Conseil d'État
N° 466993
ECLI:FR:CECHR:2023:466993.20230414
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. François-René Burnod, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
SCP DUHAMEL - RAMEIX - GURY- MAITRE, avocats
Lecture du vendredi 14 avril 2023
Vu la procédure suivante :
Le préfet de la Guadeloupe a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'ordonner l'expulsion de la société par actions simplifiée (SAS) Cuisine éco-logique et diététique caribéenne de l'emplacement qu'elle occupe sur le domaine public maritime sur la plage de la Datcha, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et de lui enjoindre de remettre les lieux dans leur état naturel, dans le délai de dix jours à compter de son ordonnance, sous une astreinte de 500 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2200711 du 10 août 2022, le juge des référés a enjoint à cette société et à tout autre occupant de libérer les lieux, de procéder à ses frais et risques à la démolition des ouvrages installés et à l'enlèvement de tout objet mobilier, sous astreinte de 200 euros par jour de retard faute d'exécution dans un délai de deux semaines.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 août et 12 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les sociétés Cuisine éco-logique et diététique caribéenne et Immoroma demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande du préfet de la Guadeloupe ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. François-René Burnod, auditeur,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Duhamel - Rameix - Gury - Maître, avocat des sociétés Cuisine éco-logique et diététique caribéenne et Immoroma ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la société Immoroma a donné à bail à la société Cuisine éco-logique et diététique caribéenne un local situé sur une parcelle dont elle est propriétaire en bordure de la plage dite " de la Datcha " pour y exploiter le restaurant " Le Lambi ". A la suite de deux constats d'occupation sans titre du domaine public dressés le 15 juin 2021 et le 11 février 2022, le préfet de la Guadeloupe a estimé qu'empiétaient sur le domaine public maritime des installations de tables, chaises et parasols, ainsi qu'une extension du restaurant montée sur une plate-forme en pierres locales assemblées au mortier. Les sociétés Cuisine éco-logique et diététique caribéenne et Immoroma se pourvoient en cassation contre l'ordonnance du 10 août 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe, saisi par le préfet de la Guadeloupe sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, a enjoint à la première de ces sociétés et à tout autre occupant de libérer les lieux, de procéder à leurs frais et risques à la démolition de l'ouvrage en cause et à l'enlèvement de tout objet mobilier, sous astreinte de 200 euros par jour de retard faute d'exécution dans un délai de deux semaines.
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de justice administrative, " Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais ". Aux termes de l'article L. 521-3 du même code : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ". Saisi sur ce fondement d'une demande qui n'est pas manifestement insusceptible de se rattacher à un litige relevant de la compétence du juge administratif, le juge des référés peut prescrire, à des fins conservatoires ou à titre provisoire, toutes mesures que l'urgence justifie, dont l'expulsion d'occupants sans titre du domaine public, à la condition que ces mesures soient utiles et ne se heurtent à aucune contestation sérieuse.
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public maritime naturel de l'Etat comprend : / 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ; (...) 3° Les lais et relais de la mer (...) ".
4. Il appartient au juge administratif de se prononcer sur l'existence, l'étendue et les limites du domaine public, sauf à renvoyer à l'autorité judiciaire une question préjudicielle en cas de contestation sur la propriété du bien litigieux dont l'examen soulève une difficulté sérieuse. Le caractère sérieux de la contestation s'apprécie au regard des prétentions contraires des parties et au vu de l'ensemble des pièces du dossier. Le juge doit prendre en compte tant les éléments de fait que les titres privés invoqués par les parties.
5. Après avoir relevé, par une appréciation souveraine non entachée de dénaturation, qu'il ressortait du plan de délimitation du rivage de la mer établi le 1er mars 2021, corroboré par les photographies jointes aux procès-verbaux de constat d'occupation sans titre du domaine public dressés les 15 juin 2021 et 11 février 2022 par des agents de la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement, que les installations en litige et l'extension du restaurant étaient implantées sur l'emprise du rivage de la mer, le juge des référés du tribunal administratif a pu légalement en déduire, en application des dispositions rappelées au point 3 et sans méconnaître la compétence exclusive du juge judiciaire pour apprécier la validité d'un titre de propriété, que ces installations et constructions occupaient le domaine public maritime naturel de l'Etat. Par suite, il n'a commis d'erreur de droit ni en admettant la compétence de la juridiction administrative pour connaître de la demande qui lui était soumise, ni, après avoir relevé que l'occupant de la dépendance du domaine public en cause ne disposait d'aucun titre, en jugeant que cette demande ne se heurtait à aucune contestation sérieuse.
6. En deuxième lieu, en se fondant, pour juger que la demande d'expulsion devait être regardée comme présentant un caractère d'utilité et d'urgence, sur ce que les sociétés n'apportaient aucun élément de nature à remettre en cause les allégations du préfet selon lesquelles l'occupation sans titre du domaine public maritime portait atteinte, d'une part, à l'usage normal du domaine par les usagers de la plage, dont la libre circulation sur le domaine se trouvait entravée par les ouvrages irrégulièrement installés, d'autre part, à l'intégrité du domaine public causée par l'anthropisation non maîtrisée du rivage qui avait des effets délétères en matière environnementale, le juge des référés, qui a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation, n'a pas méconnu les règles de dévolution de la charge de la preuve.
7. Toutefois, en troisième lieu, les mesures que le juge des référés peut ordonner sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative ont nécessairement un caractère provisoire ou conservatoire. Si tel peut être le cas d'une mesure ordonnant le déplacement ou le démontage d'un ouvrage immobilier, le juge des référés ne saurait ordonner la destruction d'un tel ouvrage. Dès lors, en jugeant qu'aucun principe ne faisait obstacle à ce que le juge des référés ordonne à l'occupant irrégulier du domaine public de démolir les ouvrages implantés sans droit ni titre sur le domaine public dans le cas où cette destruction découle directement et nécessairement de la mesure d'expulsion, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a entaché son ordonnance d'erreur de droit.
8. Par suite, les sociétés Cuisine éco-logique et diététique caribéenne et Immoroma sont seulement fondées à demander, pour ce motif, l'annulation de l'ordonnance qu'elles attaquent en tant qu'elle a enjoint à la première d'entre elles de démolir l'extension du bâtiment du restaurant " Le Lambi ".
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative pour régler, dans cette mesure, l'affaire au titre de la procédure de référé engagée.
10. Il résulte de l'instruction que l'extension du bâtiment du restaurant " Le Lambi ", qui empiète irrégulièrement sur le domaine public maritime, est une construction reposant sur une plate-forme en pierres locales assemblées au mortier. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 que les conclusions du préfet de la Guadeloupe tendant à ce que le juge des référés ordonne, en vue de la remise en état du domaine public maritime, la destruction de cette extension ne peuvent qu'être rejetées.
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du 10 août 2022 du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulée en tant qu'elle enjoint à la société Cuisine éco-logique et diététique caribéenne et à tout autre occupant de procéder à la démolition de l'extension du bâtiment du restaurant " Le Lambi ".
Article 2 : La demande du préfet de la Guadeloupe est rejetée en tant qu'elle tend à ce qu'il soit enjoint à la société Cuisine éco-logique et diététique caribéenne de démolir l'extension du bâtiment du restaurant " Le Lambi ".
Article 3 : L'Etat versera aux sociétés Cuisine éco-logique et diététique caribéenne et Immoroma la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi des sociétés Cuisine éco-logique et diététique caribéenne et Immoroma est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée Cuisine éco-logique et diététique caribéenne, à la société à responsabilité limitée Immoroma et au ministre de la transition écologique.
Délibéré à l'issue de la séance du 29 mars 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Pierre Collin, M. Stéphane Verclytte, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et M. François-René Burnod, auditeur-rapporteur.
Rendu le 14 avril 2023.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
Le rapporteur :
Signé : M. François-René Burnod
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle
N° 466993
ECLI:FR:CECHR:2023:466993.20230414
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. François-René Burnod, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
SCP DUHAMEL - RAMEIX - GURY- MAITRE, avocats
Lecture du vendredi 14 avril 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Le préfet de la Guadeloupe a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'ordonner l'expulsion de la société par actions simplifiée (SAS) Cuisine éco-logique et diététique caribéenne de l'emplacement qu'elle occupe sur le domaine public maritime sur la plage de la Datcha, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et de lui enjoindre de remettre les lieux dans leur état naturel, dans le délai de dix jours à compter de son ordonnance, sous une astreinte de 500 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2200711 du 10 août 2022, le juge des référés a enjoint à cette société et à tout autre occupant de libérer les lieux, de procéder à ses frais et risques à la démolition des ouvrages installés et à l'enlèvement de tout objet mobilier, sous astreinte de 200 euros par jour de retard faute d'exécution dans un délai de deux semaines.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 août et 12 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les sociétés Cuisine éco-logique et diététique caribéenne et Immoroma demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande du préfet de la Guadeloupe ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. François-René Burnod, auditeur,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Duhamel - Rameix - Gury - Maître, avocat des sociétés Cuisine éco-logique et diététique caribéenne et Immoroma ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la société Immoroma a donné à bail à la société Cuisine éco-logique et diététique caribéenne un local situé sur une parcelle dont elle est propriétaire en bordure de la plage dite " de la Datcha " pour y exploiter le restaurant " Le Lambi ". A la suite de deux constats d'occupation sans titre du domaine public dressés le 15 juin 2021 et le 11 février 2022, le préfet de la Guadeloupe a estimé qu'empiétaient sur le domaine public maritime des installations de tables, chaises et parasols, ainsi qu'une extension du restaurant montée sur une plate-forme en pierres locales assemblées au mortier. Les sociétés Cuisine éco-logique et diététique caribéenne et Immoroma se pourvoient en cassation contre l'ordonnance du 10 août 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe, saisi par le préfet de la Guadeloupe sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, a enjoint à la première de ces sociétés et à tout autre occupant de libérer les lieux, de procéder à leurs frais et risques à la démolition de l'ouvrage en cause et à l'enlèvement de tout objet mobilier, sous astreinte de 200 euros par jour de retard faute d'exécution dans un délai de deux semaines.
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de justice administrative, " Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais ". Aux termes de l'article L. 521-3 du même code : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ". Saisi sur ce fondement d'une demande qui n'est pas manifestement insusceptible de se rattacher à un litige relevant de la compétence du juge administratif, le juge des référés peut prescrire, à des fins conservatoires ou à titre provisoire, toutes mesures que l'urgence justifie, dont l'expulsion d'occupants sans titre du domaine public, à la condition que ces mesures soient utiles et ne se heurtent à aucune contestation sérieuse.
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public maritime naturel de l'Etat comprend : / 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ; (...) 3° Les lais et relais de la mer (...) ".
4. Il appartient au juge administratif de se prononcer sur l'existence, l'étendue et les limites du domaine public, sauf à renvoyer à l'autorité judiciaire une question préjudicielle en cas de contestation sur la propriété du bien litigieux dont l'examen soulève une difficulté sérieuse. Le caractère sérieux de la contestation s'apprécie au regard des prétentions contraires des parties et au vu de l'ensemble des pièces du dossier. Le juge doit prendre en compte tant les éléments de fait que les titres privés invoqués par les parties.
5. Après avoir relevé, par une appréciation souveraine non entachée de dénaturation, qu'il ressortait du plan de délimitation du rivage de la mer établi le 1er mars 2021, corroboré par les photographies jointes aux procès-verbaux de constat d'occupation sans titre du domaine public dressés les 15 juin 2021 et 11 février 2022 par des agents de la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement, que les installations en litige et l'extension du restaurant étaient implantées sur l'emprise du rivage de la mer, le juge des référés du tribunal administratif a pu légalement en déduire, en application des dispositions rappelées au point 3 et sans méconnaître la compétence exclusive du juge judiciaire pour apprécier la validité d'un titre de propriété, que ces installations et constructions occupaient le domaine public maritime naturel de l'Etat. Par suite, il n'a commis d'erreur de droit ni en admettant la compétence de la juridiction administrative pour connaître de la demande qui lui était soumise, ni, après avoir relevé que l'occupant de la dépendance du domaine public en cause ne disposait d'aucun titre, en jugeant que cette demande ne se heurtait à aucune contestation sérieuse.
6. En deuxième lieu, en se fondant, pour juger que la demande d'expulsion devait être regardée comme présentant un caractère d'utilité et d'urgence, sur ce que les sociétés n'apportaient aucun élément de nature à remettre en cause les allégations du préfet selon lesquelles l'occupation sans titre du domaine public maritime portait atteinte, d'une part, à l'usage normal du domaine par les usagers de la plage, dont la libre circulation sur le domaine se trouvait entravée par les ouvrages irrégulièrement installés, d'autre part, à l'intégrité du domaine public causée par l'anthropisation non maîtrisée du rivage qui avait des effets délétères en matière environnementale, le juge des référés, qui a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation, n'a pas méconnu les règles de dévolution de la charge de la preuve.
7. Toutefois, en troisième lieu, les mesures que le juge des référés peut ordonner sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative ont nécessairement un caractère provisoire ou conservatoire. Si tel peut être le cas d'une mesure ordonnant le déplacement ou le démontage d'un ouvrage immobilier, le juge des référés ne saurait ordonner la destruction d'un tel ouvrage. Dès lors, en jugeant qu'aucun principe ne faisait obstacle à ce que le juge des référés ordonne à l'occupant irrégulier du domaine public de démolir les ouvrages implantés sans droit ni titre sur le domaine public dans le cas où cette destruction découle directement et nécessairement de la mesure d'expulsion, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a entaché son ordonnance d'erreur de droit.
8. Par suite, les sociétés Cuisine éco-logique et diététique caribéenne et Immoroma sont seulement fondées à demander, pour ce motif, l'annulation de l'ordonnance qu'elles attaquent en tant qu'elle a enjoint à la première d'entre elles de démolir l'extension du bâtiment du restaurant " Le Lambi ".
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative pour régler, dans cette mesure, l'affaire au titre de la procédure de référé engagée.
10. Il résulte de l'instruction que l'extension du bâtiment du restaurant " Le Lambi ", qui empiète irrégulièrement sur le domaine public maritime, est une construction reposant sur une plate-forme en pierres locales assemblées au mortier. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 que les conclusions du préfet de la Guadeloupe tendant à ce que le juge des référés ordonne, en vue de la remise en état du domaine public maritime, la destruction de cette extension ne peuvent qu'être rejetées.
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du 10 août 2022 du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulée en tant qu'elle enjoint à la société Cuisine éco-logique et diététique caribéenne et à tout autre occupant de procéder à la démolition de l'extension du bâtiment du restaurant " Le Lambi ".
Article 2 : La demande du préfet de la Guadeloupe est rejetée en tant qu'elle tend à ce qu'il soit enjoint à la société Cuisine éco-logique et diététique caribéenne de démolir l'extension du bâtiment du restaurant " Le Lambi ".
Article 3 : L'Etat versera aux sociétés Cuisine éco-logique et diététique caribéenne et Immoroma la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi des sociétés Cuisine éco-logique et diététique caribéenne et Immoroma est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée Cuisine éco-logique et diététique caribéenne, à la société à responsabilité limitée Immoroma et au ministre de la transition écologique.
Délibéré à l'issue de la séance du 29 mars 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Pierre Collin, M. Stéphane Verclytte, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et M. François-René Burnod, auditeur-rapporteur.
Rendu le 14 avril 2023.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
Le rapporteur :
Signé : M. François-René Burnod
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle