Conseil d'État
N° 453959
ECLI:FR:CECHR:2022:453959.20220512
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère - 4ème chambres réunies
Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, rapporteur
Mme Marie Sirinelli, rapporteur public
CABINET ROUSSEAU, TAPIE ; SCP SPINOSI, avocats
Lecture du jeudi 12 mai 2022
Vu la procédure suivante :
La société civile de construction vente Léane a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 janvier 2018 par lequel le maire du Raincy a refusé de lui délivrer un permis de construire valant permis de démolir pour la construction d'un ensemble immobilier de cinquante logements répartis en deux résidences indépendantes avec cinquante-quatre places de stationnement sur deux niveaux de sous-sol, d'autre part, de condamner la commune du Raincy à lui verser la somme de 2 500 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi à raison de l'illégalité de ce refus. Par un jugement n° 1805243 du 2 octobre 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Par une ordonnance n° 19VE04041 du 31 mai 2021, la présidente assesseure de la 6e chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel de la société contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 juin, 27 septembre et 29 novembre 2021 et le 5 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Léane demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la commune du Raincy la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Rousseau, Tapie, avocat de la societe Léane et à la SCP Spinosi, avocat de la Commune du Raincy ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 24 janvier 2018, le maire du Raincy a refusé de délivrer à la société Léane un permis de construire valant permis de démolir pour la construction d'un ensemble immobilier de cinquante logements, dont quinze logements sociaux, répartis en deux résidences indépendantes, avec cinquante-quatre places de stationnement sur deux niveaux de sous-sol. Cette société se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 31 mai 2021 par laquelle la présidente assesseure de la 6e chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son appel contre le jugement du 2 octobre 2019 du tribunal administratif de Montreuil ayant rejeté sa demande d'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 24 janvier 2018 ainsi que ses conclusions indemnitaires.
2. En vertu de l'article R. 111-1 du code de l'urbanisme : " Le règlement national d'urbanisme est applicable aux constructions et aménagements faisant l'objet d'un permis de construire, d'un permis d'aménager ou d'une déclaration préalable ainsi qu'aux autres utilisations du sol régies par le présent code ". Aux termes de l'article R. 111-27 du même code : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. " L'article UA11 du règlement de la zone UA du plan local d'urbanisme de la commune du Raincy prévoit que : " Les constructions, bâtiments et ouvrages à édifier ou à modifier, ne doivent pas, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains, ainsi qu'à la conservation des perspectives, en particulier à proximité des bâtiments remarquables identifiés au plan de zonage. " Ces dispositions ont pour objet de régir, non les démolitions, mais les constructions, le cas échéant s'accompagnant des démolitions nécessaires.
3. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ou à la conservation des perspectives monumentales, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité du permis de construire délivré, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés par les dispositions mentionnées ci-dessus.
4. Il n'en va pas différemment lorsqu'il a été fait usage de l'article L. 451-1 du code de l'urbanisme permettant que la demande de permis de construire porte à la fois sur la construction et sur la démolition d'une construction existante, lorsque cette démolition est nécessaire à cette opération. Dans un tel cas, il appartient à l'administration d'apprécier l'impact, sur le site, non de la seule démolition de la construction existante mais de son remplacement par la construction autorisée.
5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour refuser le permis de construire valant permis de démolir sollicité par la société requérante, le maire du Raincy s'est fondé sur la méconnaissance par le projet des articles R. 111-27 et UA11 du règlement de la zone UA du PLU citées au point 2. Il résulte des énonciations de l'ordonnance attaquée que, pour écarter le moyen tiré par la société de ce que la décision attaquée faisait une inexacte application des dispositions des articles R. 111-27 du code de l'urbanisme et UA11 du règlement de la zone UA du plan local d'urbanisme, la présidente assesseure de la 6e chambre de la cour administrative d'appel de Versailles s'est fondée sur la seule circonstance que le projet emportait la démolition de bâtiments qui, bien que ne figurant pas dans le patrimoine architectural protégé de la commune, présentaient une grande qualité architecturale. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point précédent qu'il lui appartenait d'apprécier l'impact sur le site, non de cette seule démolition, mais du remplacement de ces bâtiments par la construction projetée. La société requérante est, par suite, fondée à soutenir qu'elle a commis une erreur de droit.
6. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la société Leane est fondée à demander pour ce motif l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune du Raincy une somme de 3 000 euros à verser à la société Léane au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune du Raincy présentées à ce même titre.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du 31 mai 2021 de la présidente assesseure de la 6e chambre de la cour administrative d'appel de Versailles est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : La commune du Raincy versera une somme de 3 000 euros à la société Léane au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la commune du Raincy présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Léane et à la commune du Raincy.
Délibéré à l'issue de la séance du 20 avril 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Yves Doutriaux, Mme Carine Soulay, Mme Fabienne Lambolez, M. Jean-Luc Nevache, conseillers d'Etat ; Mme Manon Chonavel, auditrice et Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, maître des requêtes-rapporteure.
Rendu le 12 mai 2022.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber
N° 453959
ECLI:FR:CECHR:2022:453959.20220512
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère - 4ème chambres réunies
Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, rapporteur
Mme Marie Sirinelli, rapporteur public
CABINET ROUSSEAU, TAPIE ; SCP SPINOSI, avocats
Lecture du jeudi 12 mai 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société civile de construction vente Léane a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 janvier 2018 par lequel le maire du Raincy a refusé de lui délivrer un permis de construire valant permis de démolir pour la construction d'un ensemble immobilier de cinquante logements répartis en deux résidences indépendantes avec cinquante-quatre places de stationnement sur deux niveaux de sous-sol, d'autre part, de condamner la commune du Raincy à lui verser la somme de 2 500 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi à raison de l'illégalité de ce refus. Par un jugement n° 1805243 du 2 octobre 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Par une ordonnance n° 19VE04041 du 31 mai 2021, la présidente assesseure de la 6e chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel de la société contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 juin, 27 septembre et 29 novembre 2021 et le 5 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Léane demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la commune du Raincy la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Rousseau, Tapie, avocat de la societe Léane et à la SCP Spinosi, avocat de la Commune du Raincy ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 24 janvier 2018, le maire du Raincy a refusé de délivrer à la société Léane un permis de construire valant permis de démolir pour la construction d'un ensemble immobilier de cinquante logements, dont quinze logements sociaux, répartis en deux résidences indépendantes, avec cinquante-quatre places de stationnement sur deux niveaux de sous-sol. Cette société se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 31 mai 2021 par laquelle la présidente assesseure de la 6e chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son appel contre le jugement du 2 octobre 2019 du tribunal administratif de Montreuil ayant rejeté sa demande d'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 24 janvier 2018 ainsi que ses conclusions indemnitaires.
2. En vertu de l'article R. 111-1 du code de l'urbanisme : " Le règlement national d'urbanisme est applicable aux constructions et aménagements faisant l'objet d'un permis de construire, d'un permis d'aménager ou d'une déclaration préalable ainsi qu'aux autres utilisations du sol régies par le présent code ". Aux termes de l'article R. 111-27 du même code : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. " L'article UA11 du règlement de la zone UA du plan local d'urbanisme de la commune du Raincy prévoit que : " Les constructions, bâtiments et ouvrages à édifier ou à modifier, ne doivent pas, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains, ainsi qu'à la conservation des perspectives, en particulier à proximité des bâtiments remarquables identifiés au plan de zonage. " Ces dispositions ont pour objet de régir, non les démolitions, mais les constructions, le cas échéant s'accompagnant des démolitions nécessaires.
3. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ou à la conservation des perspectives monumentales, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité du permis de construire délivré, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés par les dispositions mentionnées ci-dessus.
4. Il n'en va pas différemment lorsqu'il a été fait usage de l'article L. 451-1 du code de l'urbanisme permettant que la demande de permis de construire porte à la fois sur la construction et sur la démolition d'une construction existante, lorsque cette démolition est nécessaire à cette opération. Dans un tel cas, il appartient à l'administration d'apprécier l'impact, sur le site, non de la seule démolition de la construction existante mais de son remplacement par la construction autorisée.
5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour refuser le permis de construire valant permis de démolir sollicité par la société requérante, le maire du Raincy s'est fondé sur la méconnaissance par le projet des articles R. 111-27 et UA11 du règlement de la zone UA du PLU citées au point 2. Il résulte des énonciations de l'ordonnance attaquée que, pour écarter le moyen tiré par la société de ce que la décision attaquée faisait une inexacte application des dispositions des articles R. 111-27 du code de l'urbanisme et UA11 du règlement de la zone UA du plan local d'urbanisme, la présidente assesseure de la 6e chambre de la cour administrative d'appel de Versailles s'est fondée sur la seule circonstance que le projet emportait la démolition de bâtiments qui, bien que ne figurant pas dans le patrimoine architectural protégé de la commune, présentaient une grande qualité architecturale. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point précédent qu'il lui appartenait d'apprécier l'impact sur le site, non de cette seule démolition, mais du remplacement de ces bâtiments par la construction projetée. La société requérante est, par suite, fondée à soutenir qu'elle a commis une erreur de droit.
6. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la société Leane est fondée à demander pour ce motif l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune du Raincy une somme de 3 000 euros à verser à la société Léane au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune du Raincy présentées à ce même titre.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du 31 mai 2021 de la présidente assesseure de la 6e chambre de la cour administrative d'appel de Versailles est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : La commune du Raincy versera une somme de 3 000 euros à la société Léane au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la commune du Raincy présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Léane et à la commune du Raincy.
Délibéré à l'issue de la séance du 20 avril 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Yves Doutriaux, Mme Carine Soulay, Mme Fabienne Lambolez, M. Jean-Luc Nevache, conseillers d'Etat ; Mme Manon Chonavel, auditrice et Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, maître des requêtes-rapporteure.
Rendu le 12 mai 2022.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber