Conseil d'État
N° 449811
ECLI:FR:CECHS:2022:449811.20220218
Inédit au recueil Lebon
8ème chambre
M. Jonathan Bosredon, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats
Lecture du vendredi 18 février 2022
Vu la procédure suivante :
Par une décision du 22 octobre 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de la société à responsabilité limitée (SARL) Société d'aménagement urbain et lotissement dirigées contre l'arrêt n° 20MA00636 du 17 décembre 2020 de la cour administrative d'appel de Marseille, en tant qu'il s'est prononcé sur sa demande en décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance déclare s'en remettre à la sagesse du Conseil d'Etat pour statuer sur ce pourvoi. Il conclut, dans l'hypothèse où le Conseil d'Etat déciderait, après cassation, de régler l'affaire au fond, au rejet de la requête de la Société d'aménagement urbain et lotissement et se réfère à ses précédentes écritures.
Par un nouveau mémoire, enregistré le 20 janvier 2022, la société d'aménagement urbain et lotissement déclare maintenir l'ensemble de ses écritures et conclusions.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la Société d'aménagement urbain et lotissement Saul ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la Société d'aménagement urbain et lotissement, qui exerce une activité de marchand de biens immobiliers et de lotisseur, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 à l'issue de laquelle l'administration fiscale a notamment mis à sa charge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à raison de la cession de lots qu'elle a constitués sur des terrains qu'elle avait acquis en 2001 et 2002. Par une décision du 22 octobre 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi formé par la société contre l'arrêt du 17 décembre 2020 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant qu'il a rejeté son appel contre le jugement du 18 décembre 2019 du tribunal administratif de Marseille rejetant sa demande tendant à la décharge de ces impositions.
2. Aux termes de l'article 268 du code général des impôts : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir, ou d'une opération mentionnée au 2° du 5 de l'article 261 pour laquelle a été formulée l'option prévue au 5° bis de l'article 260, si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : a) soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain ou de l'immeuble ; (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que, dans le cas de revente par lot d'un immeuble ou d'un terrain à bâtir acheté en une seule fois pour un prix global, chaque vente de lot constitue une opération distincte, à raison de laquelle le vendeur doit acquitter une taxe calculée sur la base de la différence entre, d'une part, le prix de vente de ce lot et, d'autre part, son prix de revient estimé en imputant à ce lot une fraction du prix d'achat global de l'immeuble ou du terrain. Il appartient au contribuable de procéder à cette imputation par la méthode de son choix, sous réserve du droit de vérification de l'administration et sous le contrôle du juge de l'impôt. Ces dispositions ne s'opposent pas à ce que le contribuable impute sur le prix de revient de chacun des lots vendus une fraction du prix d'acquisition des terrains cédés gratuitement ou pour l'euro symbolique à une commune en vue de la réalisation d'aménagements de voirie, lorsque cette cession conditionne la réalisation de l'opération immobilière.
4. Après avoir relevé que le prix dont les particuliers s'acquittaient pour l'achat de lots intégrait aussi les tantièmes des parties communes et l'usage des équipements collectifs réalisés par le lotisseur que celui-ci cédait gratuitement à la collectivité publique, la cour administrative d'appel a jugé que l'administration avait légalement pu en l'espèce, pour calculer le prix d'acquisition des lots cédés, appliquer à la surface de chacun de ces lots un prix de revient au mètre carré obtenu en rapportant le prix total acquitté pour l'achat des terrains ultérieurement lotis à leur surface totale. En statuant ainsi, alors qu'un tel mode de calcul conduit à ne pas imputer sur le prix d'acquisition de chacun des lots vendus aux particuliers une quote-part du prix d'acquisition des terrains cédés gratuitement à la collectivité publique, sans rechercher si, ainsi qu'il était soutenu, cette cession gratuite conditionnait la réalisation de l'opération immobilière, la cour a méconnu les dispositions de l'article 268 du code général des impôts telle qu'interprétées au point 3.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la Société d'aménagement urbain et lotissement est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il s'est prononcé sur ses conclusions tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 17 décembre 2020 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé en tant qu'il s'est prononcé sur les conclusions de la Société d'aménagement urbain et lotissement tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés à au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : L'Etat versera à la Société d'aménagement urbain et lotissement la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée Société d'aménagement urbain et lotissement et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
N° 449811
ECLI:FR:CECHS:2022:449811.20220218
Inédit au recueil Lebon
8ème chambre
M. Jonathan Bosredon, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats
Lecture du vendredi 18 février 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une décision du 22 octobre 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de la société à responsabilité limitée (SARL) Société d'aménagement urbain et lotissement dirigées contre l'arrêt n° 20MA00636 du 17 décembre 2020 de la cour administrative d'appel de Marseille, en tant qu'il s'est prononcé sur sa demande en décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance déclare s'en remettre à la sagesse du Conseil d'Etat pour statuer sur ce pourvoi. Il conclut, dans l'hypothèse où le Conseil d'Etat déciderait, après cassation, de régler l'affaire au fond, au rejet de la requête de la Société d'aménagement urbain et lotissement et se réfère à ses précédentes écritures.
Par un nouveau mémoire, enregistré le 20 janvier 2022, la société d'aménagement urbain et lotissement déclare maintenir l'ensemble de ses écritures et conclusions.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la Société d'aménagement urbain et lotissement Saul ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la Société d'aménagement urbain et lotissement, qui exerce une activité de marchand de biens immobiliers et de lotisseur, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 à l'issue de laquelle l'administration fiscale a notamment mis à sa charge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à raison de la cession de lots qu'elle a constitués sur des terrains qu'elle avait acquis en 2001 et 2002. Par une décision du 22 octobre 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi formé par la société contre l'arrêt du 17 décembre 2020 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant qu'il a rejeté son appel contre le jugement du 18 décembre 2019 du tribunal administratif de Marseille rejetant sa demande tendant à la décharge de ces impositions.
2. Aux termes de l'article 268 du code général des impôts : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir, ou d'une opération mentionnée au 2° du 5 de l'article 261 pour laquelle a été formulée l'option prévue au 5° bis de l'article 260, si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : a) soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain ou de l'immeuble ; (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que, dans le cas de revente par lot d'un immeuble ou d'un terrain à bâtir acheté en une seule fois pour un prix global, chaque vente de lot constitue une opération distincte, à raison de laquelle le vendeur doit acquitter une taxe calculée sur la base de la différence entre, d'une part, le prix de vente de ce lot et, d'autre part, son prix de revient estimé en imputant à ce lot une fraction du prix d'achat global de l'immeuble ou du terrain. Il appartient au contribuable de procéder à cette imputation par la méthode de son choix, sous réserve du droit de vérification de l'administration et sous le contrôle du juge de l'impôt. Ces dispositions ne s'opposent pas à ce que le contribuable impute sur le prix de revient de chacun des lots vendus une fraction du prix d'acquisition des terrains cédés gratuitement ou pour l'euro symbolique à une commune en vue de la réalisation d'aménagements de voirie, lorsque cette cession conditionne la réalisation de l'opération immobilière.
4. Après avoir relevé que le prix dont les particuliers s'acquittaient pour l'achat de lots intégrait aussi les tantièmes des parties communes et l'usage des équipements collectifs réalisés par le lotisseur que celui-ci cédait gratuitement à la collectivité publique, la cour administrative d'appel a jugé que l'administration avait légalement pu en l'espèce, pour calculer le prix d'acquisition des lots cédés, appliquer à la surface de chacun de ces lots un prix de revient au mètre carré obtenu en rapportant le prix total acquitté pour l'achat des terrains ultérieurement lotis à leur surface totale. En statuant ainsi, alors qu'un tel mode de calcul conduit à ne pas imputer sur le prix d'acquisition de chacun des lots vendus aux particuliers une quote-part du prix d'acquisition des terrains cédés gratuitement à la collectivité publique, sans rechercher si, ainsi qu'il était soutenu, cette cession gratuite conditionnait la réalisation de l'opération immobilière, la cour a méconnu les dispositions de l'article 268 du code général des impôts telle qu'interprétées au point 3.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la Société d'aménagement urbain et lotissement est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il s'est prononcé sur ses conclusions tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 17 décembre 2020 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé en tant qu'il s'est prononcé sur les conclusions de la Société d'aménagement urbain et lotissement tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés à au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : L'Etat versera à la Société d'aménagement urbain et lotissement la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée Société d'aménagement urbain et lotissement et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.