Conseil d'État
N° 467982
Publié au recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
M. Rémy Schwartz, président
Mme Airelle Niepce, rapporteur
M. Stéphane Hoynck, rapporteur public
SAS HANNOTIN AVOCATS, avocats
Lecture du mercredi 10 mai 2023
Vu la procédure suivante :
Par une décision n° 427301 du 1er juillet 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, d'une part, annulé pour excès de pouvoir le refus implicite opposé par le Président de la République, le Premier ministre et la ministre de la transition écologique et solidaire à la commune de Grande-Synthe de prendre toutes mesures utiles permettant d'infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre produites sur le territoire national afin d'assurer sa compatibilité avec les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixés à l'article L. 100-4 du code de l'énergie et à l'annexe I du règlement (UE) 2018/842 du 30 mai 2018 relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les Etats membres de 2021 à 2030 contribuant à l'action pour le climat afin de respecter les engagements pris dans le cadre de l'accord de Paris, d'autre part, enjoint au Premier ministre de prendre de telles mesures avant le 31 mars 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques du 9 mai 1992 et son protocole signé à Kyoto le 11 décembre 1997 ;
- l'accord de Paris, adopté le 12 décembre 2015 ;
- le règlement (UE) 2018/842 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 ;
- le règlement (UE) 2018/1999 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 ;
- le règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 ;
- le règlement (UE) 2023-857 du Parlement européen et du Conseil du 19 avril 2023 ;
- le règlement d'exécution (UE) 2020/1208 de la Commission du 7 août 2020 ;
- le code de l'énergie ;
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 ;
- la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 ;
- la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 ;
- le décret n° 2015-1491 du 18 novembre 2015 ;
- le décret n° 2020-457 du 21 avril 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Airelle Niepce, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la commune de Grande-Synthe et de la ville de Paris et à la SAS Hannotin Avocats, avocat de l'association Notre affaire à tous et autres ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision n° 427301 du 1er juillet 2021, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, d'une part, annulé le refus implicite opposé par le Président de la République, le Premier ministre et la ministre de la transition écologique et solidaire à la demande de la commune de Grande-Synthe de prendre toutes mesures utiles permettant d'infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre produites sur le territoire national afin d'assurer sa compatibilité avec les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixés à l'article L. 100-4 du code de l'énergie et à l'annexe I du règlement (UE) 2018/842 du 30 mai 2018 relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les Etats membres de 2021 à 2030 contribuant à l'action pour le climat afin de respecter les engagements pris dans le cadre de l'accord de Paris, d'autre part, enjoint au Premier ministre de prendre de telles mesures avant le 31 mars 2022. La commune de Grande-Synthe, partie à la décision du 1er juillet 2021, la ville de Paris, et les associations Notre Affaire à Tous (NAAT), Oxfam France, la Fondation pour la nature et l'Homme et Greenpeace France, intervenantes dans cette instance, estimant que les mesures permettant d'assurer l'exécution complète de cette décision n'ont pas été prises, ont saisi le Conseil d'Etat, sur le fondement des articles L. 911-5 et R. 931-2 du code de justice administrative, de trois demandes tendant au prononcé d'une astreinte. La section du rapport et des études a exécuté les diligences qui lui incombent en application de l'article R. 931-3 du code de justice administrative et la présidente de cette section a transmis ces demandes d'exécution, en application de l'article R. 931-4 du même code, au président de la section du contentieux. Par une ordonnance du 4 octobre 2022, prise sur le fondement du même article R. 931-4, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a ouvert une procédure juridictionnelle d'exécution sous le n° 467982.
Sur le désistement de la Fondation pour la nature et l'homme :
2. Le désistement de la Fondation pour la nature et l'homme de sa demande d'exécution est pur et simple. Rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.
Sur l'exécution de la décision :
- En ce qui concerne les objectifs d'émissions applicables à la France et les procédures prévues pour évaluer l'atteinte de ces objectifs :
3. D'une part, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) 2018/842 du 30 mai 2018 précité, applicable aux secteurs ne relevant pas du système d'échange de quotas d'émissions (SEQE) : " 1. Chaque État membre limite ses émissions de gaz à effet de serre, en 2030, en respectant au moins le pourcentage fixé pour cet État membre à l'annexe I par rapport au niveau de ses émissions de gaz à effet de serre en 2005, déterminé conformément au paragraphe 3 du présent article. / (...) " Pour l'application de cet article, l'annexe I du règlement a fixé à - 37 % l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre en 2030, par rapport à leurs niveaux de 2005, qui s'impose à la France. Le règlement (UE) 2018/1999 du 11 décembre 2018 sur la gouvernance de l'union de l'énergie et de l'action pour le climat prévoit par ailleurs, en son article 18, que les Etats membres doivent, notamment, communiquer à la Commission européenne leurs projections relatives aux émissions anthropiques, tous les deux ans. D'autre part, aux termes de l'article L. 100-4 du code de l'énergie : " I. - Pour répondre à l'urgence écologique et climatique, la politique énergétique nationale a pour objectifs : / 1° De réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 et d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050 en divisant les émissions de gaz à effet de serre par un facteur supérieur à six entre 1990 et 2050. La trajectoire est précisée dans les budgets carbone mentionnés à l'article L. 222-1 A du code de l'environnement. Pour l'application du présent 1°, la neutralité carbone est entendue comme un équilibre, sur le territoire national, entre les émissions anthropiques par les sources et les absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre, tel que mentionné à l'article 4 de l'accord de Paris ratifié le 5 octobre 2016. La comptabilisation de ces émissions et absorptions est réalisée selon les mêmes modalités que celles applicables aux inventaires nationaux de gaz à effet de serre notifiés à la Commission européenne et dans le cadre de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, sans tenir compte des crédits internationaux de compensation carbone ; ". Il résulte de ces dispositions que le législateur a fixé un objectif de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport aux niveaux de 1990.
4. Aux termes de l'article L. 222-1 A du code de l'environnement : " Pour la période 2015-2018, puis pour chaque période consécutive de cinq ans, un plafond national des émissions de gaz à effet de serre dénommé " budget carbone " est fixé par décret ". Aux termes de l'article L. 222-1 B du même code : " I. - La stratégie nationale de développement à faible intensité de carbone, dénommée " stratégie bas-carbone ", fixée par décret, définit la marche à suivre pour conduire la politique d'atténuation des émissions de gaz à effet de serre dans des conditions soutenables sur le plan économique à moyen et long termes afin d'atteindre les objectifs définis par la loi prévue à l'article L. 100-1 A du code de l'énergie. Elle tient compte de la spécificité du secteur agricole, veille à cibler le plan d'action sur les mesures les plus efficaces en tenant compte du faible potentiel d'atténuation de certains secteurs, notamment des émissions de méthane entérique naturellement produites par l'élevage des ruminants, et veille à ne pas substituer à l'effort national d'atténuation une augmentation du contenu carbone des importations. Cette stratégie complète le plan national d'adaptation climatique prévu à l'article 42 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement. / II. - Le décret fixant la stratégie bas-carbone répartit le budget carbone de chacune des périodes mentionnées à l'article L. 222-1 A par grands secteurs, notamment ceux pour lesquels la France a pris des engagements européens ou internationaux, par secteur d'activité ainsi que par catégorie de gaz à effet de serre. La répartition par période prend en compte l'effet cumulatif des émissions considérées au regard des caractéristiques de chaque type de gaz, notamment de la durée de son séjour dans la haute atmosphère. Cette répartition tient compte de la spécificité du secteur agricole et de l'évolution des capacités naturelles de stockage du carbone des sols. / Il répartit également les budgets carbone en tranches indicatives d'émissions annuelles. / Pour chacune des périodes mentionnées au même article L. 222-1 A, il définit également un plafond indicatif des émissions de gaz à effet de serre générées par les liaisons de transport au départ ou à destination de la France et non comptabilisées dans les budgets carbone mentionnés audit article L. 222-1 A, dénommé "budget carbone spécifique au transport international". / (...) / La stratégie bas-carbone décrit les orientations et les dispositions d'ordre sectoriel ou transversal qui sont établies pour respecter les budgets carbone. Elle intègre des orientations sur le contenu en émissions de gaz à effet de serre des importations, des exportations et de leur solde dans tous les secteurs d'activité. Elle définit un cadre économique de long terme, en préconisant notamment une valeur tutélaire du carbone et son utilisation dans le processus de prise de décisions publiques. / III. - L'Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements publics respectifs prennent en compte la stratégie bas-carbone dans leurs documents de planification et de programmation qui ont des incidences significatives sur les émissions de gaz à effet de serre. / Dans le cadre de la stratégie bas-carbone, le niveau de soutien financier des projets publics intègre, systématiquement et parmi d'autres critères, le critère de contribution à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les principes et modalités de calcul des émissions de gaz à effet de serre des projets publics sont définis par décret. " L'article L. 222-1 C du même code prévoit les dates de publication des budgets carbone.
5. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 132-4 du code de l'environnement, le Haut Conseil pour le climat est un organisme indépendant, créé le 27 novembre 2018, placé auprès du Premier ministre et qui comprend des membres choisis en raison de leur expertise scientifique, technique et économique dans les domaines des sciences du climat et des écosystèmes, de la réduction des émissions de gaz à effet de serre ainsi que de l'adaptation et de la résilience face au changement climatique. Il " rend chaque année un rapport qui porte notamment sur : / 1° Le respect de la trajectoire de baisse des émissions de gaz à effet de serre au regard des budgets carbone définis en application de l'article L. 222-1 A du présent code et de la stratégie bas-carbone mentionnée à l'article L. 222-1 B ; / 2° La mise en oeuvre et l'efficacité des politiques et mesures décidées par l'Etat et les collectivités territoriales pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, développer les puits de carbone, réduire l'empreinte carbone et développer l'adaptation au changement climatique, y compris les dispositions budgétaires et fiscales ; / 3° L'impact socio-économique, notamment sur la formation et l'emploi, et environnemental, y compris pour la biodiversité, de ces différentes politiques publiques. / Dans ce rapport, le Haut Conseil met en perspective les engagements et les actions de la France par rapport à ceux des autres pays. Il émet des recommandations et propositions pour améliorer l'action de la France, les contributions des différents secteurs d'activité économiques au respect des budgets carbone ainsi que la réduction des émissions de gaz à effet de serre liées aux transports aéronautique et maritime internationaux. / Ce rapport est remis au Premier ministre et transmis au Parlement ainsi qu'au Conseil économique, social et environnemental. / Le Gouvernement présente au Parlement et au Conseil économique, social et environnemental, dans les six mois suivant la remise de ce rapport, les mesures déjà mises en oeuvre et celles prévues en réponse aux recommandations et propositions de ce rapport. Il présente une explication pour chacun des objectifs non atteints ainsi que les moyens mis en oeuvre pour les atteindre ". En outre, le Haut Conseil pour le climat rend, notamment, un avis sur la stratégie nationale bas-carbone et les budgets carbone ainsi que sur le rapport mentionné au II de l'article L. 222-1 D du code de l'environnement. Il évalue la cohérence de la stratégie bas-carbone vis-à-vis des politiques nationales et des engagements européens et internationaux de la France, en particulier de l'accord de Paris sur le climat et de l'objectif poursuivi d'atteinte de la neutralité carbone en 2050, tout en prenant en compte les impacts socio-économiques de la transition pour les ménages et les entreprises, les enjeux de souveraineté et les impacts environnementaux.
6. La stratégie nationale bas-carbone et les budgets carbone nationaux ont été définis initialement par le décret du 18 novembre 2015 relatif aux budgets carbone nationaux et à la stratégie nationale bas-carbone, puis révisés par le décret du 21 avril 2020 ayant le même objet. L'article 2 de ce décret fixe ainsi les budgets carbone des périodes 2019-2023, 2024-2028 et 2029-2033, respectivement, à 422, 359 et 300 Mt de CO2eq par an, hors émissions et absorptions associées à l'utilisation des terres, aux changements d'affectation des terres et à la foresterie, et ses articles 3 à 5 définissent les modalités de répartition de ces budgets carbone par grands secteurs, par domaines d'activité et par catégories de gaz à effet de serre. Par ailleurs, son article 6 précise des tranches indicatives d'émissions annuelles, arrondies à 1 Mt CO2eq près, pour chacun des deuxième, troisième et quatrième budgets carbone. Il en résulte que pour l'année 2019, cette part annuelle indicative (hors émissions et absorptions associées à l'utilisation des terres, aux changements d'affectation des terres et à la foresterie) est de 443 Mt CO2eq, pour 2020, elle est de 436 Mt CO2eq, pour 2021, elle est de 423 Mt CO2eq, et pour 2022, elle est de 410 Mt CO2eq.
7. Par ailleurs, il y a lieu de relever que par l'article 4 du règlement (UE) 2021/1119 du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique, entré en vigueur le 30 juillet 2021, l'Union européenne a approuvé un nouvel objectif de réduction des émissions nettes de gaz à effet de serre, après déduction des absorptions, à échéance 2030, désormais fixé à au moins - 55 % en 2030 par rapport aux niveaux de 1990. Les modalités selon lesquelles ce nouvel objectif global doit être décliné, notamment en nouveaux objectifs applicables à chacun des Etats-membres, viennent d'être adoptés par le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne dans le cadre du " paquet " dit " Fit for 55 " ou " Ajustement à l'objectif - 55 ", qui conduit à modifier le dispositif réglementaire de l'Union européenne applicable à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. A cet égard, le règlement (UE) 2023/857 du 19 avril 2023, publié au Journal officiel de l'Union européenne le 26 avril 2023 et qui entrera en vigueur le vingtième jour suivant cette date en vertu de son article 3, amende notamment le règlement (UE) 2018/842 du 30 mai 2018 précité fixant les objectifs nationaux contraignants pour chaque Etat membre, notamment son annexe I. Dans ce cadre, l'objectif de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre assigné à la France est porté de - 37 % à - 47,5 % pour la période 2005-2030. Ces nouveaux objectifs fixés au niveau de l'Union européenne vont rapidement devoir être déclinés par les autorités françaises. A ce titre, devront être adaptés en conséquence, notamment, la stratégie nationale bas-carbone ainsi que les budgets carbone correspondants. La décision du 1er juillet 2021 ayant examiné, conformément au point 8 de la décision avant-dire droit du 19 novembre 2020, la légalité des décisions de refus implicite attaquées initialement aux regards des objectifs fixés tant au niveau européen que national applicables à la date de son intervention, le nouvel objectif européen et ses déclinaisons nationales ne peuvent être regardés comme applicables, en tant que tels, au présent contentieux. Pour autant, cet élément ne saurait être ignoré dans l'analyse de l'évolution du niveau des émissions de gaz à effet de serre, dès lors que cette modification du cadre règlementaire mis en place par l'Union européenne va se traduire, de façon imminente, par un renforcement sensible des objectifs à atteindre par la France.
- En ce qui concerne l'office du juge de l'exécution :
8. Ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, par la décision du 1er juillet 2021, le Conseil d'Etat a, d'une part, annulé pour excès de pouvoir le refus implicite opposé par le Président de la République, le Premier ministre et la ministre de la transition écologique et solidaire à la commune de Grande-Synthe de prendre toutes mesures utiles permettant d'infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre produites sur le territoire national afin d'assurer sa compatibilité avec les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixés à l'article L. 100-4 du code de l'énergie et à l'annexe I du règlement (UE) 2018/842 du 30 mai 2018 précité et, d'autre part, enjoint au Premier ministre de prendre de telles mesures avant le 31 mars 2022. Il appartient au Conseil d'Etat, lorsqu'il statue dans le cadre de ses pouvoirs de juge de l'exécution des décisions contentieuses en application des articles L. 911-5 et R. 931-2 du code de justice administrative, d'office, ou à la demande d'une partie, de déterminer si la décision contentieuse a été correctement exécutée et si, tel n'est pas le cas, d'ordonner toutes mesures d'injonction ou d'astreinte de nature à assurer l'exécution effective de sa décision. Au cas d'espèce, le Gouvernement doit, pour démontrer la correcte exécution de la décision du 1er juillet 2021, justifier que les mesures prises, ainsi que les mesures qui peuvent encore être raisonnablement adoptées pour produire des effets dans un délai suffisamment court, permettent que la courbe des émissions de gaz à effet de serre produites sur le territoire national soit compatible avec l'atteinte des objectifs précédemment mentionnés, fixés à l'échéance 2030, avant l'adoption du " paquet " dit " Fit for 55 ". Pour déterminer si tel est le cas, le juge de l'exécution prend en considération tous les éléments recueillis lors de l'instruction contradictoire permettant de s'assurer, avec une marge de sécurité suffisante, et en tenant compte des aléas de prévision et d'exécution, que les objectifs fixés par le législateur pourront être atteints. Il lui appartient, en particulier, en premier lieu, d'examiner si les objectifs intermédiaires ont été atteints à la date à laquelle il statue et dans quelles conditions, en tenant compte, le cas échéant, des évènements exogènes qui ont pu affecter de manière sensible le niveau des émissions constatées. En deuxième lieu, il lui appartient de prendre en compte les mesures adoptées ou annoncées par le Gouvernement et présentées comme de nature à réduire les émissions de gaz à effet de serre mais également, le cas échéant, les mesures susceptibles d'engendrer au contraire une augmentation notable de ces émissions. En troisième lieu, il doit prendre en considération les effets constatés ou prévisibles de ces différentes mesures et, plus largement, l'efficacité des politiques publiques mises en place, au regard des différentes méthodes d'évaluation ou d'estimation disponibles, y compris les avis émis par les experts, notamment le Haut conseil pour le climat qui intervient dans le cadre rappelé au point 5, pour apprécier la compatibilité de la trajectoire de baisse des émissions de gaz à effet de serre avec les objectifs assignés à la France. Au regard de l'ensemble de ces éléments, il appartient, en dernier lieu, au juge de déterminer, dans une perspective dynamique, et sans se limiter à l'atteinte des objectifs intermédiaires, mais en prenant en compte les objectifs fixés à la date de sa décision d'annulation, si, au vu des effets déjà constatés, des mesures annoncées et des caractéristiques des objectifs à atteindre ainsi que des modalités de planification et de coordination de l'action publique mises en oeuvre, les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixés à l'échéance de 2030 peuvent, à la date de sa décision, être regardés comme raisonnablement atteignables. Si au terme de cette analyse, le juge de l'exécution estime que des éléments suffisamment crédibles et étayés permettent de regarder la trajectoire d'atteinte de ces objectifs comme respectée, il peut clore le contentieux lié à l'exécution de sa décision. Si au contraire il estime que tel n'est pas le cas, il lui appartient d'apprécier l'opportunité de compléter les mesures déjà prescrites ou de prononcer une astreinte, en tenant compte pour ce faire tant des circonstances de droit et de fait à la date de sa décision que des diligences déjà accomplies par l'administration pour procéder à l'exécution de la décision du 1er juillet 2021, ainsi que de celles qui sont encore susceptibles de l'être.
- En ce qui concerne, en premier lieu, les niveaux d'émissions de gaz à effet de serre relevés jusqu'à la date de la présente décision :
9. Il résulte de l'instruction, en particulier des données collectées puis publiées par le Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (CITEPA), que les émissions de gaz à effet de serre nationales, hors utilisation des terres, changements d'affectation des terres et foresterie, se sont élevées à 435 Mt CO2eq en 2019, à comparer à l'objectif indicatif de 443 Mt CO2eq fixé par le décret du 21 avril 2020 précité, et à 393 Mt CO2eq en 2020, à comparer à l'objectif indicatif de 436, chiffres qui correspondent à une baisse, respectivement, de 1,9 % et 9,6 % des émissions par rapport à l'année directement précédente. Les données provisoires disponibles pour 2021 situent le niveau d'émission à 418 Mt CO2eq, correspondant à une hausse des émissions de 6,4 % par rapport au niveau constaté en 2020, année qui avait été marquée par les mesures prises pour la gestion de la crise sanitaire causée par la pandémie de Covid-19. Par ailleurs, les dernières données non consolidées publiées concernant l'année 2022 mettent en évidence un niveau des émissions en baisse de 2,5 % par rapport à celui de 2021, avec une différence sensible de tendance entre les neuf premiers mois de l'année, marqués par une baisse très faible du niveau des émissions de l'ordre de - 0,3 %, et les trois derniers mois de l'année, marqués par des émissions en forte baisse, avec toutefois des évolutions contrastées selon les secteurs.
10. Sous réserve de la confirmation de ces données provisoires pour l'année 2021 puis pour l'année 2022, ces éléments mettent en évidence que les parts annuelles indicatives d'émissions prévues pour le 2e budget carbone pour les années 2019, 2020 et 2021, rappelées au point 6, ont été respectées et que celle prévue pour l'année 2022 pourrait l'être également. Sur la période 2019-2021, il en résulte un rythme de diminution annuel moyen des émissions de gaz à effet de serre de l'ordre de - 1,9 %.
- En ce qui concerne, en deuxième lieu, les mesures adoptées ou annoncées mises en avant par le Gouvernement pour justifier de l'exécution de la décision :
11. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires fait valoir que dans l'objectif d'accélérer le rythme de diminution des émissions de gaz à effet de serre à un niveau compatible avec la trajectoire prévue par la stratégie nationale bas carbone, et en particulier celui prévu par les 3ème et 4ème budgets carbone tels que fixés par le décret du 21 avril 2020 précité, de nombreuses mesures ont été adoptées par le Gouvernement depuis le 1er juillet 2021, que des budgets conséquents ont été prévus et seront consacrés au soutien de la transition écologique, et que des dispositifs de pilotage de l'action climatique de l'Etat destinés à mettre en oeuvre la stratégie nationale bas carbone ont été mis en place.
12. S'agissant des mesures adoptées depuis le 1er juillet 2021, le ministre met notamment en avant l'adoption de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ainsi que les nombreux textes réglementaires d'application prévus par cette loi comportant des mesures destinées à réduire le niveau des émissions de gaz à effet de serre.
13. Ainsi, dans le secteur des transports, qui représentait environ 30 % des émissions territoriales en 2021, le ministre fait valoir les différentes mesures destinées à accélérer la réduction des émissions de gaz à effet de serre générées par les véhicules particuliers, telles que le renforcement des mesures contribuant à la décarbonation des véhicules neufs, les investissements et les mesures incitatives en faveur des mobilités douces ou partagées, le renforcement et le développement des zones à faibles émissions mobilité, et le développement des dispositifs incitant à limiter les déplacements automobiles. Il met également en avant les mesures destinées à réduire les émissions liées, d'une part, à la circulation des poids lourds, telles que la stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire et le renforcement du soutien financier à l'acquisition de véhicules moins polluants ou à l'optimisation des émissions des véhicules existants, d'autre part, au transport aérien domestique, à travers des mesures destinées à réduire l'activité aérienne et les plans de soutien et d'investissements destinés à permettre une augmentation de l'utilisation de bio-carburants ou à favoriser une meilleure efficience énergétique du secteur.
14. Dans le secteur du bâtiment, résidentiel comme tertiaire, qui représentait environ 18 % des émissions territoriales en 2021, le ministre fait état des mesures destinées à supprimer l'utilisation des énergies très polluantes et à réduire l'usage des énergies carbonées pour le chauffage, telles que l'interdiction de l'installation des chaudières au fioul ou au charbon, les aides financières à l'installation de chaudières à énergie renouvelable ou l'obligation de raccordement de certains bâtiments aux réseaux publics de chaleur. Il fait également valoir les mesures destinées à inciter à une rénovation énergétique du parc résidentiel, telles que le renforcement des incitations financières destinées aux ménages avec une incitation accrue pour les rénovations globales performantes, la mise en place d'un accompagnement des consommateurs, l'évolution du diagnostic de performance énergétique des bâtiments et les mesures destinées à faciliter les travaux d'isolation thermique. Il met en outre en avant, d'une part, les mesures destinées à éliminer progressivement les bâtiments ou parties de bâtiments à usage d'habitation dont le niveau de performance énergétique est insuffisant au sens de l'article L. 173-1-1 du code de la construction et de l'habitation, telles que l'obligation de réalisation d'un audit énergétique lors de la vente d'un bien immobilier, l'obligation de procéder à des travaux de rénovation avant de pouvoir augmenter les loyers, ou l'interdiction de la mise en location des logements peu performants sur le plan énergétique, ainsi que, d'autre part, le renforcement des exigences en matière de performance environnementale des constructions de bâtiments neufs.
15. Dans le secteur agricole, qui représentait environ 19 % des émissions territoriales en 2021, le ministre met en avant l'adoption d'un plan stratégique national dans le cadre de la politique agricole commune qui devra être compatible avec la stratégie nationale bas carbone et la définition d'une trajectoire de réduction des émissions de protoxyde d'azote et d'ammoniac, toutes deux destinées à inciter à la modification des pratiques. Par ailleurs, il fait valoir l'adoption de mesures tendant à modifier également les comportements des consommateurs, telles que l'obligation pour les services de restauration collective de proposer au moins un menu végétarien par semaine et, un par jour, lorsqu'un choix multiple de menus est proposé.
16. Dans le secteur de l'industrie, qui représentait environ 19 % des émissions territoriales en 2021, le ministre fait valoir la mise en place de dispositifs d'accompagnement des entreprises dans leurs démarches de décarbonation dans le cadre du plan " France relance ", du " 4ème plan d'investissement d'avenir " et du plan " France 2030 ". Il met également en avant la mise en oeuvre d'une stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène dit décarboné, comprenant un investissement dans la filière, des mesures de soutien pour compenser les coûts plus élevés dans celle-ci, ainsi que des mesures destinées à assurer la traçabilité de l'hydrogène décarboné. Il fait également état du renforcement des soutiens publics en faveur de la recherche et développement.
17. Dans le secteur de l'énergie, qui représentait environ 10 % des émissions territoriales, le ministre met en avant le soutien financier apporté aux filières d'énergies renouvelables, à travers 30 milliards d'euros d'aides entre 2021 et 2026, avec l'objectif de mettre en oeuvre des installations produisant 25 GW d'énergie renouvelable sur la période. Il fait valoir des mesures spécifiques à la filière photovoltaïque, comportant notamment la simplification et l'accélération des procédures, et les dispositions prévoyant une exemption de certaines règles en matière de consommation des espaces au profit des installations de production d'énergies renouvelables. Il fait également état de la volonté de prolonger la durée de vie des réacteurs nucléaires et du renforcement des moyens consacrés au développement de la " chaleur renouvelable ". Le ministre souligne que ces différentes mesures seront par ailleurs renforcées par les nouvelles mesures destinées à accélérer le développement des énergies renouvelables adoptées dans le cadre de la loi du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, ainsi que par celles destinées à permettre la construction de nouveaux réacteurs nucléaires dans les meilleurs délais, prévues dans le projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, actuellement en cours d'examen au Parlement.
18. Enfin, dans le secteur des déchets, qui représentait environ 3 % des émissions territoriales en 2021, le ministre fait état du renforcement des mesures visant à réduire le volume des déchets produits, telles que l'expérimentation d'un dispositif destiné à réduire le volume d'imprimés publicitaires, l'interdiction des échantillons, l'obligation de consacrer une partie des espaces de vente à la vente en vrac, l'interdiction de certains types d'emballages ou l'augmentation de la taxe générale sur les activités polluantes. Il met également en avant les mesures destinées à augmenter le volume de déchets valorisés, telles que les soutiens aux acteurs des filières du réemploi, de la réutilisation, de la réparation et du reconditionnement dans le cadre du plan " France relance ", les mesures destinées à favoriser l'usage de consignes ainsi que les objectifs de captage et de valorisation du biogaz fixés dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l'énergie.
19. S'agissant des financements alloués à l'ensemble de ces mesures et, plus largement, à la transition écologique et énergétique, le Gouvernement fait valoir les 30 milliards d'euros consacrés à la transition énergétique dans le cadre du plan " France relance " de 2020, dont 6,7 milliards consacrés à la rénovation énergétique, 4,7 milliards à la mise en place d'un plan de soutien au secteur ferroviaire et 7 milliards consacrés au développement de l'hydrogène dit décarboné, les 30 milliards d'euros prévus dans le cadre du plan " France 2030 " adopté fin 2021, dont 5,6 milliards consacrés à la décarbonation de l'industrie, ainsi que le volet destiné au renforcement de la souveraineté énergétique du plan de résilience économique et sociale présenté en mars 2022, qui vise notamment à développer les énergies décarbonées et à réduire rapidement la consommation énergétique.
20. Enfin, s'agissant de la gouvernance et du pilotage des politiques publiques relatives au climat, le Gouvernement met en avant la mise en place, en juillet 2022, d'une nouvelle structure administrative, le secrétariat général à la planification écologique, qui est destiné à favoriser une action concertée des différents services de l'Etat et des autres personnes publiques. Il fait également valoir qu'il a adopté plusieurs plans ministériels d'action destinés à établir une stratégie cohérente avec les objectifs sectoriels définis par la stratégie nationale bas carbone. Par ailleurs, il précise être en train d'élaborer une nouvelle stratégie française énergie-climat qui devrait conduire à une nouvelle loi de programmation énergie climat en 2023, puis à l'actualisation de la stratégie nationale bas carbone et de la programmation pluriannuelle de l'énergie.
- En ce qui concerne, en troisième lieu, l'appréciation de la compatibilité de ces mesures et du pilotage des politiques publiques mis en place avec la trajectoire de diminution des émissions de gaz à effet de serre :
21. Il y a lieu de relever, tout d'abord, que les résultats constatés, tels que décrits aux points 9 et 10 ci-dessus, sont rendus d'interprétation délicate compte tenu de l'intervention, d'une part, de deux circonstances exogènes qui ont affecté de façon notable les activités générant des émissions de gaz à effet de serre, d'autre part, des mesures temporaires prises en réponse par le Gouvernement, également susceptibles d'affecter la trajectoire de réduction de ces émissions. Ainsi, les trois dernières années 2020, 2021 et 2022 ont été marquées par la grave crise sanitaire causée par la pandémie de Covid-19, qui a conduit à une forte restriction des activités qui génèrent des émissions de gaz à effet de serre, puis à un fort rebond de l'activité économique ayant fait suite à la levée de la plupart des mesures restrictives adoptées. Or, ces circonstances exceptionnelles ne permettent pas d'apprécier, d'une part, si les objectifs fixés pour 2020 auraient été atteints sur la base des seules mesures structurelles adoptées antérieurement, d'autre part, dans quelle proportion l'efficacité de ces mesures a eu une incidence sur le niveau d'émission constaté en 2021 au regard des données provisoires actuellement disponibles. La crise liée à la guerre en Ukraine a, par ailleurs, eu des incidences significatives sur l'activité économique, les conditions d'approvisionnement en énergie et les décisions de politique énergétique, à compter de février 2022, et a conduit le Gouvernement à prendre des mesures susceptibles d'aller à l'encontre des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, notamment en intervenant sur les prix de l'énergie et les dépenses supportées par les entreprises et les ménages et en maintenant ouvertes ou en recourant à des centrales à charbon et à des centrales électriques au gaz pour garantir l'approvisionnement en électricité du pays. Il y a également lieu de relever, comme le notait déjà la décision du 1er juillet 2021, que les 3ème et 4ème budgets carbone tels que fixés par le décret du 21 avril 2020 précité vont imposer un rythme de diminution des émissions de gaz à effet de serre sensiblement supérieur au rythme annuel moyen de - 1,9 % constaté pour les années 2019 à 2021 et ce, sans prendre en compte le rehaussement de l'objectif de réduction des émissions adopté à l'échelle de l'Union européenne.
22. S'agissant des modalités d'appréciation de la capacité de la France à atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui lui sont assignés, les mesures prises par le Gouvernement ont fait l'objet de différents types d'évaluations qui ont été versées à l'instruction contradictoire. Ainsi, le Gouvernement a mené à bien, sous l'égide du CITEPA, qui remplit pour le compte du ministère chargé de la transition écologique le rôle de centre national de référence en matière de changement climatique et de pollution atmosphérique, et est notamment chargé des inventaires officiels d'émissions transmis par la France à la Commission européenne dans le cadre rappelé au point 3, un exercice de simulation par projection des effets de différentes mesures sélectionnées. Cet exercice biennal de modélisation est mis en oeuvre par l'Etat au titre de l'article 18 du règlement (UE) 2018/1999 du 11 décembre 2018 précité et a pour objet de mesurer l'impact à moyen terme des politiques publiques menées afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il a été effectué sur la base des mesures sectorielles adoptées jusqu'au 31 décembre 2021, selon les modalités fixées par les annexes VI et VII du règlement précité du 11 décembre 2018 et l'article 38 du règlement d'exécution (UE) 2020/1208 de la Commission du 7 août 2020 relatif à la structure, à la présentation, aux modalités de transmission et à l'examen des informations communiquées par les États membres en vertu de ce règlement. La Commission européenne fournit à cette fin aux Etats membres certaines données de référence, portant notamment sur la population et le produit intérieur brut, ainsi que des recommandations méthodologiques, mais les laisse en revanche libres de définir les modèles et approches méthodologiques utilisés. Pour réaliser la première étape de cette évaluation (dite " run 1 "), le Gouvernement a mis à jour les scénarios prospectifs qui avaient été communiqués dans le cadre de l'instance au fond pour y intégrer les mesures supplémentaires adoptées depuis juillet 2017 et s'est appuyé sur une agrégation de paramètres clés, d'indicateurs et de modèles sectoriels, soit technico-économiques, soit purement physiques réalisée par le CITEPA. Selon les projections ainsi effectuées avec les mesures supplémentaires adoptées depuis juillet 2017, les émissions de gaz à effet de serre des six secteurs des transports, du bâtiment, de l'agriculture, de l'industrie, de l'énergie et des déchets devraient atteindre 335,4 Mt CO2eq en 2030, correspondant à une diminution de 23 % par rapport à leur niveau de 2019 et de plus de 38 % par rapport à leur niveau de 1990. Le Gouvernement fait dès lors valoir que compte tenu des mesures supplémentaires adoptées depuis le 31 décembre 2022 et de la marge d'erreur inhérente à un tel exercice d'évaluation, les objectifs de réduction des émissions fixés pour 2030 devraient être atteints. Toutefois, cet exercice de prévision présente un degré d'incertitude significatif à la date de la présente décision, en raison notamment de l'absence d'évaluation rétrospective sur la capacité des mesures prises en compte à permettre effectivement les réductions d'émissions de gaz à effet de serre projetées à l'horizon 2030. L'évaluation de la réduction des émissions à laquelle il aboutit doit, dès lors, être complétée par une appréciation de l'impact des politiques sectorielles menées par rapport aux différentes orientations sectorielles fixées dans le cadre de la stratégie nationale bas carbone pour atteindre les objectifs de réduction fixés à cette échéance.
23. A cet égard, les associations requérantes ont produit pour leur part des éléments d'analyse complémentaires à ceux qui avaient été versés lors de l'instance au fond, établis notamment par un cabinet d'étude spécialisé. L'étude produite procède ainsi à l'évaluation des mesures supplémentaires prises par le Gouvernement entre janvier 2021 et mars 2022, à travers onze paramètres qualifiés de " structurants ", relevant de trois secteurs d'activité parmi les plus émetteurs (transports, bâtiment, agriculture) sur les six pris en compte par le Gouvernement dans le cadre de sa propre démarche d'évaluation. Pour chacun de ces paramètres, l'étude confronte les mesures prises aux objectifs définis dans le cadre de la stratégie nationale bas carbone en appréciant leur efficacité potentielle ainsi que leur cohérence par rapport à ces objectifs. Selon les associations requérantes, il résulte de cette analyse que seuls trois de ces paramètres, correspondant à la part modale du vélo, au nombre de logements chauffés au fioul, et à la proportion de légumineuses dans la surface agricole utile, connaîtraient une évolution en cohérence avec les objectifs de la stratégie nationale bas carbone. Un quatrième paramètre correspondant à la part de véhicules faibles émissions est regardé comme connaissant une évolution favorable qui lui permettrait d'approcher ces objectifs. Or, compte tenu de l'importance des paramètres structurants pris en compte dans le niveau total d'émissions constaté, le non-respect des objectifs assignés pour au moins sept d'entre eux sur les onze évalués ne serait pas susceptible d'être compensé par les résultats éventuellement plus favorables obtenus s'agissant d'autres paramètres ou secteurs.
24. Par ailleurs, le Haut conseil pour le climat, dans son rapport réalisé conformément aux dispositions citées ci-dessus de l'article L. 132-4 du code de l'environnement, et publié en juin 2022, qui repose pour sa part sur une analyse de l'origine des émissions passées et présentes, des comparaisons internationales et une mise en relation des mesures adoptées par le Gouvernement jusqu'en mars - avril 2022 avec les différentes orientations sectorielles fixées par la stratégie nationale bas carbone, retient, au terme d'une appréciation qualitative détaillée, que si des nouvelles mesures positives sont effectivement intervenues depuis son précédent rapport annuel, pour dix-neuf des vingt-cinq orientations sectorielles de la stratégie nationale bas carbone, seules six de ces orientations apparaissent en adéquation avec le niveau requis pour atteindre les budgets carbone. Le Haut conseil pour le climat estime que quatre d'entre elles peuvent même être regardées comme ayant fait l'objet de mesures de nature à compromettre l'atteinte des objectifs fixés dans le cadre de la stratégie nationale bas carbone. Ainsi, pour le secteur des transports, le Haut conseil pour le climat relève, notamment, un retard dans le déploiement des infrastructures nécessaires au développement des voitures électriques ou hybrides et le caractère insuffisamment ciblé des aides sur les ménages à faible revenus, de nature à diminuer l'efficacité des mesures prises en faveur des véhicules à faibles émissions. Les alternatives à la voiture individuelle, notamment le déploiement des transports en commun et du transport ferroviaire, feraient l'objet d'un soutien insuffisant ou qui ne serait pas suffisamment pérenne. Pour le secteur du bâtiment, le Haut conseil pour le climat relève que si des dispositifs de subventions et de financement conséquents ont été mis en place, ils sont insuffisamment ciblés sur les opérations performantes, que l'éradication des logements très consommateurs en énergie n'est pas encore assez accompagnée et que l'absence de visibilité s'agissant de la pérennité des financements fragilise la mise en place d'une filière en matière de rénovation. Pour le secteur de l'agriculture, le Haut conseil pour le climat estime que le plan stratégique national n'est pas suffisamment abondé et ne permettrait en l'état, au mieux, que d'atteindre la moitié des objectifs du secteur d'ici 2030. Pour le secteur de l'industrie, le Haut conseil pour le climat regarde comme inadéquates les feuilles de routes élaborées par les comités stratégiques des quatre sous-secteurs les plus émetteurs, et note que les effets des financements d'investissement dans les technologies de rupture ne peuvent être attendus qu'au-delà de 2030. Pour le secteur de l'énergie, le Haut conseil pour le climat retient que les mesures d'efficacité et de sobriété énergétiques demeurent insuffisantes, que le réseau électrique n'est, à ce stade, pas adapté au déploiement des énergies renouvelables, et que les actions et investissements en faveur du nucléaire et de l'hydrogène décarboné ne pourront avoir des effets qu'au-delà de 2030. Au total, au vu de ces différents éléments, le Haut conseil pour le climat estime qu'il existe des risques majeurs persistants de ne pas atteindre les objectifs fixés pour 2030 en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, eu égard notamment à la nécessité, à compter de la période couverte par le 3ème budget carbone (2024-2028), de doubler le rythme annuel de réduction de ces émissions par rapport à ce qui est observé depuis 2010. En effet, le rythme annuel moyen de réduction constaté depuis lors est de l'ordre de - 1,7 % alors que les 3ème et 4ème budgets carbone imposent un rythme annuel moyen de l'ordre de - 3,2 %, et ce, sans prendre en compte le rehaussement de l'objectif de réduction des émissions adopté à l'échelle de l'Union européenne. En outre, le Haut conseil pour le climat souligne que, malgré la création du secrétariat général à la planification écologique, l'existence de la stratégie nationale bas carbone, ou encore l'adoption de feuilles de route sectorielles, un véritable pilotage, reposant sur un suivi des indicateurs pertinents, des plans d'action déclinés dans tous les ministères et une évaluation systématique des politiques publiques au regard de leurs incidences sur le climat n'est pas encore en place.
25. En conclusion, il résulte, en premier lieu, de l'instruction que les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixés pour les années 2020, 2021 et 2022, à travers les parts indicatives annuelles du deuxième budget carbone (2019-2023), ont été ou pourraient être atteints. Toutefois, ces résultats doivent être replacés dans le contexte de l'assouplissement des objectifs assignés au deuxième budget carbone auquel le décret du 21 avril 2020 précité a procédé, mais également de la baisse très significative des émissions constatées en 2020, compte tenu de la baisse d'activité causée par les mesures prises pour lutter contre la pandémie de Covid-19. En deuxième lieu, le Gouvernement a adopté un ensemble de mesures conséquent, qui concerne nombre d'activités ou de secteurs émetteurs de gaz à effet de serre, et a alloué des montants importants aux investissements en lien avec la transition écologique et énergétique. Ces mesures, si elles sont mises en oeuvre pleinement et sans retard, apparaissent de nature à conduire à une diminution supplémentaire des émissions de gaz à effet de serre. Ces éléments doivent être regardés comme manifestant la volonté du Gouvernement d'atteindre les objectifs de réduction des émissions fixés en l'état à l'échéance 2030 et d'exécuter, ce faisant, la décision du 1er juillet 2021. Cependant, si ce dernier fait valoir que ces mesures permettront d'atteindre ces objectifs de réduction des émissions, d'une part, l'évaluation prospective qu'il a produite repose sur des hypothèses de modélisation qui ne sont pas vérifiées à ce stade et ne permettent pas de considérer comme suffisamment fiables les résultats avancés, d'autre part, les conclusions de cette évaluation apparaissent en contradiction avec l'analyse par objectifs sectoriels de la stratégie nationale bas carbone menée par le Haut conseil pour le climat, laquelle n'a été remise en cause, dans sa méthodologie ou les conclusions auxquelles elle aboutit, par aucune des parties. Dans ces conditions, et compte tenu notamment du renforcement de l'ampleur des réductions de gaz à effet de serre attendues par les 3ème et 4ème budgets carbone par rapport au niveau constaté jusqu'ici, il demeure des incertitudes persistantes, qui n'ont pas été levées par l'instruction contradictoire menée, complétée par la séance orale d'instruction, quant à la capacité des mesures prises à ce jour et des modalités de coordination stratégique et opérationnelle de l'ensemble de l'action publique mises en oeuvre, à rendre suffisamment crédible l'atteinte d'un rythme de diminution des émissions territoriales de gaz à effet de serre cohérent avec les objectifs de réduction fixés pour 2030 par les dispositions législatives nationales ou par le droit de l'Union européenne pertinents. Il en résulte qu'en l'état de l'instruction, la décision du 1er juillet 2021 ne peut être regardée comme complètement exécutée. Dans ces circonstances, et compte tenu notamment des diligences déjà accomplies par le Gouvernement ainsi que de celles qui sont encore susceptibles de l'être, il y a lieu, en l'état, de compléter l'injonction prononcée par cette décision en édictant, sur le fondement des articles L. 911-5 et R. 911-32 du code de justice administrative, les mesures complémentaires nécessaires pour en assurer l'exécution complète, sans qu'il soit besoin par ailleurs de prononcer une astreinte.
26. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y lieu, sans prononcer d'astreinte, d'enjoindre à la Première ministre de prendre toutes mesures supplémentaires utiles pour assurer la cohérence du rythme de diminution des émissions de gaz à effet de serre avec la trajectoire de réduction de ces émissions retenue par le décret du 21 avril 2020 précité en vue d'atteindre les objectifs de réduction fixés par l'article L. 100-4 du code de l'énergie et par l'annexe I du règlement (UE) 2018/842 du 30 mai 2018 avant le 30 juin 2024 et de produire, à échéance du 31 décembre 2023, puis au plus tard le 30 juin 2024, tous les éléments justifiant de l'adoption de ces mesures et permettant l'évaluation de leurs incidences sur ces objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
27. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme globale de 4 000 euros à verser à la commune de Grande-Synthe et à la ville de Paris au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il est donné acte du désistement de sa demande d'exécution à la Fondation pour la nature et l'homme.
Article 2 : Il est enjoint à la Première ministre de prendre toutes mesures supplémentaires utiles pour assurer la cohérence du rythme de diminution des émissions de gaz à effet de serre avec la trajectoire de réduction de ces émissions retenue par le décret n° 2020-457 du 21 avril 2020 en vue d'atteindre les objectifs de réduction fixés par l'article L. 100-4 du code de l'énergie et par l'annexe I du règlement (UE) 2018/842 du 30 mai 2018 avant le 30 juin 2024, et de produire, à échéance du 31 décembre 2023, puis au plus tard le 30 juin 2024, tous les éléments justifiant de l'adoption de ces mesures et permettant l'évaluation de leurs incidences sur ces objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Article 3 : Les conclusions à fin d'astreinte sont rejetées.
Article 4 : La Première ministre communiquera à la section du rapport et des études du Conseil d'Etat tous éléments utiles de nature à justifier des mesures supplémentaires adoptées pour exécuter la décision du 1er juillet 2021 et à permettre leur évaluation, à échéance du 31 décembre 2023, puis au plus tard le 30 juin 2024.
Article 5 : L'Etat versera à la commune de Grande-Synthe et à la ville de Paris une somme globale de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la Commune de Grande-Synthe, à la ville de Paris, aux associations Oxfam France, Greenpeace France et Notre affaire à tous et à la Fondation pour la nature et l'Homme, à la Première ministre et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée à la section du rapport et des études.
Délibéré à l'issue de la séance du 12 avril 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseillers d'Etat et Mme Airelle Niepce, maître des requêtes-rapporteure.
Rendu le 10 mai 2023.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Airelle Niepce
La secrétaire :
Signé : Mme Valérie Peyrisse
N° 467982
Publié au recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
M. Rémy Schwartz, président
Mme Airelle Niepce, rapporteur
M. Stéphane Hoynck, rapporteur public
SAS HANNOTIN AVOCATS, avocats
Lecture du mercredi 10 mai 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une décision n° 427301 du 1er juillet 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, d'une part, annulé pour excès de pouvoir le refus implicite opposé par le Président de la République, le Premier ministre et la ministre de la transition écologique et solidaire à la commune de Grande-Synthe de prendre toutes mesures utiles permettant d'infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre produites sur le territoire national afin d'assurer sa compatibilité avec les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixés à l'article L. 100-4 du code de l'énergie et à l'annexe I du règlement (UE) 2018/842 du 30 mai 2018 relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les Etats membres de 2021 à 2030 contribuant à l'action pour le climat afin de respecter les engagements pris dans le cadre de l'accord de Paris, d'autre part, enjoint au Premier ministre de prendre de telles mesures avant le 31 mars 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques du 9 mai 1992 et son protocole signé à Kyoto le 11 décembre 1997 ;
- l'accord de Paris, adopté le 12 décembre 2015 ;
- le règlement (UE) 2018/842 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 ;
- le règlement (UE) 2018/1999 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 ;
- le règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 ;
- le règlement (UE) 2023-857 du Parlement européen et du Conseil du 19 avril 2023 ;
- le règlement d'exécution (UE) 2020/1208 de la Commission du 7 août 2020 ;
- le code de l'énergie ;
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 ;
- la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 ;
- la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 ;
- le décret n° 2015-1491 du 18 novembre 2015 ;
- le décret n° 2020-457 du 21 avril 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Airelle Niepce, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la commune de Grande-Synthe et de la ville de Paris et à la SAS Hannotin Avocats, avocat de l'association Notre affaire à tous et autres ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision n° 427301 du 1er juillet 2021, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, d'une part, annulé le refus implicite opposé par le Président de la République, le Premier ministre et la ministre de la transition écologique et solidaire à la demande de la commune de Grande-Synthe de prendre toutes mesures utiles permettant d'infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre produites sur le territoire national afin d'assurer sa compatibilité avec les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixés à l'article L. 100-4 du code de l'énergie et à l'annexe I du règlement (UE) 2018/842 du 30 mai 2018 relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les Etats membres de 2021 à 2030 contribuant à l'action pour le climat afin de respecter les engagements pris dans le cadre de l'accord de Paris, d'autre part, enjoint au Premier ministre de prendre de telles mesures avant le 31 mars 2022. La commune de Grande-Synthe, partie à la décision du 1er juillet 2021, la ville de Paris, et les associations Notre Affaire à Tous (NAAT), Oxfam France, la Fondation pour la nature et l'Homme et Greenpeace France, intervenantes dans cette instance, estimant que les mesures permettant d'assurer l'exécution complète de cette décision n'ont pas été prises, ont saisi le Conseil d'Etat, sur le fondement des articles L. 911-5 et R. 931-2 du code de justice administrative, de trois demandes tendant au prononcé d'une astreinte. La section du rapport et des études a exécuté les diligences qui lui incombent en application de l'article R. 931-3 du code de justice administrative et la présidente de cette section a transmis ces demandes d'exécution, en application de l'article R. 931-4 du même code, au président de la section du contentieux. Par une ordonnance du 4 octobre 2022, prise sur le fondement du même article R. 931-4, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a ouvert une procédure juridictionnelle d'exécution sous le n° 467982.
Sur le désistement de la Fondation pour la nature et l'homme :
2. Le désistement de la Fondation pour la nature et l'homme de sa demande d'exécution est pur et simple. Rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.
Sur l'exécution de la décision :
- En ce qui concerne les objectifs d'émissions applicables à la France et les procédures prévues pour évaluer l'atteinte de ces objectifs :
3. D'une part, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) 2018/842 du 30 mai 2018 précité, applicable aux secteurs ne relevant pas du système d'échange de quotas d'émissions (SEQE) : " 1. Chaque État membre limite ses émissions de gaz à effet de serre, en 2030, en respectant au moins le pourcentage fixé pour cet État membre à l'annexe I par rapport au niveau de ses émissions de gaz à effet de serre en 2005, déterminé conformément au paragraphe 3 du présent article. / (...) " Pour l'application de cet article, l'annexe I du règlement a fixé à - 37 % l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre en 2030, par rapport à leurs niveaux de 2005, qui s'impose à la France. Le règlement (UE) 2018/1999 du 11 décembre 2018 sur la gouvernance de l'union de l'énergie et de l'action pour le climat prévoit par ailleurs, en son article 18, que les Etats membres doivent, notamment, communiquer à la Commission européenne leurs projections relatives aux émissions anthropiques, tous les deux ans. D'autre part, aux termes de l'article L. 100-4 du code de l'énergie : " I. - Pour répondre à l'urgence écologique et climatique, la politique énergétique nationale a pour objectifs : / 1° De réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 et d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050 en divisant les émissions de gaz à effet de serre par un facteur supérieur à six entre 1990 et 2050. La trajectoire est précisée dans les budgets carbone mentionnés à l'article L. 222-1 A du code de l'environnement. Pour l'application du présent 1°, la neutralité carbone est entendue comme un équilibre, sur le territoire national, entre les émissions anthropiques par les sources et les absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre, tel que mentionné à l'article 4 de l'accord de Paris ratifié le 5 octobre 2016. La comptabilisation de ces émissions et absorptions est réalisée selon les mêmes modalités que celles applicables aux inventaires nationaux de gaz à effet de serre notifiés à la Commission européenne et dans le cadre de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, sans tenir compte des crédits internationaux de compensation carbone ; ". Il résulte de ces dispositions que le législateur a fixé un objectif de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport aux niveaux de 1990.
4. Aux termes de l'article L. 222-1 A du code de l'environnement : " Pour la période 2015-2018, puis pour chaque période consécutive de cinq ans, un plafond national des émissions de gaz à effet de serre dénommé " budget carbone " est fixé par décret ". Aux termes de l'article L. 222-1 B du même code : " I. - La stratégie nationale de développement à faible intensité de carbone, dénommée " stratégie bas-carbone ", fixée par décret, définit la marche à suivre pour conduire la politique d'atténuation des émissions de gaz à effet de serre dans des conditions soutenables sur le plan économique à moyen et long termes afin d'atteindre les objectifs définis par la loi prévue à l'article L. 100-1 A du code de l'énergie. Elle tient compte de la spécificité du secteur agricole, veille à cibler le plan d'action sur les mesures les plus efficaces en tenant compte du faible potentiel d'atténuation de certains secteurs, notamment des émissions de méthane entérique naturellement produites par l'élevage des ruminants, et veille à ne pas substituer à l'effort national d'atténuation une augmentation du contenu carbone des importations. Cette stratégie complète le plan national d'adaptation climatique prévu à l'article 42 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement. / II. - Le décret fixant la stratégie bas-carbone répartit le budget carbone de chacune des périodes mentionnées à l'article L. 222-1 A par grands secteurs, notamment ceux pour lesquels la France a pris des engagements européens ou internationaux, par secteur d'activité ainsi que par catégorie de gaz à effet de serre. La répartition par période prend en compte l'effet cumulatif des émissions considérées au regard des caractéristiques de chaque type de gaz, notamment de la durée de son séjour dans la haute atmosphère. Cette répartition tient compte de la spécificité du secteur agricole et de l'évolution des capacités naturelles de stockage du carbone des sols. / Il répartit également les budgets carbone en tranches indicatives d'émissions annuelles. / Pour chacune des périodes mentionnées au même article L. 222-1 A, il définit également un plafond indicatif des émissions de gaz à effet de serre générées par les liaisons de transport au départ ou à destination de la France et non comptabilisées dans les budgets carbone mentionnés audit article L. 222-1 A, dénommé "budget carbone spécifique au transport international". / (...) / La stratégie bas-carbone décrit les orientations et les dispositions d'ordre sectoriel ou transversal qui sont établies pour respecter les budgets carbone. Elle intègre des orientations sur le contenu en émissions de gaz à effet de serre des importations, des exportations et de leur solde dans tous les secteurs d'activité. Elle définit un cadre économique de long terme, en préconisant notamment une valeur tutélaire du carbone et son utilisation dans le processus de prise de décisions publiques. / III. - L'Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements publics respectifs prennent en compte la stratégie bas-carbone dans leurs documents de planification et de programmation qui ont des incidences significatives sur les émissions de gaz à effet de serre. / Dans le cadre de la stratégie bas-carbone, le niveau de soutien financier des projets publics intègre, systématiquement et parmi d'autres critères, le critère de contribution à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les principes et modalités de calcul des émissions de gaz à effet de serre des projets publics sont définis par décret. " L'article L. 222-1 C du même code prévoit les dates de publication des budgets carbone.
5. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 132-4 du code de l'environnement, le Haut Conseil pour le climat est un organisme indépendant, créé le 27 novembre 2018, placé auprès du Premier ministre et qui comprend des membres choisis en raison de leur expertise scientifique, technique et économique dans les domaines des sciences du climat et des écosystèmes, de la réduction des émissions de gaz à effet de serre ainsi que de l'adaptation et de la résilience face au changement climatique. Il " rend chaque année un rapport qui porte notamment sur : / 1° Le respect de la trajectoire de baisse des émissions de gaz à effet de serre au regard des budgets carbone définis en application de l'article L. 222-1 A du présent code et de la stratégie bas-carbone mentionnée à l'article L. 222-1 B ; / 2° La mise en oeuvre et l'efficacité des politiques et mesures décidées par l'Etat et les collectivités territoriales pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, développer les puits de carbone, réduire l'empreinte carbone et développer l'adaptation au changement climatique, y compris les dispositions budgétaires et fiscales ; / 3° L'impact socio-économique, notamment sur la formation et l'emploi, et environnemental, y compris pour la biodiversité, de ces différentes politiques publiques. / Dans ce rapport, le Haut Conseil met en perspective les engagements et les actions de la France par rapport à ceux des autres pays. Il émet des recommandations et propositions pour améliorer l'action de la France, les contributions des différents secteurs d'activité économiques au respect des budgets carbone ainsi que la réduction des émissions de gaz à effet de serre liées aux transports aéronautique et maritime internationaux. / Ce rapport est remis au Premier ministre et transmis au Parlement ainsi qu'au Conseil économique, social et environnemental. / Le Gouvernement présente au Parlement et au Conseil économique, social et environnemental, dans les six mois suivant la remise de ce rapport, les mesures déjà mises en oeuvre et celles prévues en réponse aux recommandations et propositions de ce rapport. Il présente une explication pour chacun des objectifs non atteints ainsi que les moyens mis en oeuvre pour les atteindre ". En outre, le Haut Conseil pour le climat rend, notamment, un avis sur la stratégie nationale bas-carbone et les budgets carbone ainsi que sur le rapport mentionné au II de l'article L. 222-1 D du code de l'environnement. Il évalue la cohérence de la stratégie bas-carbone vis-à-vis des politiques nationales et des engagements européens et internationaux de la France, en particulier de l'accord de Paris sur le climat et de l'objectif poursuivi d'atteinte de la neutralité carbone en 2050, tout en prenant en compte les impacts socio-économiques de la transition pour les ménages et les entreprises, les enjeux de souveraineté et les impacts environnementaux.
6. La stratégie nationale bas-carbone et les budgets carbone nationaux ont été définis initialement par le décret du 18 novembre 2015 relatif aux budgets carbone nationaux et à la stratégie nationale bas-carbone, puis révisés par le décret du 21 avril 2020 ayant le même objet. L'article 2 de ce décret fixe ainsi les budgets carbone des périodes 2019-2023, 2024-2028 et 2029-2033, respectivement, à 422, 359 et 300 Mt de CO2eq par an, hors émissions et absorptions associées à l'utilisation des terres, aux changements d'affectation des terres et à la foresterie, et ses articles 3 à 5 définissent les modalités de répartition de ces budgets carbone par grands secteurs, par domaines d'activité et par catégories de gaz à effet de serre. Par ailleurs, son article 6 précise des tranches indicatives d'émissions annuelles, arrondies à 1 Mt CO2eq près, pour chacun des deuxième, troisième et quatrième budgets carbone. Il en résulte que pour l'année 2019, cette part annuelle indicative (hors émissions et absorptions associées à l'utilisation des terres, aux changements d'affectation des terres et à la foresterie) est de 443 Mt CO2eq, pour 2020, elle est de 436 Mt CO2eq, pour 2021, elle est de 423 Mt CO2eq, et pour 2022, elle est de 410 Mt CO2eq.
7. Par ailleurs, il y a lieu de relever que par l'article 4 du règlement (UE) 2021/1119 du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique, entré en vigueur le 30 juillet 2021, l'Union européenne a approuvé un nouvel objectif de réduction des émissions nettes de gaz à effet de serre, après déduction des absorptions, à échéance 2030, désormais fixé à au moins - 55 % en 2030 par rapport aux niveaux de 1990. Les modalités selon lesquelles ce nouvel objectif global doit être décliné, notamment en nouveaux objectifs applicables à chacun des Etats-membres, viennent d'être adoptés par le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne dans le cadre du " paquet " dit " Fit for 55 " ou " Ajustement à l'objectif - 55 ", qui conduit à modifier le dispositif réglementaire de l'Union européenne applicable à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. A cet égard, le règlement (UE) 2023/857 du 19 avril 2023, publié au Journal officiel de l'Union européenne le 26 avril 2023 et qui entrera en vigueur le vingtième jour suivant cette date en vertu de son article 3, amende notamment le règlement (UE) 2018/842 du 30 mai 2018 précité fixant les objectifs nationaux contraignants pour chaque Etat membre, notamment son annexe I. Dans ce cadre, l'objectif de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre assigné à la France est porté de - 37 % à - 47,5 % pour la période 2005-2030. Ces nouveaux objectifs fixés au niveau de l'Union européenne vont rapidement devoir être déclinés par les autorités françaises. A ce titre, devront être adaptés en conséquence, notamment, la stratégie nationale bas-carbone ainsi que les budgets carbone correspondants. La décision du 1er juillet 2021 ayant examiné, conformément au point 8 de la décision avant-dire droit du 19 novembre 2020, la légalité des décisions de refus implicite attaquées initialement aux regards des objectifs fixés tant au niveau européen que national applicables à la date de son intervention, le nouvel objectif européen et ses déclinaisons nationales ne peuvent être regardés comme applicables, en tant que tels, au présent contentieux. Pour autant, cet élément ne saurait être ignoré dans l'analyse de l'évolution du niveau des émissions de gaz à effet de serre, dès lors que cette modification du cadre règlementaire mis en place par l'Union européenne va se traduire, de façon imminente, par un renforcement sensible des objectifs à atteindre par la France.
- En ce qui concerne l'office du juge de l'exécution :
8. Ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, par la décision du 1er juillet 2021, le Conseil d'Etat a, d'une part, annulé pour excès de pouvoir le refus implicite opposé par le Président de la République, le Premier ministre et la ministre de la transition écologique et solidaire à la commune de Grande-Synthe de prendre toutes mesures utiles permettant d'infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre produites sur le territoire national afin d'assurer sa compatibilité avec les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixés à l'article L. 100-4 du code de l'énergie et à l'annexe I du règlement (UE) 2018/842 du 30 mai 2018 précité et, d'autre part, enjoint au Premier ministre de prendre de telles mesures avant le 31 mars 2022. Il appartient au Conseil d'Etat, lorsqu'il statue dans le cadre de ses pouvoirs de juge de l'exécution des décisions contentieuses en application des articles L. 911-5 et R. 931-2 du code de justice administrative, d'office, ou à la demande d'une partie, de déterminer si la décision contentieuse a été correctement exécutée et si, tel n'est pas le cas, d'ordonner toutes mesures d'injonction ou d'astreinte de nature à assurer l'exécution effective de sa décision. Au cas d'espèce, le Gouvernement doit, pour démontrer la correcte exécution de la décision du 1er juillet 2021, justifier que les mesures prises, ainsi que les mesures qui peuvent encore être raisonnablement adoptées pour produire des effets dans un délai suffisamment court, permettent que la courbe des émissions de gaz à effet de serre produites sur le territoire national soit compatible avec l'atteinte des objectifs précédemment mentionnés, fixés à l'échéance 2030, avant l'adoption du " paquet " dit " Fit for 55 ". Pour déterminer si tel est le cas, le juge de l'exécution prend en considération tous les éléments recueillis lors de l'instruction contradictoire permettant de s'assurer, avec une marge de sécurité suffisante, et en tenant compte des aléas de prévision et d'exécution, que les objectifs fixés par le législateur pourront être atteints. Il lui appartient, en particulier, en premier lieu, d'examiner si les objectifs intermédiaires ont été atteints à la date à laquelle il statue et dans quelles conditions, en tenant compte, le cas échéant, des évènements exogènes qui ont pu affecter de manière sensible le niveau des émissions constatées. En deuxième lieu, il lui appartient de prendre en compte les mesures adoptées ou annoncées par le Gouvernement et présentées comme de nature à réduire les émissions de gaz à effet de serre mais également, le cas échéant, les mesures susceptibles d'engendrer au contraire une augmentation notable de ces émissions. En troisième lieu, il doit prendre en considération les effets constatés ou prévisibles de ces différentes mesures et, plus largement, l'efficacité des politiques publiques mises en place, au regard des différentes méthodes d'évaluation ou d'estimation disponibles, y compris les avis émis par les experts, notamment le Haut conseil pour le climat qui intervient dans le cadre rappelé au point 5, pour apprécier la compatibilité de la trajectoire de baisse des émissions de gaz à effet de serre avec les objectifs assignés à la France. Au regard de l'ensemble de ces éléments, il appartient, en dernier lieu, au juge de déterminer, dans une perspective dynamique, et sans se limiter à l'atteinte des objectifs intermédiaires, mais en prenant en compte les objectifs fixés à la date de sa décision d'annulation, si, au vu des effets déjà constatés, des mesures annoncées et des caractéristiques des objectifs à atteindre ainsi que des modalités de planification et de coordination de l'action publique mises en oeuvre, les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixés à l'échéance de 2030 peuvent, à la date de sa décision, être regardés comme raisonnablement atteignables. Si au terme de cette analyse, le juge de l'exécution estime que des éléments suffisamment crédibles et étayés permettent de regarder la trajectoire d'atteinte de ces objectifs comme respectée, il peut clore le contentieux lié à l'exécution de sa décision. Si au contraire il estime que tel n'est pas le cas, il lui appartient d'apprécier l'opportunité de compléter les mesures déjà prescrites ou de prononcer une astreinte, en tenant compte pour ce faire tant des circonstances de droit et de fait à la date de sa décision que des diligences déjà accomplies par l'administration pour procéder à l'exécution de la décision du 1er juillet 2021, ainsi que de celles qui sont encore susceptibles de l'être.
- En ce qui concerne, en premier lieu, les niveaux d'émissions de gaz à effet de serre relevés jusqu'à la date de la présente décision :
9. Il résulte de l'instruction, en particulier des données collectées puis publiées par le Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (CITEPA), que les émissions de gaz à effet de serre nationales, hors utilisation des terres, changements d'affectation des terres et foresterie, se sont élevées à 435 Mt CO2eq en 2019, à comparer à l'objectif indicatif de 443 Mt CO2eq fixé par le décret du 21 avril 2020 précité, et à 393 Mt CO2eq en 2020, à comparer à l'objectif indicatif de 436, chiffres qui correspondent à une baisse, respectivement, de 1,9 % et 9,6 % des émissions par rapport à l'année directement précédente. Les données provisoires disponibles pour 2021 situent le niveau d'émission à 418 Mt CO2eq, correspondant à une hausse des émissions de 6,4 % par rapport au niveau constaté en 2020, année qui avait été marquée par les mesures prises pour la gestion de la crise sanitaire causée par la pandémie de Covid-19. Par ailleurs, les dernières données non consolidées publiées concernant l'année 2022 mettent en évidence un niveau des émissions en baisse de 2,5 % par rapport à celui de 2021, avec une différence sensible de tendance entre les neuf premiers mois de l'année, marqués par une baisse très faible du niveau des émissions de l'ordre de - 0,3 %, et les trois derniers mois de l'année, marqués par des émissions en forte baisse, avec toutefois des évolutions contrastées selon les secteurs.
10. Sous réserve de la confirmation de ces données provisoires pour l'année 2021 puis pour l'année 2022, ces éléments mettent en évidence que les parts annuelles indicatives d'émissions prévues pour le 2e budget carbone pour les années 2019, 2020 et 2021, rappelées au point 6, ont été respectées et que celle prévue pour l'année 2022 pourrait l'être également. Sur la période 2019-2021, il en résulte un rythme de diminution annuel moyen des émissions de gaz à effet de serre de l'ordre de - 1,9 %.
- En ce qui concerne, en deuxième lieu, les mesures adoptées ou annoncées mises en avant par le Gouvernement pour justifier de l'exécution de la décision :
11. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires fait valoir que dans l'objectif d'accélérer le rythme de diminution des émissions de gaz à effet de serre à un niveau compatible avec la trajectoire prévue par la stratégie nationale bas carbone, et en particulier celui prévu par les 3ème et 4ème budgets carbone tels que fixés par le décret du 21 avril 2020 précité, de nombreuses mesures ont été adoptées par le Gouvernement depuis le 1er juillet 2021, que des budgets conséquents ont été prévus et seront consacrés au soutien de la transition écologique, et que des dispositifs de pilotage de l'action climatique de l'Etat destinés à mettre en oeuvre la stratégie nationale bas carbone ont été mis en place.
12. S'agissant des mesures adoptées depuis le 1er juillet 2021, le ministre met notamment en avant l'adoption de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ainsi que les nombreux textes réglementaires d'application prévus par cette loi comportant des mesures destinées à réduire le niveau des émissions de gaz à effet de serre.
13. Ainsi, dans le secteur des transports, qui représentait environ 30 % des émissions territoriales en 2021, le ministre fait valoir les différentes mesures destinées à accélérer la réduction des émissions de gaz à effet de serre générées par les véhicules particuliers, telles que le renforcement des mesures contribuant à la décarbonation des véhicules neufs, les investissements et les mesures incitatives en faveur des mobilités douces ou partagées, le renforcement et le développement des zones à faibles émissions mobilité, et le développement des dispositifs incitant à limiter les déplacements automobiles. Il met également en avant les mesures destinées à réduire les émissions liées, d'une part, à la circulation des poids lourds, telles que la stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire et le renforcement du soutien financier à l'acquisition de véhicules moins polluants ou à l'optimisation des émissions des véhicules existants, d'autre part, au transport aérien domestique, à travers des mesures destinées à réduire l'activité aérienne et les plans de soutien et d'investissements destinés à permettre une augmentation de l'utilisation de bio-carburants ou à favoriser une meilleure efficience énergétique du secteur.
14. Dans le secteur du bâtiment, résidentiel comme tertiaire, qui représentait environ 18 % des émissions territoriales en 2021, le ministre fait état des mesures destinées à supprimer l'utilisation des énergies très polluantes et à réduire l'usage des énergies carbonées pour le chauffage, telles que l'interdiction de l'installation des chaudières au fioul ou au charbon, les aides financières à l'installation de chaudières à énergie renouvelable ou l'obligation de raccordement de certains bâtiments aux réseaux publics de chaleur. Il fait également valoir les mesures destinées à inciter à une rénovation énergétique du parc résidentiel, telles que le renforcement des incitations financières destinées aux ménages avec une incitation accrue pour les rénovations globales performantes, la mise en place d'un accompagnement des consommateurs, l'évolution du diagnostic de performance énergétique des bâtiments et les mesures destinées à faciliter les travaux d'isolation thermique. Il met en outre en avant, d'une part, les mesures destinées à éliminer progressivement les bâtiments ou parties de bâtiments à usage d'habitation dont le niveau de performance énergétique est insuffisant au sens de l'article L. 173-1-1 du code de la construction et de l'habitation, telles que l'obligation de réalisation d'un audit énergétique lors de la vente d'un bien immobilier, l'obligation de procéder à des travaux de rénovation avant de pouvoir augmenter les loyers, ou l'interdiction de la mise en location des logements peu performants sur le plan énergétique, ainsi que, d'autre part, le renforcement des exigences en matière de performance environnementale des constructions de bâtiments neufs.
15. Dans le secteur agricole, qui représentait environ 19 % des émissions territoriales en 2021, le ministre met en avant l'adoption d'un plan stratégique national dans le cadre de la politique agricole commune qui devra être compatible avec la stratégie nationale bas carbone et la définition d'une trajectoire de réduction des émissions de protoxyde d'azote et d'ammoniac, toutes deux destinées à inciter à la modification des pratiques. Par ailleurs, il fait valoir l'adoption de mesures tendant à modifier également les comportements des consommateurs, telles que l'obligation pour les services de restauration collective de proposer au moins un menu végétarien par semaine et, un par jour, lorsqu'un choix multiple de menus est proposé.
16. Dans le secteur de l'industrie, qui représentait environ 19 % des émissions territoriales en 2021, le ministre fait valoir la mise en place de dispositifs d'accompagnement des entreprises dans leurs démarches de décarbonation dans le cadre du plan " France relance ", du " 4ème plan d'investissement d'avenir " et du plan " France 2030 ". Il met également en avant la mise en oeuvre d'une stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène dit décarboné, comprenant un investissement dans la filière, des mesures de soutien pour compenser les coûts plus élevés dans celle-ci, ainsi que des mesures destinées à assurer la traçabilité de l'hydrogène décarboné. Il fait également état du renforcement des soutiens publics en faveur de la recherche et développement.
17. Dans le secteur de l'énergie, qui représentait environ 10 % des émissions territoriales, le ministre met en avant le soutien financier apporté aux filières d'énergies renouvelables, à travers 30 milliards d'euros d'aides entre 2021 et 2026, avec l'objectif de mettre en oeuvre des installations produisant 25 GW d'énergie renouvelable sur la période. Il fait valoir des mesures spécifiques à la filière photovoltaïque, comportant notamment la simplification et l'accélération des procédures, et les dispositions prévoyant une exemption de certaines règles en matière de consommation des espaces au profit des installations de production d'énergies renouvelables. Il fait également état de la volonté de prolonger la durée de vie des réacteurs nucléaires et du renforcement des moyens consacrés au développement de la " chaleur renouvelable ". Le ministre souligne que ces différentes mesures seront par ailleurs renforcées par les nouvelles mesures destinées à accélérer le développement des énergies renouvelables adoptées dans le cadre de la loi du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, ainsi que par celles destinées à permettre la construction de nouveaux réacteurs nucléaires dans les meilleurs délais, prévues dans le projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, actuellement en cours d'examen au Parlement.
18. Enfin, dans le secteur des déchets, qui représentait environ 3 % des émissions territoriales en 2021, le ministre fait état du renforcement des mesures visant à réduire le volume des déchets produits, telles que l'expérimentation d'un dispositif destiné à réduire le volume d'imprimés publicitaires, l'interdiction des échantillons, l'obligation de consacrer une partie des espaces de vente à la vente en vrac, l'interdiction de certains types d'emballages ou l'augmentation de la taxe générale sur les activités polluantes. Il met également en avant les mesures destinées à augmenter le volume de déchets valorisés, telles que les soutiens aux acteurs des filières du réemploi, de la réutilisation, de la réparation et du reconditionnement dans le cadre du plan " France relance ", les mesures destinées à favoriser l'usage de consignes ainsi que les objectifs de captage et de valorisation du biogaz fixés dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l'énergie.
19. S'agissant des financements alloués à l'ensemble de ces mesures et, plus largement, à la transition écologique et énergétique, le Gouvernement fait valoir les 30 milliards d'euros consacrés à la transition énergétique dans le cadre du plan " France relance " de 2020, dont 6,7 milliards consacrés à la rénovation énergétique, 4,7 milliards à la mise en place d'un plan de soutien au secteur ferroviaire et 7 milliards consacrés au développement de l'hydrogène dit décarboné, les 30 milliards d'euros prévus dans le cadre du plan " France 2030 " adopté fin 2021, dont 5,6 milliards consacrés à la décarbonation de l'industrie, ainsi que le volet destiné au renforcement de la souveraineté énergétique du plan de résilience économique et sociale présenté en mars 2022, qui vise notamment à développer les énergies décarbonées et à réduire rapidement la consommation énergétique.
20. Enfin, s'agissant de la gouvernance et du pilotage des politiques publiques relatives au climat, le Gouvernement met en avant la mise en place, en juillet 2022, d'une nouvelle structure administrative, le secrétariat général à la planification écologique, qui est destiné à favoriser une action concertée des différents services de l'Etat et des autres personnes publiques. Il fait également valoir qu'il a adopté plusieurs plans ministériels d'action destinés à établir une stratégie cohérente avec les objectifs sectoriels définis par la stratégie nationale bas carbone. Par ailleurs, il précise être en train d'élaborer une nouvelle stratégie française énergie-climat qui devrait conduire à une nouvelle loi de programmation énergie climat en 2023, puis à l'actualisation de la stratégie nationale bas carbone et de la programmation pluriannuelle de l'énergie.
- En ce qui concerne, en troisième lieu, l'appréciation de la compatibilité de ces mesures et du pilotage des politiques publiques mis en place avec la trajectoire de diminution des émissions de gaz à effet de serre :
21. Il y a lieu de relever, tout d'abord, que les résultats constatés, tels que décrits aux points 9 et 10 ci-dessus, sont rendus d'interprétation délicate compte tenu de l'intervention, d'une part, de deux circonstances exogènes qui ont affecté de façon notable les activités générant des émissions de gaz à effet de serre, d'autre part, des mesures temporaires prises en réponse par le Gouvernement, également susceptibles d'affecter la trajectoire de réduction de ces émissions. Ainsi, les trois dernières années 2020, 2021 et 2022 ont été marquées par la grave crise sanitaire causée par la pandémie de Covid-19, qui a conduit à une forte restriction des activités qui génèrent des émissions de gaz à effet de serre, puis à un fort rebond de l'activité économique ayant fait suite à la levée de la plupart des mesures restrictives adoptées. Or, ces circonstances exceptionnelles ne permettent pas d'apprécier, d'une part, si les objectifs fixés pour 2020 auraient été atteints sur la base des seules mesures structurelles adoptées antérieurement, d'autre part, dans quelle proportion l'efficacité de ces mesures a eu une incidence sur le niveau d'émission constaté en 2021 au regard des données provisoires actuellement disponibles. La crise liée à la guerre en Ukraine a, par ailleurs, eu des incidences significatives sur l'activité économique, les conditions d'approvisionnement en énergie et les décisions de politique énergétique, à compter de février 2022, et a conduit le Gouvernement à prendre des mesures susceptibles d'aller à l'encontre des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, notamment en intervenant sur les prix de l'énergie et les dépenses supportées par les entreprises et les ménages et en maintenant ouvertes ou en recourant à des centrales à charbon et à des centrales électriques au gaz pour garantir l'approvisionnement en électricité du pays. Il y a également lieu de relever, comme le notait déjà la décision du 1er juillet 2021, que les 3ème et 4ème budgets carbone tels que fixés par le décret du 21 avril 2020 précité vont imposer un rythme de diminution des émissions de gaz à effet de serre sensiblement supérieur au rythme annuel moyen de - 1,9 % constaté pour les années 2019 à 2021 et ce, sans prendre en compte le rehaussement de l'objectif de réduction des émissions adopté à l'échelle de l'Union européenne.
22. S'agissant des modalités d'appréciation de la capacité de la France à atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui lui sont assignés, les mesures prises par le Gouvernement ont fait l'objet de différents types d'évaluations qui ont été versées à l'instruction contradictoire. Ainsi, le Gouvernement a mené à bien, sous l'égide du CITEPA, qui remplit pour le compte du ministère chargé de la transition écologique le rôle de centre national de référence en matière de changement climatique et de pollution atmosphérique, et est notamment chargé des inventaires officiels d'émissions transmis par la France à la Commission européenne dans le cadre rappelé au point 3, un exercice de simulation par projection des effets de différentes mesures sélectionnées. Cet exercice biennal de modélisation est mis en oeuvre par l'Etat au titre de l'article 18 du règlement (UE) 2018/1999 du 11 décembre 2018 précité et a pour objet de mesurer l'impact à moyen terme des politiques publiques menées afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il a été effectué sur la base des mesures sectorielles adoptées jusqu'au 31 décembre 2021, selon les modalités fixées par les annexes VI et VII du règlement précité du 11 décembre 2018 et l'article 38 du règlement d'exécution (UE) 2020/1208 de la Commission du 7 août 2020 relatif à la structure, à la présentation, aux modalités de transmission et à l'examen des informations communiquées par les États membres en vertu de ce règlement. La Commission européenne fournit à cette fin aux Etats membres certaines données de référence, portant notamment sur la population et le produit intérieur brut, ainsi que des recommandations méthodologiques, mais les laisse en revanche libres de définir les modèles et approches méthodologiques utilisés. Pour réaliser la première étape de cette évaluation (dite " run 1 "), le Gouvernement a mis à jour les scénarios prospectifs qui avaient été communiqués dans le cadre de l'instance au fond pour y intégrer les mesures supplémentaires adoptées depuis juillet 2017 et s'est appuyé sur une agrégation de paramètres clés, d'indicateurs et de modèles sectoriels, soit technico-économiques, soit purement physiques réalisée par le CITEPA. Selon les projections ainsi effectuées avec les mesures supplémentaires adoptées depuis juillet 2017, les émissions de gaz à effet de serre des six secteurs des transports, du bâtiment, de l'agriculture, de l'industrie, de l'énergie et des déchets devraient atteindre 335,4 Mt CO2eq en 2030, correspondant à une diminution de 23 % par rapport à leur niveau de 2019 et de plus de 38 % par rapport à leur niveau de 1990. Le Gouvernement fait dès lors valoir que compte tenu des mesures supplémentaires adoptées depuis le 31 décembre 2022 et de la marge d'erreur inhérente à un tel exercice d'évaluation, les objectifs de réduction des émissions fixés pour 2030 devraient être atteints. Toutefois, cet exercice de prévision présente un degré d'incertitude significatif à la date de la présente décision, en raison notamment de l'absence d'évaluation rétrospective sur la capacité des mesures prises en compte à permettre effectivement les réductions d'émissions de gaz à effet de serre projetées à l'horizon 2030. L'évaluation de la réduction des émissions à laquelle il aboutit doit, dès lors, être complétée par une appréciation de l'impact des politiques sectorielles menées par rapport aux différentes orientations sectorielles fixées dans le cadre de la stratégie nationale bas carbone pour atteindre les objectifs de réduction fixés à cette échéance.
23. A cet égard, les associations requérantes ont produit pour leur part des éléments d'analyse complémentaires à ceux qui avaient été versés lors de l'instance au fond, établis notamment par un cabinet d'étude spécialisé. L'étude produite procède ainsi à l'évaluation des mesures supplémentaires prises par le Gouvernement entre janvier 2021 et mars 2022, à travers onze paramètres qualifiés de " structurants ", relevant de trois secteurs d'activité parmi les plus émetteurs (transports, bâtiment, agriculture) sur les six pris en compte par le Gouvernement dans le cadre de sa propre démarche d'évaluation. Pour chacun de ces paramètres, l'étude confronte les mesures prises aux objectifs définis dans le cadre de la stratégie nationale bas carbone en appréciant leur efficacité potentielle ainsi que leur cohérence par rapport à ces objectifs. Selon les associations requérantes, il résulte de cette analyse que seuls trois de ces paramètres, correspondant à la part modale du vélo, au nombre de logements chauffés au fioul, et à la proportion de légumineuses dans la surface agricole utile, connaîtraient une évolution en cohérence avec les objectifs de la stratégie nationale bas carbone. Un quatrième paramètre correspondant à la part de véhicules faibles émissions est regardé comme connaissant une évolution favorable qui lui permettrait d'approcher ces objectifs. Or, compte tenu de l'importance des paramètres structurants pris en compte dans le niveau total d'émissions constaté, le non-respect des objectifs assignés pour au moins sept d'entre eux sur les onze évalués ne serait pas susceptible d'être compensé par les résultats éventuellement plus favorables obtenus s'agissant d'autres paramètres ou secteurs.
24. Par ailleurs, le Haut conseil pour le climat, dans son rapport réalisé conformément aux dispositions citées ci-dessus de l'article L. 132-4 du code de l'environnement, et publié en juin 2022, qui repose pour sa part sur une analyse de l'origine des émissions passées et présentes, des comparaisons internationales et une mise en relation des mesures adoptées par le Gouvernement jusqu'en mars - avril 2022 avec les différentes orientations sectorielles fixées par la stratégie nationale bas carbone, retient, au terme d'une appréciation qualitative détaillée, que si des nouvelles mesures positives sont effectivement intervenues depuis son précédent rapport annuel, pour dix-neuf des vingt-cinq orientations sectorielles de la stratégie nationale bas carbone, seules six de ces orientations apparaissent en adéquation avec le niveau requis pour atteindre les budgets carbone. Le Haut conseil pour le climat estime que quatre d'entre elles peuvent même être regardées comme ayant fait l'objet de mesures de nature à compromettre l'atteinte des objectifs fixés dans le cadre de la stratégie nationale bas carbone. Ainsi, pour le secteur des transports, le Haut conseil pour le climat relève, notamment, un retard dans le déploiement des infrastructures nécessaires au développement des voitures électriques ou hybrides et le caractère insuffisamment ciblé des aides sur les ménages à faible revenus, de nature à diminuer l'efficacité des mesures prises en faveur des véhicules à faibles émissions. Les alternatives à la voiture individuelle, notamment le déploiement des transports en commun et du transport ferroviaire, feraient l'objet d'un soutien insuffisant ou qui ne serait pas suffisamment pérenne. Pour le secteur du bâtiment, le Haut conseil pour le climat relève que si des dispositifs de subventions et de financement conséquents ont été mis en place, ils sont insuffisamment ciblés sur les opérations performantes, que l'éradication des logements très consommateurs en énergie n'est pas encore assez accompagnée et que l'absence de visibilité s'agissant de la pérennité des financements fragilise la mise en place d'une filière en matière de rénovation. Pour le secteur de l'agriculture, le Haut conseil pour le climat estime que le plan stratégique national n'est pas suffisamment abondé et ne permettrait en l'état, au mieux, que d'atteindre la moitié des objectifs du secteur d'ici 2030. Pour le secteur de l'industrie, le Haut conseil pour le climat regarde comme inadéquates les feuilles de routes élaborées par les comités stratégiques des quatre sous-secteurs les plus émetteurs, et note que les effets des financements d'investissement dans les technologies de rupture ne peuvent être attendus qu'au-delà de 2030. Pour le secteur de l'énergie, le Haut conseil pour le climat retient que les mesures d'efficacité et de sobriété énergétiques demeurent insuffisantes, que le réseau électrique n'est, à ce stade, pas adapté au déploiement des énergies renouvelables, et que les actions et investissements en faveur du nucléaire et de l'hydrogène décarboné ne pourront avoir des effets qu'au-delà de 2030. Au total, au vu de ces différents éléments, le Haut conseil pour le climat estime qu'il existe des risques majeurs persistants de ne pas atteindre les objectifs fixés pour 2030 en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, eu égard notamment à la nécessité, à compter de la période couverte par le 3ème budget carbone (2024-2028), de doubler le rythme annuel de réduction de ces émissions par rapport à ce qui est observé depuis 2010. En effet, le rythme annuel moyen de réduction constaté depuis lors est de l'ordre de - 1,7 % alors que les 3ème et 4ème budgets carbone imposent un rythme annuel moyen de l'ordre de - 3,2 %, et ce, sans prendre en compte le rehaussement de l'objectif de réduction des émissions adopté à l'échelle de l'Union européenne. En outre, le Haut conseil pour le climat souligne que, malgré la création du secrétariat général à la planification écologique, l'existence de la stratégie nationale bas carbone, ou encore l'adoption de feuilles de route sectorielles, un véritable pilotage, reposant sur un suivi des indicateurs pertinents, des plans d'action déclinés dans tous les ministères et une évaluation systématique des politiques publiques au regard de leurs incidences sur le climat n'est pas encore en place.
25. En conclusion, il résulte, en premier lieu, de l'instruction que les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixés pour les années 2020, 2021 et 2022, à travers les parts indicatives annuelles du deuxième budget carbone (2019-2023), ont été ou pourraient être atteints. Toutefois, ces résultats doivent être replacés dans le contexte de l'assouplissement des objectifs assignés au deuxième budget carbone auquel le décret du 21 avril 2020 précité a procédé, mais également de la baisse très significative des émissions constatées en 2020, compte tenu de la baisse d'activité causée par les mesures prises pour lutter contre la pandémie de Covid-19. En deuxième lieu, le Gouvernement a adopté un ensemble de mesures conséquent, qui concerne nombre d'activités ou de secteurs émetteurs de gaz à effet de serre, et a alloué des montants importants aux investissements en lien avec la transition écologique et énergétique. Ces mesures, si elles sont mises en oeuvre pleinement et sans retard, apparaissent de nature à conduire à une diminution supplémentaire des émissions de gaz à effet de serre. Ces éléments doivent être regardés comme manifestant la volonté du Gouvernement d'atteindre les objectifs de réduction des émissions fixés en l'état à l'échéance 2030 et d'exécuter, ce faisant, la décision du 1er juillet 2021. Cependant, si ce dernier fait valoir que ces mesures permettront d'atteindre ces objectifs de réduction des émissions, d'une part, l'évaluation prospective qu'il a produite repose sur des hypothèses de modélisation qui ne sont pas vérifiées à ce stade et ne permettent pas de considérer comme suffisamment fiables les résultats avancés, d'autre part, les conclusions de cette évaluation apparaissent en contradiction avec l'analyse par objectifs sectoriels de la stratégie nationale bas carbone menée par le Haut conseil pour le climat, laquelle n'a été remise en cause, dans sa méthodologie ou les conclusions auxquelles elle aboutit, par aucune des parties. Dans ces conditions, et compte tenu notamment du renforcement de l'ampleur des réductions de gaz à effet de serre attendues par les 3ème et 4ème budgets carbone par rapport au niveau constaté jusqu'ici, il demeure des incertitudes persistantes, qui n'ont pas été levées par l'instruction contradictoire menée, complétée par la séance orale d'instruction, quant à la capacité des mesures prises à ce jour et des modalités de coordination stratégique et opérationnelle de l'ensemble de l'action publique mises en oeuvre, à rendre suffisamment crédible l'atteinte d'un rythme de diminution des émissions territoriales de gaz à effet de serre cohérent avec les objectifs de réduction fixés pour 2030 par les dispositions législatives nationales ou par le droit de l'Union européenne pertinents. Il en résulte qu'en l'état de l'instruction, la décision du 1er juillet 2021 ne peut être regardée comme complètement exécutée. Dans ces circonstances, et compte tenu notamment des diligences déjà accomplies par le Gouvernement ainsi que de celles qui sont encore susceptibles de l'être, il y a lieu, en l'état, de compléter l'injonction prononcée par cette décision en édictant, sur le fondement des articles L. 911-5 et R. 911-32 du code de justice administrative, les mesures complémentaires nécessaires pour en assurer l'exécution complète, sans qu'il soit besoin par ailleurs de prononcer une astreinte.
26. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y lieu, sans prononcer d'astreinte, d'enjoindre à la Première ministre de prendre toutes mesures supplémentaires utiles pour assurer la cohérence du rythme de diminution des émissions de gaz à effet de serre avec la trajectoire de réduction de ces émissions retenue par le décret du 21 avril 2020 précité en vue d'atteindre les objectifs de réduction fixés par l'article L. 100-4 du code de l'énergie et par l'annexe I du règlement (UE) 2018/842 du 30 mai 2018 avant le 30 juin 2024 et de produire, à échéance du 31 décembre 2023, puis au plus tard le 30 juin 2024, tous les éléments justifiant de l'adoption de ces mesures et permettant l'évaluation de leurs incidences sur ces objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
27. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme globale de 4 000 euros à verser à la commune de Grande-Synthe et à la ville de Paris au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Il est donné acte du désistement de sa demande d'exécution à la Fondation pour la nature et l'homme.
Article 2 : Il est enjoint à la Première ministre de prendre toutes mesures supplémentaires utiles pour assurer la cohérence du rythme de diminution des émissions de gaz à effet de serre avec la trajectoire de réduction de ces émissions retenue par le décret n° 2020-457 du 21 avril 2020 en vue d'atteindre les objectifs de réduction fixés par l'article L. 100-4 du code de l'énergie et par l'annexe I du règlement (UE) 2018/842 du 30 mai 2018 avant le 30 juin 2024, et de produire, à échéance du 31 décembre 2023, puis au plus tard le 30 juin 2024, tous les éléments justifiant de l'adoption de ces mesures et permettant l'évaluation de leurs incidences sur ces objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Article 3 : Les conclusions à fin d'astreinte sont rejetées.
Article 4 : La Première ministre communiquera à la section du rapport et des études du Conseil d'Etat tous éléments utiles de nature à justifier des mesures supplémentaires adoptées pour exécuter la décision du 1er juillet 2021 et à permettre leur évaluation, à échéance du 31 décembre 2023, puis au plus tard le 30 juin 2024.
Article 5 : L'Etat versera à la commune de Grande-Synthe et à la ville de Paris une somme globale de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la Commune de Grande-Synthe, à la ville de Paris, aux associations Oxfam France, Greenpeace France et Notre affaire à tous et à la Fondation pour la nature et l'Homme, à la Première ministre et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée à la section du rapport et des études.
Délibéré à l'issue de la séance du 12 avril 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseillers d'Etat et Mme Airelle Niepce, maître des requêtes-rapporteure.
Rendu le 10 mai 2023.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Airelle Niepce
La secrétaire :
Signé : Mme Valérie Peyrisse