Conseil d'État
N° 443420
ECLI:FR:CECHR:2022:443420.20220729
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
Mme Pauline Hot, rapporteur
M. Nicolas Agnoux, rapporteur public
SARL MEIER-BOURDEAU, LECUYER ET ASSOCIES ; SCP MARLANGE, DE LA BURGADE, avocats
Lecture du vendredi 29 juillet 2022
Vu la procédure suivante :
L'association " Non aux éoliennes entre Noirmoutier et Yeu " et l'association " Société pour la protection du paysage et de l'esthétique de la France " ont demandé à la cour administrative d'appel de Nantes d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2018 du préfet de la Vendée ayant accordé à la société Eoliennes en Mer îles d'Yeu et de Noirmoutier (EMYN) une autorisation de destruction et de perturbation intentionnelle de spécimens d'espèces animales protégées dans le cadre de l'aménagement et de l'exploitation du parc éolien en mer au large des îles d'Yeu et de Noirmoutier, de saisir, avant-dire droit, le Conseil national de protection de la nature, afin qu'il puisse compléter son instruction au regard des nouvelles informations apportées en réponse à son avis défavorable sur ce projet éolien, et d'enjoindre au préfet de la Vendée de prendre toutes les mesures nécessaires à l'arrêt des travaux.
Par un arrêt n° 19NT01512 du 3 juillet 2020, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté la requête de l'association " Non aux éoliennes entre Noirmoutier et Yeu " et de l'association " Société pour la protection du paysage et de l'esthétique de la France ".
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux mémoires en réplique, enregistrés les 28 août et 18 novembre 2020, 10 janvier et 23 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, l'association " Non aux éoliennes entre Noirmoutier et Yeu " et l'association " Société pour la protection du paysage et de l'esthétique de la France " demandent au Conseil d'État :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur demande ;
3°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la société Eoliennes en Mer îles d'Yeu et de Noirmoutier la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'énergie ;
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement ;
- la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte ;
- l'arrêté du 9 juillet 1999 du ministre de l'agriculture et de la pêche et de la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement fixant la liste des espèces de vertébrés protégées menacées d'extinction en France et dont l'aire de répartition excède le territoire d'un département ;
- l'arrêté du 19 février 2007 du ministre de l'agriculture et de la pêche et de la ministre de l'écologie et du développement durable fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées ;
- l'arrêté du 15 décembre 2009 du ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat relatif à la programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Pauline Hot, auditrice,
- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de l'association " Non aux éoliennes entre Noirmoutier et Yeu " et autre et à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat de la société Eoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 juillet 2022, présentée par l'association " Non aux éoliennes entre Noirmoutier et Yeu " et autre ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 19 décembre 2018, le préfet de la Vendée a autorisé la société Eoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier à déroger à l'interdiction de destruction et de perturbation intentionnelle de spécimens d'espèces animales protégées mentionnées à l'article L. 411-1 du code de l'environnement pendant la durée des travaux et de l'exploitation d'un parc éolien en mer au large des îles d'Yeu et de Noirmoutier. Par un arrêt du 3 juillet 2020, contre lequel l'association " Non aux Eoliennes entre Noirmoutier et Yeu " et de l'association " Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France " et autres se pourvoient en cassation, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté leur demande tendant, notamment, à l'annulation de l'arrêté du 19 décembre 2018.
Sur la compétence du préfet de département pour accorder la dérogation litigieuse :
2. Aux termes de l'article R. 411-6 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " Les dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 sont accordées par le préfet, sauf dans les cas prévus aux articles R. 411-7 et R. 411-8. (...). " Aux termes de l'article R. 411-8 de ce code : " Lorsqu'elles concernent des animaux appartenant à une espèce de vertébrés protégée au titre de l'article L. 411-1, menacée d'extinction en France en raison de la faiblesse, observée ou prévisible, de ses effectifs et dont l'aire de répartition excède le territoire d'un département, les dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 sont délivrées par le ministre chargé de la protection de la nature, pour les opérations suivantes : enlèvement, capture, destruction, transport en vue d'une réintroduction dans le milieu naturel, destruction, altération ou dégradation du milieu particulier de l'espèce. "
3. Par l'arrêté du 19 décembre 2018 attaqué, le préfet de la Vendée a accordé à la société Éoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier une autorisation de perturbation intentionnelle du guillemot de Troïl et du pingouin Torda et une autorisation de destruction du goéland marin, du goéland brun, du goéland argenté, du goéland cendré, de la mouette tridactyle, de la mouette pygmée, du fou de Bassan, du grand labbe, de la sterne Caugek, du cormoran huppé et de la pipistrelle de Nathusius.
4. Il résulte des dispositions rappelées au point 8 qu'en confiant au ministre chargé de la protection de la nature la compétence pour délivrer les dérogations fixées au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement pour les opérations d'enlèvement, de capture, de destruction, de transport en vue d'une réintroduction dans le milieu naturel, de destruction, d'altération ou de dégradation du milieu particulier des espèces de vertébrés protégées au titre de l'article L. 411-1, menacée d'extinction en France en raison de la faiblesse, observée ou prévisible, de ses effectifs et dont l'aire de répartition excède le territoire d'un département, les dispositions de l'article R. 411-8 ne lui confient pas une compétence de principe pour délivrer les dérogations pour toutes les autres opérations concernant ces espèces, pour lesquelles l'article R. 411-6 renvoie au préfet de département. Par suite, en relevant, pour écarter le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente, que si le guillemot de Troïl et le pingouin Torda font partie des espèces de vertébrés protégées pour lesquelles l'enlèvement, la capture, la destruction, le transport en vue d'une réintroduction dans le milieu naturel, ainsi que la destruction, l'altération ou la dégradation du milieu particulier de l'espèce ne peuvent être autorisés que par le ministre chargé de la protection de la nature, l'arrêté du préfet de la Vendée du 19 décembre 2018 n'autorise que leur perturbation intentionnelle, alors que les autres espèces dont il autorise, par dérogation, la destruction ne sont pas au nombre de celles qui sont visées par l'arrêté du 9 juillet 1999 du ministre de l'agriculture et de la pêche et de la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement fixant la liste des espèces de vertébrés protégées menacées d'extinction en France et dont l'aire de répartition excède le territoire d'un département, la cour n'a pas commis une erreur de droit.
Sur la complétude du dossier de demande de dérogation au titre du 4° de l'article L.411-2 du code de l'environnement :
5. Aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'environnement : " Lorsqu'un projet est constitué de plusieurs travaux, installations, ouvrages ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, il doit être appréhendé dans son ensemble, y compris en cas de fractionnement dans le temps et dans l'espace et en cas de multiplicité de maîtres d'ouvrage, afin que ses incidences sur l'environnement soient évaluées dans leur globalité ". Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 19 février 2007 du ministre de l'agriculture et de la pêche et de la ministre de l'écologie et du développement durable fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées, dans sa rédaction applicable au litige: " La demande de dérogation est, sauf exception mentionnée à l'article 6, adressée, en trois exemplaires, au préfet du département du lieu de réalisation de l'opération. Elle comprend : Les nom et prénoms, l'adresse, la qualification et la nature des activités du demandeur ou, pour une personne morale, sa dénomination, les nom, prénoms et qualification de son représentant, son adresse et la nature de ses activités ; La description, en fonction de la nature de l'opération projetée : - du programme d'activité dans lequel s'inscrit la demande, de sa finalité et de son objectif ; - des espèces (nom scientifique et nom commun) concernées ; - du nombre et du sexe des spécimens de chacune des espèces faisant l'objet de la demande ; - de la période ou des dates d'intervention ; - des lieux d'intervention ; - s'il y a lieu, des mesures d'atténuation ou de compensation mises en oeuvre, ayant des conséquences bénéfiques pour les espèces concernées ; - de la qualification des personnes amenées à intervenir ; - du protocole des interventions : modalités techniques, modalités d'enregistrement des données obtenues ; - des modalités de compte rendu des interventions. ".
6. D'une part, la cour, qui a analysé, sans se méprendre sur leur portée, les écritures des requérantes comme soutenant que le dossier de demande d'autorisation de la société Éoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier est insuffisant en ce qu'il ne prend pas en compte les impacts de la partie maritime du raccordement électrique du projet de parc éolien faute d'une présentation globale du projet, a pu, sans entacher son arrêt d'erreur de droit, écarter cette argumentation en retenant qu'il ne résultait ni de l'article 2 de l'arrêté du 19 février 2007 fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire que la demande de dérogation définie au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement portant sur des espèces protégées devrait contenir une présentation globale du projet précisant l'ensemble des opérations nécessaires et les potentiels impacts en résultant. A cet égard, les associations requérantes ne peuvent utilement soutenir que l'autorisation dérogatoire délivrée sur le fondement du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, qui n'est pas en elle-même un projet, au sens des articles L. 122-1 et R. 122-2 du code de l'environnement, méconnaîtrait l'article L. 122-1 du code de l'environnement, alors que les impacts cumulés du projet litigieux ont été étudiés dans le cadre de son évaluation environnementale.
7. D'autre part, après avoir relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, les différents éléments du dossier de demande précisant le caractère limité de l'impact du projet sur d'autres espèces protégées qui n'ont pas fait l'objet d'une demande de dérogation, notamment le puffin des Baléares, les mammifères marins et la tortue luth, la cour administrative d'appel de Nantes a jugé que le dossier de demande satisfaisait aux dispositions de l'arrêté du 19 février 2007 cité ci-dessus, alors même que le Conseil National de Protection de la Nature a rendu un avis défavorable sur cette demande. En statuant ainsi, la cour administrative d'appel, qui a suffisamment motivé sa décision sur ce point, n'a pas commis d'erreur de droit.
Sur le moyen tiré de l'illégalité de l'arrêté en tant qu'il aurait dû comporter une dérogation plus large au regard de la nature de l'opération envisagée :
8. Si les associations requérantes font valoir que l'arrêté litigieux serait illégal en tant qu'il aurait dû comporter une dérogation plus large au regard de la nature de l'opération envisagée, ce moyen, qui n'avait pas été invoqué devant les juges du fond, est nouveau en cassation, et ne peut, par suite, qu'être écarté comme inopérant.
Sur la raison impérative d'intérêt public majeur :
9. L'article L. 411-1 du code de l'environnement prévoit, lorsque les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation d'espèces animales non domestiques, l'interdiction de " 1° La destruction ou l'enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat / 2° La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ; / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...) ". Le I de l'article L. 411-2 du même code renvoie à un décret en Conseil d'Etat la détermination des conditions dans lesquelles sont fixées, notamment : " 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : (...) / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; (...) ".
10. Il résulte de ces dispositions qu'un projet de travaux, d'aménagement ou de construction d'une personne publique ou privée susceptible d'affecter la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leur habitat ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s'il répond, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur. En présence d'un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d'une part, il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et, d'autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.
11. Pour apprécier si le projet litigieux répond à une raison impérative d'intérêt public majeur au sens des dispositions précédemment citées du code de l'environnement, la cour administrative d'appel a rappelé que le paquet " énergie-climat " adopté par l'Union européenne en décembre 2008 s'est traduit pour la France par l'adoption de l'objectif, fixé par la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement puis par l'article L. 100-4 du code de l'énergie, visant à porter la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation finale brute d'énergie en 2020, relevé ensuite par l'Union européenne à 27 % à l'horizon 2030 par le " paquet énergie-climat 2030 ", adopté en octobre 2014, et par la France à 32 % en 2030 par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Elle a ensuite retenu que l'arrêté du 15 décembre 2009 du ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat relatif à la programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité a fixé les objectifs de développement de la production électrique à partir des énergies éoliennes et marines, en termes de puissance totale installée, à 25 000 MW au 31 décembre 2020, dont 19 000 à partir de l'énergie éolienne à terre et 6 000 MW à partir de l'énergie éolienne en mer et des autres énergies marines, conformément aux objectifs de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Dans ces conditions, la cour administrative d'appel, après avoir souverainement constaté que le projet résulte de l'attribution par les pouvoirs publics à la société pétitionnaire d'un lot relatif à l'installation de production d'énergie électrique sur le domaine public maritime au large des îles d'Yeu et de Noirmoutier, afin de répondre aux objectifs de développement de la production électrique à partir de l'énergie éolienne en mer par la réalisation d'un parc éolien composé de soixante-deux aérogénérateurs d'une puissance totale de plus de 496 mégawatts permettant la couverture de 8 % de la consommation électrique de la région Pays de la Loire, a retenu que le projet contribue de manière déterminante à l'atteinte des objectifs nationaux rappelés et de l'objectif du programme Vendée Energie, signé en 2012, qui a pour objectif de doubler la production d'électricité de ce département à l'horizon 2020. En jugeant que ce projet de parc éolien répond ainsi, nonobstant son caractère privé, à une raison impérative d'intérêt public majeur, la cour administrative d'appel a exactement qualifié les faits de l'espèce.
11. Pour juger, ensuite, qu'il n'existait pas d'autre solution satisfaisante, la cour a relevé que la zone d'implantation du projet litigieux, au large des îles d'Yeu et de Noirmoutier, a été retenue à l'issue d'un processus de concertation mené par les préfets de région et des préfets maritimes entre 2009 et 2011 dont il résultait que cette zone était identifiée par l'Etat comme une " zone d'enjeu modéré ", propice à l'implantation d'un parc éolien. La cour a également relevé que la société pétitionnaire avait étudié plusieurs implantations possibles pour le parc éolien, au sein de la zone délimitée par l'appel d'offres, en évitant la zone située à l'Ouest du " Toran15483 ", réduisant ainsi l'emprise de son projet à 88,42 km2 au lieu de 112 km2 comme il était initialement envisagé, afin de prévenir ou de limiter certains impacts, notamment environnementaux, engendrés par l'installation puis l'exploitation des éoliennes, et qu'elle avait modifié l'implantation, l'espacement et l'orientation des éoliennes après le débat public afin de prendre en compte les impacts paysagers et les enjeux de sécurité du projet. En retenant, au vu de ces éléments, que le préfet n'avait pas commis d'erreur d'appréciation en estimant qu'il n'existait pas d'autre solution satisfaisante, la cour administrative d'appel s'est livrée à une appréciation souveraine des faits de l'espèce, exempte de dénaturation, et n'a pas commis d'erreur de droit.
12. Enfin, pour juger comme satisfaite la condition tenant à ce que le parc éolien ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, la cour, après avoir relevé que les requérants se bornaient à soutenir que le contenu du dossier de demande d'autorisation était insuffisant quant à la pipistrelle de Nathusius et que la demande aurait dû porter sur le puffin des Baléares, les mammifères marins tels que le marsouin commun, le dauphin commun et le grand dauphin, et la tortue luth, a estimé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que les mesures de compensation prévues concernant les oiseaux marins suffisaient pour répondre à cette condition.
13. Il résulte de tout ce qui précède que l'association " Non aux Eoliennes entre Noirmoutier et Yeu " et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'elles attaquent.
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de la société Eoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association " Non aux Eoliennes entre Noirmoutier et Yeu " et autre la somme que celle-ci demande au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de l'association " Non aux éoliennes entre Noirmoutier et Yeu " et de l'association " Société pour la protection du paysage et de l'esthétique de la France " est rejeté.
Article 2 : Les conclusions de la société Éoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association " Non aux éoliennes entre Noirmoutier et Yeu ", première dénommée pour l'ensemble des requérantes, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à la société Eoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier.
Délibéré à l'issue de la séance du 30 juin 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Cyril Roger-Lacan, Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire et Mme Pauline Hot, auditrice-rapporteure.
Rendu le 29 juillet 2022.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Pauline Hot
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain
N° 443420
ECLI:FR:CECHR:2022:443420.20220729
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
Mme Pauline Hot, rapporteur
M. Nicolas Agnoux, rapporteur public
SARL MEIER-BOURDEAU, LECUYER ET ASSOCIES ; SCP MARLANGE, DE LA BURGADE, avocats
Lecture du vendredi 29 juillet 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
L'association " Non aux éoliennes entre Noirmoutier et Yeu " et l'association " Société pour la protection du paysage et de l'esthétique de la France " ont demandé à la cour administrative d'appel de Nantes d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2018 du préfet de la Vendée ayant accordé à la société Eoliennes en Mer îles d'Yeu et de Noirmoutier (EMYN) une autorisation de destruction et de perturbation intentionnelle de spécimens d'espèces animales protégées dans le cadre de l'aménagement et de l'exploitation du parc éolien en mer au large des îles d'Yeu et de Noirmoutier, de saisir, avant-dire droit, le Conseil national de protection de la nature, afin qu'il puisse compléter son instruction au regard des nouvelles informations apportées en réponse à son avis défavorable sur ce projet éolien, et d'enjoindre au préfet de la Vendée de prendre toutes les mesures nécessaires à l'arrêt des travaux.
Par un arrêt n° 19NT01512 du 3 juillet 2020, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté la requête de l'association " Non aux éoliennes entre Noirmoutier et Yeu " et de l'association " Société pour la protection du paysage et de l'esthétique de la France ".
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux mémoires en réplique, enregistrés les 28 août et 18 novembre 2020, 10 janvier et 23 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, l'association " Non aux éoliennes entre Noirmoutier et Yeu " et l'association " Société pour la protection du paysage et de l'esthétique de la France " demandent au Conseil d'État :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur demande ;
3°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la société Eoliennes en Mer îles d'Yeu et de Noirmoutier la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'énergie ;
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement ;
- la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte ;
- l'arrêté du 9 juillet 1999 du ministre de l'agriculture et de la pêche et de la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement fixant la liste des espèces de vertébrés protégées menacées d'extinction en France et dont l'aire de répartition excède le territoire d'un département ;
- l'arrêté du 19 février 2007 du ministre de l'agriculture et de la pêche et de la ministre de l'écologie et du développement durable fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées ;
- l'arrêté du 15 décembre 2009 du ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat relatif à la programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Pauline Hot, auditrice,
- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de l'association " Non aux éoliennes entre Noirmoutier et Yeu " et autre et à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat de la société Eoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 juillet 2022, présentée par l'association " Non aux éoliennes entre Noirmoutier et Yeu " et autre ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 19 décembre 2018, le préfet de la Vendée a autorisé la société Eoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier à déroger à l'interdiction de destruction et de perturbation intentionnelle de spécimens d'espèces animales protégées mentionnées à l'article L. 411-1 du code de l'environnement pendant la durée des travaux et de l'exploitation d'un parc éolien en mer au large des îles d'Yeu et de Noirmoutier. Par un arrêt du 3 juillet 2020, contre lequel l'association " Non aux Eoliennes entre Noirmoutier et Yeu " et de l'association " Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France " et autres se pourvoient en cassation, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté leur demande tendant, notamment, à l'annulation de l'arrêté du 19 décembre 2018.
Sur la compétence du préfet de département pour accorder la dérogation litigieuse :
2. Aux termes de l'article R. 411-6 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " Les dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 sont accordées par le préfet, sauf dans les cas prévus aux articles R. 411-7 et R. 411-8. (...). " Aux termes de l'article R. 411-8 de ce code : " Lorsqu'elles concernent des animaux appartenant à une espèce de vertébrés protégée au titre de l'article L. 411-1, menacée d'extinction en France en raison de la faiblesse, observée ou prévisible, de ses effectifs et dont l'aire de répartition excède le territoire d'un département, les dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 sont délivrées par le ministre chargé de la protection de la nature, pour les opérations suivantes : enlèvement, capture, destruction, transport en vue d'une réintroduction dans le milieu naturel, destruction, altération ou dégradation du milieu particulier de l'espèce. "
3. Par l'arrêté du 19 décembre 2018 attaqué, le préfet de la Vendée a accordé à la société Éoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier une autorisation de perturbation intentionnelle du guillemot de Troïl et du pingouin Torda et une autorisation de destruction du goéland marin, du goéland brun, du goéland argenté, du goéland cendré, de la mouette tridactyle, de la mouette pygmée, du fou de Bassan, du grand labbe, de la sterne Caugek, du cormoran huppé et de la pipistrelle de Nathusius.
4. Il résulte des dispositions rappelées au point 8 qu'en confiant au ministre chargé de la protection de la nature la compétence pour délivrer les dérogations fixées au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement pour les opérations d'enlèvement, de capture, de destruction, de transport en vue d'une réintroduction dans le milieu naturel, de destruction, d'altération ou de dégradation du milieu particulier des espèces de vertébrés protégées au titre de l'article L. 411-1, menacée d'extinction en France en raison de la faiblesse, observée ou prévisible, de ses effectifs et dont l'aire de répartition excède le territoire d'un département, les dispositions de l'article R. 411-8 ne lui confient pas une compétence de principe pour délivrer les dérogations pour toutes les autres opérations concernant ces espèces, pour lesquelles l'article R. 411-6 renvoie au préfet de département. Par suite, en relevant, pour écarter le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente, que si le guillemot de Troïl et le pingouin Torda font partie des espèces de vertébrés protégées pour lesquelles l'enlèvement, la capture, la destruction, le transport en vue d'une réintroduction dans le milieu naturel, ainsi que la destruction, l'altération ou la dégradation du milieu particulier de l'espèce ne peuvent être autorisés que par le ministre chargé de la protection de la nature, l'arrêté du préfet de la Vendée du 19 décembre 2018 n'autorise que leur perturbation intentionnelle, alors que les autres espèces dont il autorise, par dérogation, la destruction ne sont pas au nombre de celles qui sont visées par l'arrêté du 9 juillet 1999 du ministre de l'agriculture et de la pêche et de la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement fixant la liste des espèces de vertébrés protégées menacées d'extinction en France et dont l'aire de répartition excède le territoire d'un département, la cour n'a pas commis une erreur de droit.
Sur la complétude du dossier de demande de dérogation au titre du 4° de l'article L.411-2 du code de l'environnement :
5. Aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'environnement : " Lorsqu'un projet est constitué de plusieurs travaux, installations, ouvrages ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, il doit être appréhendé dans son ensemble, y compris en cas de fractionnement dans le temps et dans l'espace et en cas de multiplicité de maîtres d'ouvrage, afin que ses incidences sur l'environnement soient évaluées dans leur globalité ". Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 19 février 2007 du ministre de l'agriculture et de la pêche et de la ministre de l'écologie et du développement durable fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées, dans sa rédaction applicable au litige: " La demande de dérogation est, sauf exception mentionnée à l'article 6, adressée, en trois exemplaires, au préfet du département du lieu de réalisation de l'opération. Elle comprend : Les nom et prénoms, l'adresse, la qualification et la nature des activités du demandeur ou, pour une personne morale, sa dénomination, les nom, prénoms et qualification de son représentant, son adresse et la nature de ses activités ; La description, en fonction de la nature de l'opération projetée : - du programme d'activité dans lequel s'inscrit la demande, de sa finalité et de son objectif ; - des espèces (nom scientifique et nom commun) concernées ; - du nombre et du sexe des spécimens de chacune des espèces faisant l'objet de la demande ; - de la période ou des dates d'intervention ; - des lieux d'intervention ; - s'il y a lieu, des mesures d'atténuation ou de compensation mises en oeuvre, ayant des conséquences bénéfiques pour les espèces concernées ; - de la qualification des personnes amenées à intervenir ; - du protocole des interventions : modalités techniques, modalités d'enregistrement des données obtenues ; - des modalités de compte rendu des interventions. ".
6. D'une part, la cour, qui a analysé, sans se méprendre sur leur portée, les écritures des requérantes comme soutenant que le dossier de demande d'autorisation de la société Éoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier est insuffisant en ce qu'il ne prend pas en compte les impacts de la partie maritime du raccordement électrique du projet de parc éolien faute d'une présentation globale du projet, a pu, sans entacher son arrêt d'erreur de droit, écarter cette argumentation en retenant qu'il ne résultait ni de l'article 2 de l'arrêté du 19 février 2007 fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire que la demande de dérogation définie au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement portant sur des espèces protégées devrait contenir une présentation globale du projet précisant l'ensemble des opérations nécessaires et les potentiels impacts en résultant. A cet égard, les associations requérantes ne peuvent utilement soutenir que l'autorisation dérogatoire délivrée sur le fondement du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, qui n'est pas en elle-même un projet, au sens des articles L. 122-1 et R. 122-2 du code de l'environnement, méconnaîtrait l'article L. 122-1 du code de l'environnement, alors que les impacts cumulés du projet litigieux ont été étudiés dans le cadre de son évaluation environnementale.
7. D'autre part, après avoir relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, les différents éléments du dossier de demande précisant le caractère limité de l'impact du projet sur d'autres espèces protégées qui n'ont pas fait l'objet d'une demande de dérogation, notamment le puffin des Baléares, les mammifères marins et la tortue luth, la cour administrative d'appel de Nantes a jugé que le dossier de demande satisfaisait aux dispositions de l'arrêté du 19 février 2007 cité ci-dessus, alors même que le Conseil National de Protection de la Nature a rendu un avis défavorable sur cette demande. En statuant ainsi, la cour administrative d'appel, qui a suffisamment motivé sa décision sur ce point, n'a pas commis d'erreur de droit.
Sur le moyen tiré de l'illégalité de l'arrêté en tant qu'il aurait dû comporter une dérogation plus large au regard de la nature de l'opération envisagée :
8. Si les associations requérantes font valoir que l'arrêté litigieux serait illégal en tant qu'il aurait dû comporter une dérogation plus large au regard de la nature de l'opération envisagée, ce moyen, qui n'avait pas été invoqué devant les juges du fond, est nouveau en cassation, et ne peut, par suite, qu'être écarté comme inopérant.
Sur la raison impérative d'intérêt public majeur :
9. L'article L. 411-1 du code de l'environnement prévoit, lorsque les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation d'espèces animales non domestiques, l'interdiction de " 1° La destruction ou l'enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat / 2° La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ; / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...) ". Le I de l'article L. 411-2 du même code renvoie à un décret en Conseil d'Etat la détermination des conditions dans lesquelles sont fixées, notamment : " 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : (...) / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; (...) ".
10. Il résulte de ces dispositions qu'un projet de travaux, d'aménagement ou de construction d'une personne publique ou privée susceptible d'affecter la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leur habitat ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s'il répond, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur. En présence d'un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d'une part, il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et, d'autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.
11. Pour apprécier si le projet litigieux répond à une raison impérative d'intérêt public majeur au sens des dispositions précédemment citées du code de l'environnement, la cour administrative d'appel a rappelé que le paquet " énergie-climat " adopté par l'Union européenne en décembre 2008 s'est traduit pour la France par l'adoption de l'objectif, fixé par la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement puis par l'article L. 100-4 du code de l'énergie, visant à porter la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation finale brute d'énergie en 2020, relevé ensuite par l'Union européenne à 27 % à l'horizon 2030 par le " paquet énergie-climat 2030 ", adopté en octobre 2014, et par la France à 32 % en 2030 par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Elle a ensuite retenu que l'arrêté du 15 décembre 2009 du ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat relatif à la programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité a fixé les objectifs de développement de la production électrique à partir des énergies éoliennes et marines, en termes de puissance totale installée, à 25 000 MW au 31 décembre 2020, dont 19 000 à partir de l'énergie éolienne à terre et 6 000 MW à partir de l'énergie éolienne en mer et des autres énergies marines, conformément aux objectifs de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Dans ces conditions, la cour administrative d'appel, après avoir souverainement constaté que le projet résulte de l'attribution par les pouvoirs publics à la société pétitionnaire d'un lot relatif à l'installation de production d'énergie électrique sur le domaine public maritime au large des îles d'Yeu et de Noirmoutier, afin de répondre aux objectifs de développement de la production électrique à partir de l'énergie éolienne en mer par la réalisation d'un parc éolien composé de soixante-deux aérogénérateurs d'une puissance totale de plus de 496 mégawatts permettant la couverture de 8 % de la consommation électrique de la région Pays de la Loire, a retenu que le projet contribue de manière déterminante à l'atteinte des objectifs nationaux rappelés et de l'objectif du programme Vendée Energie, signé en 2012, qui a pour objectif de doubler la production d'électricité de ce département à l'horizon 2020. En jugeant que ce projet de parc éolien répond ainsi, nonobstant son caractère privé, à une raison impérative d'intérêt public majeur, la cour administrative d'appel a exactement qualifié les faits de l'espèce.
11. Pour juger, ensuite, qu'il n'existait pas d'autre solution satisfaisante, la cour a relevé que la zone d'implantation du projet litigieux, au large des îles d'Yeu et de Noirmoutier, a été retenue à l'issue d'un processus de concertation mené par les préfets de région et des préfets maritimes entre 2009 et 2011 dont il résultait que cette zone était identifiée par l'Etat comme une " zone d'enjeu modéré ", propice à l'implantation d'un parc éolien. La cour a également relevé que la société pétitionnaire avait étudié plusieurs implantations possibles pour le parc éolien, au sein de la zone délimitée par l'appel d'offres, en évitant la zone située à l'Ouest du " Toran15483 ", réduisant ainsi l'emprise de son projet à 88,42 km2 au lieu de 112 km2 comme il était initialement envisagé, afin de prévenir ou de limiter certains impacts, notamment environnementaux, engendrés par l'installation puis l'exploitation des éoliennes, et qu'elle avait modifié l'implantation, l'espacement et l'orientation des éoliennes après le débat public afin de prendre en compte les impacts paysagers et les enjeux de sécurité du projet. En retenant, au vu de ces éléments, que le préfet n'avait pas commis d'erreur d'appréciation en estimant qu'il n'existait pas d'autre solution satisfaisante, la cour administrative d'appel s'est livrée à une appréciation souveraine des faits de l'espèce, exempte de dénaturation, et n'a pas commis d'erreur de droit.
12. Enfin, pour juger comme satisfaite la condition tenant à ce que le parc éolien ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, la cour, après avoir relevé que les requérants se bornaient à soutenir que le contenu du dossier de demande d'autorisation était insuffisant quant à la pipistrelle de Nathusius et que la demande aurait dû porter sur le puffin des Baléares, les mammifères marins tels que le marsouin commun, le dauphin commun et le grand dauphin, et la tortue luth, a estimé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que les mesures de compensation prévues concernant les oiseaux marins suffisaient pour répondre à cette condition.
13. Il résulte de tout ce qui précède que l'association " Non aux Eoliennes entre Noirmoutier et Yeu " et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'elles attaquent.
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de la société Eoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association " Non aux Eoliennes entre Noirmoutier et Yeu " et autre la somme que celle-ci demande au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de l'association " Non aux éoliennes entre Noirmoutier et Yeu " et de l'association " Société pour la protection du paysage et de l'esthétique de la France " est rejeté.
Article 2 : Les conclusions de la société Éoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association " Non aux éoliennes entre Noirmoutier et Yeu ", première dénommée pour l'ensemble des requérantes, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à la société Eoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier.
Délibéré à l'issue de la séance du 30 juin 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Cyril Roger-Lacan, Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire et Mme Pauline Hot, auditrice-rapporteure.
Rendu le 29 juillet 2022.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Pauline Hot
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain