Conseil d'État
N° 446764
ECLI:FR:CECHR:2022:446764.20221006
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème - 6ème chambres réunies
Mme Flavie Le Tallec, rapporteur
M. Florian Roussel, rapporteur public
SCP DUHAMEL - RAMEIX - GURY- MAITRE, avocats
Lecture du jeudi 6 octobre 2022
Vu la procédure suivante :
Mme E... A... épouse C..., Mme D... C... et Mme F... C..., ayant repris l'instance après le décès de M. B... C..., ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner le centre hospitalier de Vichy à leur verser la somme de 93 358 euros en réparation des préjudices subis par ce dernier à la suite de sa prise en charge par cet établissement hospitalier. Par un jugement n° 1601795 du 22 novembre 2018, le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier de Vichy à leur verser la somme de 9 938 euros, ainsi qu'à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier la somme de 3279,75 euros au titre du remboursement des dépenses de santé et de l'indemnité forfaitaire de gestion et a rejeté le surplus des demandes.
Par un arrêt n° 19LY00419 du 24 septembre 2020, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de Mmes D... et F... C..., porté à 27 500 euros le montant de la somme que le centre hospitalier de Vichy a été condamné à leur verser, rejeté le surplus de leurs conclusions ainsi que celles du centre hospitalier.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 novembre 2020 et 12 février 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le centre hospitalier de Vichy demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel incident et d'annuler le jugement du tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de Mmes C... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Duhamel - Rameix - Gury - Maître, avocat du centre hospitalier de Vichy.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 septembre 2022, présentée par le centre hospitalier de Vichy ;
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'une radiographie et d'une scintigraphie osseuse pratiquées en mars 2015, dont le résultat était évocateur d'une tumeur osseuse, M. C... a été hospitalisé, le 26 mars 2015, en secteur public du centre hospitalier de Vichy, et y a subi un enclouage de l'humérus avec alésage réalisé par le praticien hospitalier qui l'avait suivi auparavant dans le cadre de son activité libérale. Estimant que des fautes liées au retard de diagnostic de sa maladie osseuse, au choix de l'indication thérapeutique dont la mise en oeuvre était de nature à favoriser l'essaimage de cellules cancéreuses dans les tissus mous et à un manquement quant à l'obligation d'information préalable à cette intervention, avaient été commises, M. C... a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une demande de réparation dirigée contre l'établissement de santé. Par un jugement du 22 novembre 2018, le tribunal a condamné le centre hospitalier de Vichy à indemniser les ayants droit de M. C..., décédé en avril 2017, du montant des préjudices subis par ce dernier du fait d'un choix thérapeutique erroné. Le centre hospitalier se pourvoit en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a confirmé sa responsabilité, après avoir retenu que lui étaient imputables la faute procédant d'une indication thérapeutique erronée et un manquement à l'obligation d'information du patient.
Sur le cadre juridique :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I.- Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ". Aux termes de l'article L. 6111-1 du même code dans sa version applicable au litige : " Les établissements de santé publics, privés et privés d'intérêt collectif assurent, dans les conditions prévues par le présent code, le diagnostic, la surveillance et le traitement des malades, des blessés et des femmes enceintes. (...). ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 6154-1 du même code dans sa version applicable au litige : " Dès lors que l'exercice des missions de service public définies à l'article L. 6112-1 dans les conditions prévues à l'article L. 6112-3 n'y fait pas obstacle, les praticiens statutaires exerçant à temps plein dans les établissements publics de santé sont autorisés à exercer une activité libérale dans les conditions définies au présent chapitre ". En vertu de l'article L. 6154-2 du même code, l'activité libérale peut comprendre des consultations, des actes et des soins en hospitalisation et s'exerce exclusivement au sein des établissements dans lesquels les praticiens ont été nommés ou, dans le cas d'une activité partagée, dans l'établissement où ils exercent la majorité de leur activité publique, sous la triple condition que cet article énonce. Les modalités de la prise en charge du patient en secteur d'activité libérale sont alors réglées en particulier par les dispositions des articles R. 6154-6 du code de la santé publique concernant les frais de séjour, R. 6154-7 concernant les indications relatives aux règles applicables du fait de ce choix ainsi qu'à l'expression écrite du choix et par un renvoi aux dispositions de l'article R. 1112-23 du même code, qui rend impossible le transfert d'un patient, admis dans un secteur d'activité libérale ou en secteur public, dans l'autre secteur.
Sur la responsabilité du centre hospitalier de Vichy au titre d'une faute dans l'indication thérapeutique :
4. D'une part, alors que les rapports qui s'établissent entre les praticiens hospitaliers exerçant une activité libérale dans les conditions définies par les dispositions citées au point 3 et leurs patients traités à ce titre relèvent du droit privé, la responsabilité de l'établissement public de santé dans lequel le patient a été pris en charge dans le cadre de l'activité libérale du praticien peut néanmoins être engagée dès lors que les dommages invoqués sont imputables à un mauvais fonctionnement du service public résultant soit d'une mauvaise installation des locaux, soit d'un matériel défectueux, soit d'une faute commise par un agent de l'établissement mis à disposition du praticien exerçant à titre libéral.
5. D'autre part, il appartient au praticien qui réalise une intervention chirurgicale de s'assurer, au vu des données médicales dont il dispose, de la pertinence de l'indication thérapeutique sur la base de laquelle elle a été prescrite. Il s'ensuit que lorsque l'intervention est réalisée au sein du service public, y compris par un praticien hospitalier qui a lui-même posé l'indication thérapeutique dans l'exercice de son activité libérale, la faute commise dans le choix de cette indication thérapeutique est de nature à engager la responsabilité du service public hospitalier, alors même que l'exécution de l'opération n'a pas été par elle-même fautive. Il est toutefois loisible à l'établissement public de former une action récursoire contre l'auteur initial du choix thérapeutique à l'origine de la faute commise.
6. Pour retenir la responsabilité du centre hospitalier de Vichy, la cour administrative d'appel, ayant constaté que le même médecin avait reçu en consultation le patient dans un cadre libéral puis l'avait opéré dans le cadre du service public hospitalier, s'est, à titre principal, fondée, non sur l'indication thérapeutique erronée posée à l'issue de la consultation, mais sur la faute consistant à avoir pratiqué dans le cadre du service public une intervention chirurgicale inadaptée à la pathologie du patient, dont elle a constaté qu'elle était de nature à porter en elle-même l'intégralité du dommage. En statuant ainsi et en jugeant que l'intégralité de la réparation pouvait être mise à la charge du centre hospitalier de Vichy, la cour administrative d'appel, qui n'a pas exclu la possibilité d'une action récursoire contre le praticien hospitalier au titre de la faute commise par ce dernier, n'a pas, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, commis d'erreur de droit ni inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.
Sur la responsabilité du centre hospitalier au titre d'un manquement à l'obligation d'information du patient :
7. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. / (...) / En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen ".
8. L'information qui doit être portée à la connaissance du patient en application des dispositions de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique citées au point précédent, lorsqu'elle porte sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles que comporte une intervention chirurgicale ainsi que sur les autres solutions thérapeutiques possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus, doit en principe être délivrée par le médecin ou l'équipe médicale chargée de cette intervention, dans un délai suffisant pour permettre au patient de donner, de manière éclairée, son consentement à la réalisation de l'acte chirurgical ou d'en refuser la réalisation.
9. Lorsqu'en particulier, un praticien hospitalier réalise, dans le cadre du service public hospitalier, une intervention chirurgicale sur un patient qu'il a suivi jusqu'à cette hospitalisation au titre de son activité libérale, l'information sur les risques attachés à cette intervention doit avoir été délivrée en principe par ce praticien hospitalier, dans le cadre de la prise en charge du patient effectuée au titre de son activité libérale. Toutefois, en cas d'omission ou d'insuffisance de l'information délivrée par le praticien dans le cadre de son activité libérale, et si cette information n'a pas été délivrée dans le cadre de la prise en charge par le service public hospitalier, le patient, peut se prévaloir du manquement qui résulte de ce défaut d'information pour rechercher la responsabilité de l'établissement public de santé, sans préjudice de l'action récursoire que cet établissement peut former contre le praticien hospitalier au titre de la faute commise dans le cadre de son activité libérale.
10. Pour retenir la responsabilité du centre hospitalier au titre d'un défaut d'information, la cour, en estimant que le centre hospitalier n'avait pas établi que l'intéressé avait bénéficié de l'information prévue aux dispositions de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, n'a pas, au regard des règles rappelées au point précédent, entaché son arrêt d'une erreur de droit.
Sur l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent :
11. Il résulte de l'instruction que pour indemniser le déficit fonctionnel permanent de M. C... sur la base d'un taux de 15%, la cour s'est fondée sur le rapport d'expertise qui inclut dans cette évaluation uniquement les séquelles résultant de la radiothérapie rendue nécessaire en raison du geste d'enclouage. Le centre hospitalier n'est, par suite, pas fondé à soutenir que l'arrêt attaqué aurait omis de tenir compte de son argumentation tirée de ce que ce préjudice n'aurait été imputable qu'à l'évolution de la maladie.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier de Vichy n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. Son pourvoi doit, par suite, être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi du centre hospitalier de Vichy est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier de Vichy, à Mme D... C... et à Mme F... C....
Délibéré à l'issue de la séance du 14 septembre 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat et Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 6 octobre 2022.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Flavie Le Tallec
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras
N° 446764
ECLI:FR:CECHR:2022:446764.20221006
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème - 6ème chambres réunies
Mme Flavie Le Tallec, rapporteur
M. Florian Roussel, rapporteur public
SCP DUHAMEL - RAMEIX - GURY- MAITRE, avocats
Lecture du jeudi 6 octobre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Mme E... A... épouse C..., Mme D... C... et Mme F... C..., ayant repris l'instance après le décès de M. B... C..., ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner le centre hospitalier de Vichy à leur verser la somme de 93 358 euros en réparation des préjudices subis par ce dernier à la suite de sa prise en charge par cet établissement hospitalier. Par un jugement n° 1601795 du 22 novembre 2018, le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier de Vichy à leur verser la somme de 9 938 euros, ainsi qu'à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier la somme de 3279,75 euros au titre du remboursement des dépenses de santé et de l'indemnité forfaitaire de gestion et a rejeté le surplus des demandes.
Par un arrêt n° 19LY00419 du 24 septembre 2020, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de Mmes D... et F... C..., porté à 27 500 euros le montant de la somme que le centre hospitalier de Vichy a été condamné à leur verser, rejeté le surplus de leurs conclusions ainsi que celles du centre hospitalier.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 novembre 2020 et 12 février 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le centre hospitalier de Vichy demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel incident et d'annuler le jugement du tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de Mmes C... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Duhamel - Rameix - Gury - Maître, avocat du centre hospitalier de Vichy.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 septembre 2022, présentée par le centre hospitalier de Vichy ;
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'une radiographie et d'une scintigraphie osseuse pratiquées en mars 2015, dont le résultat était évocateur d'une tumeur osseuse, M. C... a été hospitalisé, le 26 mars 2015, en secteur public du centre hospitalier de Vichy, et y a subi un enclouage de l'humérus avec alésage réalisé par le praticien hospitalier qui l'avait suivi auparavant dans le cadre de son activité libérale. Estimant que des fautes liées au retard de diagnostic de sa maladie osseuse, au choix de l'indication thérapeutique dont la mise en oeuvre était de nature à favoriser l'essaimage de cellules cancéreuses dans les tissus mous et à un manquement quant à l'obligation d'information préalable à cette intervention, avaient été commises, M. C... a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une demande de réparation dirigée contre l'établissement de santé. Par un jugement du 22 novembre 2018, le tribunal a condamné le centre hospitalier de Vichy à indemniser les ayants droit de M. C..., décédé en avril 2017, du montant des préjudices subis par ce dernier du fait d'un choix thérapeutique erroné. Le centre hospitalier se pourvoit en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a confirmé sa responsabilité, après avoir retenu que lui étaient imputables la faute procédant d'une indication thérapeutique erronée et un manquement à l'obligation d'information du patient.
Sur le cadre juridique :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I.- Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ". Aux termes de l'article L. 6111-1 du même code dans sa version applicable au litige : " Les établissements de santé publics, privés et privés d'intérêt collectif assurent, dans les conditions prévues par le présent code, le diagnostic, la surveillance et le traitement des malades, des blessés et des femmes enceintes. (...). ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 6154-1 du même code dans sa version applicable au litige : " Dès lors que l'exercice des missions de service public définies à l'article L. 6112-1 dans les conditions prévues à l'article L. 6112-3 n'y fait pas obstacle, les praticiens statutaires exerçant à temps plein dans les établissements publics de santé sont autorisés à exercer une activité libérale dans les conditions définies au présent chapitre ". En vertu de l'article L. 6154-2 du même code, l'activité libérale peut comprendre des consultations, des actes et des soins en hospitalisation et s'exerce exclusivement au sein des établissements dans lesquels les praticiens ont été nommés ou, dans le cas d'une activité partagée, dans l'établissement où ils exercent la majorité de leur activité publique, sous la triple condition que cet article énonce. Les modalités de la prise en charge du patient en secteur d'activité libérale sont alors réglées en particulier par les dispositions des articles R. 6154-6 du code de la santé publique concernant les frais de séjour, R. 6154-7 concernant les indications relatives aux règles applicables du fait de ce choix ainsi qu'à l'expression écrite du choix et par un renvoi aux dispositions de l'article R. 1112-23 du même code, qui rend impossible le transfert d'un patient, admis dans un secteur d'activité libérale ou en secteur public, dans l'autre secteur.
Sur la responsabilité du centre hospitalier de Vichy au titre d'une faute dans l'indication thérapeutique :
4. D'une part, alors que les rapports qui s'établissent entre les praticiens hospitaliers exerçant une activité libérale dans les conditions définies par les dispositions citées au point 3 et leurs patients traités à ce titre relèvent du droit privé, la responsabilité de l'établissement public de santé dans lequel le patient a été pris en charge dans le cadre de l'activité libérale du praticien peut néanmoins être engagée dès lors que les dommages invoqués sont imputables à un mauvais fonctionnement du service public résultant soit d'une mauvaise installation des locaux, soit d'un matériel défectueux, soit d'une faute commise par un agent de l'établissement mis à disposition du praticien exerçant à titre libéral.
5. D'autre part, il appartient au praticien qui réalise une intervention chirurgicale de s'assurer, au vu des données médicales dont il dispose, de la pertinence de l'indication thérapeutique sur la base de laquelle elle a été prescrite. Il s'ensuit que lorsque l'intervention est réalisée au sein du service public, y compris par un praticien hospitalier qui a lui-même posé l'indication thérapeutique dans l'exercice de son activité libérale, la faute commise dans le choix de cette indication thérapeutique est de nature à engager la responsabilité du service public hospitalier, alors même que l'exécution de l'opération n'a pas été par elle-même fautive. Il est toutefois loisible à l'établissement public de former une action récursoire contre l'auteur initial du choix thérapeutique à l'origine de la faute commise.
6. Pour retenir la responsabilité du centre hospitalier de Vichy, la cour administrative d'appel, ayant constaté que le même médecin avait reçu en consultation le patient dans un cadre libéral puis l'avait opéré dans le cadre du service public hospitalier, s'est, à titre principal, fondée, non sur l'indication thérapeutique erronée posée à l'issue de la consultation, mais sur la faute consistant à avoir pratiqué dans le cadre du service public une intervention chirurgicale inadaptée à la pathologie du patient, dont elle a constaté qu'elle était de nature à porter en elle-même l'intégralité du dommage. En statuant ainsi et en jugeant que l'intégralité de la réparation pouvait être mise à la charge du centre hospitalier de Vichy, la cour administrative d'appel, qui n'a pas exclu la possibilité d'une action récursoire contre le praticien hospitalier au titre de la faute commise par ce dernier, n'a pas, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, commis d'erreur de droit ni inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.
Sur la responsabilité du centre hospitalier au titre d'un manquement à l'obligation d'information du patient :
7. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. / (...) / En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen ".
8. L'information qui doit être portée à la connaissance du patient en application des dispositions de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique citées au point précédent, lorsqu'elle porte sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles que comporte une intervention chirurgicale ainsi que sur les autres solutions thérapeutiques possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus, doit en principe être délivrée par le médecin ou l'équipe médicale chargée de cette intervention, dans un délai suffisant pour permettre au patient de donner, de manière éclairée, son consentement à la réalisation de l'acte chirurgical ou d'en refuser la réalisation.
9. Lorsqu'en particulier, un praticien hospitalier réalise, dans le cadre du service public hospitalier, une intervention chirurgicale sur un patient qu'il a suivi jusqu'à cette hospitalisation au titre de son activité libérale, l'information sur les risques attachés à cette intervention doit avoir été délivrée en principe par ce praticien hospitalier, dans le cadre de la prise en charge du patient effectuée au titre de son activité libérale. Toutefois, en cas d'omission ou d'insuffisance de l'information délivrée par le praticien dans le cadre de son activité libérale, et si cette information n'a pas été délivrée dans le cadre de la prise en charge par le service public hospitalier, le patient, peut se prévaloir du manquement qui résulte de ce défaut d'information pour rechercher la responsabilité de l'établissement public de santé, sans préjudice de l'action récursoire que cet établissement peut former contre le praticien hospitalier au titre de la faute commise dans le cadre de son activité libérale.
10. Pour retenir la responsabilité du centre hospitalier au titre d'un défaut d'information, la cour, en estimant que le centre hospitalier n'avait pas établi que l'intéressé avait bénéficié de l'information prévue aux dispositions de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, n'a pas, au regard des règles rappelées au point précédent, entaché son arrêt d'une erreur de droit.
Sur l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent :
11. Il résulte de l'instruction que pour indemniser le déficit fonctionnel permanent de M. C... sur la base d'un taux de 15%, la cour s'est fondée sur le rapport d'expertise qui inclut dans cette évaluation uniquement les séquelles résultant de la radiothérapie rendue nécessaire en raison du geste d'enclouage. Le centre hospitalier n'est, par suite, pas fondé à soutenir que l'arrêt attaqué aurait omis de tenir compte de son argumentation tirée de ce que ce préjudice n'aurait été imputable qu'à l'évolution de la maladie.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier de Vichy n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. Son pourvoi doit, par suite, être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi du centre hospitalier de Vichy est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier de Vichy, à Mme D... C... et à Mme F... C....
Délibéré à l'issue de la séance du 14 septembre 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat et Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 6 octobre 2022.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Flavie Le Tallec
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras