Conseil d'État
N° 451627
ECLI:FR:CECHR:2022:451627.20220927
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
M. Philippe Bachschmidt , rapporteur
M. Laurent Domingo, rapporteur public
SCP SEVAUX, MATHONNET ; SCP DE NERVO, POUPET, avocats
Lecture du mardi 27 septembre 2022
Vu la procédure suivante :
L'association Mormal Forêt Agir a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle l'Office national des forêts (ONF) a rejeté sa demande tendant à la communication des pages et des annexes non publiées du document d'aménagement de la forêt de Mormal ainsi que des volumes de bois récoltés et des surfaces exploitées annuellement depuis 2014 dans cette forêt et d'enjoindre à l'ONF de lui communiquer les informations ainsi demandées et, d'autre part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle l'ONF a rejeté sa demande tendant à la communication d'informations relatives à l'abattage des arbres de la parcelle 901 de la forêt de Mormal et d'enjoindre à l'ONF de lui communiquer les informations ainsi demandées. Par un jugement n° 1817587 et 1910847 du 10 février 2021, le tribunal administratif a rejeté sa première demande et fait droit à la seconde.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 avril et 12 juillet 2021 et 5 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Mormal Forêt Agir demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite par laquelle l'ONF a rejeté sa demande tendant à la communication des pages et des annexes non publiées du document d'aménagement de la forêt de Mormal ainsi que des volumes de bois récoltés et des surfaces exploitées depuis 2014 dans cette forêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'ONF la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code forestier ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Philippe Bachschmidt, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'association Mormal Forêt Agir et à la SCP de Nervo, Poupet, avocat de l'Office national des forêts ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'association Mormal Forêt Agir a demandé à l'Office national des forêts (ONF) la communication, d'une part, des pages et des annexes non publiées du document d'aménagement de la forêt de Mormal pour la période 2014-2033, approuvé le 1er octobre 2015, et, d'autre part, des volumes de bois récoltés annuellement depuis 2014, en différenciant la destination des volumes prélevés, et des surfaces exploitées annuellement depuis 2014, en distinguant les surfaces sur la base des numéros de parcelle, dans cette même forêt. Le tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de l'association tendant à l'annulation du refus opposé par l'ONF à cette demande par un jugement dont celle-ci demande l'annulation dans cette mesure.
Sur la demande de communication des volumes de bois récoltés et des surfaces exploitées de la forêt de Mormal depuis 2014 :
2. Pour rejeter les conclusions de l'association requérante tendant à l'annulation du refus de communication de ces informations, le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce que l'ONF n'était pas en possession de telles données.
3. En premier lieu, dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge administratif a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'association requérante a produit, postérieurement à l'audience du 27 janvier 2021, une note en délibéré visée par le jugement attaqué, à l'appui de laquelle étaient fournis deux documents. Le premier consiste en un graphique daté du mois de novembre 2020, émanant de l'ONF, et retraçant le volume annuel de bois vendu à l'échelle de la métropole. Le second est un " post " publié par l'ONF sur un compte ouvert sur un réseau social, publié le 10 janvier 2021, qui rappelle au public que chaque massif forestier donne lieu à la tenue, le plus souvent sur papier, d'un " sommier forestier ", décrit comme un grand classeur qui constitue le " journal de bord " de la forêt et qui comporte notamment le volume de bois récolté.
5. D'une part, le premier document était insusceptible, en raison de son faible degré de précision, d'étayer l'allégation de l'association requérante selon laquelle l'ONF disposait nécessairement des données détaillées qu'elle demandait. Il était donc insusceptible d'exercer une influence sur le sens du jugement. D'autre part, si l'association n'était pas en mesure de produire le second document avant la clôture de l'instruction, fixée au 28 juin 2019, elle n'était nullement empêchée de se prévaloir avant cette date de l'existence et du contenu du sommier forestier que cette pièce se bornait à rappeler. Il suit de là que l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif aurait entaché son jugement d'irrégularité en s'abstenant de rouvrir l'instruction à la suite de la production de ces documents.
6. En second lieu, en jugeant que les pièces du dossier ne faisaient pas ressortir que l'ONF serait en possession des données relatives aux volumes de bois récoltés annuellement et aux surfaces exploitées annuellement, le tribunal administratif a porté sur ces pièces une appréciation souveraine exempte de dénaturation et d'inexactitude matérielle.
7. Il résulte de ce qui précède que l'association requérante n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite par laquelle l'ONF a rejeté sa demande tendant à la communication des volumes de bois récoltés et des surfaces exploitées dans la forêt de Mormal depuis 2014.
Sur la demande de communication des pages et des annexes non publiées du document d'aménagement de la forêt de Mormal :
En ce qui concerne l'étendue du litige :
8. Il ressort des pièces du dossier que l'ONF a communiqué à l'association requérante, en cours d'instance, le 8 septembre 2022, les annexes non publiées du document d'aménagement de la forêt de Mormal, à l'exception de l'annexe n° 6. Les conclusions du pourvoi sont, dans cette mesure, devenues sans objet. Par suite, il n'y a plus lieu d'y statuer ni d'ordonner aucune mesure d'exécution.
En ce qui concerne le surplus des conclusions relatives à la communication des pages et des annexes non publiées du document d'aménagement de la forêt de Mormal :
Quant au cadre juridique :
9. En premier lieu, selon l'article L. 212-2 du code forestier : " Le document d'aménagement (...) prend en compte les objectifs de gestion durable, notamment la contribution actuelle et potentielle de la forêt à l'équilibre des fonctions écologique, économique et sociale du territoire où elle se situe, ainsi que les caractéristiques des bassins d'approvisionnement des industries du bois. (...) ". L'article L. 122-6 du même code prévoit que : " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 112-3 et de celles de l'article L. 311-9 du code des relations entre le public et l'administration, les programmes régionaux de la forêt et du bois, les directives et schémas régionaux ainsi que les documents d'aménagement pour leur partie technique sont communicables à toute personne, à sa demande et à ses frais. " L'article D. 212-1 du même code dispose que : " Le document d'aménagement (...) est un document de gestion qui prévoit l'aménagement forestier nécessaire à chaque bois ou forêt relevant du régime forestier (...). / Il comprend : / 1° Des analyses préalables portant sur le milieu naturel, le patrimoine culturel et les besoins, en matière économique, sociale et environnementale, des utilisateurs et des titulaires de droits réels ou personnels. Ces analyses prennent en compte les prescriptions et recommandations contenues dans les documents de référence arrêtés par l'Etat ou les collectivités territoriales en matière de protection de l'environnement, d'aménagement de l'espace et de développement des politiques sportives, éducatives et de loisirs. Elles mentionnent l'existence de droits d'usage au sens de l'article L. 241-2 ; / 2° Une partie technique qui rassemble des renseignements généraux sur la forêt, une évaluation de sa gestion passée, la présentation des objectifs de gestion durable poursuivis ainsi que les moyens à mettre en oeuvre pour les atteindre, compte tenu des analyses mentionnées au 1° ; y figure, en particulier, la programmation des coupes et des travaux sylvicoles ; / 3° Une partie économique, qui comprend notamment le bilan financier prévisionnel des programmes d'action envisagés. " L'article D. 212-2 du même code prévoit que : " Le document d'aménagement est préparé par l'Office national des forêts. " Aux termes de l'article D. 212-6 du même code : " La directive régionale d'aménagement, le schéma régional d'aménagement, la déclaration qui leur est annexée et la partie technique des documents d'aménagement mentionnée au 2° de l'article D. 212-1 peuvent être consultés sur le site internet des préfectures ou dans les sous-préfectures concernées. "
10. En second lieu, d'une part, l'article L. 112-3 du code forestier dispose que : " Les informations établies ou détenues en application du présent code par des autorités publiques au sens du chapitre IV du titre II du livre Ier du code de l'environnement sont accessibles au public dans les conditions fixées par ce chapitre, sous réserve des dispositions particulières du présent code. "
11. D'autre part, en vertu de l'article L. 124-2 du code de l'environnement, est considérée comme une information relative à l'environnement toute information disponible, quel qu'en soit le support, concernant l'état des éléments de l'environnement, notamment le sol, les terres, les paysages et les sites naturels, ainsi que les interactions entre ces éléments, les décisions, les activités et les facteurs susceptibles d'avoir des incidences sur l'état de ces éléments ou destinés à protéger ces éléments, ainsi que les analyses des coûts et avantages et les hypothèses économiques utilisées dans le cadre de ces décisions et activités. En application de l'article L. 124-3 du même code : " Toute personne qui en fait la demande reçoit communication des informations relatives à l'environnement détenues par : / 1° L'Etat, les collectivités territoriales et leurs groupements, les établissements publics (...) ". Selon le I de l'article L. 124-4 du même code : " Après avoir apprécié l'intérêt d'une communication, l'autorité publique peut rejeter la demande d'une information relative à l'environnement dont la consultation ou la communication porte atteinte : / 1° Aux intérêts mentionnés aux articles L. 311-5 à L. 311-8 du code des relations entre le public et l'administration, à l'exception de ceux visés au e et au h du 2° de l'article L. 311-5 (...) ". L'article L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration dispose notamment que : " Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs : / 1° Dont la communication porterait atteinte (...) au secret des affaires, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles et est apprécié en tenant compte, le cas échéant, du fait que la mission de service public de l'administration mentionnée au premier alinéa de l'article L. 300-2 est soumise à la concurrence (...) ".
12. Il résulte des dispositions citées ci-dessus que si le code forestier prévoit que les documents d'aménagement des forêts sont, pour leur partie technique, communicables à toute personne qui en fait la demande, les obligations de communication pesant sur les personnes publiques pour les bois et forêts relevant du régime forestier ne s'arrêtent pas là. Les dispositions citées aux points 10 et 11 prévoient effet que toute autorité publique relevant des dispositions du code forestier, en particulier tout établissement public, est tenue de communiquer les informations environnementales qu'elle détient, reçoit ou établit à toute personne qui lui en adresse la demande. Toutefois, après avoir apprécié l'intérêt d'une communication, elle peut rejeter une demande d'information environnementale lorsque la consultation ou la communication de cette information porte atteinte au secret des affaires.
Quant au surplus des conclusions :
13. En application de l'article L. 221-1 du code forestier, l'ONF est un établissement public national à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle de l'Etat. Il relève dès lors du 1° de l'article L. 124-3 du code de l'environnement. Par suite, il est soumis aux obligations résultant de l'article L. 124-1 du code de l'environnement en matière de communication des informations relatives à l'environnement, telles que définies par l'article L. 124-2 du même code, qu'il détient, reçoit ou établit.
14. Il résulte des dispositions combinées de l'article L. 124-2 du code de l'environnement et de l'article D. 212-1 du code forestier que tant les analyses préalables figurant dans le document d'aménagement d'une forêt, qui se rapportent à l'état des éléments de l'environnement et aux activités susceptibles de les affecter, que la partie économique de ce document, qui a trait à ces activités et aux hypothèses économiques utilisées dans ce cadre, constituent des informations relatives à l'environnement.
15. Pour rejeter la demande de l'association requérante portant sur les pages et les annexes non publiées du document d'aménagement de la forêt de Mormal, le tribunal administratif, qui n'a pas fait produire ce document, s'est fondé, après avoir rappelé que l'ONF faisait valoir en défense que ces éléments avaient trait à des informations d'ordre économique sans caractère environnemental, sur ce que, " au regard des dispositions combinées de l'article L. 124-4 du code de l'environnement et de l'article D. 212-6 du code forestier ", la divulgation de ces éléments à des tiers devait être regardée comme de nature à porter atteinte au secret des affaires. En statuant ainsi, le tribunal administratif n'a pas mis à même le juge de cassation d'exercer son contrôle et a, ainsi, insuffisamment motivé son jugement.
16. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que l'association requérante est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite par laquelle l'ONF a rejeté sa demande tendant à la communication des pages non publiées et de l'annexe n° 6 du document d'aménagement de la forêt de Mormal.
17. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
18. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que les pages 129 à 133 du document d'aménagement de la forêt de Mormal, qui constituent sa partie économique et ne sont pas publiées, comportent une prévision détaillée des volumes annuels de bois à récolter, notamment par essence et par diamètre (page 129), une estimation détaillée de la recette annuelle susceptible d'être tirée de la vente de ces volumes de bois, sur la base de prix unitaires estimatifs (page 130), un tableau récapitulatif des recettes et des dépenses attendues annuellement au titre de la gestion de la forêt de Mormal, assorti de commentaires explicatifs, constituant le bilan financier prévisionnel des programmes d'action envisagés au sens de l'article D. 212-1 du code forestier (pages 131 et 132), ainsi qu'un tableau de bord des indicateurs nationaux de suivi pour la mise en oeuvre de l'aménagement forestier (page 133).
19. Les informations concernant la recette pouvant être tirée de la vente des volumes de bois susceptibles d'être mis sur le marché et les prix attendus (page 130) et celles concernant les recettes et les dépenses attendues au titre de la gestion de la forêt de Mormal (pages 131 et 132) sont de nature à influer tant sur les conditions de la concurrence entre les opérateurs de vente de bois dont fait partie l'ONF que sur les conditions dans lesquelles l'office négocie la vente de bois avec des acheteurs. Elles se rapportent ainsi à la stratégie commerciale de l'ONF. Par suite, leur communication doit être regardée comme de nature à porter atteinte au secret des affaires au sens de l'article L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que la communication au public de ces informations présenterait, du point de vue de la préservation de l'environnement, un intérêt justifiant qu'elles soient communiquées en dépit du secret des affaires, sur le fondement du premier alinéa du I de l'article L. 124-4 du code de l'environnement. Par suite, l'association requérante n'est pas fondée à demander l'annulation du refus de l'ONF de lui communiquer les pages non publiées du document d'aménagement, lequel n'est par ailleurs entaché d'aucun détournement de pouvoir, en tant qu'il a refusé la communication des pages 130 à 132.
20. En revanche, les informations concernant la prévision détaillée des volumes de bois à récolter (page 129) et celles concernant les indicateurs nationaux de suivi (page 133) ne sauraient être regardées comme se rapportant à la stratégie commerciale de l'ONF. Leur communication n'est donc pas de nature à porter atteinte au secret des affaires au sens de l'article L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, l'association requérante est fondée à demander l'annulation du refus de l'ONF de lui communiquer les pages 129 et 133 du document d'aménagement.
21. En second lieu, il ressort également des pièces du dossier que l'annexe n° 6 du document d'aménagement de la forêt de Mormal, qui n'est pas publiée, est constituée par la liste d'émargement des participants à une réunion d'information et de concertation destinée aux élus locaux le 1er juillet 2013, comportant leur nom, leur prénom, leur qualité et leur signature. Les participants à cette réunion sont des représentants des collectivités territoriales, des services de l'Etat et de l'ONF. Ces informations ne peuvent être regardées comme de nature à porter atteinte au secret des affaires au sens de l'article L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration, et ne relèvent d'aucune des exceptions mentionnées à l'article L. 124-4 du code de l'environnement. Il suit de là que l'association requérante est fondée à demander l'annulation du refus de l'ONF de lui communiquer les annexes non publiées du document d'aménagement, en tant qu'il a refusé la communication de l'annexe n° 6.
22. Il y a lieu d'enjoindre à l'ONF de communiquer à l'association requérante les pages 129 et 133 et l'annexe n° 6 du document d'aménagement de la forêt de Mormal dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'association requérante, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONF la somme de 3 000 euros à verser à l'association requérante au titre de ces dispositions.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de l'association requérante relatives à la communication des annexes non publiées du document d'aménagement de la forêt de Mormal, à l'exception de l'annexe n° 6.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a rejeté la demande d'annulation de la décision implicite par laquelle l'Office national des forêts a rejeté la demande de l'association requérante tendant à la communication des pages et des annexes non publiées du document d'aménagement de la forêt de Mormal.
Article 3 : La décision implicite par laquelle l'Office national des forêts a rejeté la demande de l'association Mormal Forêt Agir tendant à la communication des pages et des annexes non publiées du document d'aménagement de la forêt de Mormal est annulée, en tant qu'il a refusé la communication des pages 129 et 133 et de l'annexe n° 6.
Article 4 : Il est enjoint à l'Office national des forêts de communiquer à l'association requérante les pages 129 et 133 et l'annexe n° 6 du document d'aménagement de la forêt de Mormal dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 5 : L'Office national des forêts versera la somme de 3 000 euros à l'association requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de l'association requérante est rejeté.
Article 7 : Les conclusions présentées par l'Office national des forêts au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 8 : La présente décision sera notifiée à l'association Mormal Forêt Agir et à l'Office national des forêts.
Délibéré à l'issue de la séance du 9 septembre 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, M. Frédéric Aladjidi présidents de chambre, Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, Mme Isabelle Lemesle, M. Nicolas Polge, M. Alain Seban, conseillers d'Etat, et M. Philippe Bachschmidt, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 27 septembre 2022.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
Le rapporteur :
Signé : M. Philippe Bachschmidt
La secrétaire :
Signé : Mme Naouel Adouane
N° 451627
ECLI:FR:CECHR:2022:451627.20220927
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
M. Philippe Bachschmidt , rapporteur
M. Laurent Domingo, rapporteur public
SCP SEVAUX, MATHONNET ; SCP DE NERVO, POUPET, avocats
Lecture du mardi 27 septembre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
L'association Mormal Forêt Agir a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle l'Office national des forêts (ONF) a rejeté sa demande tendant à la communication des pages et des annexes non publiées du document d'aménagement de la forêt de Mormal ainsi que des volumes de bois récoltés et des surfaces exploitées annuellement depuis 2014 dans cette forêt et d'enjoindre à l'ONF de lui communiquer les informations ainsi demandées et, d'autre part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle l'ONF a rejeté sa demande tendant à la communication d'informations relatives à l'abattage des arbres de la parcelle 901 de la forêt de Mormal et d'enjoindre à l'ONF de lui communiquer les informations ainsi demandées. Par un jugement n° 1817587 et 1910847 du 10 février 2021, le tribunal administratif a rejeté sa première demande et fait droit à la seconde.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 avril et 12 juillet 2021 et 5 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Mormal Forêt Agir demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite par laquelle l'ONF a rejeté sa demande tendant à la communication des pages et des annexes non publiées du document d'aménagement de la forêt de Mormal ainsi que des volumes de bois récoltés et des surfaces exploitées depuis 2014 dans cette forêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'ONF la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code forestier ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Philippe Bachschmidt, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'association Mormal Forêt Agir et à la SCP de Nervo, Poupet, avocat de l'Office national des forêts ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'association Mormal Forêt Agir a demandé à l'Office national des forêts (ONF) la communication, d'une part, des pages et des annexes non publiées du document d'aménagement de la forêt de Mormal pour la période 2014-2033, approuvé le 1er octobre 2015, et, d'autre part, des volumes de bois récoltés annuellement depuis 2014, en différenciant la destination des volumes prélevés, et des surfaces exploitées annuellement depuis 2014, en distinguant les surfaces sur la base des numéros de parcelle, dans cette même forêt. Le tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de l'association tendant à l'annulation du refus opposé par l'ONF à cette demande par un jugement dont celle-ci demande l'annulation dans cette mesure.
Sur la demande de communication des volumes de bois récoltés et des surfaces exploitées de la forêt de Mormal depuis 2014 :
2. Pour rejeter les conclusions de l'association requérante tendant à l'annulation du refus de communication de ces informations, le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce que l'ONF n'était pas en possession de telles données.
3. En premier lieu, dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge administratif a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'association requérante a produit, postérieurement à l'audience du 27 janvier 2021, une note en délibéré visée par le jugement attaqué, à l'appui de laquelle étaient fournis deux documents. Le premier consiste en un graphique daté du mois de novembre 2020, émanant de l'ONF, et retraçant le volume annuel de bois vendu à l'échelle de la métropole. Le second est un " post " publié par l'ONF sur un compte ouvert sur un réseau social, publié le 10 janvier 2021, qui rappelle au public que chaque massif forestier donne lieu à la tenue, le plus souvent sur papier, d'un " sommier forestier ", décrit comme un grand classeur qui constitue le " journal de bord " de la forêt et qui comporte notamment le volume de bois récolté.
5. D'une part, le premier document était insusceptible, en raison de son faible degré de précision, d'étayer l'allégation de l'association requérante selon laquelle l'ONF disposait nécessairement des données détaillées qu'elle demandait. Il était donc insusceptible d'exercer une influence sur le sens du jugement. D'autre part, si l'association n'était pas en mesure de produire le second document avant la clôture de l'instruction, fixée au 28 juin 2019, elle n'était nullement empêchée de se prévaloir avant cette date de l'existence et du contenu du sommier forestier que cette pièce se bornait à rappeler. Il suit de là que l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif aurait entaché son jugement d'irrégularité en s'abstenant de rouvrir l'instruction à la suite de la production de ces documents.
6. En second lieu, en jugeant que les pièces du dossier ne faisaient pas ressortir que l'ONF serait en possession des données relatives aux volumes de bois récoltés annuellement et aux surfaces exploitées annuellement, le tribunal administratif a porté sur ces pièces une appréciation souveraine exempte de dénaturation et d'inexactitude matérielle.
7. Il résulte de ce qui précède que l'association requérante n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite par laquelle l'ONF a rejeté sa demande tendant à la communication des volumes de bois récoltés et des surfaces exploitées dans la forêt de Mormal depuis 2014.
Sur la demande de communication des pages et des annexes non publiées du document d'aménagement de la forêt de Mormal :
En ce qui concerne l'étendue du litige :
8. Il ressort des pièces du dossier que l'ONF a communiqué à l'association requérante, en cours d'instance, le 8 septembre 2022, les annexes non publiées du document d'aménagement de la forêt de Mormal, à l'exception de l'annexe n° 6. Les conclusions du pourvoi sont, dans cette mesure, devenues sans objet. Par suite, il n'y a plus lieu d'y statuer ni d'ordonner aucune mesure d'exécution.
En ce qui concerne le surplus des conclusions relatives à la communication des pages et des annexes non publiées du document d'aménagement de la forêt de Mormal :
Quant au cadre juridique :
9. En premier lieu, selon l'article L. 212-2 du code forestier : " Le document d'aménagement (...) prend en compte les objectifs de gestion durable, notamment la contribution actuelle et potentielle de la forêt à l'équilibre des fonctions écologique, économique et sociale du territoire où elle se situe, ainsi que les caractéristiques des bassins d'approvisionnement des industries du bois. (...) ". L'article L. 122-6 du même code prévoit que : " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 112-3 et de celles de l'article L. 311-9 du code des relations entre le public et l'administration, les programmes régionaux de la forêt et du bois, les directives et schémas régionaux ainsi que les documents d'aménagement pour leur partie technique sont communicables à toute personne, à sa demande et à ses frais. " L'article D. 212-1 du même code dispose que : " Le document d'aménagement (...) est un document de gestion qui prévoit l'aménagement forestier nécessaire à chaque bois ou forêt relevant du régime forestier (...). / Il comprend : / 1° Des analyses préalables portant sur le milieu naturel, le patrimoine culturel et les besoins, en matière économique, sociale et environnementale, des utilisateurs et des titulaires de droits réels ou personnels. Ces analyses prennent en compte les prescriptions et recommandations contenues dans les documents de référence arrêtés par l'Etat ou les collectivités territoriales en matière de protection de l'environnement, d'aménagement de l'espace et de développement des politiques sportives, éducatives et de loisirs. Elles mentionnent l'existence de droits d'usage au sens de l'article L. 241-2 ; / 2° Une partie technique qui rassemble des renseignements généraux sur la forêt, une évaluation de sa gestion passée, la présentation des objectifs de gestion durable poursuivis ainsi que les moyens à mettre en oeuvre pour les atteindre, compte tenu des analyses mentionnées au 1° ; y figure, en particulier, la programmation des coupes et des travaux sylvicoles ; / 3° Une partie économique, qui comprend notamment le bilan financier prévisionnel des programmes d'action envisagés. " L'article D. 212-2 du même code prévoit que : " Le document d'aménagement est préparé par l'Office national des forêts. " Aux termes de l'article D. 212-6 du même code : " La directive régionale d'aménagement, le schéma régional d'aménagement, la déclaration qui leur est annexée et la partie technique des documents d'aménagement mentionnée au 2° de l'article D. 212-1 peuvent être consultés sur le site internet des préfectures ou dans les sous-préfectures concernées. "
10. En second lieu, d'une part, l'article L. 112-3 du code forestier dispose que : " Les informations établies ou détenues en application du présent code par des autorités publiques au sens du chapitre IV du titre II du livre Ier du code de l'environnement sont accessibles au public dans les conditions fixées par ce chapitre, sous réserve des dispositions particulières du présent code. "
11. D'autre part, en vertu de l'article L. 124-2 du code de l'environnement, est considérée comme une information relative à l'environnement toute information disponible, quel qu'en soit le support, concernant l'état des éléments de l'environnement, notamment le sol, les terres, les paysages et les sites naturels, ainsi que les interactions entre ces éléments, les décisions, les activités et les facteurs susceptibles d'avoir des incidences sur l'état de ces éléments ou destinés à protéger ces éléments, ainsi que les analyses des coûts et avantages et les hypothèses économiques utilisées dans le cadre de ces décisions et activités. En application de l'article L. 124-3 du même code : " Toute personne qui en fait la demande reçoit communication des informations relatives à l'environnement détenues par : / 1° L'Etat, les collectivités territoriales et leurs groupements, les établissements publics (...) ". Selon le I de l'article L. 124-4 du même code : " Après avoir apprécié l'intérêt d'une communication, l'autorité publique peut rejeter la demande d'une information relative à l'environnement dont la consultation ou la communication porte atteinte : / 1° Aux intérêts mentionnés aux articles L. 311-5 à L. 311-8 du code des relations entre le public et l'administration, à l'exception de ceux visés au e et au h du 2° de l'article L. 311-5 (...) ". L'article L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration dispose notamment que : " Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs : / 1° Dont la communication porterait atteinte (...) au secret des affaires, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles et est apprécié en tenant compte, le cas échéant, du fait que la mission de service public de l'administration mentionnée au premier alinéa de l'article L. 300-2 est soumise à la concurrence (...) ".
12. Il résulte des dispositions citées ci-dessus que si le code forestier prévoit que les documents d'aménagement des forêts sont, pour leur partie technique, communicables à toute personne qui en fait la demande, les obligations de communication pesant sur les personnes publiques pour les bois et forêts relevant du régime forestier ne s'arrêtent pas là. Les dispositions citées aux points 10 et 11 prévoient effet que toute autorité publique relevant des dispositions du code forestier, en particulier tout établissement public, est tenue de communiquer les informations environnementales qu'elle détient, reçoit ou établit à toute personne qui lui en adresse la demande. Toutefois, après avoir apprécié l'intérêt d'une communication, elle peut rejeter une demande d'information environnementale lorsque la consultation ou la communication de cette information porte atteinte au secret des affaires.
Quant au surplus des conclusions :
13. En application de l'article L. 221-1 du code forestier, l'ONF est un établissement public national à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle de l'Etat. Il relève dès lors du 1° de l'article L. 124-3 du code de l'environnement. Par suite, il est soumis aux obligations résultant de l'article L. 124-1 du code de l'environnement en matière de communication des informations relatives à l'environnement, telles que définies par l'article L. 124-2 du même code, qu'il détient, reçoit ou établit.
14. Il résulte des dispositions combinées de l'article L. 124-2 du code de l'environnement et de l'article D. 212-1 du code forestier que tant les analyses préalables figurant dans le document d'aménagement d'une forêt, qui se rapportent à l'état des éléments de l'environnement et aux activités susceptibles de les affecter, que la partie économique de ce document, qui a trait à ces activités et aux hypothèses économiques utilisées dans ce cadre, constituent des informations relatives à l'environnement.
15. Pour rejeter la demande de l'association requérante portant sur les pages et les annexes non publiées du document d'aménagement de la forêt de Mormal, le tribunal administratif, qui n'a pas fait produire ce document, s'est fondé, après avoir rappelé que l'ONF faisait valoir en défense que ces éléments avaient trait à des informations d'ordre économique sans caractère environnemental, sur ce que, " au regard des dispositions combinées de l'article L. 124-4 du code de l'environnement et de l'article D. 212-6 du code forestier ", la divulgation de ces éléments à des tiers devait être regardée comme de nature à porter atteinte au secret des affaires. En statuant ainsi, le tribunal administratif n'a pas mis à même le juge de cassation d'exercer son contrôle et a, ainsi, insuffisamment motivé son jugement.
16. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que l'association requérante est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite par laquelle l'ONF a rejeté sa demande tendant à la communication des pages non publiées et de l'annexe n° 6 du document d'aménagement de la forêt de Mormal.
17. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
18. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que les pages 129 à 133 du document d'aménagement de la forêt de Mormal, qui constituent sa partie économique et ne sont pas publiées, comportent une prévision détaillée des volumes annuels de bois à récolter, notamment par essence et par diamètre (page 129), une estimation détaillée de la recette annuelle susceptible d'être tirée de la vente de ces volumes de bois, sur la base de prix unitaires estimatifs (page 130), un tableau récapitulatif des recettes et des dépenses attendues annuellement au titre de la gestion de la forêt de Mormal, assorti de commentaires explicatifs, constituant le bilan financier prévisionnel des programmes d'action envisagés au sens de l'article D. 212-1 du code forestier (pages 131 et 132), ainsi qu'un tableau de bord des indicateurs nationaux de suivi pour la mise en oeuvre de l'aménagement forestier (page 133).
19. Les informations concernant la recette pouvant être tirée de la vente des volumes de bois susceptibles d'être mis sur le marché et les prix attendus (page 130) et celles concernant les recettes et les dépenses attendues au titre de la gestion de la forêt de Mormal (pages 131 et 132) sont de nature à influer tant sur les conditions de la concurrence entre les opérateurs de vente de bois dont fait partie l'ONF que sur les conditions dans lesquelles l'office négocie la vente de bois avec des acheteurs. Elles se rapportent ainsi à la stratégie commerciale de l'ONF. Par suite, leur communication doit être regardée comme de nature à porter atteinte au secret des affaires au sens de l'article L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que la communication au public de ces informations présenterait, du point de vue de la préservation de l'environnement, un intérêt justifiant qu'elles soient communiquées en dépit du secret des affaires, sur le fondement du premier alinéa du I de l'article L. 124-4 du code de l'environnement. Par suite, l'association requérante n'est pas fondée à demander l'annulation du refus de l'ONF de lui communiquer les pages non publiées du document d'aménagement, lequel n'est par ailleurs entaché d'aucun détournement de pouvoir, en tant qu'il a refusé la communication des pages 130 à 132.
20. En revanche, les informations concernant la prévision détaillée des volumes de bois à récolter (page 129) et celles concernant les indicateurs nationaux de suivi (page 133) ne sauraient être regardées comme se rapportant à la stratégie commerciale de l'ONF. Leur communication n'est donc pas de nature à porter atteinte au secret des affaires au sens de l'article L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, l'association requérante est fondée à demander l'annulation du refus de l'ONF de lui communiquer les pages 129 et 133 du document d'aménagement.
21. En second lieu, il ressort également des pièces du dossier que l'annexe n° 6 du document d'aménagement de la forêt de Mormal, qui n'est pas publiée, est constituée par la liste d'émargement des participants à une réunion d'information et de concertation destinée aux élus locaux le 1er juillet 2013, comportant leur nom, leur prénom, leur qualité et leur signature. Les participants à cette réunion sont des représentants des collectivités territoriales, des services de l'Etat et de l'ONF. Ces informations ne peuvent être regardées comme de nature à porter atteinte au secret des affaires au sens de l'article L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration, et ne relèvent d'aucune des exceptions mentionnées à l'article L. 124-4 du code de l'environnement. Il suit de là que l'association requérante est fondée à demander l'annulation du refus de l'ONF de lui communiquer les annexes non publiées du document d'aménagement, en tant qu'il a refusé la communication de l'annexe n° 6.
22. Il y a lieu d'enjoindre à l'ONF de communiquer à l'association requérante les pages 129 et 133 et l'annexe n° 6 du document d'aménagement de la forêt de Mormal dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'association requérante, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONF la somme de 3 000 euros à verser à l'association requérante au titre de ces dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de l'association requérante relatives à la communication des annexes non publiées du document d'aménagement de la forêt de Mormal, à l'exception de l'annexe n° 6.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a rejeté la demande d'annulation de la décision implicite par laquelle l'Office national des forêts a rejeté la demande de l'association requérante tendant à la communication des pages et des annexes non publiées du document d'aménagement de la forêt de Mormal.
Article 3 : La décision implicite par laquelle l'Office national des forêts a rejeté la demande de l'association Mormal Forêt Agir tendant à la communication des pages et des annexes non publiées du document d'aménagement de la forêt de Mormal est annulée, en tant qu'il a refusé la communication des pages 129 et 133 et de l'annexe n° 6.
Article 4 : Il est enjoint à l'Office national des forêts de communiquer à l'association requérante les pages 129 et 133 et l'annexe n° 6 du document d'aménagement de la forêt de Mormal dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 5 : L'Office national des forêts versera la somme de 3 000 euros à l'association requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de l'association requérante est rejeté.
Article 7 : Les conclusions présentées par l'Office national des forêts au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 8 : La présente décision sera notifiée à l'association Mormal Forêt Agir et à l'Office national des forêts.
Délibéré à l'issue de la séance du 9 septembre 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, M. Frédéric Aladjidi présidents de chambre, Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, Mme Isabelle Lemesle, M. Nicolas Polge, M. Alain Seban, conseillers d'Etat, et M. Philippe Bachschmidt, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 27 septembre 2022.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
Le rapporteur :
Signé : M. Philippe Bachschmidt
La secrétaire :
Signé : Mme Naouel Adouane