Conseil d'État
N° 462709
ECLI:FR:CECHR:2023:462709.20230407
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Vincent Mazauric, rapporteur
Mme Céline Guibé, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats
Lecture du vendredi 7 avril 2023
Vu la procédure suivante :
La société A. Raymond et Cie a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013, ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2010 à 2014.
Par un jugement n° 1704408 du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a dit n'y avoir plus lieu à statuer sur les conclusions de cette demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et a rejeté le surplus des conclusions présentées par la société A. Raymond et Cie.
Par un arrêt n° 20LY00698 du 27 janvier 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a partiellement déchargé la société A. Raymond et Cie des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de ses exercices clos en 2010 et 2011 ainsi que des suppléments de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2010, 2011 et 2012, réformé dans cette mesure le jugement du 20 décembre 2019 et rejeté le surplus des conclusions de sa requête.
Par un pourvoi, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 28 mars et 11 octobre 2022 et le 28 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention signée le 5 octobre 1989 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Mazauric, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société A. Raymond et Cie ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société A. Raymond et Cie a déduit de ses bénéfices imposables en France au titre de ses exercices clos de 2010 à 2012 les dividendes reçus d'une filiale italienne, sous réserve de la quote-part pour frais et charges de 5 % prévue au I de l'article 216 du code général des impôts. La société A. Raymond et Cie a, par ailleurs, imputé sur les cotisations d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des mêmes exercices des crédits d'impôt correspondant aux retenues à la source prélevées par les autorités fiscales italiennes sur les dividendes reçus de sa filiale. A l'issue de deux vérifications de comptabilité portant sur les exercices clos par la société A. Raymond et Cie entre 2010 et 2013, l'administration fiscale a notamment remis en cause, sur le fondement du 4 de l'article 220 du code général des impôts, l'imputation de ces crédits d'impôt. Par un jugement du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a, notamment, rejeté les conclusions de la société A. Raymond et Cie tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2010 et 2011 ainsi que des suppléments de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de ses exercices clos de 2010 à 2012 du fait de la remise en cause des crédits d'impôt correspondant aux retenues à la source italiennes. Par son pourvoi en cassation, le ministre de l'économie, des finances et de la relance doit être regardé comme demandant l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 27 janvier 2022 en tant que cet arrêt fait droit aux conclusions de la société A. Raymond et Cie tendant à la décharge des suppléments d'impôt résultant de la remise en cause de l'imputation des crédits d'impôt correspondant aux retenues à la source prélevées par les autorités italiennes.
2. Aux termes de l'article 216 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux suppléments d'impôt sur les sociétés en litige au titre de l'exercice clos en 2010 : " I. Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges (...) fixée uniformément à 5 % du produit total des participations, crédit d'impôt compris. Cette quote-part ne peut toutefois excéder, pour chaque période d'imposition, le montant total des frais et charges de toute nature exposés par la société participante au cours de la même période ". Aux termes du même article, dans sa rédaction applicable aux suppléments d'impôt sur les sociétés en litige au titre des exercices clos en 2011 et 2012 : " I. Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges (...) fixée uniformément à 5 % du produit total des participations, crédit d'impôt compris ".
3. Aux termes du 1 de l'article 220 du même code, qui définit le régime d'imputation sur l'impôt dû en France des retenues à la source et des crédits d'impôt afférents aux revenus de capitaux mobiliers : " a) Sur justifications, la retenue à la source à laquelle ont donné ouverture les revenus des capitaux mobiliers, visés aux articles 108 à 119, 238 septies B et 1678 bis, perçus par la société ou la personne morale est imputée sur le montant de l'impôt à sa charge en vertu du présent chapitre. / Toutefois, la déduction à opérer de ce chef ne peut excéder la fraction de ce dernier impôt correspondant au montant desdits revenus. (...) / b) En ce qui concerne les revenus de source étrangère visés aux articles 120 à 123, l'imputation est limitée au montant du crédit correspondant à l'impôt retenu à la source à l'étranger ou à la décote en tenant lieu, tel qu'il est prévu par les conventions internationales (...) ".
4. Aux termes de l'article 10 de la convention conclue le 5 octobre 1989 entre la France et l'Italie en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales : " 1. Les dividendes payés par une société qui est un résident d'un Etat à un résident de l'autre Etat sont imposables dans cet autre Etat. / 2. Toutefois, ces dividendes sont aussi imposables dans l'Etat dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de cet Etat (...) ". Aux termes de l'article 24 de cette convention : " La double imposition est évitée de la manière suivante : / 1. Dans le cas de la France : / a) Les bénéfices et autres revenus positifs qui proviennent d'Italie et qui y sont imposables conformément aux dispositions de la Convention, sont également imposables en France lorsqu'ils reviennent à un résident de France. L'impôt italien n'est pas déductible pour le calcul du revenu imposable en France. Mais le bénéficiaire a droit à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français dans la base duquel ces revenus sont compris. Ce crédit d'impôt est égal : / - pour les revenus visés aux articles 10, 11, 12, 16 et 17 (...) au montant de l'impôt payé en Italie, conformément aux dispositions de ces articles. Il ne peut toutefois excéder le montant de l'impôt français correspondant à ces revenus (...) ".
5. Compte tenu du caractère forfaitaire de la quote-part des produits de participations qu'une société mère doit réintégrer à son bénéfice en application du I de l'article 216 du code général des impôts, sans possibilité pour cette dernière de limiter cette réintégration au montant réel des frais et charges de toute nature exposés par elle au cours de la période d'imposition en vue de l'acquisition ou la conservation des revenus correspondants, les dispositions citées au point 2 doivent être regardées non comme ayant pour seul objet de neutraliser la déduction, opérée au titre de ses frais généraux, des charges afférentes aux titres de participation dont les produits sont exonérés d'impôt sur les sociétés, mais comme visant à soumettre à cet impôt, lorsque le montant des frais est inférieur à cette quote-part forfaitaire, une fraction des produits de participations bénéficiant du régime des sociétés mères.
6. Dans l'hypothèse où il est établi que le montant des frais réellement exposés pour l'acquisition ou la conservation des produits de participations est inférieur à la quote-part forfaitaire, l'impôt français dans la limite duquel est imputé le crédit d'impôt correspondant à l'impôt retenu à l'étranger sur la totalité des produits de participations distribués est égal au produit du taux de l'impôt français et de la différence entre la quote-part forfaitaire et le montant des frais réellement exposés.
7. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Lyon a jugé que la soumission à l'impôt sur les sociétés de la fraction des dividendes reçus par la société A. Raymond et Cie de sa filiale italienne correspondant à la quote-part de frais et charges fixée forfaitairement à 5 % de ces dividendes devait être analysée comme une modalité d'imposition de l'ensemble de ces revenus, ce dont elle a déduit que la société était fondée à demander, en application de l'article 24 de la convention fiscale franco-italienne, l'imputation de crédits d'impôt sur les cotisations d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012. En statuant ainsi, sans rechercher si le montant de la quote-part était supérieur aux frais et charges réellement exposés par la société A. Raymond et Cie pour l'acquisition ou la conservation des dividendes reçus de sa filiale italienne, la cour administrative d'appel de Lyon a entaché son arrêt d'une erreur de droit. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé, pour ce motif, à demander l'annulation des articles 1 à 3 de cet arrêt.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les articles 1 à 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 27 janvier 2022 sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société A. Raymond et Cie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société A. Raymond et Cie.
Délibéré à l'issue de la séance du 15 mars 2023 où siégeaient :
Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat, et M. Vincent Mazauric, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 7 avril 2023.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
Le rapporteur :
Signé : M. Vincent Mazauric
La secrétaire :
Signé : Mme Wafak Salem
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :
N° 462709
ECLI:FR:CECHR:2023:462709.20230407
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Vincent Mazauric, rapporteur
Mme Céline Guibé, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats
Lecture du vendredi 7 avril 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société A. Raymond et Cie a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013, ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2010 à 2014.
Par un jugement n° 1704408 du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a dit n'y avoir plus lieu à statuer sur les conclusions de cette demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et a rejeté le surplus des conclusions présentées par la société A. Raymond et Cie.
Par un arrêt n° 20LY00698 du 27 janvier 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a partiellement déchargé la société A. Raymond et Cie des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de ses exercices clos en 2010 et 2011 ainsi que des suppléments de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2010, 2011 et 2012, réformé dans cette mesure le jugement du 20 décembre 2019 et rejeté le surplus des conclusions de sa requête.
Par un pourvoi, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 28 mars et 11 octobre 2022 et le 28 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention signée le 5 octobre 1989 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Mazauric, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société A. Raymond et Cie ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société A. Raymond et Cie a déduit de ses bénéfices imposables en France au titre de ses exercices clos de 2010 à 2012 les dividendes reçus d'une filiale italienne, sous réserve de la quote-part pour frais et charges de 5 % prévue au I de l'article 216 du code général des impôts. La société A. Raymond et Cie a, par ailleurs, imputé sur les cotisations d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des mêmes exercices des crédits d'impôt correspondant aux retenues à la source prélevées par les autorités fiscales italiennes sur les dividendes reçus de sa filiale. A l'issue de deux vérifications de comptabilité portant sur les exercices clos par la société A. Raymond et Cie entre 2010 et 2013, l'administration fiscale a notamment remis en cause, sur le fondement du 4 de l'article 220 du code général des impôts, l'imputation de ces crédits d'impôt. Par un jugement du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a, notamment, rejeté les conclusions de la société A. Raymond et Cie tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2010 et 2011 ainsi que des suppléments de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de ses exercices clos de 2010 à 2012 du fait de la remise en cause des crédits d'impôt correspondant aux retenues à la source italiennes. Par son pourvoi en cassation, le ministre de l'économie, des finances et de la relance doit être regardé comme demandant l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 27 janvier 2022 en tant que cet arrêt fait droit aux conclusions de la société A. Raymond et Cie tendant à la décharge des suppléments d'impôt résultant de la remise en cause de l'imputation des crédits d'impôt correspondant aux retenues à la source prélevées par les autorités italiennes.
2. Aux termes de l'article 216 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux suppléments d'impôt sur les sociétés en litige au titre de l'exercice clos en 2010 : " I. Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges (...) fixée uniformément à 5 % du produit total des participations, crédit d'impôt compris. Cette quote-part ne peut toutefois excéder, pour chaque période d'imposition, le montant total des frais et charges de toute nature exposés par la société participante au cours de la même période ". Aux termes du même article, dans sa rédaction applicable aux suppléments d'impôt sur les sociétés en litige au titre des exercices clos en 2011 et 2012 : " I. Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges (...) fixée uniformément à 5 % du produit total des participations, crédit d'impôt compris ".
3. Aux termes du 1 de l'article 220 du même code, qui définit le régime d'imputation sur l'impôt dû en France des retenues à la source et des crédits d'impôt afférents aux revenus de capitaux mobiliers : " a) Sur justifications, la retenue à la source à laquelle ont donné ouverture les revenus des capitaux mobiliers, visés aux articles 108 à 119, 238 septies B et 1678 bis, perçus par la société ou la personne morale est imputée sur le montant de l'impôt à sa charge en vertu du présent chapitre. / Toutefois, la déduction à opérer de ce chef ne peut excéder la fraction de ce dernier impôt correspondant au montant desdits revenus. (...) / b) En ce qui concerne les revenus de source étrangère visés aux articles 120 à 123, l'imputation est limitée au montant du crédit correspondant à l'impôt retenu à la source à l'étranger ou à la décote en tenant lieu, tel qu'il est prévu par les conventions internationales (...) ".
4. Aux termes de l'article 10 de la convention conclue le 5 octobre 1989 entre la France et l'Italie en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales : " 1. Les dividendes payés par une société qui est un résident d'un Etat à un résident de l'autre Etat sont imposables dans cet autre Etat. / 2. Toutefois, ces dividendes sont aussi imposables dans l'Etat dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de cet Etat (...) ". Aux termes de l'article 24 de cette convention : " La double imposition est évitée de la manière suivante : / 1. Dans le cas de la France : / a) Les bénéfices et autres revenus positifs qui proviennent d'Italie et qui y sont imposables conformément aux dispositions de la Convention, sont également imposables en France lorsqu'ils reviennent à un résident de France. L'impôt italien n'est pas déductible pour le calcul du revenu imposable en France. Mais le bénéficiaire a droit à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français dans la base duquel ces revenus sont compris. Ce crédit d'impôt est égal : / - pour les revenus visés aux articles 10, 11, 12, 16 et 17 (...) au montant de l'impôt payé en Italie, conformément aux dispositions de ces articles. Il ne peut toutefois excéder le montant de l'impôt français correspondant à ces revenus (...) ".
5. Compte tenu du caractère forfaitaire de la quote-part des produits de participations qu'une société mère doit réintégrer à son bénéfice en application du I de l'article 216 du code général des impôts, sans possibilité pour cette dernière de limiter cette réintégration au montant réel des frais et charges de toute nature exposés par elle au cours de la période d'imposition en vue de l'acquisition ou la conservation des revenus correspondants, les dispositions citées au point 2 doivent être regardées non comme ayant pour seul objet de neutraliser la déduction, opérée au titre de ses frais généraux, des charges afférentes aux titres de participation dont les produits sont exonérés d'impôt sur les sociétés, mais comme visant à soumettre à cet impôt, lorsque le montant des frais est inférieur à cette quote-part forfaitaire, une fraction des produits de participations bénéficiant du régime des sociétés mères.
6. Dans l'hypothèse où il est établi que le montant des frais réellement exposés pour l'acquisition ou la conservation des produits de participations est inférieur à la quote-part forfaitaire, l'impôt français dans la limite duquel est imputé le crédit d'impôt correspondant à l'impôt retenu à l'étranger sur la totalité des produits de participations distribués est égal au produit du taux de l'impôt français et de la différence entre la quote-part forfaitaire et le montant des frais réellement exposés.
7. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Lyon a jugé que la soumission à l'impôt sur les sociétés de la fraction des dividendes reçus par la société A. Raymond et Cie de sa filiale italienne correspondant à la quote-part de frais et charges fixée forfaitairement à 5 % de ces dividendes devait être analysée comme une modalité d'imposition de l'ensemble de ces revenus, ce dont elle a déduit que la société était fondée à demander, en application de l'article 24 de la convention fiscale franco-italienne, l'imputation de crédits d'impôt sur les cotisations d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012. En statuant ainsi, sans rechercher si le montant de la quote-part était supérieur aux frais et charges réellement exposés par la société A. Raymond et Cie pour l'acquisition ou la conservation des dividendes reçus de sa filiale italienne, la cour administrative d'appel de Lyon a entaché son arrêt d'une erreur de droit. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé, pour ce motif, à demander l'annulation des articles 1 à 3 de cet arrêt.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les articles 1 à 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 27 janvier 2022 sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société A. Raymond et Cie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société A. Raymond et Cie.
Délibéré à l'issue de la séance du 15 mars 2023 où siégeaient :
Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat, et M. Vincent Mazauric, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 7 avril 2023.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
Le rapporteur :
Signé : M. Vincent Mazauric
La secrétaire :
Signé : Mme Wafak Salem
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :