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Ariane Web: Conseil d'État 458168, lecture du 29 juillet 2022, ECLI:FR:CECHR:2022:458168.20220729

Décision n° 458168
29 juillet 2022
Conseil d'État

N° 458168
ECLI:FR:CECHR:2022:458168.20220729
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
Mme Catherine Moreau, rapporteur
M. Nicolas Agnoux, rapporteur public
SCP DUHAMEL - RAMEIX - GURY- MAITRE, avocats


Lecture du vendredi 29 juillet 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 3 mai 2021 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande de nomination en qualité de notaire associé au sein de la SELAS " Lacourte et Associés ", ainsi que de la décision implicite rejetant son recours gracieux dirigé contre cette décision. Par une ordonnance n° 2121323/6 du 20 octobre 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 4 et 16 novembre 2021 et 23 mars 2022, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande de suspension ;

3°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de réexaminer sa demande de nomination en qualité de notaire associé ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le décret n° 1973-609 du 5 juillet 1973 ;
- le décret n° 93-78 du 13 janvier 1993 ;
- le décret n° 2016-661 du 20 mai 2016 ;
- le code de justice administrative.


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Duhamel - Rameix - Gury - Maître, avocat de M. B... ;


Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. ".

2. M. A... B... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 20 octobre 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la suspension, sur le fondement des dispositions citées ci-dessus, de l'exécution de la décision du 3 mai 2021 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit nommé notaire associé au sein de l'étude dans laquelle il exerçait jusqu'alors en qualité de notaire salarié, ainsi que le recours gracieux qu'il avait formé contre ce refus.

3. Aux termes de l'article 3 du décret du 5 juillet 1973 relatif à la formation professionnelle dans le notariat et aux conditions d'accès aux fonctions de notaire, dans sa rédaction issue du décret du 20 mai 2016 relatif aux officiers publics et ministériels : " Nul ne peut être notaire s'il ne remplit les conditions suivantes : / 1° Etre français ou ressortissant d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ; / 2° N'avoir pas été l'auteur de faits contraires à l'honneur et à la probité ; (...) ". En vertu de l'article 46 du même décret, la demande de nomination est présentée au garde des sceaux, ministre de la justice, par téléprocédure sur le site internet du ministère de la justice. Aux termes de l'article 47 de ce décret : " Le bureau du Conseil supérieur du notariat communique au garde des sceaux, ministre de la justice, dans les vingt jours suivant sa demande, toute information dont il dispose permettant d'apprécier les capacités professionnelles et l'honorabilité de l'intéressé ".

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

4. Il résulte des énonciations de l'ordonnance attaquée, qui vise la demande de M. B... tendant à la suspension des décisions du garde des sceaux rejetant sa demande de nomination en qualité de notaire associé, que le juge des référés, après avoir écarté, par une motivation suffisante, chacun des moyens soulevés devant lui, a jugé qu'il en résultait, sans qu'il soit besoin de statuer sur la condition d'urgence, que les conclusions de M. B... tendant à la suspension de l'exécution des décisions attaquées devaient être rejetées. Si l'ordonnance attaquée ne mentionne pas que la suspension est demandée sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative et que les moyens ne sont pas propres, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité des décisions attaquées, une telle circonstance ne saurait conduire à considérer que le juge des référés aurait statué en qualité de juge du fond. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le juge des référés aurait méconnu son office et insuffisamment motivé son ordonnance.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

5. En premier lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, les dispositions citées ci-dessus de l'article 47 du décret du 5 juillet 1973, dans leur rédaction applicable au litige, ne s'opposent pas à ce que, aux fins d'apprécier si le demandeur remplit la condition prévue au 2° de l'article 3 de n'avoir pas été l'auteur de faits contraires à l'honneur et à la probité, le ministre de la justice recueille d'autres informations que celles dont dispose le bureau du Conseil supérieur du notariat sur l'honorabilité du candidat et, en particulier, sollicite le procureur de la République du tribunal judiciaire dans le ressort duquel le candidat exerce ses fonctions aux fins de savoir si ce dernier a été mis en cause pour de tels faits. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le juge des référés ne pouvait, sans entacher l'ordonnance attaquée d'une erreur de droit, écarter comme n'étant pas propre à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée le moyen tiré ce que le garde des sceaux avait méconnu la procédure prévue par le décret du 5 juillet 1973 en recueillant auprès du procureur général près la cour d'appel de Paris des informations sur M. B....

6. En deuxième lieu, il résulte de l'article 3 du décret du 5 juillet 1973 cité au point 3 de la présente décision que nul ne peut être notaire s'il ne remplit pas, notamment, la condition de n'avoir pas été l'auteur de faits contraires à l'honneur et à la probité. Lorsqu'il vérifie le respect de cette condition, il appartient au ministre de la justice d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si l'intéressé a commis des faits contraires à l'honneur et à la probité qui sont, compte tenu notamment de leur nature, de leur gravité, de leur ancienneté ainsi que du comportement postérieur de l'intéressé, susceptibles de justifier légalement un refus de nomination.

7. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que la décision du 3 mai 2021 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté la demande de M. B... est fondée sur l'examen de son dossier qui a révélé qu'il avait giflé son ex-épouse, alors qu'il venait chercher ses enfants au domicile de cette dernière le 30 juin 2017, et qu'il avait été poursuivi pour des faits de violences volontaires sur conjoint ayant entraîné une incapacité totale de travail de moins de huit jours. Le juge des référés a estimé que, bien que ces faits isolés et non réitérés n'avaient pas donné lieu à des poursuites, mais uniquement à un rappel à la loi, ils n'étaient pas suffisamment anciens à la date de la décision attaquée et présentaient un caractère de gravité suffisant pour justifier le refus de nomination opposé à M. B.... En statuant ainsi, le juge des référés n'a pas entaché d'insuffisance de motivation ni de dénaturation l'ordonnance attaquée.

8. Enfin, s'il est exact que le point 7 de cette ordonnance indique que ces faits se sont déroulés le 11 octobre 2017, et non le 30 juin 2017, le requérant n'est pas non plus fondé à soutenir que cette simple erreur de plume aurait exercé une influence sur la solution retenue par le juge.

9. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de M. B... doit être rejeté dans toutes ses conclusions.


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. B... est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Délibéré à l'issue de la séance du 30 juin 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Cyril Roger-Lacan, Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseillers d'Etat ; M. Bruno Bachini, maître des requêtes et Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 29 juillet 2022.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz

La rapporteure :
Signé : Mme Catherine Moreau

La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain



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