte contre les nuisances sonores, eu égard aux pratiques contraires au cadre réglementaire applicable, notamment le débridage des moteurs.
9. Les associations requérantes invoquent, en second lieu, l'intérêt public qui s'attache à ce qu'il soit mis fin immédiatement aux atteintes portées au droit de l'Union européenne, en faisant valoir que le délai de transposition de la directive 2014/45 du 3 avril 2014 du Parlement européen et du Conseil relative au contrôle technique périodique des véhicules à moteur et de leurs remorques est expiré depuis le 20 mai 2017 et que la directive fixe une date d'application au 1er janvier 2022.
10. L'intérêt qui s'attache à ce qu'il soit mis fin immédiatement à une atteinte aux droits conférés par l'ordre juridique de l'Union européenne est au nombre des intérêts publics qui doivent être pris en considération par le juge des référés dans le cadre de son office énoncé au point 5 ci-dessus. La directive 2014/45 du Parlement européen et du Conseil impose de soumettre les véhicules de catégorie L3e, L4e, L5e et L7e de cylindrée supérieure à 125 cm3 à un dispositif de contrôle technique périodique, tout en ouvrant aux Etats membres la faculté de ne pas prévoir cette obligation lorsqu'ils ont mis en place et notifié à la Commission européenne des mesures alternatives de sécurité routière en tenant compte des statistiques pertinentes de sécurité routière.
11. Or, il résulte des échanges au cours de l'audience que le Gouvernement, qui a pris acte de l'annulation par la décision n° 466125 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, du décret du 25 juillet 2022 abrogeant le décret du 9 août 2021 relatif à la mise en place du contrôle technique des véhicules motorisés concernés, qui a eu pour effet de rétablir l'obligation d'instituer un tel contrôle issue de ce décret, entend se conformer à cette obligation et n'envisage plus de recourir à des mesures alternatives de sécurité routière au sens de la directive. Si les représentants du ministère de la transition écologique et de la cohésion du territoire ont indiqué à l'audience que le Gouvernement a mené avec l'ensemble des parties prenantes les concertations nécessaires en vue de la mise en place du processus de contrôle technique, ils n'ont pas été en mesure d'indiquer le calendrier de publication de l'arrêté ministériel qui définira les modalités techniques selon lesquelles le contrôle sera réalisé, ni la date à compter de laquelle cette procédure sera effectivement mise en oeuvre dans les centres de contrôle technique. Eu égard à l'objectif d'amélioration de la sécurité routière et de protection de l'environnement recherché par la directive, dont le troisième considérant relève que " Les contrôles périodiques devraient constituer l'instrument principal pour garantir le bon état des véhicules ", l'intérêt public commande par suite que soient prises les mesures nécessaires pour faire cesser l'atteinte aux droits conférés par l'ordre juridique de l'Union européenne.
12. Il résulte de ce qui précède que la condition d'urgence doit être regardée comme constituée, dès lors que l'obligation de contrôle technique des véhicules de catégorie L3e, L4e, L5e et L7e de cylindrée supérieure à 125 cm3 aurait dû être mise en oeuvre au plus tard à compter du 1er janvier 2022.
Sur la condition de doute sérieux :
13. La seule circonstance que le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires a, ainsi que l'ont indiqué ses représentants, engagé à la suite de la décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux n° 466125 du 31 octobre 2022, les concertations et les travaux nécessaires à l'adoption de l'arrêté d'application du décret du 9 août 2021 qui définira les modalités selon lesquelles le contrôle technique des véhicules motorisés concernés sera réalisé n'est, en l'absence de mise en oeuvre effective à la date de la présente ordonnance des mesures envisagées et, à défaut d'indications quant à la date à laquelle cet arrêté sera publié, pas de nature à justifier de la transposition de cette directive. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation de transposition de cette directive est, par suite, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.
14. Il résulte de ce qui précède que les associations requérantes sont fondées à demander la suspension de la décision implicite de rejet de la demande notifiée à la Première ministre le 28 février 2022, tendant à l'adoption de l'ensemble des mesures nécessaires à l'application du décret du 9 août 2021 relatif à la mise en place du contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur. Il y a lieu d'enjoindre au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires de prendre l'arrêté d'application de ce décret dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais du litige :
15. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à chacune des associations requérantes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : L'intervention de la Fédération française des motards en colère est admise.
Article 2 : La décision implicite de rejet de la demande notifiée à la Première ministre le 28 février 2022, tendant à l'adoption de l'ensemble des mesures nécessaires à l'application du décret du 9 août 2021 relatif à la mise en place du contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur est suspendue.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires de prendre l'arrêté d'application du décret du 9 août 2021 relatif à la mise en place du contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de l'association Respire et autres est rejeté.
Article 5 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à l'association Respire, à l'association Ras-le-Scoot et à l'association Paris sans voiture en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association Respire, première requérante dénommée, à la Première ministre, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la Fédération française des motards en colère.
Fait à Paris, le 1er juin 2023
Signé : Benoît Bohnert