Conseil d'État
N° 465799
ECLI:FR:CECHR:2022:465799.20221011
Inédit au recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
Mme Ophélie Champeaux, rapporteur
Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public
SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET, avocats
Lecture du mardi 11 octobre 2022
Vu la procédure suivante :
Par un déféré, le préfet des Yvelines a demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler l'élection de M. A... B... en qualité de deuxième adjoint au maire de la commune de Buchelay (Yvelines) en remplacement de Mme C..., démissionnaire, d'autre part, d'enjoindre au conseil municipal de procéder à une nouvelle élection afin d'élire une femme. Par un jugement n° 2203121 du 17 juin 2021, ce tribunal a annulé l'élection de M. B... et rejeté le surplus du déféré préfectoral.
Par une requête, enregistrée le 15 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter le déféré préfectoral ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ses protocoles additionnels ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code électoral ;
- le code de justice administrative, notamment son article R. 321-1 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... ayant démissionné de ses fonctions de deuxième adjointe au maire et de conseillère municipale de Buchelay (Yvelines), le conseil municipal de cette commune a, le 7 avril 2022, élu deuxième adjoint M. B..., seul candidat. Celui-ci relève appel du jugement du 17 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Versailles, saisi sur déféré préfectoral, a annulé son élection sur le fondement du quatrième alinéa de l'article L. 2122-7-2 du code général des collectivités territoriales.
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
3. Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 2122-7-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de l'article 29 de la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, relatif à l'élection des adjoints dans les communes de 1 000 habitants et plus : " Quand il y a lieu, en cas de vacance, de désigner un ou plusieurs adjoints, ceux-ci sont choisis parmi les conseillers de même sexe que ceux auxquels ils sont appelés à succéder. Le conseil municipal peut décider qu'ils occuperont, dans l'ordre du tableau, le même rang que les élus qui occupaient précédemment les postes devenus vacants ".
4. M. B... soutient qu'en adoptant ces dispositions sans prévoir aucune exception, le législateur a méconnu les principes d'égalité devant la loi et le suffrage protégés par les articles 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ainsi que 2 et 3 de la Constitution, de pluralisme des courants d'idées et d'opinions consacré à l'article 4 de la Constitution, de libre administration des collectivités territoriales garanti par l'article 72 de la Constitution, ainsi que le principe de valeur constitutionnelle de continuité du service public.
5. Aux termes du premier aliéna de l'article 1er de la Constitution : " La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives (...) ". Si le constituant a entendu, par cet article, permettre au législateur d'instaurer tout dispositif tendant à rendre effectif l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, et à cette fin d'adopter des dispositions à caractère incitatif ou contraignant, il lui appartient toutefois d'assurer la conciliation entre l'objectif de parité et les autres règles et principes de valeur constitutionnelle auxquels le pouvoir constituant n'a pas entendu déroger.
6. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 2122-7-2 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 1 000 habitants et plus, les adjoints sont élus au scrutin de liste à la majorité absolue, sans panachage ni vote préférentiel. La liste est composée alternativement d'un candidat de chaque sexe ". Ainsi, le quatrième alinéa, critiqué par M. B..., de cet article vise seulement à maintenir les effets, en cas de nécessité de pourvoir à un poste vacant d'adjoint, de l'obligation de parité des listes de candidats à ces fonctions prévue au premier alinéa. Les dispositions contestées, qui en elles-mêmes ne traitent pas différemment les conseillers municipaux susceptibles d'être candidats selon leur sexe mais tirent uniquement les conséquences de la règle fixée au premier alinéa, ne méconnaissent pas le principe d'égalité devant la loi. Ces dispositions, qui ont pour objet d'assurer en toute circonstance le respect d'une règle de parité découlant directement de la mise en oeuvre du premier alinéa de l'article 1er de la Constitution, ne méconnaissent pas davantage le principe d'égalité devant le suffrage.
7. En deuxième lieu, contrairement à ce que relève M. B..., les dispositions contestées ne sauraient avoir pour effet de contraindre le conseil municipal à élire un membre de l'opposition à un poste d'adjoint. Par suite, le grief tiré de ce que, pour ce motif, ces dispositions porteraient atteinte au principe de pluralisme des courants d'idées et d'opinions ne peut qu'être écarté.
8. M. B... soutient, en troisième lieu, que, dans une situation où, à la suite de démissions collectives, le conseil municipal ne comprendrait plus aucun conseiller du sexe recherché, l'application des dispositions critiquées priverait la commune de la possibilité de pourvoir à un poste vacant d'adjoint au maire, affectant ainsi son fonctionnement normal au point de méconnaître le principe de libre administration des collectivités territoriales. Compte tenu de ce que les listes de candidats aux élections municipales sont composées alternativement d'une personne de chaque sexe en vertu de l'article L. 264 du code électoral, la configuration invoquée par M. B... ne saurait revêtir qu'un caractère tout à fait exceptionnel. Dans ces conditions, les dispositions en cause ne sauraient être regardées, du seul fait qu'elles ne réservent pas cette hypothèse, comme assurant une insuffisante conciliation entre l'objectif du maintien de la parité parmi les adjoints et le principe de libre administration des collectivités territoriales.
9. En quatrième lieu, le grief tiré de ce que les dispositions en cause seraient contraires au principe de valeur constitutionnelle de continuité du service public en ce qu'elles pourraient conduire le conseil municipal à ne plus assurer les missions confiées à un adjoint non remplacé, à supposer que ce principe soit invocable à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité, repose sur la même hypothèse que le grief précédent et n'est dès lors pas davantage sérieux.
10. En dernier lieu, le législateur ne saurait avoir méconnu sa compétence au seul motif qu'il n'a pas prévu d'exceptions pour l'application des dispositions contestées.
11. Par suite, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas de caractère sérieux.
Sur la régularité du jugement attaqué :
12. Il ressort de l'examen de la minute du jugement attaqué que le moyen tiré de ce qu'elle ne serait pas revêtue des signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative manque en fait.
13. En s'abstenant de viser l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 relatives à la présentation d'une question prioritaire de constitutionnalité au moyen d'un mémoire distinct devant les juridictions de première instance, le tribunal administratif, qui a explicitement reproduit dans les motifs de sa décision la substance de cette règle, au demeurant reprise en substance à l'article R*. 771-3 du code de justice administrative, code qu'il a visé, n'a pas entaché son jugement d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
14. M. B... ne saurait utilement soutenir que l'annulation de son élection méconnaîtrait le droit d'éligibilité, garanti par l'article 3 du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont les stipulations ne sont applicables qu'aux élections du corps législatif.
15. M. B... soutient, par ailleurs, que cette annulation méconnaîtrait l'article 14 de cette convention, en combinaison avec l'article 1er de son protocole n° 12, garantissant le principe de non-discrimination. Toutefois, le protocole n° 12 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'a pas été ratifié par la France. Il ne saurait ainsi être utilement invoqué devant le Conseil d'Etat, ni en lui-même, ni en combinaison avec les stipulations de l'article 14 de la convention.
16. Ne peut davantage être accueilli le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait méconnu l'article 10 de la même convention, protégeant le droit à la liberté d'expression, dès lors que l'impossibilité légale d'élire un adjoint de sexe différent de celui de la personne remplacée n'a, par elle-même, aucune incidence sur la liberté d'expression.
17. Enfin, eu égard à l'absence d'exceptions prévues par les dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 2122-7-2 du code général des collectivités territoriales à la règle qu'elles fixent, M. B... ne saurait utilement se prévaloir, pour contester leur mise en oeuvre, ni de qu'il a été désigné au terme d'un vote unanime du conseil municipal, ni de ce que la charge de travail des autres adjoints établiraient une situation exceptionnelle ou urgente.
18. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. B... doit être rejetée.
Sur les frais de l'instance :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B....
Article 2 : La requête présentée par M. B... est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., au préfet des Yvelines et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et à la Première ministre.
Délibéré à l'issue de la séance du 21 septembre 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Guillaume Goulard, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. Stéphane Verclytte, M. Hervé Cassagnabère, M. Christian Fournier, M. Jonathan Bosredon, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes-rapporteure.
Rendu le 11 octobre 2022.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
La rapporteure :
Signé : Mme Ophélie Champeaux
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle
N° 465799
ECLI:FR:CECHR:2022:465799.20221011
Inédit au recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
Mme Ophélie Champeaux, rapporteur
Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public
SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET, avocats
Lecture du mardi 11 octobre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par un déféré, le préfet des Yvelines a demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler l'élection de M. A... B... en qualité de deuxième adjoint au maire de la commune de Buchelay (Yvelines) en remplacement de Mme C..., démissionnaire, d'autre part, d'enjoindre au conseil municipal de procéder à une nouvelle élection afin d'élire une femme. Par un jugement n° 2203121 du 17 juin 2021, ce tribunal a annulé l'élection de M. B... et rejeté le surplus du déféré préfectoral.
Par une requête, enregistrée le 15 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter le déféré préfectoral ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ses protocoles additionnels ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code électoral ;
- le code de justice administrative, notamment son article R. 321-1 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... ayant démissionné de ses fonctions de deuxième adjointe au maire et de conseillère municipale de Buchelay (Yvelines), le conseil municipal de cette commune a, le 7 avril 2022, élu deuxième adjoint M. B..., seul candidat. Celui-ci relève appel du jugement du 17 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Versailles, saisi sur déféré préfectoral, a annulé son élection sur le fondement du quatrième alinéa de l'article L. 2122-7-2 du code général des collectivités territoriales.
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
3. Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 2122-7-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de l'article 29 de la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, relatif à l'élection des adjoints dans les communes de 1 000 habitants et plus : " Quand il y a lieu, en cas de vacance, de désigner un ou plusieurs adjoints, ceux-ci sont choisis parmi les conseillers de même sexe que ceux auxquels ils sont appelés à succéder. Le conseil municipal peut décider qu'ils occuperont, dans l'ordre du tableau, le même rang que les élus qui occupaient précédemment les postes devenus vacants ".
4. M. B... soutient qu'en adoptant ces dispositions sans prévoir aucune exception, le législateur a méconnu les principes d'égalité devant la loi et le suffrage protégés par les articles 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ainsi que 2 et 3 de la Constitution, de pluralisme des courants d'idées et d'opinions consacré à l'article 4 de la Constitution, de libre administration des collectivités territoriales garanti par l'article 72 de la Constitution, ainsi que le principe de valeur constitutionnelle de continuité du service public.
5. Aux termes du premier aliéna de l'article 1er de la Constitution : " La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives (...) ". Si le constituant a entendu, par cet article, permettre au législateur d'instaurer tout dispositif tendant à rendre effectif l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, et à cette fin d'adopter des dispositions à caractère incitatif ou contraignant, il lui appartient toutefois d'assurer la conciliation entre l'objectif de parité et les autres règles et principes de valeur constitutionnelle auxquels le pouvoir constituant n'a pas entendu déroger.
6. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 2122-7-2 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 1 000 habitants et plus, les adjoints sont élus au scrutin de liste à la majorité absolue, sans panachage ni vote préférentiel. La liste est composée alternativement d'un candidat de chaque sexe ". Ainsi, le quatrième alinéa, critiqué par M. B..., de cet article vise seulement à maintenir les effets, en cas de nécessité de pourvoir à un poste vacant d'adjoint, de l'obligation de parité des listes de candidats à ces fonctions prévue au premier alinéa. Les dispositions contestées, qui en elles-mêmes ne traitent pas différemment les conseillers municipaux susceptibles d'être candidats selon leur sexe mais tirent uniquement les conséquences de la règle fixée au premier alinéa, ne méconnaissent pas le principe d'égalité devant la loi. Ces dispositions, qui ont pour objet d'assurer en toute circonstance le respect d'une règle de parité découlant directement de la mise en oeuvre du premier alinéa de l'article 1er de la Constitution, ne méconnaissent pas davantage le principe d'égalité devant le suffrage.
7. En deuxième lieu, contrairement à ce que relève M. B..., les dispositions contestées ne sauraient avoir pour effet de contraindre le conseil municipal à élire un membre de l'opposition à un poste d'adjoint. Par suite, le grief tiré de ce que, pour ce motif, ces dispositions porteraient atteinte au principe de pluralisme des courants d'idées et d'opinions ne peut qu'être écarté.
8. M. B... soutient, en troisième lieu, que, dans une situation où, à la suite de démissions collectives, le conseil municipal ne comprendrait plus aucun conseiller du sexe recherché, l'application des dispositions critiquées priverait la commune de la possibilité de pourvoir à un poste vacant d'adjoint au maire, affectant ainsi son fonctionnement normal au point de méconnaître le principe de libre administration des collectivités territoriales. Compte tenu de ce que les listes de candidats aux élections municipales sont composées alternativement d'une personne de chaque sexe en vertu de l'article L. 264 du code électoral, la configuration invoquée par M. B... ne saurait revêtir qu'un caractère tout à fait exceptionnel. Dans ces conditions, les dispositions en cause ne sauraient être regardées, du seul fait qu'elles ne réservent pas cette hypothèse, comme assurant une insuffisante conciliation entre l'objectif du maintien de la parité parmi les adjoints et le principe de libre administration des collectivités territoriales.
9. En quatrième lieu, le grief tiré de ce que les dispositions en cause seraient contraires au principe de valeur constitutionnelle de continuité du service public en ce qu'elles pourraient conduire le conseil municipal à ne plus assurer les missions confiées à un adjoint non remplacé, à supposer que ce principe soit invocable à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité, repose sur la même hypothèse que le grief précédent et n'est dès lors pas davantage sérieux.
10. En dernier lieu, le législateur ne saurait avoir méconnu sa compétence au seul motif qu'il n'a pas prévu d'exceptions pour l'application des dispositions contestées.
11. Par suite, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas de caractère sérieux.
Sur la régularité du jugement attaqué :
12. Il ressort de l'examen de la minute du jugement attaqué que le moyen tiré de ce qu'elle ne serait pas revêtue des signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative manque en fait.
13. En s'abstenant de viser l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 relatives à la présentation d'une question prioritaire de constitutionnalité au moyen d'un mémoire distinct devant les juridictions de première instance, le tribunal administratif, qui a explicitement reproduit dans les motifs de sa décision la substance de cette règle, au demeurant reprise en substance à l'article R*. 771-3 du code de justice administrative, code qu'il a visé, n'a pas entaché son jugement d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
14. M. B... ne saurait utilement soutenir que l'annulation de son élection méconnaîtrait le droit d'éligibilité, garanti par l'article 3 du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont les stipulations ne sont applicables qu'aux élections du corps législatif.
15. M. B... soutient, par ailleurs, que cette annulation méconnaîtrait l'article 14 de cette convention, en combinaison avec l'article 1er de son protocole n° 12, garantissant le principe de non-discrimination. Toutefois, le protocole n° 12 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'a pas été ratifié par la France. Il ne saurait ainsi être utilement invoqué devant le Conseil d'Etat, ni en lui-même, ni en combinaison avec les stipulations de l'article 14 de la convention.
16. Ne peut davantage être accueilli le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait méconnu l'article 10 de la même convention, protégeant le droit à la liberté d'expression, dès lors que l'impossibilité légale d'élire un adjoint de sexe différent de celui de la personne remplacée n'a, par elle-même, aucune incidence sur la liberté d'expression.
17. Enfin, eu égard à l'absence d'exceptions prévues par les dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 2122-7-2 du code général des collectivités territoriales à la règle qu'elles fixent, M. B... ne saurait utilement se prévaloir, pour contester leur mise en oeuvre, ni de qu'il a été désigné au terme d'un vote unanime du conseil municipal, ni de ce que la charge de travail des autres adjoints établiraient une situation exceptionnelle ou urgente.
18. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. B... doit être rejetée.
Sur les frais de l'instance :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B....
Article 2 : La requête présentée par M. B... est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., au préfet des Yvelines et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et à la Première ministre.
Délibéré à l'issue de la séance du 21 septembre 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Guillaume Goulard, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. Stéphane Verclytte, M. Hervé Cassagnabère, M. Christian Fournier, M. Jonathan Bosredon, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes-rapporteure.
Rendu le 11 octobre 2022.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
La rapporteure :
Signé : Mme Ophélie Champeaux
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle