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Ariane Web: Conseil d'État 444887, lecture du 29 décembre 2022, ECLI:FR:CECHR:2022:444887.20221229

Décision n° 444887
29 décembre 2022
Conseil d'État

N° 444887
ECLI:FR:CECHR:2022:444887.20221229
Inédit au recueil Lebon
1ère - 4ème chambres réunies
Mme Manon Chonavel, rapporteur
Mme Marie Sirinelli, rapporteur public


Lecture du jeudi 29 décembre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 444887, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 septembre 2020 et 20 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération des buralistes demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le Premier ministre, le ministre des solidarités et de la santé et le ministre de l'agriculture et de l'alimentation ont rejeté sa demande du 24 juillet 2020 tendant à l'abrogation de l'article R. 5132-86 du code de la santé publique et de l'arrêté du 22 août 1990 portant application de l'article R. 5132-86 du code de la santé publique pour le cannabis, en tant qu'ils interdisent l'importation, l'exportation et l'utilisation industrielle et commerciale de cannabidiol obtenu à partir de la plante de chanvre entière ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre, au ministre des solidarités et de la santé et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation de modifier l'article R. 5132-86 du code de la santé publique et l'arrêté du 22 août 1990 dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir afin d'autoriser l'importation, l'exportation et l'utilisation industrielle et commerciale de cannabidiol obtenu à partir de la plante de chanvre entière ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


2° Sous le n° 455024, par une requête, enregistrée le 28 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association française des producteurs de cannabinoïdes demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle les ministres des solidarités et de la santé et de l'agriculture et de l'alimentation et les ministres délégués auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics et chargée de l'industrie ont rejeté sa demande tendant à l'abrogation de l'arrêté du 22 août 1990 portant application de l'article R. 5132-86 du code de la santé publique pour le cannabis, en tant qu'il interdit la commercialisation des produits issus des parties de la plante de cannabis autres que ses fibres et graines ;

2°) d'enjoindre aux ministres chargés de l'agriculture, des douanes, de l'industrie et de la santé d'abroger l'arrêté du 22 août 1990, à titre principal, en son entier et, à titre subsidiaire, en tant qu'il exclut la tige et les fleurs de l'autorisation de culture, d'importation, d'exportation et d'utilisation industrielle et commerciale de certaines variétés de cannabis qu'il prévoit, dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


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3° Sous le n° 460291, par une requête, un mémoire rectificatif et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 et 11 janvier et 23 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société par actions simplifiée Slow et l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Studio LR demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 décembre 2021 des ministres des solidarités et de la santé et de l'agriculture et de l'alimentation et des ministres délégués auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics et chargée de l'industrie portant application de l'article R. 5132-86 du code de la santé publique en ce qu'il interdit la vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d'autres ingrédients, leur détention par les consommateurs et leur consommation ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à chacune des sociétés requérantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


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4° Sous le n° 460297, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 janvier et 12 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les sociétés par actions simplifiées Mister Flower Avenue Niel, Mister Flower Levallois, Mister Flower CBD et FD Holding Investissement demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 décembre 2021 des ministres des solidarités et de la santé et de l'agriculture et de l'alimentation et des ministres délégués auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics et chargée de l'industrie portant application de l'article R. 5132-86 du code de la santé publique ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros à verser à chacune des sociétés requérantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


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5° Sous le n° 460298, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 janvier et 13 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les sociétés par actions simplifiées unipersonnelles Weedstock, Comptoir du chanvre, Buddha Farm's et la société par actions simplifiée Zentitude demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le II de l'article 1er de l'arrêté du 30 décembre 2021 des ministres des solidarités et de la santé et de l'agriculture et de l'alimentation et des ministres délégués auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics et chargée de l'industrie portant application de l'article R. 5132-86 du code de la santé publique ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à chacune des sociétés requérantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


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6° Sous le n° 460324, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 janvier et 12 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société par actions simplifiée Green Leaf Company demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 décembre 2021 des ministres des solidarités et de la santé et de l'agriculture et de l'alimentation et des ministres délégués auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics et chargée de l'industrie portant application de l'article R. 5132-86 du code de la santé publique ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


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7° Sous le n° 460352, par une requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 janvier, 25 février et 5 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société par actions simplifiée Shyw demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 décembre 2021 des ministres des solidarités et de la santé et de l'agriculture et de l'alimentation et des ministres délégués auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics et chargée de l'industrie portant application de l'article R. 5132-86 du code de la santé publique ;

2°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au ministre de solidarités et de la santé et au ministre de l'agriculture ainsi qu'au directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé de produire les justificatifs de la transmission aux ministres par cette agence de la proposition préalable à l'édiction de l'arrêté du 30 décembre 2021 ainsi que les expertises la fondant ;

3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : " Les articles 34, 36 et 38-1 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ainsi que le principe de libre circulation des marchandises doivent-ils s'interpréter comme s'opposant à ce qu'un droit national prohibe la vente aux consommateurs de fleurs et feuilles de chanvre issues de variétés de cannabis sativa L dépourvues de substances psychotropes, et des produits qui en contiennent, ainsi que sa vente entre professionnels dans un but autre que son extraction ' " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


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8° Sous le n° 460374, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 janvier et 26 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union des professionnels du CBD demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 décembre 2021 des ministres des solidarités et de la santé et de l'agriculture et de l'alimentation et des ministres délégués auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics et chargée de l'industrie portant application de l'article R. 5132-86 du code de la santé publique ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler pour excès de pouvoir le II de l'article 1er de cet arrêté ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, de surseoir à statuer et de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne les trois questions préjudicielles suivantes :
- " Les articles 34 et 36 du traité de fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) doivent-ils s'interpréter comme s'opposant à ce qu'un droit national interdise par principe la commercialisation des produits à base de chanvre non stupéfiant dépourvus de propriétés psychotropes et notamment ceux qui seraient offerts aux consommateurs sous la forme de fleurs ou de feuilles brutes issues de semences certifiées et autorisées par le droit de l'Union ' " ;
- " Les articles 34 et 36 du TFUE doivent-ils s'interpréter comme s'opposant à ce qu'un droit national interdise par la voie réglementaire l'importation, l'exportation, la commercialisation de cannabidiol qui serait offert aux consommateurs sous la forme de fleurs ou de feuilles brutes issues de semences certifiées et autorisées par le droit de l'Union ' " ;
- " Les articles 34 et 36 du TFUE doivent-ils s'interpréter comme s'opposant à ce qu'un droit national limite par la voie réglementaire l'utilisation des fleurs et des feuilles de chanvre issues de semences certifiées et autorisées à la seule production d'extraits de chanvre ' " ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


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9° Sous le n° 460379, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 janvier et 12 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat professionnel du chanvre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 décembre 2021 des ministres des solidarités et de la santé et de l'agriculture et de l'alimentation et des ministres délégués auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics et chargée de l'industrie portant application de l'article R. 5132-86 du code de la santé publique ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


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10° Sous le n° 461908, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 février et 16 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association française des producteurs de cannabinoïdes demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les deux dernières phrases du I et le II de l'article 1er de l'arrêté du 30 décembre 2021 des ministres des solidarités et de la santé et de l'agriculture et de l'alimentation et des ministres délégués auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics et chargée de l'industrie portant application de l'article R. 5132-86 du code de la santé publique ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


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11° Sous le n° 461910, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 février et 5 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société par actions simplifiée Green Carpathes Corp demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 décembre 2021 des ministres des solidarités et de la santé et de l'agriculture et de l'alimentation et des ministres délégués auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics et chargée de l'industrie portant application de l'article R. 5132-86 du code de la santé publique ;

2°) à titre subsidiaire, d'enjoindre aux ministres chargés de la santé et de l'agriculture ainsi qu'au directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé de produire les justificatifs de la transmission aux ministres par cette agence de la proposition préalable à l'édiction de l'arrêté du 30 décembre 2021 ainsi que les expertises la fondant ;

3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : " Les articles 34, 36 et 38-1 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ainsi que le principe de libre circulation des marchandises doivent-ils s'interpréter comme s'opposant à ce qu'un droit national prohibe la vente aux consommateurs de fleurs et feuilles de chanvre issues de variétés de Cannabis sativa L. dépourvues de substances psychotropes, et des produits qui en contiennent, ainsi que sa vente entre professionnels dans un but autre que son extraction ' " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice.


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12° Sous le n° 461911, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 février et 5 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société par actions simplifiée Ioda demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 décembre 2021 des ministres des solidarités et de la santé et de l'agriculture et de l'alimentation et des ministres délégués auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics et chargée de l'industrie portant application de l'article R. 5132-86 du code de la santé publique ;

2°) à titre subsidiaire, d'enjoindre aux ministres chargés de la santé et de l'agriculture ainsi qu'au directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé de produire les justificatifs de la transmission aux ministres par cette agence de la proposition préalable à l'édiction de l'arrêté du 30 décembre 2021 ainsi que les expertises la fondant ;

3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : " Les articles 34, 36 et 38-1 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ainsi que le principe de libre circulation des marchandises, doivent-ils s'interpréter comme s'opposant à ce qu'un droit national prohibe la vente aux consommateurs de fleurs et feuilles de chanvre issues de variétés de Cannabis sativa L. dépourvues de substances psychotropes et des produits qui en contiennent, ainsi que sa vente entre professionnels dans un but autre que son extraction ' " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice.


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13° Sous le n° 461912, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 février et 5 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société à responsabilité limitée TDAMD et les sociétés par actions simplifiées DAMD, EPIWEA et REWEA demandent au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 décembre 2021 des ministres des solidarités et de la santé et de l'agriculture et de l'alimentation et des ministres délégués auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics et chargée de l'industrie portant application de l'article R. 5132-86 du code de la santé publique ;

2°) à titre subsidiaire, d'enjoindre aux ministres chargés de la santé et de l'agriculture ainsi qu'au directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé de produire les justificatifs de la transmission aux ministres par cette agence de la proposition préalable à l'édiction de l'arrêté du 30 décembre 2021 ainsi que les expertises la fondant ;

3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : " Les articles 34, 36 et 38-1 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ainsi que le principe de libre circulation des marchandises doivent-ils s'interpréter comme s'opposant à ce qu'un droit national prohibe la vente aux consommateurs de fleurs et feuilles de chanvre issues de variétés de Cannabis sativa L. dépourvues de substances psychotropes et des produits qui en contiennent, ainsi que sa vente entre professionnels dans un but autre que son extraction ' " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice.


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14° Sous le n° 461957, par une requête, enregistrée le 28 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société par actions simplifiée Dream flower CBD shop demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir, à titre principal, l'arrêté du 30 décembre 2021 des ministres des solidarités et de la santé et de l'agriculture et de l'alimentation et des ministres délégués auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics et chargée de l'industrie portant application de l'article R. 5132-86 du code de la santé publique et, à titre subsidiaire, le premier alinéa du II de l'article 1er de cet arrêté ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


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15° Sous le n° 461975, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 février et 20 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les sociétés par actions simplifiées Santino, CB-Mars, TJB Marguerites, Clad Distribution, Shiva Infusion, La Tribu, Delobel et Munier, NC et Pouvoir du thé, Garden Therapy, les sociétés à responsabilité limitée CHL Distributions et The Infusion Bien-Etre, les sociétés par actions simplifiées unipersonnelles Esterel Riviera, Castel Shop, ACSC Azur, Beti Distrib et l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Savoia Sana demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir, à titre principal, l'arrêté du 30 décembre 2021 des ministres des solidarités et de la santé et de l'agriculture et de l'alimentation et des ministres délégués auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics et chargée de l'industrie portant application de l'article R. 5132-86 du code de la santé publique et, à titre subsidiaire, du II de l'article 1er de cet arrêté ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser à chacune des sociétés requérantes, hormis la société La Tribu, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la convention unique sur les stupéfiants du 30 mars 1961 ;
- la directive 2002/53/CE du Conseil du 13 juin 2002 ;
- le règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement et du Conseil du 28 janvier 2002 ;
- le règlement (CE) n° 767/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 ;
- le règlement (UE) 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;
- le code pénal ;
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 2022-194 du 17 février 2022 ;
- l'arrêté du 22 février 1990 fixant la liste des substances classées comme stupéfiants ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2021-960 QPC du 7 janvier 2022 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Manon Chonavel, auditrice,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Green Leaf Company et du syndicat professionnel du chanvre et à la SCP Zribi et Texier, avocat de la société Dream Flower CBD Shop ;



Considérant ce qui suit :

Sur le cadre du litige :

1. Au sein du Livre premier, relatif aux " Produits pharmaceutiques ", de la cinquième partie du code de la santé publique, les articles L. 5132-1 à 5132-10, constituant le chapitre II relatif aux " Substances et préparations vénéneuses " du Titre III, soumettent les substances vénéneuses à un régime de police administrative spéciale visant notamment à réglementer leur production, leur commerce et leur emploi. L'article L. 5132-1 du code de la santé publique définit les substances vénéneuses comme les substances stupéfiantes, les substances psychotropes et les substances inscrites sur la liste I et la liste II définies à l'article L. 5132-6 du même code et précise les notions de " substances " et de " préparations ". Les listes I et II regroupent les médicaments à usage humain susceptibles de présenter directement ou indirectement un danger pour la santé ou contenant des substances dont l'activité ou les effets indésirables nécessitent une surveillance médicale ou tout autre produit ou substance présentant pour la santé des risques directs ou indirects, la liste I comprenant les substances, préparations, médicaments ou produits présentant les risques les plus élevés pour la santé. L'article L. 5132-7 confie au directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé le pouvoir de classer les plantes, substances ou préparations vénéneuses comme stupéfiants ou comme psychotropes ou de les inscrire sur les listes I et II. Ainsi que l'a dit le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2020-960 QPC du 7 janvier 2022, la notion de stupéfiant désigne des substances psychotropes qui se caractérisent par un risque de dépendance et des effets nocifs pour la santé et il résulte de l'article L. 5132-7 du code de la santé publique que le législateur a renvoyé à l'autorité administrative le pouvoir de classer, en fonction de l'évolution de l'état des connaissances scientifiques et médicales, certaines substances dans cette catégorie. Enfin, l'article L. 5132-8 renvoie à des décrets en Conseil d'Etat le soin de préciser les conditions auxquelles sont soumis la production, la fabrication, le transport, l'importation, l'exportation, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition et l'emploi de plantes, de substances ou de préparations classées comme vénéneuses, en prévoyant notamment que ces décrets peuvent prohiber toute opération relative à ces plantes et substances.

2. En application des dispositions de l'article L. 5132-7 du code de la santé publique, l'arrêté du 22 février 1990 fixant la liste des substances classées comme stupéfiants classe comme tels, sans faire mention du cannabidiol (CBD), à son annexe I, comprenant tant les substances désignées que, dans les conditions qu'elle précise, leurs isomères, esters et éthers, sels et les préparations les renfermant, le " cannabis et [la] résine de cannabis ", sans distinction entre variétés de la plante, ainsi que, à son annexe IV, comprenant les produits désignés ainsi que leurs préparations, sous les exceptions qu'elle prévoit, " les tétrahydrocannabinols " (THC), leurs esters, éthers et les sels des dérivés, ce qui inclut le delta-9-tétrahydrocannabinol.

3. Aux termes du I de l'article R. 5132-86 du code de la santé publique, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur du décret du 17 février 2022 relatif au cannabis à usage médical : " Sont interdits la production, la fabrication, le transport, l'importation, l'exportation, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition ou l'emploi : / 1° Du cannabis, de sa plante et de sa résine, des produits qui en contiennent ou de ceux qui sont obtenus à partir du cannabis, de sa plante ou de sa résine ; / 2° Des tétrahydrocannabinols, à l'exception du delta-9-tétrahydrocannabinol, de leurs esters, éthers, sels ainsi que des sels des dérivés précités et de produits qui en contiennent ". Le II de ce même article dispose, d'une part, que des dérogations peuvent être accordées par le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé aux fin de recherche et de contrôle ainsi que de fabrication de dérivés et, d'autre part, que la culture, l'importation, l'exportation et l'utilisation industrielle et commerciale de variétés de cannabis dépourvues de propriétés stupéfiantes ou de produits contenant de telles variétés peuvent être autorisées, sur proposition du directeur général de l'agence, par arrêté des ministres chargés de l'agriculture, des douanes, de l'industrie et de la santé.

4. En application de ces dispositions, l'article 1er de l'arrêté du 22 août 1990 disposait que : " [au sens de l'article R. 5132-86 du code de la santé publique], sont autorisées la culture, l'importation, l'exportation et l'utilisation industrielle et commerciale (fibres et graines) des variétés de Cannabis sativa L. répondant aux critères suivants : / - la teneur en delta-9-tétrahydrocannabinol de ces variétés n'est pas supérieure à 0,20 % ; / - la détermination de la teneur en delta-9-tétrahydrocannabinol et la prise d'échantillons en vue de cette détermination sont effectuées selon la méthode communautaire prévue en annexe. / Les demandes d'inclusion d'une variété de chanvre dans la liste des variétés de Cannabis sativa L. figurant à l'article 2 doivent être accompagnées d'un rapport indiquant les résultats des analyses effectuées conformément à la procédure B de la méthode décrite à l'annexe du présent arrêté ainsi que d'une fiche descriptive de la variété en question. "

5. L'arrêté du 30 décembre 2021 portant application de l'article R. 5132-86 du code de la santé publique abroge, par son article 3, l'arrêté du 22 août 1990 et autorise désormais, par le premier alinéa du I de son article 1er, la culture, l'importation, l'exportation et l'utilisation industrielle et commerciale des seules variétés de Cannabis sativa L. dont la teneur en delta-9-tétrahydrocannabinol, déterminée par une méthode fixée en annexe à cet arrêté, n'est pas supérieure à 0,30 % et qui sont inscrites au catalogue commun des variétés des espèces de plantes agricoles ou au catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées en France. Il prévoit en outre, au deuxième alinéa de ce I, que les fleurs et les feuilles sont produites à partir de plantes issues de semences certifiées, que la vente de plants et la pratique du bouturage sont interdites et que seuls des agriculteurs actifs au sens de la réglementation européenne et nationale en vigueur peuvent cultiver des fleurs et des feuilles de chanvre. Le II de ce même article dispose toutefois que : " Les fleurs et les feuilles des variétés mentionnées au I ne peuvent être récoltées, importées ou utilisées que pour la production industrielle d'extraits de chanvre. Sont notamment interdites la vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d'autres ingrédients, leur détention par les consommateurs et leur consommation. / L'achat de fleurs et de feuilles de chanvre produites sur le territoire français fait l'objet d'un contrat écrit entre producteur et acheteur. Le contrat comporte des informations sur le volume et le prix des produits. Le contrat peut comporter des informations sur la qualité attendue des produits. Le contrat est conclu avant le début de la campagne de production. " Le III de cet article 1er impose que la teneur en delta-9-tétrahydrocannabinol des extraits de chanvre, ainsi que des produits qui les intègrent, ne soit pas supérieure à 0,30 %, sans préjudice des dispositions des articles 14 et 15 du règlement (CE) n° 178/2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires et de l'article 4 du règlement (CE) n° 767/2009 concernant la mise sur le marché et l'utilisation des aliments pour animaux. Enfin, l'article 2 de cet arrêté prévoit que les produits issus du chanvre en vertu de cet arrêté ne peuvent être importés en provenance de pays hors de l'Union européenne ou exportés en dehors de l'Union européenne que s'ils sont accompagnés des documents attestant de leur conformité à cet arrêté.

6. La Confédération des buralistes demande l'annulation pour excès de pouvoir du refus implicite opposé à sa demande d'abroger l'article R. 5132-86 du code de la santé publique dans sa rédaction antérieure au décret du 17 février 2022 et l'arrêté du 22 août 1990, en tant que ces dispositions interdisent l'importation, l'exportation et l'utilisation industrielle et commerciale de cannabidiol obtenu à partir de la plante de chanvre entière. L'Association française des producteurs de cannabinoïdes demande, par sa requête enregistrée sous le n° 455024, l'annulation pour excès de pouvoir du refus implicite opposé à sa demande d'abrogation du même arrêté en tant qu'il exclut la tige et la fleur de cannabis de l'autorisation de culture, d'importation, d'exportation et d'utilisation industrielle et commerciale de certaines variétés de cannabis qu'il prévoit. Les autres requérants doivent être regardés comme demandant l'annulation de l'article 1er de l'arrêté du 30 décembre 2022, à l'exception du premier alinéa du I. Il y a lieu de joindre l'ensemble de ces requêtes pour y statuer par une seule décision.

Sur les interventions :

7. La société VPF France justifie d'un intérêt suffisant à l'abrogation de l'article R. 5132-86 du code de la santé publique et de l'arrêté du 22 août 1990. Son intervention au soutien de la requête présentée par la Confédération des buralistes est ainsi recevable.

8. Le syndicat professionnel du chanvre justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation de l'arrêté du 30 décembre 2021. Son intervention au soutien de la requête présentée par la société Green Leaf Company est ainsi recevable.

Sur les conclusions dirigées contre les refus d'abroger :

9. L'autorité compétente, saisie d'une demande d'abrogation d'un règlement illégal, est tenue d'y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l'illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date. Lorsque, postérieurement à l'introduction d'une requête dirigée contre un refus d'abroger des dispositions à caractère réglementaire, l'autorité qui a pris le règlement litigieux procède à son abrogation expresse ou implicite, le litige né de ce refus d'abroger perd son objet. Il en va toutefois différemment lorsque cette même autorité reprend, dans un nouveau règlement, les dispositions qu'elle abroge, sans les modifier ou en ne leur apportant que des modifications de pure forme. Il n'y a plus lieu de statuer, en revanche, sur la légalité de dispositions reprises avec des modifications qui ne sont pas de pure forme.

10. Postérieurement à l'introduction des requêtes de la Confédération des buralistes et de l'Association française des producteurs de cannabinoïdes dirigées contre les refus d'abroger, un nouvel arrêté du 30 décembre 2021 a, comme il a été dit au point 5, été pris en application de l'article R. 5132-86 du code la santé publique, abrogeant l'arrêté du 22 août 1990. En outre, le Premier ministre a, par le décret du 17 février 2022 relatif au cannabis à usage médical, modifié l'article R. 5132-86 du code de la santé publique et créé un article R. 5132-86-1 prévoyant que la culture, l'importation, l'exportation et l'utilisation, à des fins industrielles et commerciales, de variétés de Cannabis sativa L. dépourvues de propriétés stupéfiantes ou de produits contenant de telles variétés sont autorisées par arrêté des ministres chargés de l'agriculture, des douanes, de l'industrie et de la santé. Les dispositions contestées de l'article R. 5132-86, dans sa rédaction antérieure à ce décret, et de l'arrêté du 22 août 1990 ne peuvent être regardées comme ayant été reprises sans modifications autres que de pure forme par les dispositions désormais en vigueur du code de la santé publique et de l'arrêté du 30 décembre 2022. Il en résulte que les conclusions de la Confédération des buralistes et de l'Association des producteurs de cannabinoïdes tendant à l'annulation du refus d'abroger ces différentes dispositions ont perdu leur objet et qu'il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 30 décembre 2021 :

En ce qui concerne la légalité externe :

11. En premier lieu, si dans la rédaction de cet article en vigueur à la date de l'arrêté litigieux, le I de l'article R. 5132-86 du code de la santé publique interdit la production, la fabrication, le transport, l'importation, l'exportation, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition ou l'emploi de la plante de cannabis et de sa résine, le deuxième alinéa de son II prévoit que : " La culture, l'importation, l'exportation et l'utilisation industrielle et commerciale de variétés de cannabis dépourvues de propriétés stupéfiantes ou de produits contenant de telles variétés peuvent être autorisées, sur proposition du directeur général de l'agence, par arrêté des ministres chargés de l'agriculture, des douanes, de l'industrie et de la santé. " En vertu de ces dispositions, les ministres qu'elles désignent étaient compétents pour définir, sur proposition du directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, les conditions dans lesquelles certaines variétés de cannabis sont regardées comme dépourvues de propriétés stupéfiantes et peuvent être cultivées, importées, exportées ou utilisées à des fins industrielles et commerciales. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté du 30 décembre 2021 aurait été pris par une autorité incompétente.

12. En deuxième lieu, l'article 16 de la directive 2002/53/CE du Conseil du 13 juin 2002 concernant le catalogue commun des variétés des espèces de plantes agricoles prévoit, à son point 1., que les Etats membres veillent à ce que " les semences de variétés admises conformément aux dispositions de la présente directive ou conformément aux principes correspondant à ceux de la présente directive ne soient soumises à aucune restriction de commercialisation quant à la variété " et précise, à son point 2., les conditions dans lesquelles les Etats membres peuvent être autorisés par la Commission européenne à interdire l'utilisation d'une variété ou, s'il y a des raisons valables de considérer qu'elle présente un risque notamment pour la santé humaine, à prescrire des conditions d'utilisation des produits issus de la culture d'une variété inscrite au catalogue commun des variétés. Dès lors, toutefois, que les dispositions de l'arrêté contesté ne peuvent être regardéés comme instaurant une mesure d'interdiction d'utilisation d'une variété ou de prescription de conditions d'utilisation des produits issus de la culture d'une variété, au sens du point 2. de l'article 16 de la directive, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'il aurait dû, en application de ces dispositions, être autorisé par la Commission européenne.

13. En troisième lieu, il ressort des pièces des dossiers que l'arrêté du 30 décembre 2021 a été pris sur la proposition, qu'il reprend, de la directrice générale de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, laquelle n'avait pas à produire les éléments d'expertise sur lesquels elle se fondait. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté aurait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

14. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été pris en application du deuxième alinéa du II de l'article R. 5132-86 du code de la santé publique dans sa rédaction alors en vigueur.

15. D'une part, le moyen soulevé à l'encontre de l'arrêté attaqué, excipant de l'illégalité du I de cet article, ne peut qu'être écarté comme inopérant, ce I n'étant pas la base légale de l'arrêté et ce dernier n'ayant pas été pris pour son application.

16. S'agissant, d'autre part, du moyen excipant de l'illégalité du II du même article, dès lors que le cannabis est inscrit sur la liste des substances stupéfiantes, sans distinction entre variétés, par l'arrêté du 22 février 1990 pris en application de l'article L. 5132-7 du code de la santé publique, le Premier ministre pouvait, sur le fondement de l'article L. 5132-8 de ce code, préciser, par le II de l'article R. 5132-86, les conditions de culture, d'importation, d'exportation et d'utilisation de variétés de cannabis " dépourvues de propriétés stupéfiantes ". A ce titre, il ressort des pièces des dossiers que si le cannabidiol et le delta-9-tétrahydrocannabinol sont deux des principaux cannabinoïdes végétaux essentiellement concentrés dans les fleurs et les feuilles de la plante de Cannabis sativa L., également appelée cannabis ou chanvre, leur teneur respective varie fortement selon les variétés de cette plante. En outre, il en ressort également qu'en l'état des données de la science, si le cannabidiol a des propriétés décontractantes et relaxantes ainsi que des effets anticonvulsivants, il ne présente pas de propriétés psychotropes et il ne comporte pas les mêmes effets indésirables que le delta-9-tétrahydrocannabinol, identifié comme le principal composant psychoactif du cannabis susceptible notamment de faire naître un effet de dépendance. Il en résulte que des variétés de cannabis dépourvues de propriétés stupéfiantes peuvent être distinguées en raison de leur faible teneur en delta-9-tétrahydrocannabinol. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité du II de l'article R. 5132-86 du code de la santé publique doit être écarté.

17. En deuxième lieu, c'est par des dispositions suffisamment claires et précises que le III de l'arrêté contesté limite à 0,30 % la teneur en delta-9-tétrahydrocannabinol des extraits de chanvre autorisés, c'est-à-dire des huiles ou isolats extraits de la plante de chanvre, ainsi que des produits qui les intègrent. Par suite, les dispositions de ce III ne méconnaissent pas l'objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme.

18. En troisième lieu, toutefois, les mesures prises sur le fondement de l'article L. 5132-8 du code de la santé publique doivent être justifiées au regard de l'objectif de santé publique poursuivi et proportionnées aux risques pour la santé que présentent les substances vénéneuses ainsi réglementées.

19. D'une part, l'arrêté contesté retient le taux maximum de 0,30 % de delta-9-tétrahydrocannabinol pour caractériser, au I de son article 1er, les variétés de cannabis dépourvues de propriétés stupéfiantes dont la culture, l'importation, l'exportation et l'utilisation industrielle et commerciale sont autorisées et, au III de ce même article, les extraits issus de ces variétés autorisés. Il ressort des pièces des dossiers que les risques pour la santé dépendent des quantités de delta-9-tétrahydrocannabinol effectivement ingérées en fonction des produits consommés et des modes de consommation. Il ne ressort en revanche pas des pièces des dossiers que, en l'état des données de la science, les autres molécules présentes dans les fleurs et feuilles de cannabis, notamment le cannabidiol, puissent être regardées comme revêtant une nocivité particulière. Si le taux de 0,30 % de delta-9-tétrahydrocannabinol n'est pas un seuil d'innocuité, il ne ressort d'aucune pièce versée aux dossiers que les fleurs et feuilles de variétés de cannabis présentant une teneur en delta-9-tetrahydrocannabinol inférieure à 0,30 % présenteraient des risques pour la santé publique justifiant une mesure d'interdiction générale et absolue de leur commercialisation et la restriction de leur récolte, importation et commercialisation à des fins de production industrielle d'extraits de chanvre.

20. D'autre part, si les ministres font valoir que la circulation des fleurs et feuilles de variétés de cannabis dépourvues de propriétés stupéfiantes, par leur ressemblance avec les fleurs et feuilles issues de variétés de cette plante présentant des propriétés stupéfiantes, compromettrait l'efficacité de la politique de lutte contre les stupéfiants et notamment le dispositif d'amende forfaitaire délictuelle prévu au troisième alinéa de l'article L. 3142-1 du code de la santé publique applicable en cas d'usage illicite de stupéfiants, il ressort des pièces des dossiers que la teneur en delta-9-tétrahydrocannabinol des fleurs et de feuilles peut être contrôlée au moyen de tests rapides et peu coûteux permettant d'identifier celles consommées pour leurs propriétés stupéfiantes. Dès lors, le risque allégué de contestation systématique de l'infraction constatée s'opposant à l'application de l'amende forfaitaire délictuelle, qui ne constitue d'ailleurs qu'une option de poursuite permettant l'extinction de l'action publique par le paiement d'une amende dans les conditions prévues aux articles 495-17 et suivants du code pénal, n'est, contrairement à ce que soutiennent les ministres, pas établi. Il en résulte que le motif, invoqué par les ministres, tenant à la protection de l'ordre public et aux risques pour la santé publique que présentent d'autres variétés de cannabis d'aspect similaire ne peut, en tout état de cause, justifier la restriction de l'utilisation des fleurs et feuilles des variétés présentant une teneur en delta-9-tétrahydrocannabinol inférieure à 0,30 % à la seule production industrielle d'extraits de chanvre.

21. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que l'interdiction de la commercialisation des fleurs et feuilles brutes des variétés de Cannabis sativa L. présentant un taux de delta-9-tetrahydrocannabinol inférieur à 0,30 % n'est pas proportionnée et à demander, pour ce motif, l'annulation du premier alinéa du II de cet article 1er ainsi, en conséquence, que celle du second alinéa de ce II.

22. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des requêtes portant sur les mêmes dispositions et sans qu'il y ait lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel ou de faire droit aux conclusions à fin d'injonction, les requérants sont fondés à demander l'annulation du II de l'article 1er de l'arrêté du 30 décembre 2021.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

23. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à la Confédération des buralistes, à l'Association française des producteurs de cannabinoïdes, à la société Slow et autres, à la société Mister Flower Avenue Niel et autres, à la société Weedstock et autres, à la société Green Leaf Company, à la société Shyw, à l'Union des professionnels du CBD, au syndical professionnel du chanvre, à la société Green Carpathes Corp, à la société Ioda, à la société TDAMD et autres, à la société Dream flower CBD Shop et à la société Santino et autres.



D E C I D E :
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Article 1er : Les interventions présentées par la société VPF France et par le syndicat professionnel du chanvre sont admises.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation présentées par la Confédération des buralistes et sur les conclusions à fin d'annulation présentées sous le n°455024 par l'Association française des producteurs de cannabinoïdes.
Article 3 : Le II de l'article 1er de l'arrêté du 30 décembre 2021 est annulé.
Article 4 : L'Etat versera au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative une somme de 1 000 euros à la Confédération des buralistes, une somme de 1 000 euros à l'Association française des producteurs de cannabinoïdes, une somme de 1 000 euros à la société Slow et autres, une somme de 1 000 euros à la société Mister Flower Avenue Niel et autres, une somme de 1 000 euros à la société Weedstock et autres, une somme de 1 000 euros à la société Green Leaf Company, une somme de 1 000 euros à la société Shyw, une somme de 1 000 euros à l'Union des professionnels du CBD, une somme de 1 000 euros au syndicat professionnel du chanvre, une somme de 1 000 euros à la société Green Carpathes Corp, une somme de 1 000 euros à la société Ioda, une somme de 1 000 euros à la société TDAMD et autres, une somme de 1 000 euros à la société Dream flower CBD Shop et une somme de 1 000 euros à la société Santino et autres.
Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la Confédération des buralistes, à l'Association française des producteurs de cannabinoïdes, à la société par actions simplifiée Slow pour l'ensemble des requérantes sous le n° 460291, à la société par actions simplifiée Mister Flower Avenue Niel pour l'ensemble des sociétés requérantes sous le n° 460297, à la société par actions simplifiée unipersonnelle Weedstock pour l'ensemble des sociétés requérantes sous le n° 460298, à la société par actions simplifiée Green Leaf Company, à la société par actions simplifiée Shyw, à l'Union des professionnels du CBD, au syndicat professionnel du chanvre, à la société par actions simplifiée Green Carpathes Corps, à la société par actions simplifiée Ioda, à la société à responsabilité limitée TDAMD pour l'ensemble des sociétés requérantes sous le n° 461912, à la société par actions simplifiée Dream flower CBD Shop, à la société par actions simplifiée Santino pour l'ensemble des requérantes sous le n° 461975, à la société par actions simplifiée VPF France, au ministre de la santé et de la prévention et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Copie en sera adressée à la Première ministre, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré à l'issue de la séance du 14 décembre 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes et Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Damien Botteghi et M. Alban de Nervaux et M. Yves Doutriaux, conseillers d'Etat ; Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, maître des requêtes et Mme Manon Chonavel, auditrice-rapporteure.

Rendu le 29 décembre 2022.


Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Manon Chonavel
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber