Conseil d'État
N° 461887
ECLI:FR:CECHR:2022:461887.20221209
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
Mme Alexandra Bratos, rapporteur
M. Laurent Domingo, rapporteur public
Lecture du vendredi 9 décembre 2022
Vu la procédure suivante :
La société à responsabilité limitée (SARL) Fiorim, co-associée de la SCI Les Terrasses du Prieuré, a demandé au tribunal administratif de Grenoble, à titre principal, de la décharger des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012, de rétablir le montant du déficit industriel et commercial qu'elle a déclaré au titre de cette année et, à titre subsidiaire, de la décharger de la majoration de 40 % qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1728 du code général des impôts ou de ramener son taux à 10 %.
Par un jugement n°s 1800350 et 1800351 du 5 juin 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Par un arrêt n°s 20LY01780 et 20LY01782 du 13 janvier 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a déchargé la SARL Fiorim de la majoration de 40 % prise sur le fondement du b. du 1 de l'article 1728 du code général des impôts dont a été assortie la cotisation d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2012, réformé le jugement dans cette mesure et rejeté le surplus des conclusions à fins de décharge de la société.
Par un pourvoi et un mémoire en réplique enregistrés les 25 février et 5 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt attaqué en tant qu'il décharge la SARL Fiorim de la majoration prise sur le fondement du b. du 1 de l'article 1728 du code général des impôts.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Alexandra Bratos, auditrice,
- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Le mémoire en défense présenté par la SARL Fiorim sans le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, alors que cette société a été informée de l'obligation d'y recourir, doit être écarté des débats.
2. La SCI Les Terrasses du Prieuré, ayant pour associés, à hauteur de 1 % des parts, M. B... et, pour 99 % des parts, la SARL Fiorim, elle-même détenue à parts égales par M. et Mme B..., a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2011 à 2013 à l'issue de laquelle l'administration fiscale a réintégré dans son résultat imposable de l'exercice clos en 2012 une provision pour litige de 700 000 euros portée en comptabilité, au motif que sa déclaration de résultats avait été souscrite après l'expiration du délai légal de déclaration. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 13 janvier 2022 en tant que la cour administrative d'appel de Lyon a fait droit à la demande de décharge de la majoration de 40 % mise à la charge de la SARL Fiorim sur le fondement du b. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts.
3. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) / b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai (...) ".
4. Tant le principe de responsabilité personnelle que le principe de personnalité des peines s'opposent à ce que des pénalités fiscales, qui présentent le caractère d'une punition tendant à empêcher la réitération des agissements qu'elles visent, puissent être prononcées à l'encontre de contribuables lorsque ceux-ci n'ont pas participé aux agissements que ces pénalités répriment. Doit être regardé comme ayant pris personnellement part à un tel manquement la personne morale associée d'une société de personnes dont le gérant est aussi celui de cette société de personnes, ainsi que, le cas échéant, ce gérant s'il est lui-même associé de cette dernière société.
5. Les dispositions de l'article 1728 du code général des impôts, selon lesquelles les suppléments de droits mis à la charge du contribuable peuvent être assortis d'une majoration en cas de défaut ou de retard de production d'une déclaration fiscale, ne sauraient être interprétées comme autorisant l'administration à mettre cette pénalité à la charge du contribuable lorsque celui-ci n'a pas pris personnellement part au défaut ou au retard déclaratif.
6. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour prononcer la décharge de la majoration mise à la charge de la SARL Fiorim, associée de la SCI Les Terrasses du Prieuré, la cour administrative d'appel de Lyon s'est fondée sur la circonstance que l'administration n'établissait pas la participation de la SARL Fiorim au retard déclaratif de la SCI Les Terrasses du Prieuré. En statuant ainsi, alors qu'il est constant que M. B... était gérant tant de la SCI Les Terrasses du Prieuré que de la SARL Fiorim, de sorte que les pénalités prévues au b. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts pouvaient être mises à la charge de cette dernière société, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit. Dès lors, les articles 1er et 2 de son arrêt doivent être annulés.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les articles 1er et 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 13 janvier 2022 sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à la SARL Fiorim et à M. A... B....
Délibéré à l'issue de la séance du 25 novembre 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, Mme Isabelle Lemesle, M. Nicolas Polge, Mme Rozen Noguellou, conseillers d'Etat et Mme Alexandra Bratos, auditrice-rapporteure.
Rendu le 9 décembre 2022.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Alexandra Bratos
La secrétaire :
Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana
N° 461887
ECLI:FR:CECHR:2022:461887.20221209
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
Mme Alexandra Bratos, rapporteur
M. Laurent Domingo, rapporteur public
Lecture du vendredi 9 décembre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société à responsabilité limitée (SARL) Fiorim, co-associée de la SCI Les Terrasses du Prieuré, a demandé au tribunal administratif de Grenoble, à titre principal, de la décharger des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012, de rétablir le montant du déficit industriel et commercial qu'elle a déclaré au titre de cette année et, à titre subsidiaire, de la décharger de la majoration de 40 % qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1728 du code général des impôts ou de ramener son taux à 10 %.
Par un jugement n°s 1800350 et 1800351 du 5 juin 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Par un arrêt n°s 20LY01780 et 20LY01782 du 13 janvier 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a déchargé la SARL Fiorim de la majoration de 40 % prise sur le fondement du b. du 1 de l'article 1728 du code général des impôts dont a été assortie la cotisation d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2012, réformé le jugement dans cette mesure et rejeté le surplus des conclusions à fins de décharge de la société.
Par un pourvoi et un mémoire en réplique enregistrés les 25 février et 5 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt attaqué en tant qu'il décharge la SARL Fiorim de la majoration prise sur le fondement du b. du 1 de l'article 1728 du code général des impôts.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Alexandra Bratos, auditrice,
- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Le mémoire en défense présenté par la SARL Fiorim sans le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, alors que cette société a été informée de l'obligation d'y recourir, doit être écarté des débats.
2. La SCI Les Terrasses du Prieuré, ayant pour associés, à hauteur de 1 % des parts, M. B... et, pour 99 % des parts, la SARL Fiorim, elle-même détenue à parts égales par M. et Mme B..., a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2011 à 2013 à l'issue de laquelle l'administration fiscale a réintégré dans son résultat imposable de l'exercice clos en 2012 une provision pour litige de 700 000 euros portée en comptabilité, au motif que sa déclaration de résultats avait été souscrite après l'expiration du délai légal de déclaration. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 13 janvier 2022 en tant que la cour administrative d'appel de Lyon a fait droit à la demande de décharge de la majoration de 40 % mise à la charge de la SARL Fiorim sur le fondement du b. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts.
3. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) / b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai (...) ".
4. Tant le principe de responsabilité personnelle que le principe de personnalité des peines s'opposent à ce que des pénalités fiscales, qui présentent le caractère d'une punition tendant à empêcher la réitération des agissements qu'elles visent, puissent être prononcées à l'encontre de contribuables lorsque ceux-ci n'ont pas participé aux agissements que ces pénalités répriment. Doit être regardé comme ayant pris personnellement part à un tel manquement la personne morale associée d'une société de personnes dont le gérant est aussi celui de cette société de personnes, ainsi que, le cas échéant, ce gérant s'il est lui-même associé de cette dernière société.
5. Les dispositions de l'article 1728 du code général des impôts, selon lesquelles les suppléments de droits mis à la charge du contribuable peuvent être assortis d'une majoration en cas de défaut ou de retard de production d'une déclaration fiscale, ne sauraient être interprétées comme autorisant l'administration à mettre cette pénalité à la charge du contribuable lorsque celui-ci n'a pas pris personnellement part au défaut ou au retard déclaratif.
6. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour prononcer la décharge de la majoration mise à la charge de la SARL Fiorim, associée de la SCI Les Terrasses du Prieuré, la cour administrative d'appel de Lyon s'est fondée sur la circonstance que l'administration n'établissait pas la participation de la SARL Fiorim au retard déclaratif de la SCI Les Terrasses du Prieuré. En statuant ainsi, alors qu'il est constant que M. B... était gérant tant de la SCI Les Terrasses du Prieuré que de la SARL Fiorim, de sorte que les pénalités prévues au b. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts pouvaient être mises à la charge de cette dernière société, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit. Dès lors, les articles 1er et 2 de son arrêt doivent être annulés.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les articles 1er et 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 13 janvier 2022 sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à la SARL Fiorim et à M. A... B....
Délibéré à l'issue de la séance du 25 novembre 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, Mme Isabelle Lemesle, M. Nicolas Polge, Mme Rozen Noguellou, conseillers d'Etat et Mme Alexandra Bratos, auditrice-rapporteure.
Rendu le 9 décembre 2022.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Alexandra Bratos
La secrétaire :
Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana