Conseil d'État
N° 463591
ECLI:FR:CECHS:2022:463591.20221223
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre
Mme Rose-Marie Abel, rapporteur
M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public
SARL LE PRADO - GILBERT ; SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY, avocats
Lecture du vendredi 23 décembre 2022
Vu la procédure suivante :
Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 21 mars 2022 par lequel le maire de Bouillargues (Gard) l'a radiée des cadres pour abandon de poste, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cet acte et d'enjoindre à la commune de la réintégrer dans ses effectifs dans l'attente du jugement de l'affaire au fond en lui proposant une fiche de poste en adéquation avec les restrictions médicales posées par le médecin de prévention. Par une ordonnance n° 2201016 du 15 avril 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a suspendu l'exécution de l'arrêté du 21 mars 2022 par lequel le maire de Bouillargues a radié des cadres Mme A... et enjoint au maire de la réintégrer à titre provisoire dans les effectifs de la commune et de régulariser sa situation dans un délai de huit jours à compter de la notification de cette ordonnance.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 avril 2022 et 13 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Bouillargues demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de Mme A... ;
3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Rose-Marie Abel, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la commune de Bouillargues et à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de Mme B... A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que Mme A..., agent de la commune de Bouillargues, a été radiée des cadres de la commune pour abandon de poste par arrêté du maire en date du 21 mars 2022. Le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a estimé que le moyen tiré de ce que Mme A... n'aurait pas été régulièrement mise en demeure de reprendre ses fonctions était de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision de radiation des cadres. Il a en conséquence suspendu, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté précité par son ordonnance du 15 avril 2022. La commune de Bouillargues se pourvoit en cassation contre cette ordonnance.
Sur le pourvoi :
3. Une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être légalement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il court d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l'agent ne s'est pas présenté et n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la commune de Bouillargues a adressé à Mme A..., le 1er mars 2022, un courrier qu'elle a reçu le 3 mars suivant, la mettant en demeure de reprendre ses fonctions au plus tard le 18 mars à 8 h 30 et l'informant qu'en l'absence de retour à son poste, la commune serait contrainte d'engager à son encontre une procédure pour abandon de poste engendrant une radiation des cadres sans procédure disciplinaire. La commune l'informait en outre qu'elle avait épuisé ses droits à congé de maladie ordinaire depuis le 5 janvier 2022 et que l'arrêt de prolongation de son arrêt de travail jusqu'au 15 mars 2022 ne faisait état d'aucun élément nouveau relatif à son état de santé. Par conséquent, en jugeant qu'était de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée le moyen tiré de ce que Mme A... n'avait pas été régulièrement mise en demeure de reprendre ses fonctions, le juge des référés a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.
5. Il résulte de ce qui précède que la commune de Bouillargues est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.
Sur la demande de suspension de l'arrêté du 21 mars 2022 :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de suspension en application des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative.
7. Pour demander la suspension de l'arrêté litigieux, Mme A... soutient qu'elle n'a pas été régulièrement mise en demeure de reprendre ses fonctions, qu'elle a fourni un certificat médical attestant de son état de santé et qu'elle n'a jamais voulu rompre le lien avec le service. En l'état de l'instruction, aucun de ces moyens n'est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition tenant à l'urgence, que Mme A... n'est pas fondée à demander la suspension de l'exécution de l'arrêté du 21 mars 2022 par lequel le maire de Bouillargues l'a radiée des cadres.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Bouillargues, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme que la commune de Bouillargues demande au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du 15 avril 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes est annulée.
Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par Mme A... et la commune de Bouillargues au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Bouillargues et à Mme B... A....
Délibéré à l'issue de la séance du 15 décembre 2022 où siégeaient : M. Guillaume Goulard, président de chambre, présidant ; M. Stéphane Verclytte, conseiller d'Etat et Mme Rose-Marie Abel, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 23 décembre 2022.
Le président :
Signé : M. Guillaume Goulard
La rapporteure :
Signé : Mme Rose-Marie Abel
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova
N° 463591
ECLI:FR:CECHS:2022:463591.20221223
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre
Mme Rose-Marie Abel, rapporteur
M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public
SARL LE PRADO - GILBERT ; SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY, avocats
Lecture du vendredi 23 décembre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 21 mars 2022 par lequel le maire de Bouillargues (Gard) l'a radiée des cadres pour abandon de poste, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cet acte et d'enjoindre à la commune de la réintégrer dans ses effectifs dans l'attente du jugement de l'affaire au fond en lui proposant une fiche de poste en adéquation avec les restrictions médicales posées par le médecin de prévention. Par une ordonnance n° 2201016 du 15 avril 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a suspendu l'exécution de l'arrêté du 21 mars 2022 par lequel le maire de Bouillargues a radié des cadres Mme A... et enjoint au maire de la réintégrer à titre provisoire dans les effectifs de la commune et de régulariser sa situation dans un délai de huit jours à compter de la notification de cette ordonnance.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 avril 2022 et 13 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Bouillargues demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de Mme A... ;
3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Rose-Marie Abel, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la commune de Bouillargues et à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de Mme B... A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que Mme A..., agent de la commune de Bouillargues, a été radiée des cadres de la commune pour abandon de poste par arrêté du maire en date du 21 mars 2022. Le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a estimé que le moyen tiré de ce que Mme A... n'aurait pas été régulièrement mise en demeure de reprendre ses fonctions était de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision de radiation des cadres. Il a en conséquence suspendu, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté précité par son ordonnance du 15 avril 2022. La commune de Bouillargues se pourvoit en cassation contre cette ordonnance.
Sur le pourvoi :
3. Une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être légalement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il court d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l'agent ne s'est pas présenté et n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la commune de Bouillargues a adressé à Mme A..., le 1er mars 2022, un courrier qu'elle a reçu le 3 mars suivant, la mettant en demeure de reprendre ses fonctions au plus tard le 18 mars à 8 h 30 et l'informant qu'en l'absence de retour à son poste, la commune serait contrainte d'engager à son encontre une procédure pour abandon de poste engendrant une radiation des cadres sans procédure disciplinaire. La commune l'informait en outre qu'elle avait épuisé ses droits à congé de maladie ordinaire depuis le 5 janvier 2022 et que l'arrêt de prolongation de son arrêt de travail jusqu'au 15 mars 2022 ne faisait état d'aucun élément nouveau relatif à son état de santé. Par conséquent, en jugeant qu'était de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée le moyen tiré de ce que Mme A... n'avait pas été régulièrement mise en demeure de reprendre ses fonctions, le juge des référés a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.
5. Il résulte de ce qui précède que la commune de Bouillargues est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.
Sur la demande de suspension de l'arrêté du 21 mars 2022 :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de suspension en application des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative.
7. Pour demander la suspension de l'arrêté litigieux, Mme A... soutient qu'elle n'a pas été régulièrement mise en demeure de reprendre ses fonctions, qu'elle a fourni un certificat médical attestant de son état de santé et qu'elle n'a jamais voulu rompre le lien avec le service. En l'état de l'instruction, aucun de ces moyens n'est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition tenant à l'urgence, que Mme A... n'est pas fondée à demander la suspension de l'exécution de l'arrêté du 21 mars 2022 par lequel le maire de Bouillargues l'a radiée des cadres.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Bouillargues, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme que la commune de Bouillargues demande au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du 15 avril 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes est annulée.
Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par Mme A... et la commune de Bouillargues au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Bouillargues et à Mme B... A....
Délibéré à l'issue de la séance du 15 décembre 2022 où siégeaient : M. Guillaume Goulard, président de chambre, présidant ; M. Stéphane Verclytte, conseiller d'Etat et Mme Rose-Marie Abel, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 23 décembre 2022.
Le président :
Signé : M. Guillaume Goulard
La rapporteure :
Signé : Mme Rose-Marie Abel
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova