Conseil d'État
N° 462752
ECLI:FR:CECHR:2023:462752.20230127
Mentionné aux tables du recueil Lebon
7ème - 2ème chambres réunies
M. François Lelièvre, rapporteur
M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public
SCP FOUSSARD, FROGER, avocats
Lecture du vendredi 27 janvier 2023
Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 462752, par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 29 mars et 9 octobre 2022 et 2 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... A... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, le décret n° 2022-81 du 28 janvier 2022 approuvant le dix-huitième avenant à la convention passée entre l'Etat et la société Autoroutes du Sud de la France (ASF) pour la concession de la construction, de l'entretien et de l'exploitation d'autoroutes et au cahier des charges annexé, ayant pour objet de permettre le Contournement Ouest de Montpellier et, d'autre part, l'article 25 modifié du cahier des charges annexé à cette convention en tant qu'il majore les tarifs de péages sur l'ensemble du réseau concédé à la société ASF.
2° Sous le n° 465060, par une requête, enregistrée le 29 mars 2022 au greffe du tribunal administratif de Paris, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 10 octobre et 21 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le dix-huitième avenant à la convention passée entre l'Etat et la société Autoroutes du Sud de la France (ASF) pour la concession de la construction, de l'entretien et de l'exploitation d'autoroutes et au cahier des charges annexé ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société ASF la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de la voirie routière ;
- la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société Autoroutes du Sud de la France et à la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de M. A... ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 janvier 2023, présentée par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 janvier 2023, présentée par la société des Autoroutes du Sud de la France ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 janvier 2023, présentée par M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Par décret du 28 janvier 2022, le Premier ministre a approuvé le dix-huitième avenant à la convention conclue le 10 janvier 1992 entre l'Etat et la société des Autoroutes du Sud de la France (ASF) pour la concession de la construction, de l'entretien et de l'exploitation d'autoroutes. Cet avenant a pour objet principal la réalisation d'un nouveau tronçon, d'une longueur de 6,2 km, permettant le contournement par l'ouest de Montpellier et reliant les autoroutes A 750 et A 709. Le financement de cette opération est assuré, aux termes de l'article 25 du cahier des charges annexé à la concession modifié par l'avenant, par une majoration annuelle des tarifs de péage (HT) applicable aux véhicules de la classe I de 0,264 % pour les exercices 2023 à 2026 alors que le point m) du même article prévoit que le contournement ouest de Montpellier est libre de péage. Par une première requête, M. A... demande au Conseil d'Etat l'annulation pour excès de pouvoir, d'une part, du décret du 28 janvier 2022 approuvant cet avenant, d'autre part, de l'article 25 du cahier des charges modifié, ces dernières conclusions devant être regardées, compte tenu des moyens soulevés à leur appui, comme dirigées contre la hausse tarifaire qu'il prévoit. Par une seconde requête, M. A... demande, par la voie du recours en contestation de la validité de l'avenant, l'annulation de celui-ci. Ces requêtes soulevant des questions connexes, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
Sur les conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la clause tarifaire de l'avenant en litige :
En ce qui concerne la recevabilité de ces conclusions :
2. L'article 25.2 du cahier des charges modifié par l'avenant a pour objet d'augmenter, pour l'ensemble du réseau concédé à la société des Autoroutes du Sud de la France (ASF), le tarif des péages applicable au véhicules de la classe 1 pour les exercices 2023 à 2026. Une telle clause présente un caractère réglementaire et est susceptible d'être contestée par la voie d'un recours pour excès de pouvoir. Contrairement à ce que soutiennent le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et la société ASF, la circonstance que l'augmentation du tarif soit limitée à 0,264 % n'est pas de nature à dénier à M. A..., qui justifie de sa qualité d'usager du réseau autoroutier concédé à la société ASF, un intérêt direct et certain lui permettant de demander l'annulation pour excès de pouvoir de cette disposition. Les fins de non-recevoir opposées en défense ne peuvent, par suite, qu'être écartées.
En ce qui concerne la légalité de la clause tarifaire :
3. Aux termes de l'article L. 122-4 du code de la voirie routière, dans sa rédaction issue de la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités applicable au litige : " L'usage des autoroutes est en principe gratuit. / Toutefois, il peut être institué par décret en Conseil d'Etat, pris après avis de l'Autorité de régulation des transports, un péage pour l'usage d'une autoroute en vue d'assurer la couverture totale ou partielle des dépenses de toute nature liées à la construction, à l'exploitation, à l'entretien, à l'aménagement ou à l'extension de l'infrastructure. / En cas de concession des missions du service public autoroutier, le péage couvre également la rémunération et l'amortissement des capitaux investis par le concessionnaire. / Sans préjudice des dispositions du code de la commande publique, des ouvrages ou des aménagements non prévus au cahier des charges de la concession peuvent être intégrés à l'assiette de celle-ci, sous condition stricte de leur nécessité ou de leur utilité, impliquant l'amélioration du service autoroutier sur le périmètre concédé, une meilleure articulation avec les réseaux situés au droit de la concession afin de sécuriser et fluidifier les flux de trafic depuis et vers les réseaux adjacents à la concession et une connexion renforcée avec les ouvrages permettant de desservir les territoires, ainsi que de leur caractère accessoire par rapport au réseau concédé. Ces ouvrages ou ces aménagements peuvent porter sur des sections à gabarit routier ayant pour effet de fluidifier l'accès au réseau autoroutier. Leur financement ne peut être couvert que par une augmentation des tarifs de péages, raisonnable et strictement limitée à ce qui est nécessaire. Le cas échéant, l'Etat et les collectivités territoriales intéressées, dans le cadre des règles prévues dans le code général des collectivités territoriales, peuvent, à titre exceptionnel, apporter des concours ".
4. En mettant, par la hausse tarifaire litigieuse, à la charge de l'ensemble des usagers de la totalité des 2 714 km du réseau autoroutier concédé à la société ASF le financement des travaux de réalisation d'un tronçon de 6,2 km destiné au contournement ouest de Montpellier dépourvu de péage, la disposition tarifaire attaquée méconnaît la règle de proportionnalité entre le montant du tarif et la valeur du service rendu. Il s'ensuit que M. A... est fondé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés sur ce point par sa requête, à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la disposition tarifaire de l'article 25.2 du cahier des charges annexé à la convention conclue le 10 janvier 1992 entre l'Etat et la société des Autoroutes du Sud de la France (ASF), modifié par l'avenant contesté, laquelle est divisible des autres clauses de cet avenant.
Sur les conclusions contestant la validité des clauses non règlementaires de l'avenant en litige :
5. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles.
6. En se prévalant de sa seule qualité d'usager des autoroutes concédées à la société ASF, M. A... ne justifie pas être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par la décision d'aménagement du contournement ouest de Montpellier ou par les autres stipulations de l'avenant relatives à sa mise en oeuvre, lesquelles ne présentent pas de caractère réglementaire. Dès lors, ainsi que le font valoir les défendeurs, les conclusions de M. A... contestant la validité des autres stipulations de l'avenant contesté sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 28 janvier 2022 :
7. Indépendamment du recours de pleine juridiction dont disposent les tiers à un contrat administratif pour en contester la validité, dans les conditions définies par la décision n° 358994 du 4 avril 2014 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, ou du recours pour excès de pouvoir susceptible d'être formé contre les clauses réglementaires d'un tel contrat, les tiers qui se prévalent d'intérêts auxquels l'exécution du contrat est de nature à porter une atteinte directe et certaine sont recevables à contester devant le juge de l'excès de pouvoir la légalité de l'acte administratif portant approbation du contrat, sauf à ce qu'un tel acte intervienne, en réalité, dans le cadre de la conclusion même du contrat. Dans le cadre d'un tel recours, les tiers ne sauraient utilement faire valoir des moyens relatifs au contrat lui-même, mais ne peuvent soulever que des moyens tirés de vices propres entachant l'acte d'approbation, voire demander l'annulation de cet acte par voie de conséquence de ce qui est jugé sur les recours formés contre le contrat.
8. Le moyen relatif aux vices propres dont serait entaché le décret attaqué que soulève le requérant est tiré de ce que le Conseil d'Etat n'aurait pas été consulté, contrairement à ce qu'exige le cinquième alinéa de l'article L. 122-4 du code de la voirie routière, selon lequel : " La convention de concession et le cahier des charges annexé fixent les conditions dans lesquelles le concessionnaire exerce les missions qui lui sont confiées par l'Etat et en contrepartie desquelles il est autorisé à percevoir des péages. Ces actes sont approuvés par décret en Conseil d'Etat, le cas échéant dans les conditions prévues à l'article L. 122-8 (...) ". Toutefois, ainsi que le fait valoir en défense le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, la section des travaux publics du Conseil d'Etat a émis un avis sur le décret lors de sa séance du 18 janvier 2022. Par suite, le moyen soulevé au titre des vices propres du décret attaqué ne peut qu'être écarté.
9. Il résulte de tout de ce qui précède que M. A... n'est fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 28 janvier 2022 qu'en tant qu'il porte approbation de la disposition tarifaire de l'article 25.2 du cahier des charges annexé à la convention conclue le 10 janvier 1992 entre l'Etat et la société des Autoroutes du Sud de la France (ASF) modifié par l'avenant approuvé, en conséquence de l'annulation de cette disposition.
Sur les frais du litige :
10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'article 25.2 du cahier des charges annexé à la convention conclue le 10 janvier 1992 entre l'Etat et la société des Autoroutes du Sud de la France (ASF) pour la concession de la construction, de l'entretien et de l'exploitation d'autoroutes, dans sa rédaction issue de son dix-huitième avenant, est annulé en tant qu'il stipule que : " Pour les exercices 2023 à 2026, l'évolution des tarifs de péages (H.T.) applicable au véhicules de la classe 1 fixée au présent article est majorée chaque année de 0,264% ". Le décret du 28 janvier 2022 est annulé en tant qu'il approuve cette disposition.
Article 2 : Le surplus des conclusions de M. A... et les conclusions des parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. D... A..., à la société Autoroutes du Sud de la France, au ministre de la transition écologique et de la cohésion du territoire et à la Première ministre.
N° 462752
ECLI:FR:CECHR:2023:462752.20230127
Mentionné aux tables du recueil Lebon
7ème - 2ème chambres réunies
M. François Lelièvre, rapporteur
M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public
SCP FOUSSARD, FROGER, avocats
Lecture du vendredi 27 janvier 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 462752, par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 29 mars et 9 octobre 2022 et 2 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... A... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, le décret n° 2022-81 du 28 janvier 2022 approuvant le dix-huitième avenant à la convention passée entre l'Etat et la société Autoroutes du Sud de la France (ASF) pour la concession de la construction, de l'entretien et de l'exploitation d'autoroutes et au cahier des charges annexé, ayant pour objet de permettre le Contournement Ouest de Montpellier et, d'autre part, l'article 25 modifié du cahier des charges annexé à cette convention en tant qu'il majore les tarifs de péages sur l'ensemble du réseau concédé à la société ASF.
2° Sous le n° 465060, par une requête, enregistrée le 29 mars 2022 au greffe du tribunal administratif de Paris, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 10 octobre et 21 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le dix-huitième avenant à la convention passée entre l'Etat et la société Autoroutes du Sud de la France (ASF) pour la concession de la construction, de l'entretien et de l'exploitation d'autoroutes et au cahier des charges annexé ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société ASF la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de la voirie routière ;
- la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société Autoroutes du Sud de la France et à la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de M. A... ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 janvier 2023, présentée par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 janvier 2023, présentée par la société des Autoroutes du Sud de la France ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 janvier 2023, présentée par M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Par décret du 28 janvier 2022, le Premier ministre a approuvé le dix-huitième avenant à la convention conclue le 10 janvier 1992 entre l'Etat et la société des Autoroutes du Sud de la France (ASF) pour la concession de la construction, de l'entretien et de l'exploitation d'autoroutes. Cet avenant a pour objet principal la réalisation d'un nouveau tronçon, d'une longueur de 6,2 km, permettant le contournement par l'ouest de Montpellier et reliant les autoroutes A 750 et A 709. Le financement de cette opération est assuré, aux termes de l'article 25 du cahier des charges annexé à la concession modifié par l'avenant, par une majoration annuelle des tarifs de péage (HT) applicable aux véhicules de la classe I de 0,264 % pour les exercices 2023 à 2026 alors que le point m) du même article prévoit que le contournement ouest de Montpellier est libre de péage. Par une première requête, M. A... demande au Conseil d'Etat l'annulation pour excès de pouvoir, d'une part, du décret du 28 janvier 2022 approuvant cet avenant, d'autre part, de l'article 25 du cahier des charges modifié, ces dernières conclusions devant être regardées, compte tenu des moyens soulevés à leur appui, comme dirigées contre la hausse tarifaire qu'il prévoit. Par une seconde requête, M. A... demande, par la voie du recours en contestation de la validité de l'avenant, l'annulation de celui-ci. Ces requêtes soulevant des questions connexes, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
Sur les conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la clause tarifaire de l'avenant en litige :
En ce qui concerne la recevabilité de ces conclusions :
2. L'article 25.2 du cahier des charges modifié par l'avenant a pour objet d'augmenter, pour l'ensemble du réseau concédé à la société des Autoroutes du Sud de la France (ASF), le tarif des péages applicable au véhicules de la classe 1 pour les exercices 2023 à 2026. Une telle clause présente un caractère réglementaire et est susceptible d'être contestée par la voie d'un recours pour excès de pouvoir. Contrairement à ce que soutiennent le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et la société ASF, la circonstance que l'augmentation du tarif soit limitée à 0,264 % n'est pas de nature à dénier à M. A..., qui justifie de sa qualité d'usager du réseau autoroutier concédé à la société ASF, un intérêt direct et certain lui permettant de demander l'annulation pour excès de pouvoir de cette disposition. Les fins de non-recevoir opposées en défense ne peuvent, par suite, qu'être écartées.
En ce qui concerne la légalité de la clause tarifaire :
3. Aux termes de l'article L. 122-4 du code de la voirie routière, dans sa rédaction issue de la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités applicable au litige : " L'usage des autoroutes est en principe gratuit. / Toutefois, il peut être institué par décret en Conseil d'Etat, pris après avis de l'Autorité de régulation des transports, un péage pour l'usage d'une autoroute en vue d'assurer la couverture totale ou partielle des dépenses de toute nature liées à la construction, à l'exploitation, à l'entretien, à l'aménagement ou à l'extension de l'infrastructure. / En cas de concession des missions du service public autoroutier, le péage couvre également la rémunération et l'amortissement des capitaux investis par le concessionnaire. / Sans préjudice des dispositions du code de la commande publique, des ouvrages ou des aménagements non prévus au cahier des charges de la concession peuvent être intégrés à l'assiette de celle-ci, sous condition stricte de leur nécessité ou de leur utilité, impliquant l'amélioration du service autoroutier sur le périmètre concédé, une meilleure articulation avec les réseaux situés au droit de la concession afin de sécuriser et fluidifier les flux de trafic depuis et vers les réseaux adjacents à la concession et une connexion renforcée avec les ouvrages permettant de desservir les territoires, ainsi que de leur caractère accessoire par rapport au réseau concédé. Ces ouvrages ou ces aménagements peuvent porter sur des sections à gabarit routier ayant pour effet de fluidifier l'accès au réseau autoroutier. Leur financement ne peut être couvert que par une augmentation des tarifs de péages, raisonnable et strictement limitée à ce qui est nécessaire. Le cas échéant, l'Etat et les collectivités territoriales intéressées, dans le cadre des règles prévues dans le code général des collectivités territoriales, peuvent, à titre exceptionnel, apporter des concours ".
4. En mettant, par la hausse tarifaire litigieuse, à la charge de l'ensemble des usagers de la totalité des 2 714 km du réseau autoroutier concédé à la société ASF le financement des travaux de réalisation d'un tronçon de 6,2 km destiné au contournement ouest de Montpellier dépourvu de péage, la disposition tarifaire attaquée méconnaît la règle de proportionnalité entre le montant du tarif et la valeur du service rendu. Il s'ensuit que M. A... est fondé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés sur ce point par sa requête, à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la disposition tarifaire de l'article 25.2 du cahier des charges annexé à la convention conclue le 10 janvier 1992 entre l'Etat et la société des Autoroutes du Sud de la France (ASF), modifié par l'avenant contesté, laquelle est divisible des autres clauses de cet avenant.
Sur les conclusions contestant la validité des clauses non règlementaires de l'avenant en litige :
5. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles.
6. En se prévalant de sa seule qualité d'usager des autoroutes concédées à la société ASF, M. A... ne justifie pas être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par la décision d'aménagement du contournement ouest de Montpellier ou par les autres stipulations de l'avenant relatives à sa mise en oeuvre, lesquelles ne présentent pas de caractère réglementaire. Dès lors, ainsi que le font valoir les défendeurs, les conclusions de M. A... contestant la validité des autres stipulations de l'avenant contesté sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 28 janvier 2022 :
7. Indépendamment du recours de pleine juridiction dont disposent les tiers à un contrat administratif pour en contester la validité, dans les conditions définies par la décision n° 358994 du 4 avril 2014 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, ou du recours pour excès de pouvoir susceptible d'être formé contre les clauses réglementaires d'un tel contrat, les tiers qui se prévalent d'intérêts auxquels l'exécution du contrat est de nature à porter une atteinte directe et certaine sont recevables à contester devant le juge de l'excès de pouvoir la légalité de l'acte administratif portant approbation du contrat, sauf à ce qu'un tel acte intervienne, en réalité, dans le cadre de la conclusion même du contrat. Dans le cadre d'un tel recours, les tiers ne sauraient utilement faire valoir des moyens relatifs au contrat lui-même, mais ne peuvent soulever que des moyens tirés de vices propres entachant l'acte d'approbation, voire demander l'annulation de cet acte par voie de conséquence de ce qui est jugé sur les recours formés contre le contrat.
8. Le moyen relatif aux vices propres dont serait entaché le décret attaqué que soulève le requérant est tiré de ce que le Conseil d'Etat n'aurait pas été consulté, contrairement à ce qu'exige le cinquième alinéa de l'article L. 122-4 du code de la voirie routière, selon lequel : " La convention de concession et le cahier des charges annexé fixent les conditions dans lesquelles le concessionnaire exerce les missions qui lui sont confiées par l'Etat et en contrepartie desquelles il est autorisé à percevoir des péages. Ces actes sont approuvés par décret en Conseil d'Etat, le cas échéant dans les conditions prévues à l'article L. 122-8 (...) ". Toutefois, ainsi que le fait valoir en défense le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, la section des travaux publics du Conseil d'Etat a émis un avis sur le décret lors de sa séance du 18 janvier 2022. Par suite, le moyen soulevé au titre des vices propres du décret attaqué ne peut qu'être écarté.
9. Il résulte de tout de ce qui précède que M. A... n'est fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 28 janvier 2022 qu'en tant qu'il porte approbation de la disposition tarifaire de l'article 25.2 du cahier des charges annexé à la convention conclue le 10 janvier 1992 entre l'Etat et la société des Autoroutes du Sud de la France (ASF) modifié par l'avenant approuvé, en conséquence de l'annulation de cette disposition.
Sur les frais du litige :
10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'article 25.2 du cahier des charges annexé à la convention conclue le 10 janvier 1992 entre l'Etat et la société des Autoroutes du Sud de la France (ASF) pour la concession de la construction, de l'entretien et de l'exploitation d'autoroutes, dans sa rédaction issue de son dix-huitième avenant, est annulé en tant qu'il stipule que : " Pour les exercices 2023 à 2026, l'évolution des tarifs de péages (H.T.) applicable au véhicules de la classe 1 fixée au présent article est majorée chaque année de 0,264% ". Le décret du 28 janvier 2022 est annulé en tant qu'il approuve cette disposition.
Article 2 : Le surplus des conclusions de M. A... et les conclusions des parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. D... A..., à la société Autoroutes du Sud de la France, au ministre de la transition écologique et de la cohésion du territoire et à la Première ministre.