Conseil d'État
N° 456840
ECLI:FR:CECHR:2022:456840.20220621
Mentionné aux tables du recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
Mme Sophie-Caroline de Margerie, rapporteur
M. Clément Malverti, rapporteur public
Lecture du mardi 21 juin 2022
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrée les 20 septembre 2021 et 1er avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... E... et Mme B... C..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leur fille mineure G... E... C..., demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le refus du garde des sceaux, ministre de la justice, d'abroger les circulaires du 25 octobre 2011 relative à la modification des modalités d'indication des " doubles noms " et du 28 octobre 2011 relative A... règles particulières à divers actes de l'état civil relatifs à la naissance et à la filiation, en tant qu'elles imposent qu'un simple espace sépare les deux noms des parents qui souhaitent procéder à leur accolement pour leurs enfants en application de l'art. 311-21 du code civil ;
2°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'abroger ces dispositions dans un délai de deux mois et de préciser, par circulaire A... services de l'état civil, que l'accolement des deux parties des noms dévolus peut se faire par tous les signes d'adjonction communément admis en langue française et de prévoir un dispositif permettant la rectification des noms déjà dévolus, depuis le 25 octobre 2011, par accolement des noms des deux parents, soit à l'occasion d'un événement d'état civil ou soit à tout moment à la demande des titulaires du nom ou de leurs représentants légaux par requête au procureur de la République.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- l'ordonnance d'août 1539 ;
- la loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 ;
- la loi n° 2003-516 du 18 juin 2003 ;
- le décret n° 2004-1159 du 29 octobre 2004 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme F... de Margerie, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. A... termes de l'article 311-21 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 4 mars 2002 relative au nom de famille : " Lorsque la filiation d'un enfant est établie à l'égard de ses deux parents au plus tard le jour de la déclaration de sa naissance ou par la suite mais simultanément, ces derniers choisissent le nom de famille qui lui est dévolu : soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux. En l'absence de déclaration conjointe à l'officier de l'état civil mentionnant le choix du nom de l'enfant, celui-ci prend le nom de celui de ses parents à l'égard duquel sa filiation est établie en premier lieu et le nom de son père si sa filiation est établie simultanément à l'égard de l'un et de l'autre. / En cas de désaccord entre les parents, signalé par l'un d'entre eux à l'officier de l'état civil, au plus tard au jour de la déclaration de naissance ou après la naissance, lors de l'établissement simultané de la filiation, l'enfant prend leurs deux noms, dans la limite du premier nom de famille pour chacun d'entre eux, accolés selon l'ordre alphabétique. / (...) Lorsque les parents ou l'un d'entre eux portent un double nom de famille, ils peuvent, par une déclaration écrite conjointe, ne transmettre qu'un seul nom à leurs enfants ". A... termes de l'article 1er du décret du 29 octobre 2004 pris pour l'application de l'article 26 de la loi du 4 mars 2002 : " La déclaration conjointe de choix de nom prévue A... premier et quatrième alinéas de l'article 311-21 du code civil est faite par écrit. / Elle comporte les prénom(s), nom, date et lieu de naissance, domicile des père et mère, l'indication du nom de famille choisi ainsi que, si l'enfant est né, ses prénom(s), date et lieu de naissance. Elle est datée et signée par les parents (...) ". A... termes de l'article 57 du code civil : " L'acte de naissance énoncera le jour, l'heure et le lieu de la naissance, le sexe de l'enfant, les prénoms qui lui seront donnés, le nom de famille, suivi le cas échéant de la mention de la déclaration conjointe de ses parents quant au choix effectué (...) ".
2. Les circulaires litigieuses prévoient la séparation obligatoire, sur les actes de l'état-civil, des noms composant un double nom de famille, lorsque ce nom est issu du choix exercé par les parents en application des dispositions de l'article 311-21 du code civil citées au point précédent, par un simple espace. Elles prévoient également que, dans l'hypothèse où cet espace est omis par l'officier d'état civil alors que les parents déclarent choisir un double nom, il appartient au procureur de la République de faire procéder à la rectification de l'acte de naissance en application de l'article 99 du même code. Elles imposent enfin à l'officier d'état civil, si les parents s'opposent à l'adjonction de cet espace au nom qu'ils ont choisi, de leur refuser la possibilité d'exercer le choix prévu par l'article 311-21 et d'inscrire leur enfant sous un nom résultant de l'application des règles supplétives prévues par la loi dans l'hypothèse où cette possibilité n'est pas utilisée.
3. En premier lieu, lorsque les parents font usage de la faculté ouverte par l'article 311-21 du code civil que leur enfant prenne leurs deux noms, le législateur a prescrit qu'il soit alors procédé à l'accolement de ceux-ci, sans mentionner la possibilité d'introduire entre les deux noms des signes particuliers. En indiquant que les deux composantes du nom double ainsi choisi doivent être séparées par un simple espace, selon une modalité permettant de les distinguer, lors de leur transmission, des noms composés, qui doivent être transmis dans leur intégralité, les circulaires attaquées n'ont pas fixé une règle nouvelle entachée d'incompétence, comme le soutiennent les requérants, mais ont donné de la loi une exacte interprétation.
4. En deuxième lieu, il ne saurait être sérieusement soutenu que les circulaires attaquées, en prévoyant l'accolement par un simple espace des deux composantes du nom de famille choisi en application de l'article 311-21 du code civil, méconnaîtraient le droit à la vie privée garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. En troisième lieu, le ministre ayant donné de la loi une exacte interprétation, les requérantes ne peuvent utilement soutenir ni qu'il aurait porté atteinte au principe d'égalité ni, en tout état de cause, qu'il aurait méconnu l'article 2 de la Constitution et l'article 111 de l'ordonnance d'août 1539 sur le fait de la justice, dite ordonnance de Villers-Cotterêts, en ce que ces dispositions imposent l'usage du français.
6. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du refus du garde des sceaux, ministre de la justice, d'abroger les circulaires qu'ils contestent. Leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de M. E... et autres est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. D... E..., premier requérant dénommé, et au garde des sceaux, ministre de la justice.
N° 456840
ECLI:FR:CECHR:2022:456840.20220621
Mentionné aux tables du recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
Mme Sophie-Caroline de Margerie, rapporteur
M. Clément Malverti, rapporteur public
Lecture du mardi 21 juin 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrée les 20 septembre 2021 et 1er avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... E... et Mme B... C..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leur fille mineure G... E... C..., demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le refus du garde des sceaux, ministre de la justice, d'abroger les circulaires du 25 octobre 2011 relative à la modification des modalités d'indication des " doubles noms " et du 28 octobre 2011 relative A... règles particulières à divers actes de l'état civil relatifs à la naissance et à la filiation, en tant qu'elles imposent qu'un simple espace sépare les deux noms des parents qui souhaitent procéder à leur accolement pour leurs enfants en application de l'art. 311-21 du code civil ;
2°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'abroger ces dispositions dans un délai de deux mois et de préciser, par circulaire A... services de l'état civil, que l'accolement des deux parties des noms dévolus peut se faire par tous les signes d'adjonction communément admis en langue française et de prévoir un dispositif permettant la rectification des noms déjà dévolus, depuis le 25 octobre 2011, par accolement des noms des deux parents, soit à l'occasion d'un événement d'état civil ou soit à tout moment à la demande des titulaires du nom ou de leurs représentants légaux par requête au procureur de la République.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- l'ordonnance d'août 1539 ;
- la loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 ;
- la loi n° 2003-516 du 18 juin 2003 ;
- le décret n° 2004-1159 du 29 octobre 2004 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme F... de Margerie, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. A... termes de l'article 311-21 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 4 mars 2002 relative au nom de famille : " Lorsque la filiation d'un enfant est établie à l'égard de ses deux parents au plus tard le jour de la déclaration de sa naissance ou par la suite mais simultanément, ces derniers choisissent le nom de famille qui lui est dévolu : soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux. En l'absence de déclaration conjointe à l'officier de l'état civil mentionnant le choix du nom de l'enfant, celui-ci prend le nom de celui de ses parents à l'égard duquel sa filiation est établie en premier lieu et le nom de son père si sa filiation est établie simultanément à l'égard de l'un et de l'autre. / En cas de désaccord entre les parents, signalé par l'un d'entre eux à l'officier de l'état civil, au plus tard au jour de la déclaration de naissance ou après la naissance, lors de l'établissement simultané de la filiation, l'enfant prend leurs deux noms, dans la limite du premier nom de famille pour chacun d'entre eux, accolés selon l'ordre alphabétique. / (...) Lorsque les parents ou l'un d'entre eux portent un double nom de famille, ils peuvent, par une déclaration écrite conjointe, ne transmettre qu'un seul nom à leurs enfants ". A... termes de l'article 1er du décret du 29 octobre 2004 pris pour l'application de l'article 26 de la loi du 4 mars 2002 : " La déclaration conjointe de choix de nom prévue A... premier et quatrième alinéas de l'article 311-21 du code civil est faite par écrit. / Elle comporte les prénom(s), nom, date et lieu de naissance, domicile des père et mère, l'indication du nom de famille choisi ainsi que, si l'enfant est né, ses prénom(s), date et lieu de naissance. Elle est datée et signée par les parents (...) ". A... termes de l'article 57 du code civil : " L'acte de naissance énoncera le jour, l'heure et le lieu de la naissance, le sexe de l'enfant, les prénoms qui lui seront donnés, le nom de famille, suivi le cas échéant de la mention de la déclaration conjointe de ses parents quant au choix effectué (...) ".
2. Les circulaires litigieuses prévoient la séparation obligatoire, sur les actes de l'état-civil, des noms composant un double nom de famille, lorsque ce nom est issu du choix exercé par les parents en application des dispositions de l'article 311-21 du code civil citées au point précédent, par un simple espace. Elles prévoient également que, dans l'hypothèse où cet espace est omis par l'officier d'état civil alors que les parents déclarent choisir un double nom, il appartient au procureur de la République de faire procéder à la rectification de l'acte de naissance en application de l'article 99 du même code. Elles imposent enfin à l'officier d'état civil, si les parents s'opposent à l'adjonction de cet espace au nom qu'ils ont choisi, de leur refuser la possibilité d'exercer le choix prévu par l'article 311-21 et d'inscrire leur enfant sous un nom résultant de l'application des règles supplétives prévues par la loi dans l'hypothèse où cette possibilité n'est pas utilisée.
3. En premier lieu, lorsque les parents font usage de la faculté ouverte par l'article 311-21 du code civil que leur enfant prenne leurs deux noms, le législateur a prescrit qu'il soit alors procédé à l'accolement de ceux-ci, sans mentionner la possibilité d'introduire entre les deux noms des signes particuliers. En indiquant que les deux composantes du nom double ainsi choisi doivent être séparées par un simple espace, selon une modalité permettant de les distinguer, lors de leur transmission, des noms composés, qui doivent être transmis dans leur intégralité, les circulaires attaquées n'ont pas fixé une règle nouvelle entachée d'incompétence, comme le soutiennent les requérants, mais ont donné de la loi une exacte interprétation.
4. En deuxième lieu, il ne saurait être sérieusement soutenu que les circulaires attaquées, en prévoyant l'accolement par un simple espace des deux composantes du nom de famille choisi en application de l'article 311-21 du code civil, méconnaîtraient le droit à la vie privée garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. En troisième lieu, le ministre ayant donné de la loi une exacte interprétation, les requérantes ne peuvent utilement soutenir ni qu'il aurait porté atteinte au principe d'égalité ni, en tout état de cause, qu'il aurait méconnu l'article 2 de la Constitution et l'article 111 de l'ordonnance d'août 1539 sur le fait de la justice, dite ordonnance de Villers-Cotterêts, en ce que ces dispositions imposent l'usage du français.
6. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du refus du garde des sceaux, ministre de la justice, d'abroger les circulaires qu'ils contestent. Leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de M. E... et autres est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. D... E..., premier requérant dénommé, et au garde des sceaux, ministre de la justice.