Conseil d'État
N° 445265
ECLI:FR:CECHR:2022:445265.20220516
Publié au recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
Mme Catherine Moreau, rapporteur
M. Stéphane Hoynck, rapporteur public
Lecture du lundi 16 mai 2022
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 12 octobre 2020 et 29 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale de vente et services automatiques demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la mesure 9 de la circulaire n° 6145/SG du 25 février 2020 du Premier ministre relative aux engagements de l'Etat pour des services publics écoresponsables, ainsi que la décision par laquelle le Premier ministre a implicitement rejeté son recours gracieux ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive (UE) 2019/904 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 relative à la réduction de l'incidence de certains produits en plastique sur l'environnement ;
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 ;
- la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 ;
- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une circulaire du 25 février 2020 relative aux engagements de l'Etat pour des services publics écoresponsables, le Premier ministre a indiqué aux ministres et secrétaires d'Etat et aux préfets de région que la démarche de l'Etat exemplaire devait désormais reposer sur un socle de vingt mesures présentées comme obligatoires ainsi que sur un dispositif de mobilisation des agents appelés à identifier et proposer d'autres mesures. Dans la liste les vingt engagements du socle obligatoire énumérés dans l'annexe de cette circulaire, la mesure n° 9 prévoit qu'à compter de juillet 2020, l'Etat s'engage à ne plus acheter de plastique à usage unique en vue d'une utilisation sur les lieux de travail et dans les événements qu'il organise. La Fédération nationale de vente et de services automatiques (NAVSA) demande au Conseil d'Etat d'annuler cette mesure n° 9 de la circulaire du Premier ministre du 25 février 2020 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 12 juin 2020, ainsi que, à titre subsidiaire, la circulaire elle-même.
2. D'une part, aux termes de l'article 48 de la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement : " L'Etat doit, comme toute collectivité publique, tenir compte dans les décisions qu'il envisage de leurs conséquences sur l'environnement, notamment de leur part dans le réchauffement climatique et de leur contribution à la préservation de la biodiversité, et justifier explicitement les atteintes que ces décisions peuvent le cas échéant causer. (...) / L'Etat favorisera le respect de l'environnement dans l'achat public par un recours croissant, dans les marchés publics des administrations et services placés sous son autorité, aux critères environnementaux et aux variantes environnementales. (...) ". D'autre part, le III de l'article L. 541-15-10 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue du b) du 2° du I de l'article 77 de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, prévoit que " A compter du 1er janvier 2022, l'Etat n'achète plus de plastique à usage unique en vue d'une utilisation sur les lieux de travail et dans les événements qu'il organise. Un décret précise les situations dans lesquelles cette interdiction ne s'applique pas, notamment afin de prévenir les risques pour la santé ou pour la sécurité ".
3. En premier lieu, si le Premier ministre ne saurait exercer le pouvoir réglementaire qu'il tient de l'article 21 de la Constitution sans respecter les règles de forme ou de procédure applicables à cet exercice, il lui est toujours loisible, sur le fondement des dispositions de l'article 21 de la Constitution en vertu desquelles il dirige l'action du gouvernement, d'adresser aux membres du Gouvernement et aux administrations des instructions par voie de circulaire, leur prescrivant d'agir dans un sens déterminé ou d'adopter telle interprétation des lois et règlements en vigueur. Il ressort de ses termes mêmes que, par la circulaire en cause, adressée aux ministres et secrétaires d'Etat et aux préfets de région, le Premier ministre s'est borné à leur prescrire un certain nombre d'actions visant à améliorer le respect de l'environnement par les administrations de l'Etat, notamment en évitant de recourir à des produits en plastique à usage unique. Par suite, la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir que l'acte qu'elle attaque aurait été pris par une autorité incompétente.
4. En deuxième lieu, la fixation par les dispositions de l'article L. 541-15-10 du code de l'environnement d'une date à partir de laquelle il sera interdit à l'Etat d'acquérir des produits en plastique à usage unique ne fait pas obstacle à ce que le Premier ministre demande aux ministres et secrétaires d'Etat ainsi qu'aux préfets de région d'anticiper la mise en oeuvre effective de cette mesure d'interdiction, notamment afin de favoriser le respect de l'environnement dans l'achat public conformément à l'objectif que le législateur a fixé à l'Etat par l'article 48 de la loi du 3 août 2009. La fédération requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que la mesure qu'elle conteste méconnait les dispositions de l'article L. 541-15-10 du code de l'environnement.
5. En troisième lieu, les conclusions de la requête dirigées contre les autres dispositions de cette circulaire ne sont assorties d'aucun moyen et ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
6. Il résulte de ce qui précède que la requête de la Fédération doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de Fédération nationale de vente et services automatiques est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération nationale de vente et services automatiques, au Premier ministre et à la ministre de la transition écologique.
Délibéré à l'issue de la séance du 13 avril 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Denis Piveteau, M. Fabien Raynaud, présidents de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, M. Jean-Philippe Mochon, Mme Suzanne von Coester, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 16 mai 2022.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Catherine Moreau
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain
N° 445265
ECLI:FR:CECHR:2022:445265.20220516
Publié au recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
Mme Catherine Moreau, rapporteur
M. Stéphane Hoynck, rapporteur public
Lecture du lundi 16 mai 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 12 octobre 2020 et 29 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale de vente et services automatiques demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la mesure 9 de la circulaire n° 6145/SG du 25 février 2020 du Premier ministre relative aux engagements de l'Etat pour des services publics écoresponsables, ainsi que la décision par laquelle le Premier ministre a implicitement rejeté son recours gracieux ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive (UE) 2019/904 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 relative à la réduction de l'incidence de certains produits en plastique sur l'environnement ;
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 ;
- la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 ;
- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une circulaire du 25 février 2020 relative aux engagements de l'Etat pour des services publics écoresponsables, le Premier ministre a indiqué aux ministres et secrétaires d'Etat et aux préfets de région que la démarche de l'Etat exemplaire devait désormais reposer sur un socle de vingt mesures présentées comme obligatoires ainsi que sur un dispositif de mobilisation des agents appelés à identifier et proposer d'autres mesures. Dans la liste les vingt engagements du socle obligatoire énumérés dans l'annexe de cette circulaire, la mesure n° 9 prévoit qu'à compter de juillet 2020, l'Etat s'engage à ne plus acheter de plastique à usage unique en vue d'une utilisation sur les lieux de travail et dans les événements qu'il organise. La Fédération nationale de vente et de services automatiques (NAVSA) demande au Conseil d'Etat d'annuler cette mesure n° 9 de la circulaire du Premier ministre du 25 février 2020 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 12 juin 2020, ainsi que, à titre subsidiaire, la circulaire elle-même.
2. D'une part, aux termes de l'article 48 de la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement : " L'Etat doit, comme toute collectivité publique, tenir compte dans les décisions qu'il envisage de leurs conséquences sur l'environnement, notamment de leur part dans le réchauffement climatique et de leur contribution à la préservation de la biodiversité, et justifier explicitement les atteintes que ces décisions peuvent le cas échéant causer. (...) / L'Etat favorisera le respect de l'environnement dans l'achat public par un recours croissant, dans les marchés publics des administrations et services placés sous son autorité, aux critères environnementaux et aux variantes environnementales. (...) ". D'autre part, le III de l'article L. 541-15-10 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue du b) du 2° du I de l'article 77 de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, prévoit que " A compter du 1er janvier 2022, l'Etat n'achète plus de plastique à usage unique en vue d'une utilisation sur les lieux de travail et dans les événements qu'il organise. Un décret précise les situations dans lesquelles cette interdiction ne s'applique pas, notamment afin de prévenir les risques pour la santé ou pour la sécurité ".
3. En premier lieu, si le Premier ministre ne saurait exercer le pouvoir réglementaire qu'il tient de l'article 21 de la Constitution sans respecter les règles de forme ou de procédure applicables à cet exercice, il lui est toujours loisible, sur le fondement des dispositions de l'article 21 de la Constitution en vertu desquelles il dirige l'action du gouvernement, d'adresser aux membres du Gouvernement et aux administrations des instructions par voie de circulaire, leur prescrivant d'agir dans un sens déterminé ou d'adopter telle interprétation des lois et règlements en vigueur. Il ressort de ses termes mêmes que, par la circulaire en cause, adressée aux ministres et secrétaires d'Etat et aux préfets de région, le Premier ministre s'est borné à leur prescrire un certain nombre d'actions visant à améliorer le respect de l'environnement par les administrations de l'Etat, notamment en évitant de recourir à des produits en plastique à usage unique. Par suite, la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir que l'acte qu'elle attaque aurait été pris par une autorité incompétente.
4. En deuxième lieu, la fixation par les dispositions de l'article L. 541-15-10 du code de l'environnement d'une date à partir de laquelle il sera interdit à l'Etat d'acquérir des produits en plastique à usage unique ne fait pas obstacle à ce que le Premier ministre demande aux ministres et secrétaires d'Etat ainsi qu'aux préfets de région d'anticiper la mise en oeuvre effective de cette mesure d'interdiction, notamment afin de favoriser le respect de l'environnement dans l'achat public conformément à l'objectif que le législateur a fixé à l'Etat par l'article 48 de la loi du 3 août 2009. La fédération requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que la mesure qu'elle conteste méconnait les dispositions de l'article L. 541-15-10 du code de l'environnement.
5. En troisième lieu, les conclusions de la requête dirigées contre les autres dispositions de cette circulaire ne sont assorties d'aucun moyen et ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
6. Il résulte de ce qui précède que la requête de la Fédération doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de Fédération nationale de vente et services automatiques est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération nationale de vente et services automatiques, au Premier ministre et à la ministre de la transition écologique.
Délibéré à l'issue de la séance du 13 avril 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Denis Piveteau, M. Fabien Raynaud, présidents de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, M. Jean-Philippe Mochon, Mme Suzanne von Coester, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 16 mai 2022.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Catherine Moreau
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain