Conseil d'État
N° 451972
ECLI:FR:CECHR:2023:451972.20230308
Inédit au recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. Julien Autret, rapporteur
M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public
SCP LE BRET-DESACHE, avocats
Lecture du mercredi 8 mars 2023
Vu la procédure suivante :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia, d'une part, d'annuler les arrêtés des 22 septembre 2017, 30 octobre 2017, 29 novembre 2017, 26 décembre 2017 et 13 février 2018 par lesquels le préfet ... l'a placée puis maintenue en congé de maladie ordinaire du 11 janvier 2017 au 2 mars 2018, à mi-traitement du 11 avril 2017 au 10 janvier 2018 puis du 27 janvier 2018 au 2 mars 2018 ainsi que les deux arrêtés du 11 janvier 2018 par lesquels le préfet ... a rejeté sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service d'un accident survenu le 11 janvier 2017 et de sa pathologie anxio-dépressive et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident et de la maladie avec toutes les conséquences pécuniaires qui s'y attachent.
Par un jugement nos 1701297, 1800024, 1800149, 1800295, 1800305, 1800422 du 3 octobre 2019, le tribunal administratif de Bastia a annulé les arrêtés attaqués et enjoint à la préfète de la Corse-du-Sud de reconnaître, dans un délai de deux mois, l'imputabilité au service de la pathologie de la requérante, de lui verser la différence entre le montant des traitements qu'elle a reçus entre le 11 avril 2017 et le 2 mars 2018 et celui du traitement plein qu'elle aurait dû percevoir au titre de cette même période et enfin de prendre en charge les frais médicaux qu'elle a pu exposer depuis le 11 janvier 2017 en raison de cette pathologie.
Par un arrêt n° 20LY00613 du 25 février 2021, sur appel du ministre de l'intérieur, la cour administrative d'appel de Lyon, à qui la requête a été transmise par ordonnance en date du 20 janvier 2020 du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat prise en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, a annulé ce jugement, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de Mme B... à fin d'annulation dirigées contre les arrêtés des 22 septembre 2017, 30 octobre 2017, 29 novembre 2017, 26 décembre 2017 et 13 février 2018 et à fin d'injonction en rétablissement de plein traitement y afférant, et rejeté le surplus de ses conclusions.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 23 avril et 22 juillet 2021 et les 27 juin et 8 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Julien Autret, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Le Bret-Desaché, avocat de Mme A... B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., attachée principale d'administration de l'Etat, exerçant ses fonctions à la préfecture de la Corse-du-Sud à la date du litige, a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service, d'une part, d'un accident survenu le 11 janvier 2017, d'autre part, d'une pathologie anxio-dépressive. Par cinq arrêtés des 22 septembre 2017, 30 octobre 2017, 29 novembre 2017, 26 décembre 2017 et 13 février 2018, le préfet de la Corse-du-Sud a placé et maintenu Mme B... en congé de maladie ordinaire et a refusé, par deux arrêtés du 11 janvier 2018, de faire droit à sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de cet accident et de cette pathologie. Par un jugement du 3 octobre 2019, le tribunal administratif de Bastia a annulé ces arrêtés et enjoint au préfet de la Corse-du-Sud de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie. Par un arrêt du 25 février 2021, rendu sur appel formé par le ministre de l'intérieur, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé ce jugement, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de Mme B... à fin d'annulation des arrêtés la plaçant et la maintenant en congé de maladie ordinaire ainsi que ses conclusions à fin d'injonction en rétablissement de plein traitement y afférant et rejeté le surplus de ses conclusions dirigées contre les arrêtés du 11 janvier 2018 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 11 janvier 2017 et de sa pathologie. Mme B... se pourvoit en cassation contre cet arrêt.
2. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat, dans sa version applicable à la date du litige : " le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; (...) ".
3. En premier lieu, constitue un accident de service, pour l'application de ces dispositions, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Après avoir relevé, sans dénaturer les faits de l'espèce, que la notification à la requérante d'une affectation sur un poste qui n'était pas l'un de ceux pour lesquels elle avait manifesté sa préférence, mais qui lui avait été désigné de longue date après concertation, ne présentait aucun caractère de soudaineté et s'inscrivait dans le cadre du fonctionnement normal du service, la cour administrative d'appel de Lyon a, sans erreur de droit, exactement qualifié les faits de l'espèce en jugeant que le malaise dont Mme B... a été victime le 11 janvier 2017 à la réception du courriel lui confirmant cette affectation ne présentait pas le caractère d'un accident de service.
4. En second lieu, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour a relevé que les éléments produits par la requérante ne permettaient pas d'établir que son état de santé aurait un lien direct, certain et déterminant avec ses conditions de travail et qu'elle n'établissait pas non plus l'existence de circonstances particulières à la préfecture de la Corse-du-Sud susceptibles d'expliquer objectivement le développement d'une pathologie psychique au long cours, pour en déduire, contrairement à ce qu'avaient retenu les premiers juges, que la pathologie ayant justifié les congés de maladie pris à compter du 11 janvier 2017 ne pouvait être imputée au service.
6. D'une part, en exigeant un lien non seulement direct mais également certain et déterminant entre l'état de santé de la requérante et ses conditions de travail, la cour a commis une erreur de droit.
7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la pathologie anxio-dépressive de la requérante est apparue consécutivement aux difficultés et tensions observées dans son cadre de travail, notamment à la suite du rejet de ses candidatures à des postes vacants et conformes à son grade, et de son affectation d'office sur des postes auxquels elle n'était pas candidate, dans des conditions qui ont été jugées constitutives de harcèlement moral par un jugement du tribunal administratif de Bastia du 25 juin 2020, devenu définitif. En outre, les avis médicaux des 13 avril 2017 et 9 février 2018 relèvent l'absence de tout antécédent et concluent à l'existence d'une souffrance psychique liée au travail et la reconnaissance de l'imputabilité au service de cette pathologie a fait l'objet d'avis favorables tant de la commission de réforme du 21 décembre 2017 que du comité médical départemental du 27 septembre 2018. Dans ces conditions, Mme B... est fondée à soutenir qu'en jugeant que sa pathologie anxio-dépressive n'était pas imputable au service, la cour a donné aux faits de l'espèce une qualification juridique erronée.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, que Mme B... est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation des arrêtés du 11 janvier 2018 du préfet de la Corse-du-Sud refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie anxio-dépressive.
9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'article 3 de l'arrêt du 25 février 2021 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation des arrêtés du 11 janvier 2018 du préfet de la Corse-du-Sud refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de la cassation ainsi prononcée, à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : L'Etat versera à Mme B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré à l'issue de la séance du 10 février 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et M. Julien Autret, maître des requêtes-rapporteur ;
Rendu le 8 mars 2023.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Julien Autret
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin
N° 451972
ECLI:FR:CECHR:2023:451972.20230308
Inédit au recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. Julien Autret, rapporteur
M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public
SCP LE BRET-DESACHE, avocats
Lecture du mercredi 8 mars 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia, d'une part, d'annuler les arrêtés des 22 septembre 2017, 30 octobre 2017, 29 novembre 2017, 26 décembre 2017 et 13 février 2018 par lesquels le préfet ... l'a placée puis maintenue en congé de maladie ordinaire du 11 janvier 2017 au 2 mars 2018, à mi-traitement du 11 avril 2017 au 10 janvier 2018 puis du 27 janvier 2018 au 2 mars 2018 ainsi que les deux arrêtés du 11 janvier 2018 par lesquels le préfet ... a rejeté sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service d'un accident survenu le 11 janvier 2017 et de sa pathologie anxio-dépressive et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident et de la maladie avec toutes les conséquences pécuniaires qui s'y attachent.
Par un jugement nos 1701297, 1800024, 1800149, 1800295, 1800305, 1800422 du 3 octobre 2019, le tribunal administratif de Bastia a annulé les arrêtés attaqués et enjoint à la préfète de la Corse-du-Sud de reconnaître, dans un délai de deux mois, l'imputabilité au service de la pathologie de la requérante, de lui verser la différence entre le montant des traitements qu'elle a reçus entre le 11 avril 2017 et le 2 mars 2018 et celui du traitement plein qu'elle aurait dû percevoir au titre de cette même période et enfin de prendre en charge les frais médicaux qu'elle a pu exposer depuis le 11 janvier 2017 en raison de cette pathologie.
Par un arrêt n° 20LY00613 du 25 février 2021, sur appel du ministre de l'intérieur, la cour administrative d'appel de Lyon, à qui la requête a été transmise par ordonnance en date du 20 janvier 2020 du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat prise en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, a annulé ce jugement, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de Mme B... à fin d'annulation dirigées contre les arrêtés des 22 septembre 2017, 30 octobre 2017, 29 novembre 2017, 26 décembre 2017 et 13 février 2018 et à fin d'injonction en rétablissement de plein traitement y afférant, et rejeté le surplus de ses conclusions.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 23 avril et 22 juillet 2021 et les 27 juin et 8 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Julien Autret, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Le Bret-Desaché, avocat de Mme A... B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., attachée principale d'administration de l'Etat, exerçant ses fonctions à la préfecture de la Corse-du-Sud à la date du litige, a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service, d'une part, d'un accident survenu le 11 janvier 2017, d'autre part, d'une pathologie anxio-dépressive. Par cinq arrêtés des 22 septembre 2017, 30 octobre 2017, 29 novembre 2017, 26 décembre 2017 et 13 février 2018, le préfet de la Corse-du-Sud a placé et maintenu Mme B... en congé de maladie ordinaire et a refusé, par deux arrêtés du 11 janvier 2018, de faire droit à sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de cet accident et de cette pathologie. Par un jugement du 3 octobre 2019, le tribunal administratif de Bastia a annulé ces arrêtés et enjoint au préfet de la Corse-du-Sud de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie. Par un arrêt du 25 février 2021, rendu sur appel formé par le ministre de l'intérieur, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé ce jugement, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de Mme B... à fin d'annulation des arrêtés la plaçant et la maintenant en congé de maladie ordinaire ainsi que ses conclusions à fin d'injonction en rétablissement de plein traitement y afférant et rejeté le surplus de ses conclusions dirigées contre les arrêtés du 11 janvier 2018 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 11 janvier 2017 et de sa pathologie. Mme B... se pourvoit en cassation contre cet arrêt.
2. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat, dans sa version applicable à la date du litige : " le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; (...) ".
3. En premier lieu, constitue un accident de service, pour l'application de ces dispositions, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Après avoir relevé, sans dénaturer les faits de l'espèce, que la notification à la requérante d'une affectation sur un poste qui n'était pas l'un de ceux pour lesquels elle avait manifesté sa préférence, mais qui lui avait été désigné de longue date après concertation, ne présentait aucun caractère de soudaineté et s'inscrivait dans le cadre du fonctionnement normal du service, la cour administrative d'appel de Lyon a, sans erreur de droit, exactement qualifié les faits de l'espèce en jugeant que le malaise dont Mme B... a été victime le 11 janvier 2017 à la réception du courriel lui confirmant cette affectation ne présentait pas le caractère d'un accident de service.
4. En second lieu, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour a relevé que les éléments produits par la requérante ne permettaient pas d'établir que son état de santé aurait un lien direct, certain et déterminant avec ses conditions de travail et qu'elle n'établissait pas non plus l'existence de circonstances particulières à la préfecture de la Corse-du-Sud susceptibles d'expliquer objectivement le développement d'une pathologie psychique au long cours, pour en déduire, contrairement à ce qu'avaient retenu les premiers juges, que la pathologie ayant justifié les congés de maladie pris à compter du 11 janvier 2017 ne pouvait être imputée au service.
6. D'une part, en exigeant un lien non seulement direct mais également certain et déterminant entre l'état de santé de la requérante et ses conditions de travail, la cour a commis une erreur de droit.
7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la pathologie anxio-dépressive de la requérante est apparue consécutivement aux difficultés et tensions observées dans son cadre de travail, notamment à la suite du rejet de ses candidatures à des postes vacants et conformes à son grade, et de son affectation d'office sur des postes auxquels elle n'était pas candidate, dans des conditions qui ont été jugées constitutives de harcèlement moral par un jugement du tribunal administratif de Bastia du 25 juin 2020, devenu définitif. En outre, les avis médicaux des 13 avril 2017 et 9 février 2018 relèvent l'absence de tout antécédent et concluent à l'existence d'une souffrance psychique liée au travail et la reconnaissance de l'imputabilité au service de cette pathologie a fait l'objet d'avis favorables tant de la commission de réforme du 21 décembre 2017 que du comité médical départemental du 27 septembre 2018. Dans ces conditions, Mme B... est fondée à soutenir qu'en jugeant que sa pathologie anxio-dépressive n'était pas imputable au service, la cour a donné aux faits de l'espèce une qualification juridique erronée.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, que Mme B... est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation des arrêtés du 11 janvier 2018 du préfet de la Corse-du-Sud refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie anxio-dépressive.
9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'article 3 de l'arrêt du 25 février 2021 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation des arrêtés du 11 janvier 2018 du préfet de la Corse-du-Sud refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de la cassation ainsi prononcée, à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : L'Etat versera à Mme B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré à l'issue de la séance du 10 février 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et M. Julien Autret, maître des requêtes-rapporteur ;
Rendu le 8 mars 2023.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Julien Autret
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin