Conseil d'État
N° 458455
ECLI:FR:CECHR:2022:458455.20221123
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
Mme Airelle Niepce, rapporteur
M. Stéphane Hoynck, rapporteur public
Lecture du mercredi 23 novembre 2022
Vu la procédure suivante :
Par une requête, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 16 novembre 2021 et 1er, 19 et 22 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association France nature environnement demande au Conseil d'Etat :
1°) avant dire-droit, de transmettre à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle portant sur l'interprétation de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les articles 2 à 8, et 13 du décret n° 2021-1345 du 13 octobre 2021 portant modification des dispositions relatives à l'évaluation environnementale des documents d'urbanisme et des unités touristiques nouvelles ;
3°) d'enjoindre au Premier ministre d'adopter, dans un délai de 3 mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 30 000 euros par jour de retard, les dispositions réglementaires rendues nécessaires par cette décision ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros à verser à l'association requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment son article 267 ;
- la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 ;
- la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le décret n° 2020-844 du 3 juillet 2020 ;
- l'arrêt C-567/10 du 22 mars 2012 de la Cour de justice de l'Union européenne ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Airelle Niepce, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
Sur le cadre juridique du litige :
1. L'article 2 de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement définit comme plans et programmes soumis à ses dispositions : les " plans et programmes, (...) ainsi que leurs modifications : - élaborés et/ou adoptés par une autorité au niveau national, régional ou local ou élaborés par une autorité en vue de leur adoption par le parlement ou par le gouvernement, par le biais d'une procédure législative, et - exigés par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives (...) ". Son article 3 prévoit qu'une évaluation environnementale, qui doit, selon son article 4, être effectuée " pendant l'élaboration du plan ou du programme et avant qu'il ne soit adopté ou soumis à la procédure législative ", est nécessaire, sous réserve des dispositions du paragraphe 3 de cet article 3, de façon systématique, pour les plans et programmes mentionnés à son paragraphe 2, et, pour les plans et programmes, autres que ceux visés au paragraphe 2, dans le cas où ils sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement. A cet égard, le paragraphe 5 de l'article 3 de la directive prévoit que : " 5. Les États membres déterminent si les plans ou programmes visés aux paragraphes 3 et 4 sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, soit en procédant à un examen au cas par cas, soit en déterminant des types de plans et programmes ou en combinant ces deux approches. À cette fin, les États membres tiennent compte, en tout état de cause, des critères pertinents fixés à l'annexe II, afin de faire en sorte que les plans et programmes susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement soient couverts par la présente directive. " L'annexe II de la directive précise les critères permettant de déterminer l'ampleur probable des incidences sur l'environnement d'un plan ou programme permettant d'identifier ceux qui, en application de ce paragraphe 5 de l'article 3, doivent faire l'objet d'une évaluation environnementale. Par ailleurs, le paragraphe 6 de l'article 3 de la directive prévoit que : " Pour l'examen au cas par cas et pour la détermination des types de plans et programmes conformément au paragraphe 5, les autorités visées à l'article 6, paragraphe 3, sont consultées " et le paragraphe 3 de son article 6 que : " 3. Les États membres désignent les autorités qu'il faut consulter et qui, étant donné leur responsabilité spécifique en matière d'environnement, sont susceptibles d'être concernées par les incidences environnementales de la mise en oeuvre de plans et de programmes. "
2. L'article L. 122-4 du code de l'environnement, pris notamment pour la transposition des articles 2 et 3 de la directive du 27 juin 2001 précitée, précise les plans et programmes devant faire l'objet d'une évaluation environnementale dans les conditions définies par ce code. S'agissant toutefois des plans et programmes régis par les dispositions du code de l'urbanisme, son VI dispose que : " Par dérogation aux dispositions du présent code, les plans et programmes mentionnés aux articles L. 104-1 et L. 104-2 du code de l'urbanisme font l'objet d'une évaluation environnementale dans les conditions définies au chapitre IV du titre préliminaire du code de l'urbanisme. "
3. Les articles L. 104-1 à L. 104-2-1 du code de l'urbanisme précisent les plans et programmes régis par ce code devant faire l'objet d'une évaluation environnementale. Par ailleurs, l'article L. 104-3 du même code dispose que : " Sauf dans le cas où elles ne prévoient que des changements qui ne sont pas susceptibles d'avoir des effets notables sur l'environnement, au sens de l'annexe II à la directive 2001/42/ CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001, les procédures d'évolution des documents mentionnés aux articles L. 104-1 et L. 104-2 donnent lieu soit à une nouvelle évaluation environnementale, soit à une actualisation de l'évaluation environnementale réalisée lors de leur élaboration. / Un décret en Conseil d'Etat détermine les critères en fonction desquels cette nouvelle évaluation environnementale ou cette actualisation doivent être réalisées de manière systématique ou après un examen au cas par cas. "
4. Le décret du 13 octobre 2021 portant modification des dispositions relatives à l'évaluation environnementale des documents d'urbanisme et des unités touristiques nouvelles, qui modifie diverses dispositions du code de l'urbanisme, a été pris notamment pour l'application de ces dispositions. L'association France Nature Environnement demande l'annulation pour excès de pouvoir des articles 2 à 8 et 13 de ce décret.
Sur les conclusions aux fins d'annulation partielle :
En ce qui concerne le champ d'application de l'évaluation environnementale :
5. Il résulte de l'article 2 de directive du 27 juin 2001 précitée que les plans et programmes auxquels elle est applicable sont ceux qu'elle mentionne, ainsi que leurs modifications. Si la directive ne mentionne pas explicitement les actes d'abrogation, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé, dans son arrêt rendu le 22 mars 2012 dans l'affaire C-567/10, Inter-Environnement Bruxelles ASBL, qu'il n'est pas exclu que l'abrogation partielle ou totale d'un plan ou d'un programme soit susceptible d'avoir des effets notables sur l'environnement, en ce qu'elle peut comporter une modification de la planification envisagée sur les territoires concernés. Il appartient ainsi aux Etats membres de prendre en considération l'impact environnemental d'une abrogation d'un plan ou d'un programme en vue de déterminer ses éventuelles incidences ultérieures sur l'environnement.
6. Les dispositions des articles R. 104-3 à R. 104-17-2 du code de l'urbanisme, dans leur rédaction issue des articles 2 à 8 du décret attaqué, précisent le champ d'application de l'évaluation environnementale, s'agissant des procédures d'élaboration et d'évolution des plans et programmes régis par ce code. Si ces dispositions ne mentionnent expressément que les procédures d'élaboration, de révision et de modification, il résulte de ce qui vient d'être dit au point 5 qu'elles doivent être interprétées comme étant en principe applicables aux procédures d'abrogation totale ou partielle des documents d'urbanisme qu'elles mentionnent. A cet égard, les modalités de l'évaluation environnementale applicables aux procédures d'élaboration de ces documents d'urbanisme doivent être regardées comme applicables aux procédures relatives à leur abrogation totale, et les modalités de l'évaluation environnementale applicables aux procédures de révision ou de modification de ces documents doivent être regardées comme applicables aux procédures relatives à leur abrogation partielle selon que cette abrogation partielle peut être assimilée à une révision ou une modification, en vertu des dispositions applicables définissant le champ d'application de ces procédures. Par suite, le moyen tiré de ce que ces dispositions seraient illégales faute, d'une part, de soumettre à évaluation environnementale les procédures d'abrogation des actes qu'elles visent et, d'autre part, de préciser les modalités de cette évaluation environnementale doit être écarté.
En ce qui concerne le renvoi aux critères de l'annexe II de la directive du 27 juin 2001 :
7. Si en principe les directives de l'Union européenne doivent faire l'objet d'une transposition dans le droit interne des Etats membres destinée à permettre d'une façon suffisamment claire et précise leur pleine application, aucune disposition de la directive du 27 juin 2001 précitée, comme aucune autre disposition du droit de l'Union européenne, ne s'oppose par principe à ce qu'un acte de droit interne procède à la transposition des dispositions d'une directive " par référence " à certaines dispositions de celle-ci, sous réserve que, ce faisant, l'acte renvoie, de façon claire et intelligible, à des dispositions ciblées et précises de la directive ne laissant pas de marge d'appréciation aux Etat membres, et, le cas échéant, ne comporte aucune ambiguïté sur la version de la directive à laquelle il est ainsi renvoyé.
8. En l'espèce, les articles R. 104-5, R. 104-8, R. 104-10, R. 104-11, R. 104-12, R. 104-14, R. 104-16, R. 104-17-2 et R. 104-34 du code de l'urbanisme, dans leur rédaction issue des articles 4, 5, 6, 7, 8 et 13 du décret attaqué sont relatifs aux procédures d'élaboration, de révision, de modification ou encore de mise en compatibilité de divers documents d'urbanisme. Ils précisent les conditions dans lesquelles ces procédures font l'objet d'une évaluation environnementale soit de façon systématique, dans les hypothèses qu'ils prévoient, tel le cas où le document permet la réalisation de travaux, aménagements, ouvrages ou installations susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000, soit, le cas échéant, après un examen au cas par cas, dans l'hypothèse où les documents en cause sont " susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement au regard des critères de l'annexe II de la directive du 27 juin 2001 " précitée. Aux termes de l'annexe II de la directive du 27 juin 2001, intitulée " Critères permettant de déterminer l'ampleur probable des incidences visées à l'article 3, paragraphe 5 ", ceux-ci sont : " 1. Les caractéristiques des plans et programmes, notamment : / - la mesure dans laquelle le plan ou programme concerné définit un cadre pour d'autres projets ou activités, en ce qui concerne la localisation, la nature, la taille et les conditions de fonctionnement ou par une allocation de ressources, / - la mesure dans laquelle un plan ou un programme influence d'autres plans ou programmes, y compris ceux qui font partie d'un ensemble hiérarchisé, / - l'adéquation entre le plan ou le programme et l'intégration des considérations environnementales, en vue, notamment de promouvoir un développement durable, / - les problèmes environnementaux liés au plan ou au programme, / - l'adéquation entre le plan ou le programme et la mise en oeuvre de la législation communautaire relative à l'environnement (par exemple les plans et programmes touchant à la gestion des déchets et à la protection de l'eau). / 2. Caractéristiques des incidences et de la zone susceptibles d'être touchée, notamment : / - la probabilité, la durée, la fréquence et le caractère réversible des incidences, / - le caractère cumulatif des incidences, / - la nature transfrontière des incidences, / - les risques pour la santé humaine ou pour l'environnement (à cause d'accidents, par exemple), / - la magnitude et l'étendue spatiale géographique des incidences (zone géographique et taille de la population susceptible d'être touchée), / - la valeur et la vulnérabilité de la zone susceptible d'être touchée, en raison : / - de caractéristiques naturelles ou d'un patrimoine culturel particuliers, / - d'un dépassement des normes de qualité environnementale ou des valeurs limites, / - de l'exploitation intensive des sols, / - les incidences pour des zones ou des paysages jouissant d'un statut de protection reconnu au niveau national, communautaire ou international. "
9. D'une part, cette annexe définit de façon précise et dénuée d'ambiguïté plusieurs critères tenant soit aux caractéristiques des plans et programmes concernés, soit aux caractéristiques de leurs incidences et de la zone susceptible d'être affectée ne laissant pas de marge d'appréciation aux Etat membres. D'autre part, la référence à cette annexe dans les dispositions litigieuses doit être interprétée comme renvoyant à la version de cette annexe applicable à la date d'entrée en vigueur du décret attaqué, par ailleurs aisément accessible et qui, au demeurant, n'a jamais fait l'objet de modification depuis son adoption en 2001. Dans ces conditions, contrairement à ce qui est soutenu, le procédé retenu par le pouvoir réglementaire ne conduit pas à une incorrecte transposition de la directive et ne méconnaît ni les dispositions des articles L. 104-1 à L. 104-3 du code de l'urbanisme, ni les principes de clarté, d'accessibilité ou d'intelligibilité de la norme.
En ce qui concerne les moyens dirigés contre l'article 13 du décret attaqué :
10. Les dispositions de l'article 13 du décret attaqué ont modifié ou procédé à la réécriture des articles R. 104-28 à R. 104-37 du code de l'urbanisme afin de prévoir deux procédures distinctes d'examen au cas par cas de la nécessité de soumettre l'élaboration ou l'évolution d'un plan ou programme régi par le code de l'urbanisme à évaluation environnementale. Les articles R. 104-28 à R. 104-32, dans leur rédaction issue des 2° à 7° de l'article 13, précisent ainsi le champ d'application et les modalités de l'examen au cas par cas, lorsqu'il est réalisé par l'autorité environnementale, telle que désignée en vertu de dispositions de l'article R. 104-21 du même code. Les articles R. 104-33 à R. 104-37, dans leur rédaction issue du 8° de l'article 13 du décret attaqué, précisent pour leur part le champ d'application et les modalités de l'examen au cas par cas, lorsqu'il est réalisé par la personne publique responsable de la procédure d'élaboration ou d'évolution du plan ou programme concerné.
11. En premier lieu, en vertu des dispositions du VI de l'article L. 122-4 du code de l'environnement, citées au point 2, les conditions dans lesquelles les plans et programmes mentionnés aux articles L. 104-1 et L. 104-2 du code de l'urbanisme font l'objet d'une évaluation environnementale sont précisées au chapitre IV du titre préliminaire de ce code. Contrairement à ce qui est soutenu, aucune des dispositions de ce chapitre ne s'oppose à ce que l'autorité chargée de procéder à l'examen au cas par cas puisse, le cas échéant, être une autorité distincte de l'autorité à laquelle est susceptible d'être confiée cette évaluation environnementale. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions du 8° de l'article 13 du décret attaqué, qui instaurent, aux articles R. 104-33 à R. 104-37 du code de l'urbanisme, un examen au cas par cas réalisé par une autorité distincte de l'autorité environnementale, seraient dépourvues de base légale pour ce motif ne peut être qu'écarté.
12. En deuxième lieu, si, ainsi que le fait valoir l'association requérante, les dispositions de l'article 13 du décret attaqué sont susceptibles de conduire à ce que l'examen au cas par cas de la nécessité de soumettre l'élaboration ou l'évolution d'un plan ou programme à évaluation environnementale puisse être réalisé par des autorités différentes, les dispositions litigieuses permettent d'identifier avec une précision suffisante l'autorité chargée de cet examen au cas par cas pour les procédures d'élaboration ou d'évolution des plans et programmes concernés. Par ailleurs, la circonstance que le dispositif ainsi prévu serait complexe, compte-tenu des dispositions par ailleurs applicables à la détermination des projets devant être soumis à évaluation environnementale conformément aux exigences de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, n'est pas de nature, dans les circonstances de l'espèce, à affecter la légalité du décret attaqué dès lors que ses dispositions, d'une part, visent à satisfaire aux exigences de la directive du 27 juin 2001, d'autre part, ne méconnaissent pas le principe de clarté et d'intelligibilité de la norme .
13. En troisième lieu, la circonstance que les décisions prises sur le fondement des articles R. 104-33 à R. 104-37, dans leur rédaction issue du 8° de l'article 13 du décret attaqué, sont susceptibles d'être fragilisées par des recours contentieux est, par elle-même, sans incidence sur la légalité de ces dispositions. Par suite, le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient, pour ce motif, le principe de sécurité juridique doit être écarté.
14. En dernier lieu, l'association requérante soutient que les dispositions du 8° de l'article 13 du décret attaqué méconnaissent les exigences de la directive du 27 juin 2001 et le principe d'impartialité garanti par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen en ce qu'elles prévoient, dans certaines hypothèses, que la personne publique responsable de la procédure d'élaboration ou d'évolution d'un plan ou programme est chargée de déterminer au cas par cas si cette procédure doit conduire à la réalisation d'une évaluation environnementale.
15. Les dispositions de la directive du 27 juin 2001 citées au point 1 ont pour finalité de garantir que l'avis sur l'évaluation environnementale des plans et programmes susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement soit rendu, avant leur approbation ou leur autorisation afin de permettre la prise en compte de ces incidences, par une autorité compétente et objective en matière d'environnement. Les dispositions de l'article 3, paragraphe 6, imposent que cette autorité soit consultée dans le cadre de l'examen au cas par cas prévu au paragraphe 5 du même article, destiné à déterminer si un plan ou programme ou son évolution doit faire l'objet d'une évaluation environnementale.
16. Aux termes de l'article R. 104-33 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue du 8° de l'article 13 du décret attaqué : " Dans les cas mentionnés à l'article R. 104-8, au 2° de l'article R. 104-10, au II de l'article R. 104-11, à l'article R. 104-12, au 2° de l'article R. 104-14, à l'article R. 104-16 et à l'article R. 104-17-2, lorsqu'elle estime que l'élaboration de la carte communale, la création ou l'extension de l'unité touristique nouvelle ou l'évolution du schéma de cohérence territoriale, du plan local d'urbanisme ou de la carte communale est susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement, la personne publique responsable décide de réaliser une évaluation environnementale dans les conditions prévues aux articles R. 104-19 à R. 104-27. / Si tel n'est pas le cas, elle saisit l'autorité environnementale pour avis conforme dans les conditions prévues aux articles R. 104-34 à R. 104-37 et, au vu de cet avis conforme, prend une décision relative à la réalisation ou non d'une évaluation environnementale. " L'article R. 104-34 du même code, également dans sa rédaction issue du 8° de l'article 13 du décret attaqué, précise le contenu du dossier transmis par la personne publique responsable à l'autorité environnementale comportant notamment les " raisons pour lesquelles son projet ne serait pas susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement ", et l'article R. 104-35 du même code, dans sa rédaction issue du même 8° de l'article 13, les modalités d'examen de ce dossier par l'autorité environnementale. Aux termes du dernier alinéa de cet article : " Au regard du dossier mentionné à l'article R. 104-34, l'autorité environnementale rend un avis conforme, dans un délai de deux mois à compter de la réception initiale du dossier, sur l'absence de nécessité de réaliser une évaluation environnementale et le transmet à la personne publique responsable. En l'absence de réponse dans ce délai, l'avis de l'autorité environnementale est réputé favorable à l'exposé mentionné au 2° de l'article R. 104-34. L'avis ou la mention de son caractère tacite, ainsi que, dans ce dernier cas, le formulaire mentionné à l'article R. 104-34 sont mis en ligne sur le site internet de l'autorité environnementale et joints au dossier d'enquête publique ou de mise à disposition du public. " Par ailleurs, aux termes de l'article R. 104-37 du code de l'urbanisme, également dans sa rédaction issue du 8° de l'article 13 du décret attaqué : " La décision mentionnée à l'article R. 104-33 est motivée et publiée dans les conditions prévues aux articles R. 143-15 et R. 153-21, lequel s'applique également aux unités touristiques nouvelles pour l'application du présent paragraphe, ainsi qu'à l'article R. 163-9. "
17. Il résulte de ces dispositions que, dans tous les cas où elle estime que l'élaboration d'une carte communale, la création ou l'extension d'une unité touristique nouvelle ou l'évolution d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme ou d'une carte communale n'est pas susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement et, en conséquence, que la réalisation d'une évaluation environnementale n'est pas nécessaire, la personne publique responsable a l'obligation, avant toute décision, de saisir pour avis conforme l'autorité environnementale mentionnée à l'article R. 104-21 du code de l'urbanisme d'un dossier décrivant notamment les principales caractéristiques du documents d'urbanisme, ainsi que les raisons pour lesquelles elle estime que ce document n'est pas susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement. D'une part, la saisine pour avis conforme de l'autorité environnementale implique qu'en toute hypothèse l'évolution ou l'élaboration d'un document d'urbanisme ne pourra être dispensée de la réalisation d'une évaluation environnementale si cette autorité s'y oppose. D'autre part, si au terme d'un délai de deux mois à compter de sa saisine, l'autorité environnementale est réputée avoir rendu un avis favorable tacite à la solution envisagée par la personne publique responsable, cette dernière doit rendre une décision expresse motivée, exposant les raisons pour lesquelles une évaluation n'a pas été regardée comme nécessaire. Eu égard aux garanties entourant ainsi les conditions dans lesquelles une personne publique responsable est susceptible de retenir qu'il n'y a pas lieu de soumettre l'élaboration ou l'évolution d'un document d'urbanisme à la réalisation d'une évaluation environnementale, les dispositions du décret attaqué ne sauraient être regardées comme méconnaissant les exigences de la directive du 27 juin 2001 précitée, ni le principe d'impartialité.
18. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que l'association France nature environnement n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 13 octobre 2021 attaqué. Ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent par suite qu'être rejetées.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de l'association France nature environnement est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association France nature environnement, à la Première ministre et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
N° 458455
ECLI:FR:CECHR:2022:458455.20221123
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
Mme Airelle Niepce, rapporteur
M. Stéphane Hoynck, rapporteur public
Lecture du mercredi 23 novembre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 16 novembre 2021 et 1er, 19 et 22 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association France nature environnement demande au Conseil d'Etat :
1°) avant dire-droit, de transmettre à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle portant sur l'interprétation de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les articles 2 à 8, et 13 du décret n° 2021-1345 du 13 octobre 2021 portant modification des dispositions relatives à l'évaluation environnementale des documents d'urbanisme et des unités touristiques nouvelles ;
3°) d'enjoindre au Premier ministre d'adopter, dans un délai de 3 mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 30 000 euros par jour de retard, les dispositions réglementaires rendues nécessaires par cette décision ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros à verser à l'association requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment son article 267 ;
- la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 ;
- la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le décret n° 2020-844 du 3 juillet 2020 ;
- l'arrêt C-567/10 du 22 mars 2012 de la Cour de justice de l'Union européenne ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Airelle Niepce, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
Sur le cadre juridique du litige :
1. L'article 2 de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement définit comme plans et programmes soumis à ses dispositions : les " plans et programmes, (...) ainsi que leurs modifications : - élaborés et/ou adoptés par une autorité au niveau national, régional ou local ou élaborés par une autorité en vue de leur adoption par le parlement ou par le gouvernement, par le biais d'une procédure législative, et - exigés par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives (...) ". Son article 3 prévoit qu'une évaluation environnementale, qui doit, selon son article 4, être effectuée " pendant l'élaboration du plan ou du programme et avant qu'il ne soit adopté ou soumis à la procédure législative ", est nécessaire, sous réserve des dispositions du paragraphe 3 de cet article 3, de façon systématique, pour les plans et programmes mentionnés à son paragraphe 2, et, pour les plans et programmes, autres que ceux visés au paragraphe 2, dans le cas où ils sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement. A cet égard, le paragraphe 5 de l'article 3 de la directive prévoit que : " 5. Les États membres déterminent si les plans ou programmes visés aux paragraphes 3 et 4 sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, soit en procédant à un examen au cas par cas, soit en déterminant des types de plans et programmes ou en combinant ces deux approches. À cette fin, les États membres tiennent compte, en tout état de cause, des critères pertinents fixés à l'annexe II, afin de faire en sorte que les plans et programmes susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement soient couverts par la présente directive. " L'annexe II de la directive précise les critères permettant de déterminer l'ampleur probable des incidences sur l'environnement d'un plan ou programme permettant d'identifier ceux qui, en application de ce paragraphe 5 de l'article 3, doivent faire l'objet d'une évaluation environnementale. Par ailleurs, le paragraphe 6 de l'article 3 de la directive prévoit que : " Pour l'examen au cas par cas et pour la détermination des types de plans et programmes conformément au paragraphe 5, les autorités visées à l'article 6, paragraphe 3, sont consultées " et le paragraphe 3 de son article 6 que : " 3. Les États membres désignent les autorités qu'il faut consulter et qui, étant donné leur responsabilité spécifique en matière d'environnement, sont susceptibles d'être concernées par les incidences environnementales de la mise en oeuvre de plans et de programmes. "
2. L'article L. 122-4 du code de l'environnement, pris notamment pour la transposition des articles 2 et 3 de la directive du 27 juin 2001 précitée, précise les plans et programmes devant faire l'objet d'une évaluation environnementale dans les conditions définies par ce code. S'agissant toutefois des plans et programmes régis par les dispositions du code de l'urbanisme, son VI dispose que : " Par dérogation aux dispositions du présent code, les plans et programmes mentionnés aux articles L. 104-1 et L. 104-2 du code de l'urbanisme font l'objet d'une évaluation environnementale dans les conditions définies au chapitre IV du titre préliminaire du code de l'urbanisme. "
3. Les articles L. 104-1 à L. 104-2-1 du code de l'urbanisme précisent les plans et programmes régis par ce code devant faire l'objet d'une évaluation environnementale. Par ailleurs, l'article L. 104-3 du même code dispose que : " Sauf dans le cas où elles ne prévoient que des changements qui ne sont pas susceptibles d'avoir des effets notables sur l'environnement, au sens de l'annexe II à la directive 2001/42/ CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001, les procédures d'évolution des documents mentionnés aux articles L. 104-1 et L. 104-2 donnent lieu soit à une nouvelle évaluation environnementale, soit à une actualisation de l'évaluation environnementale réalisée lors de leur élaboration. / Un décret en Conseil d'Etat détermine les critères en fonction desquels cette nouvelle évaluation environnementale ou cette actualisation doivent être réalisées de manière systématique ou après un examen au cas par cas. "
4. Le décret du 13 octobre 2021 portant modification des dispositions relatives à l'évaluation environnementale des documents d'urbanisme et des unités touristiques nouvelles, qui modifie diverses dispositions du code de l'urbanisme, a été pris notamment pour l'application de ces dispositions. L'association France Nature Environnement demande l'annulation pour excès de pouvoir des articles 2 à 8 et 13 de ce décret.
Sur les conclusions aux fins d'annulation partielle :
En ce qui concerne le champ d'application de l'évaluation environnementale :
5. Il résulte de l'article 2 de directive du 27 juin 2001 précitée que les plans et programmes auxquels elle est applicable sont ceux qu'elle mentionne, ainsi que leurs modifications. Si la directive ne mentionne pas explicitement les actes d'abrogation, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé, dans son arrêt rendu le 22 mars 2012 dans l'affaire C-567/10, Inter-Environnement Bruxelles ASBL, qu'il n'est pas exclu que l'abrogation partielle ou totale d'un plan ou d'un programme soit susceptible d'avoir des effets notables sur l'environnement, en ce qu'elle peut comporter une modification de la planification envisagée sur les territoires concernés. Il appartient ainsi aux Etats membres de prendre en considération l'impact environnemental d'une abrogation d'un plan ou d'un programme en vue de déterminer ses éventuelles incidences ultérieures sur l'environnement.
6. Les dispositions des articles R. 104-3 à R. 104-17-2 du code de l'urbanisme, dans leur rédaction issue des articles 2 à 8 du décret attaqué, précisent le champ d'application de l'évaluation environnementale, s'agissant des procédures d'élaboration et d'évolution des plans et programmes régis par ce code. Si ces dispositions ne mentionnent expressément que les procédures d'élaboration, de révision et de modification, il résulte de ce qui vient d'être dit au point 5 qu'elles doivent être interprétées comme étant en principe applicables aux procédures d'abrogation totale ou partielle des documents d'urbanisme qu'elles mentionnent. A cet égard, les modalités de l'évaluation environnementale applicables aux procédures d'élaboration de ces documents d'urbanisme doivent être regardées comme applicables aux procédures relatives à leur abrogation totale, et les modalités de l'évaluation environnementale applicables aux procédures de révision ou de modification de ces documents doivent être regardées comme applicables aux procédures relatives à leur abrogation partielle selon que cette abrogation partielle peut être assimilée à une révision ou une modification, en vertu des dispositions applicables définissant le champ d'application de ces procédures. Par suite, le moyen tiré de ce que ces dispositions seraient illégales faute, d'une part, de soumettre à évaluation environnementale les procédures d'abrogation des actes qu'elles visent et, d'autre part, de préciser les modalités de cette évaluation environnementale doit être écarté.
En ce qui concerne le renvoi aux critères de l'annexe II de la directive du 27 juin 2001 :
7. Si en principe les directives de l'Union européenne doivent faire l'objet d'une transposition dans le droit interne des Etats membres destinée à permettre d'une façon suffisamment claire et précise leur pleine application, aucune disposition de la directive du 27 juin 2001 précitée, comme aucune autre disposition du droit de l'Union européenne, ne s'oppose par principe à ce qu'un acte de droit interne procède à la transposition des dispositions d'une directive " par référence " à certaines dispositions de celle-ci, sous réserve que, ce faisant, l'acte renvoie, de façon claire et intelligible, à des dispositions ciblées et précises de la directive ne laissant pas de marge d'appréciation aux Etat membres, et, le cas échéant, ne comporte aucune ambiguïté sur la version de la directive à laquelle il est ainsi renvoyé.
8. En l'espèce, les articles R. 104-5, R. 104-8, R. 104-10, R. 104-11, R. 104-12, R. 104-14, R. 104-16, R. 104-17-2 et R. 104-34 du code de l'urbanisme, dans leur rédaction issue des articles 4, 5, 6, 7, 8 et 13 du décret attaqué sont relatifs aux procédures d'élaboration, de révision, de modification ou encore de mise en compatibilité de divers documents d'urbanisme. Ils précisent les conditions dans lesquelles ces procédures font l'objet d'une évaluation environnementale soit de façon systématique, dans les hypothèses qu'ils prévoient, tel le cas où le document permet la réalisation de travaux, aménagements, ouvrages ou installations susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000, soit, le cas échéant, après un examen au cas par cas, dans l'hypothèse où les documents en cause sont " susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement au regard des critères de l'annexe II de la directive du 27 juin 2001 " précitée. Aux termes de l'annexe II de la directive du 27 juin 2001, intitulée " Critères permettant de déterminer l'ampleur probable des incidences visées à l'article 3, paragraphe 5 ", ceux-ci sont : " 1. Les caractéristiques des plans et programmes, notamment : / - la mesure dans laquelle le plan ou programme concerné définit un cadre pour d'autres projets ou activités, en ce qui concerne la localisation, la nature, la taille et les conditions de fonctionnement ou par une allocation de ressources, / - la mesure dans laquelle un plan ou un programme influence d'autres plans ou programmes, y compris ceux qui font partie d'un ensemble hiérarchisé, / - l'adéquation entre le plan ou le programme et l'intégration des considérations environnementales, en vue, notamment de promouvoir un développement durable, / - les problèmes environnementaux liés au plan ou au programme, / - l'adéquation entre le plan ou le programme et la mise en oeuvre de la législation communautaire relative à l'environnement (par exemple les plans et programmes touchant à la gestion des déchets et à la protection de l'eau). / 2. Caractéristiques des incidences et de la zone susceptibles d'être touchée, notamment : / - la probabilité, la durée, la fréquence et le caractère réversible des incidences, / - le caractère cumulatif des incidences, / - la nature transfrontière des incidences, / - les risques pour la santé humaine ou pour l'environnement (à cause d'accidents, par exemple), / - la magnitude et l'étendue spatiale géographique des incidences (zone géographique et taille de la population susceptible d'être touchée), / - la valeur et la vulnérabilité de la zone susceptible d'être touchée, en raison : / - de caractéristiques naturelles ou d'un patrimoine culturel particuliers, / - d'un dépassement des normes de qualité environnementale ou des valeurs limites, / - de l'exploitation intensive des sols, / - les incidences pour des zones ou des paysages jouissant d'un statut de protection reconnu au niveau national, communautaire ou international. "
9. D'une part, cette annexe définit de façon précise et dénuée d'ambiguïté plusieurs critères tenant soit aux caractéristiques des plans et programmes concernés, soit aux caractéristiques de leurs incidences et de la zone susceptible d'être affectée ne laissant pas de marge d'appréciation aux Etat membres. D'autre part, la référence à cette annexe dans les dispositions litigieuses doit être interprétée comme renvoyant à la version de cette annexe applicable à la date d'entrée en vigueur du décret attaqué, par ailleurs aisément accessible et qui, au demeurant, n'a jamais fait l'objet de modification depuis son adoption en 2001. Dans ces conditions, contrairement à ce qui est soutenu, le procédé retenu par le pouvoir réglementaire ne conduit pas à une incorrecte transposition de la directive et ne méconnaît ni les dispositions des articles L. 104-1 à L. 104-3 du code de l'urbanisme, ni les principes de clarté, d'accessibilité ou d'intelligibilité de la norme.
En ce qui concerne les moyens dirigés contre l'article 13 du décret attaqué :
10. Les dispositions de l'article 13 du décret attaqué ont modifié ou procédé à la réécriture des articles R. 104-28 à R. 104-37 du code de l'urbanisme afin de prévoir deux procédures distinctes d'examen au cas par cas de la nécessité de soumettre l'élaboration ou l'évolution d'un plan ou programme régi par le code de l'urbanisme à évaluation environnementale. Les articles R. 104-28 à R. 104-32, dans leur rédaction issue des 2° à 7° de l'article 13, précisent ainsi le champ d'application et les modalités de l'examen au cas par cas, lorsqu'il est réalisé par l'autorité environnementale, telle que désignée en vertu de dispositions de l'article R. 104-21 du même code. Les articles R. 104-33 à R. 104-37, dans leur rédaction issue du 8° de l'article 13 du décret attaqué, précisent pour leur part le champ d'application et les modalités de l'examen au cas par cas, lorsqu'il est réalisé par la personne publique responsable de la procédure d'élaboration ou d'évolution du plan ou programme concerné.
11. En premier lieu, en vertu des dispositions du VI de l'article L. 122-4 du code de l'environnement, citées au point 2, les conditions dans lesquelles les plans et programmes mentionnés aux articles L. 104-1 et L. 104-2 du code de l'urbanisme font l'objet d'une évaluation environnementale sont précisées au chapitre IV du titre préliminaire de ce code. Contrairement à ce qui est soutenu, aucune des dispositions de ce chapitre ne s'oppose à ce que l'autorité chargée de procéder à l'examen au cas par cas puisse, le cas échéant, être une autorité distincte de l'autorité à laquelle est susceptible d'être confiée cette évaluation environnementale. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions du 8° de l'article 13 du décret attaqué, qui instaurent, aux articles R. 104-33 à R. 104-37 du code de l'urbanisme, un examen au cas par cas réalisé par une autorité distincte de l'autorité environnementale, seraient dépourvues de base légale pour ce motif ne peut être qu'écarté.
12. En deuxième lieu, si, ainsi que le fait valoir l'association requérante, les dispositions de l'article 13 du décret attaqué sont susceptibles de conduire à ce que l'examen au cas par cas de la nécessité de soumettre l'élaboration ou l'évolution d'un plan ou programme à évaluation environnementale puisse être réalisé par des autorités différentes, les dispositions litigieuses permettent d'identifier avec une précision suffisante l'autorité chargée de cet examen au cas par cas pour les procédures d'élaboration ou d'évolution des plans et programmes concernés. Par ailleurs, la circonstance que le dispositif ainsi prévu serait complexe, compte-tenu des dispositions par ailleurs applicables à la détermination des projets devant être soumis à évaluation environnementale conformément aux exigences de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, n'est pas de nature, dans les circonstances de l'espèce, à affecter la légalité du décret attaqué dès lors que ses dispositions, d'une part, visent à satisfaire aux exigences de la directive du 27 juin 2001, d'autre part, ne méconnaissent pas le principe de clarté et d'intelligibilité de la norme .
13. En troisième lieu, la circonstance que les décisions prises sur le fondement des articles R. 104-33 à R. 104-37, dans leur rédaction issue du 8° de l'article 13 du décret attaqué, sont susceptibles d'être fragilisées par des recours contentieux est, par elle-même, sans incidence sur la légalité de ces dispositions. Par suite, le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient, pour ce motif, le principe de sécurité juridique doit être écarté.
14. En dernier lieu, l'association requérante soutient que les dispositions du 8° de l'article 13 du décret attaqué méconnaissent les exigences de la directive du 27 juin 2001 et le principe d'impartialité garanti par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen en ce qu'elles prévoient, dans certaines hypothèses, que la personne publique responsable de la procédure d'élaboration ou d'évolution d'un plan ou programme est chargée de déterminer au cas par cas si cette procédure doit conduire à la réalisation d'une évaluation environnementale.
15. Les dispositions de la directive du 27 juin 2001 citées au point 1 ont pour finalité de garantir que l'avis sur l'évaluation environnementale des plans et programmes susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement soit rendu, avant leur approbation ou leur autorisation afin de permettre la prise en compte de ces incidences, par une autorité compétente et objective en matière d'environnement. Les dispositions de l'article 3, paragraphe 6, imposent que cette autorité soit consultée dans le cadre de l'examen au cas par cas prévu au paragraphe 5 du même article, destiné à déterminer si un plan ou programme ou son évolution doit faire l'objet d'une évaluation environnementale.
16. Aux termes de l'article R. 104-33 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue du 8° de l'article 13 du décret attaqué : " Dans les cas mentionnés à l'article R. 104-8, au 2° de l'article R. 104-10, au II de l'article R. 104-11, à l'article R. 104-12, au 2° de l'article R. 104-14, à l'article R. 104-16 et à l'article R. 104-17-2, lorsqu'elle estime que l'élaboration de la carte communale, la création ou l'extension de l'unité touristique nouvelle ou l'évolution du schéma de cohérence territoriale, du plan local d'urbanisme ou de la carte communale est susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement, la personne publique responsable décide de réaliser une évaluation environnementale dans les conditions prévues aux articles R. 104-19 à R. 104-27. / Si tel n'est pas le cas, elle saisit l'autorité environnementale pour avis conforme dans les conditions prévues aux articles R. 104-34 à R. 104-37 et, au vu de cet avis conforme, prend une décision relative à la réalisation ou non d'une évaluation environnementale. " L'article R. 104-34 du même code, également dans sa rédaction issue du 8° de l'article 13 du décret attaqué, précise le contenu du dossier transmis par la personne publique responsable à l'autorité environnementale comportant notamment les " raisons pour lesquelles son projet ne serait pas susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement ", et l'article R. 104-35 du même code, dans sa rédaction issue du même 8° de l'article 13, les modalités d'examen de ce dossier par l'autorité environnementale. Aux termes du dernier alinéa de cet article : " Au regard du dossier mentionné à l'article R. 104-34, l'autorité environnementale rend un avis conforme, dans un délai de deux mois à compter de la réception initiale du dossier, sur l'absence de nécessité de réaliser une évaluation environnementale et le transmet à la personne publique responsable. En l'absence de réponse dans ce délai, l'avis de l'autorité environnementale est réputé favorable à l'exposé mentionné au 2° de l'article R. 104-34. L'avis ou la mention de son caractère tacite, ainsi que, dans ce dernier cas, le formulaire mentionné à l'article R. 104-34 sont mis en ligne sur le site internet de l'autorité environnementale et joints au dossier d'enquête publique ou de mise à disposition du public. " Par ailleurs, aux termes de l'article R. 104-37 du code de l'urbanisme, également dans sa rédaction issue du 8° de l'article 13 du décret attaqué : " La décision mentionnée à l'article R. 104-33 est motivée et publiée dans les conditions prévues aux articles R. 143-15 et R. 153-21, lequel s'applique également aux unités touristiques nouvelles pour l'application du présent paragraphe, ainsi qu'à l'article R. 163-9. "
17. Il résulte de ces dispositions que, dans tous les cas où elle estime que l'élaboration d'une carte communale, la création ou l'extension d'une unité touristique nouvelle ou l'évolution d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme ou d'une carte communale n'est pas susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement et, en conséquence, que la réalisation d'une évaluation environnementale n'est pas nécessaire, la personne publique responsable a l'obligation, avant toute décision, de saisir pour avis conforme l'autorité environnementale mentionnée à l'article R. 104-21 du code de l'urbanisme d'un dossier décrivant notamment les principales caractéristiques du documents d'urbanisme, ainsi que les raisons pour lesquelles elle estime que ce document n'est pas susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement. D'une part, la saisine pour avis conforme de l'autorité environnementale implique qu'en toute hypothèse l'évolution ou l'élaboration d'un document d'urbanisme ne pourra être dispensée de la réalisation d'une évaluation environnementale si cette autorité s'y oppose. D'autre part, si au terme d'un délai de deux mois à compter de sa saisine, l'autorité environnementale est réputée avoir rendu un avis favorable tacite à la solution envisagée par la personne publique responsable, cette dernière doit rendre une décision expresse motivée, exposant les raisons pour lesquelles une évaluation n'a pas été regardée comme nécessaire. Eu égard aux garanties entourant ainsi les conditions dans lesquelles une personne publique responsable est susceptible de retenir qu'il n'y a pas lieu de soumettre l'élaboration ou l'évolution d'un document d'urbanisme à la réalisation d'une évaluation environnementale, les dispositions du décret attaqué ne sauraient être regardées comme méconnaissant les exigences de la directive du 27 juin 2001 précitée, ni le principe d'impartialité.
18. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que l'association France nature environnement n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 13 octobre 2021 attaqué. Ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent par suite qu'être rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l'association France nature environnement est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association France nature environnement, à la Première ministre et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.