Conseil d'État
N° 459960
ECLI:FR:CECHR:2022:459960.20220722
Inédit au recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Olivier Pau, rapporteur
Mme Céline Guibé, rapporteur public
SCP MELKA-PRIGENT-DRUSCH, avocats
Lecture du vendredi 22 juillet 2022
Vu la procédure suivante :
La société ContextLogic Inc. a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre l'exécution de la décision du 23 novembre 2021 par laquelle la cheffe du service national des enquêtes, service à compétence nationale placé auprès de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), a enjoint aux sociétés Google Ireland Ltd, Qwant SAS, Microsoft Corporation et Apple Inc. de procéder au déréférencement de l'adresse du site " Wish.com " de leurs moteurs de recherche et magasins d'applications respectifs, et, d'autre part, d'enjoindre à la DGCCRF d'informer les mêmes sociétés de la suspension de l'exécution de la décision attaquée dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir.
Par une ordonnance n° 2125366 du 17 décembre 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a, d'une part, rejeté les demandes de la société ContextLogic Inc. et, d'autre part, refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité qu'elle a soulevée à l'encontre du a) du 2° de l'article L. 521-3-1 du code de la consommation.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 30 décembre 2021 et les 7 janvier et 3 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société ContextLogic Inc. demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de faire droit à ses demandes de suspension et d'injonction ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le règlement (UE) n° 2017/2394 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 ;
- le règlement (UE) n° 2019/1020 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 ;
- le code de la consommation ;
- la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Pau, auditeur,
- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la société ContextLogic Inc. ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la société ContextLogic Inc., société de droit américain, exploite une place de marché numérique constituée d'un site internet et d'une application mobile de vente en ligne sous l'appellation commerciale " Wish ". Le site internet " wish.com " et l'application associée ont fait l'objet d'un contrôle par les services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui a donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal le 25 mai 2021. Par une décision du 15 juillet 2021, adoptée sur le fondement des dispositions de l'article L. 441-1 du code de la consommation, le directeur départemental du service national des enquêtes de la DGCCRF a enjoint à la société ContextLogic Inc. de cesser de tromper le consommateur sur la nature des produits vendus, sur les risques inhérents à leur utilisation et sur les contrôles effectués. À l'issue d'un nouveau procès-verbal du 16 novembre 2021, la cheffe du service national des enquêtes de la DGCCRF a estimé que la société ContextLogic Inc. n'avait pas déféré à l'injonction du 15 juillet et a, par une décision du 23 novembre 2021, fondée sur les dispositions de l'article L. 521-3-1 du code de la consommation, enjoint aux sociétés Google Ireland Ltd, Qwant SAS, Microsoft Corporation et Apple Inc. de procéder au déréférencement de l'adresse du site " wish.com " et de l'application " Wish " de leurs moteurs de recherche et magasins d'applications respectifs. Par une ordonnance du 17 décembre 2021 prise sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative dont la société ContextLogic Inc. demande l'annulation, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de cette société tendant à la suspension de l'exécution de cette décision de déréférencement.
2. Aux termes de l'article L. 521-3-1 du code de la consommation : " Lorsque les agents habilités constatent, avec les pouvoirs prévus au présent livre, une infraction ou un manquement aux dispositions mentionnées aux articles L. 511-5, L. 511-6 et L. 511-7 ainsi qu'aux règles relatives à la conformité et à la sécurité des produits à partir d'une interface en ligne et que l'auteur de la pratique ne peut être identifié ou qu'il n'a pas déféré à une injonction prise en application des articles L. 521-1 et L. 521-2, l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut : / 1° Ordonner aux opérateurs de plateformes en ligne au sens du I de l'article L. 111-7, aux personnes mentionnées au 1 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique ou à celles exploitant des logiciels permettant d'accéder à une interface en ligne l'affichage d'un message avertissant les consommateurs du risque de préjudice encouru lorsqu'ils accèdent au contenu manifestement illicite ; / 2° Lorsque l'infraction constatée est passible d'une peine d'au moins deux ans d'emprisonnement et est de nature à porter une atteinte grave à la loyauté des transactions ou à l'intérêt des consommateurs : a) Notifier aux personnes relevant du I de l'article L. 111-7 du présent code les adresses électroniques des interfaces en ligne dont les contenus sont manifestement illicites pour qu'elles prennent toute mesure utile destinée à faire cesser leur référencement ; / b) Notifier aux opérateurs et personnes mentionnés au 1° du présent article ou au 2 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée les adresses électroniques des interfaces en ligne dont les contenus sont manifestement illicites afin qu'ils prennent toute mesure utile destinée à en limiter l'accès ; / c) Ordonner aux opérateurs de registre ou aux bureaux d'enregistrement de domaines de prendre une mesure de blocage d'un nom de domaine, d'une durée maximale de trois mois renouvelable une fois, suivie, si l'infraction constatée persiste, d'une mesure de suppression ou de transfert du nom de domaine à l'autorité compétente. / Ces mesures sont mises en oeuvre dans un délai, fixé par l'autorité administrative, qui ne peut être inférieur à quarante-huit heures. / Une interface en ligne s'entend de tout logiciel, y compris un site internet, une partie de site internet ou une application, exploité par un professionnel ou pour son compte et permettant aux utilisateurs finals d'accéder aux biens ou aux services qu'il propose ".
Sur la contestation du refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité :
3. Les dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel prévoient que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative aux droits et libertés garantis par la Constitution, elle transmet au Conseil d'Etat la question de constitutionnalité ainsi posée à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle ne soit pas dépourvue de caractère sérieux. Aux termes du dernier alinéa de cet article 23-2 : " (...) Le refus de transmettre la question ne peut être contesté qu'à l'occasion d'un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige ". Selon l'article R. 771-16 du code de justice administrative : " Lorsque l'une des parties entend contester devant le Conseil d'Etat, à l'appui d'un appel ou d'un pourvoi en cassation formé contre la décision qui règle tout ou partie du litige, le refus de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité précédemment opposé, il lui appartient, à peine d'irrecevabilité, de présenter cette contestation avant l'expiration du délai de recours dans un mémoire distinct et motivé, accompagné d'une copie de la décision de refus de transmission. (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a refusé de lui transmettre une question prioritaire de constitutionnalité qui lui a été soumise, il appartient à l'auteur de cette question de contester ce refus par un mémoire distinct et motivé, à l'occasion du pourvoi formé contre la décision qui statue sur le litige, que le refus de transmission ait été opposé par une décision distincte de la décision qui statue sur le litige ou directement par cette décision.
5. Les dispositions du a) du 2° de l'article L. 521-3-1 du code de la consommation sont applicables au présent litige. Elles n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel et, contrairement à ce que soutient le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ne se bornent pas à tirer les conséquences nécessaires des dispositions de l'article 9 du règlement (UE) n° 2017/2394 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 sur la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l'application de la législation en matière de protection des consommateurs ni des dispositions de l'article 14 du règlement (UE) n° 2019/1020 du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché et la conformité des produits. La question de la proportionnalité des atteintes que ces dispositions portent à la liberté d'entreprendre et à la liberté d'expression et de communication, garanties par les articles 4 et 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, présente un caractère sérieux.
6. Il en résulte qu'il y a lieu, d'une part, de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité invoquée au Conseil constitutionnel, en application des dispositions de l'article 23-5 de l'ordonnance portant loi organique du 7 novembre 1958, et, d'autre part, d'annuler l'ordonnance du 17 décembre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Paris en tant qu'elle statue sur la question prioritaire de constitutionnalité.
Sur les autres moyens du pourvoi :
7. Il y a lieu de surseoir à statuer sur les autres moyens du pourvoi jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché cette question prioritaire de constitutionnalité.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du 17 décembre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Paris est annulée en tant qu'elle a refusé de transmettre au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du a) de 2° de l'article L. 521-3-1 du code de la consommation.
Article 2 : La question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du a) de 2° de l'article L. 521-3-1 du code de la consommation est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 3 : Il est sursis à statuer sur le surplus des conclusions du pourvoi de la société ContextLogic Inc. contre l'ordonnance du 17 décembre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Paris jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société ContextLogic Inc., au Conseil constitutionnel et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la Première ministre.
N° 459960
ECLI:FR:CECHR:2022:459960.20220722
Inédit au recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Olivier Pau, rapporteur
Mme Céline Guibé, rapporteur public
SCP MELKA-PRIGENT-DRUSCH, avocats
Lecture du vendredi 22 juillet 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société ContextLogic Inc. a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre l'exécution de la décision du 23 novembre 2021 par laquelle la cheffe du service national des enquêtes, service à compétence nationale placé auprès de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), a enjoint aux sociétés Google Ireland Ltd, Qwant SAS, Microsoft Corporation et Apple Inc. de procéder au déréférencement de l'adresse du site " Wish.com " de leurs moteurs de recherche et magasins d'applications respectifs, et, d'autre part, d'enjoindre à la DGCCRF d'informer les mêmes sociétés de la suspension de l'exécution de la décision attaquée dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir.
Par une ordonnance n° 2125366 du 17 décembre 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a, d'une part, rejeté les demandes de la société ContextLogic Inc. et, d'autre part, refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité qu'elle a soulevée à l'encontre du a) du 2° de l'article L. 521-3-1 du code de la consommation.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 30 décembre 2021 et les 7 janvier et 3 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société ContextLogic Inc. demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de faire droit à ses demandes de suspension et d'injonction ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le règlement (UE) n° 2017/2394 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 ;
- le règlement (UE) n° 2019/1020 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 ;
- le code de la consommation ;
- la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Pau, auditeur,
- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la société ContextLogic Inc. ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la société ContextLogic Inc., société de droit américain, exploite une place de marché numérique constituée d'un site internet et d'une application mobile de vente en ligne sous l'appellation commerciale " Wish ". Le site internet " wish.com " et l'application associée ont fait l'objet d'un contrôle par les services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui a donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal le 25 mai 2021. Par une décision du 15 juillet 2021, adoptée sur le fondement des dispositions de l'article L. 441-1 du code de la consommation, le directeur départemental du service national des enquêtes de la DGCCRF a enjoint à la société ContextLogic Inc. de cesser de tromper le consommateur sur la nature des produits vendus, sur les risques inhérents à leur utilisation et sur les contrôles effectués. À l'issue d'un nouveau procès-verbal du 16 novembre 2021, la cheffe du service national des enquêtes de la DGCCRF a estimé que la société ContextLogic Inc. n'avait pas déféré à l'injonction du 15 juillet et a, par une décision du 23 novembre 2021, fondée sur les dispositions de l'article L. 521-3-1 du code de la consommation, enjoint aux sociétés Google Ireland Ltd, Qwant SAS, Microsoft Corporation et Apple Inc. de procéder au déréférencement de l'adresse du site " wish.com " et de l'application " Wish " de leurs moteurs de recherche et magasins d'applications respectifs. Par une ordonnance du 17 décembre 2021 prise sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative dont la société ContextLogic Inc. demande l'annulation, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de cette société tendant à la suspension de l'exécution de cette décision de déréférencement.
2. Aux termes de l'article L. 521-3-1 du code de la consommation : " Lorsque les agents habilités constatent, avec les pouvoirs prévus au présent livre, une infraction ou un manquement aux dispositions mentionnées aux articles L. 511-5, L. 511-6 et L. 511-7 ainsi qu'aux règles relatives à la conformité et à la sécurité des produits à partir d'une interface en ligne et que l'auteur de la pratique ne peut être identifié ou qu'il n'a pas déféré à une injonction prise en application des articles L. 521-1 et L. 521-2, l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut : / 1° Ordonner aux opérateurs de plateformes en ligne au sens du I de l'article L. 111-7, aux personnes mentionnées au 1 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique ou à celles exploitant des logiciels permettant d'accéder à une interface en ligne l'affichage d'un message avertissant les consommateurs du risque de préjudice encouru lorsqu'ils accèdent au contenu manifestement illicite ; / 2° Lorsque l'infraction constatée est passible d'une peine d'au moins deux ans d'emprisonnement et est de nature à porter une atteinte grave à la loyauté des transactions ou à l'intérêt des consommateurs : a) Notifier aux personnes relevant du I de l'article L. 111-7 du présent code les adresses électroniques des interfaces en ligne dont les contenus sont manifestement illicites pour qu'elles prennent toute mesure utile destinée à faire cesser leur référencement ; / b) Notifier aux opérateurs et personnes mentionnés au 1° du présent article ou au 2 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée les adresses électroniques des interfaces en ligne dont les contenus sont manifestement illicites afin qu'ils prennent toute mesure utile destinée à en limiter l'accès ; / c) Ordonner aux opérateurs de registre ou aux bureaux d'enregistrement de domaines de prendre une mesure de blocage d'un nom de domaine, d'une durée maximale de trois mois renouvelable une fois, suivie, si l'infraction constatée persiste, d'une mesure de suppression ou de transfert du nom de domaine à l'autorité compétente. / Ces mesures sont mises en oeuvre dans un délai, fixé par l'autorité administrative, qui ne peut être inférieur à quarante-huit heures. / Une interface en ligne s'entend de tout logiciel, y compris un site internet, une partie de site internet ou une application, exploité par un professionnel ou pour son compte et permettant aux utilisateurs finals d'accéder aux biens ou aux services qu'il propose ".
Sur la contestation du refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité :
3. Les dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel prévoient que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative aux droits et libertés garantis par la Constitution, elle transmet au Conseil d'Etat la question de constitutionnalité ainsi posée à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle ne soit pas dépourvue de caractère sérieux. Aux termes du dernier alinéa de cet article 23-2 : " (...) Le refus de transmettre la question ne peut être contesté qu'à l'occasion d'un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige ". Selon l'article R. 771-16 du code de justice administrative : " Lorsque l'une des parties entend contester devant le Conseil d'Etat, à l'appui d'un appel ou d'un pourvoi en cassation formé contre la décision qui règle tout ou partie du litige, le refus de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité précédemment opposé, il lui appartient, à peine d'irrecevabilité, de présenter cette contestation avant l'expiration du délai de recours dans un mémoire distinct et motivé, accompagné d'une copie de la décision de refus de transmission. (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a refusé de lui transmettre une question prioritaire de constitutionnalité qui lui a été soumise, il appartient à l'auteur de cette question de contester ce refus par un mémoire distinct et motivé, à l'occasion du pourvoi formé contre la décision qui statue sur le litige, que le refus de transmission ait été opposé par une décision distincte de la décision qui statue sur le litige ou directement par cette décision.
5. Les dispositions du a) du 2° de l'article L. 521-3-1 du code de la consommation sont applicables au présent litige. Elles n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel et, contrairement à ce que soutient le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ne se bornent pas à tirer les conséquences nécessaires des dispositions de l'article 9 du règlement (UE) n° 2017/2394 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 sur la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l'application de la législation en matière de protection des consommateurs ni des dispositions de l'article 14 du règlement (UE) n° 2019/1020 du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché et la conformité des produits. La question de la proportionnalité des atteintes que ces dispositions portent à la liberté d'entreprendre et à la liberté d'expression et de communication, garanties par les articles 4 et 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, présente un caractère sérieux.
6. Il en résulte qu'il y a lieu, d'une part, de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité invoquée au Conseil constitutionnel, en application des dispositions de l'article 23-5 de l'ordonnance portant loi organique du 7 novembre 1958, et, d'autre part, d'annuler l'ordonnance du 17 décembre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Paris en tant qu'elle statue sur la question prioritaire de constitutionnalité.
Sur les autres moyens du pourvoi :
7. Il y a lieu de surseoir à statuer sur les autres moyens du pourvoi jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché cette question prioritaire de constitutionnalité.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du 17 décembre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Paris est annulée en tant qu'elle a refusé de transmettre au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du a) de 2° de l'article L. 521-3-1 du code de la consommation.
Article 2 : La question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du a) de 2° de l'article L. 521-3-1 du code de la consommation est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 3 : Il est sursis à statuer sur le surplus des conclusions du pourvoi de la société ContextLogic Inc. contre l'ordonnance du 17 décembre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Paris jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société ContextLogic Inc., au Conseil constitutionnel et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la Première ministre.