Conseil d'État
N° 435322
ECLI:FR:CECHS:2021:435322.20211230
Inédit au recueil Lebon
4ème chambre
M. Edouard Solier, rapporteur
M. Frédéric Dieu, rapporteur public
Lecture du jeudi 30 décembre 2021
Vu la procédure suivante :
Par une ordonnance n° 1800170 du 11 octobre 2019, enregistrée le 11 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cinquième chambre du tribunal administratif de Rennes a transmis au Conseil d'Etat, en application des articles R. 351-2 et R. 311-1 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par M. C... D....
Par cette requête et un mémoire, enregistrés au greffe du tribunal administratif de Rennes le 12 janvier 2018 et le 15 février 2019, et un nouveau mémoire enregistré le 1er octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté, notifié le 15 novembre 2017, par lequel le président de l'université Rennes 2 l'a suspendu de ses fonctions jusqu'à la fin des poursuites pénales dirigées à son encontre et décidé de procéder à une retenue de 50 % sur son traitement et de supprimer le versement de ses primes à compter du 17 janvier 2018 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions en date des 5 et 19 décembre 2017 du président de l'université Rennes 2 portant refus de détachement ou d'affectation à titre provisoire ;
3°) d'enjoindre à l'université Rennes 2 d'examiner toutes les possibilités de changement provisoire d'affectation, de mise à disposition ou détachement et de le rétablir dans la plénitude de ses droits pécuniaires ;
4°) de mettre à la charge de l'université Rennes 2 la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- l'arrêté du 10 février 2012 portant délégation de pouvoirs en matière de recrutement et de gestion de certains personnels enseignants des établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Edouard Solier, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que M. D..., professeur des universités, exerce les fonctions de directeur de l'unité de formation et de recherche en sciences et techniques des activités physiques et sportives de l'université Rennes 2. Il a fait l'objet le 16 janvier 2017 d'une mesure de suspension de quatre mois, prolongée le 3 mai 2017 jusqu'au 16 janvier 2018, avec maintien du traitement, prononcée par le président de l'université Rennes 2. Par une décision du 12 octobre 2017, la section disciplinaire de l'université Paris 2 Panthéon-Assas, saisie des poursuites disciplinaires engagées contre M. D..., a décidé de surseoir à statuer jusqu'à l'issue des poursuites pénales également engagées à l'encontre de l'intéressé. Par un arrêté du 18 octobre 2017, le président de l'université a procédé à une retenue de la moitié du traitement et à la suppression des primes versées à M. D.... Par un arrêté notifié le 15 novembre 2017 à M. D..., le président de l'université Rennes 2 a abrogé ses arrêtés des 3 mai et 18 octobre 2017, prolongé la suspension de M. D... jusqu'à la fin des poursuites pénales dont celui-ci fait l'objet, décidé d'une retenue de la moitié du traitement de l'intéressé et de la suppression des primes à compter du 17 janvier 2018. M. D... demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté notifié le 15 novembre 2017 ainsi que de la décision du président de l'université Rennes 2 du 5 décembre 2017, confirmée sur recours gracieux, rejetant sa demande d'affectation à titre provisoire sur un autre poste, le cas échéant, dans le cadre d'un détachement.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté notifié le 15 novembre 2017 :
2. Aux termes de l'article L. 951-4 du code de l'éducation : " Le ministre chargé de l'enseignement supérieur peut prononcer la suspension d'un membre du personnel de l'enseignement supérieur pour un temps qui n'excède pas un an, sans suspension de traitement ". La suspension d'un professeur des universités sur la base de ces dispositions est une mesure à caractère conservatoire, prise dans le souci de préserver l'intérêt du service public universitaire. Elle peut être prononcée lorsque les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et que la poursuite des activités de l'intéressé au sein de l'établissement présente des inconvénients suffisamment sérieux pour le service ou pour le déroulement des procédures en cours. Son maintien en vigueur ou sa prorogation sont, en l'absence de poursuites pénales, subordonnés à l'engagement de poursuites disciplinaires dans un délai raisonnable après son édiction.
3. Il résulte de ce qui est dit au point 2 que la durée totale de la suspension susceptible d'être infligée à un enseignant-chercheur ne peut excéder une durée totale d'un an, quand bien même l'intéressé fait l'objet de poursuites disciplinaires ou de poursuites pénales. Par suite, en abrogeant l'arrêté du 3 mai 2017 par lequel il avait fixé au 16 janvier 2018 le terme de la suspension de M. D..., et en prolongeant celle-ci jusqu'à la fin des poursuites pénales engagées contre l'intéressé tout en assortissant cette mesure d'une retenue sur traitement et de la suppression des versements des primes de l'intéressé, le président de l'université Rennes 2, qui agit à ce titre par délégation du ministre chargé de l'enseignement supérieur, a méconnu les dispositions de l'article L. 951-4 du code de l'éducation. Dès lors, M. D... est fondé à demander pour ce motif l'annulation de l'arrêté notifié le 15 novembre 2017, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens qu'il soulève.
Sur les conclusions à fins d'annulation des décisions des 5 et 19 décembre 2017, à fins d'injonction et à fins de remboursement des frais de l'instance :
4. Il ressort des pièces du dossier que l'université Rennes 2 était tenue de rejeter la demande de M. D... tendant à ce qu'il soit affecté provisoirement sur un autre poste, ou chargé d'une mission dans l'intérêt de l'université, le cas échéant, dans le cadre d'un détachement, dès lors que la mesure de contrôle judiciaire dont M. D... faisait à cette date l'objet lui interdisait de se livrer à une activité d'enseignement, de direction de recherche ou d'entrainement sportif et d'entrer en relation avec toute personne travaillant ou étudiant à l'université Rennes 2, sauf sept personnes nominativement énumérées et pour les seuls besoins de la continuité du service public de l'enseignement supérieur et de la passation des dossiers en cours. Par suite, les moyens qu'il présente à l'encontre des décisions des 5 et 19 décembre 2017 ayant opposé un refus à sa demande sont inopérants et ne peuvent qu'être écartés.
5. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions des 5 et 19 décembre 2017. Par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'université de lui proposer une affectation provisoire ne peuvent également qu'être rejetées, de même que les conclusions qu'il a présentées à l'encontre de l'université Rennes 2 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par l'université Rennes 2 au même titre.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêté du président de l'université Rennes 2 notifié le 15 novembre 2017 est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de M. D... est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de l'université Rennes 2 présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. C... D... et à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et à l'université Rennes 2.
Délibéré à l'issue de la séance du 8 octobre 2021 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; M. Laurent Cabrera, conseiller d'Etat et M. Edouard Solier, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 30 décembre 2021.
La présidente :
Signé : Mme Maud Vialettes
Le rapporteur :
Signé : M. Edouard Solier
La secrétaire :
Signé : Mme A... B...
N° 435322
ECLI:FR:CECHS:2021:435322.20211230
Inédit au recueil Lebon
4ème chambre
M. Edouard Solier, rapporteur
M. Frédéric Dieu, rapporteur public
Lecture du jeudi 30 décembre 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une ordonnance n° 1800170 du 11 octobre 2019, enregistrée le 11 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cinquième chambre du tribunal administratif de Rennes a transmis au Conseil d'Etat, en application des articles R. 351-2 et R. 311-1 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par M. C... D....
Par cette requête et un mémoire, enregistrés au greffe du tribunal administratif de Rennes le 12 janvier 2018 et le 15 février 2019, et un nouveau mémoire enregistré le 1er octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté, notifié le 15 novembre 2017, par lequel le président de l'université Rennes 2 l'a suspendu de ses fonctions jusqu'à la fin des poursuites pénales dirigées à son encontre et décidé de procéder à une retenue de 50 % sur son traitement et de supprimer le versement de ses primes à compter du 17 janvier 2018 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions en date des 5 et 19 décembre 2017 du président de l'université Rennes 2 portant refus de détachement ou d'affectation à titre provisoire ;
3°) d'enjoindre à l'université Rennes 2 d'examiner toutes les possibilités de changement provisoire d'affectation, de mise à disposition ou détachement et de le rétablir dans la plénitude de ses droits pécuniaires ;
4°) de mettre à la charge de l'université Rennes 2 la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- l'arrêté du 10 février 2012 portant délégation de pouvoirs en matière de recrutement et de gestion de certains personnels enseignants des établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Edouard Solier, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que M. D..., professeur des universités, exerce les fonctions de directeur de l'unité de formation et de recherche en sciences et techniques des activités physiques et sportives de l'université Rennes 2. Il a fait l'objet le 16 janvier 2017 d'une mesure de suspension de quatre mois, prolongée le 3 mai 2017 jusqu'au 16 janvier 2018, avec maintien du traitement, prononcée par le président de l'université Rennes 2. Par une décision du 12 octobre 2017, la section disciplinaire de l'université Paris 2 Panthéon-Assas, saisie des poursuites disciplinaires engagées contre M. D..., a décidé de surseoir à statuer jusqu'à l'issue des poursuites pénales également engagées à l'encontre de l'intéressé. Par un arrêté du 18 octobre 2017, le président de l'université a procédé à une retenue de la moitié du traitement et à la suppression des primes versées à M. D.... Par un arrêté notifié le 15 novembre 2017 à M. D..., le président de l'université Rennes 2 a abrogé ses arrêtés des 3 mai et 18 octobre 2017, prolongé la suspension de M. D... jusqu'à la fin des poursuites pénales dont celui-ci fait l'objet, décidé d'une retenue de la moitié du traitement de l'intéressé et de la suppression des primes à compter du 17 janvier 2018. M. D... demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté notifié le 15 novembre 2017 ainsi que de la décision du président de l'université Rennes 2 du 5 décembre 2017, confirmée sur recours gracieux, rejetant sa demande d'affectation à titre provisoire sur un autre poste, le cas échéant, dans le cadre d'un détachement.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté notifié le 15 novembre 2017 :
2. Aux termes de l'article L. 951-4 du code de l'éducation : " Le ministre chargé de l'enseignement supérieur peut prononcer la suspension d'un membre du personnel de l'enseignement supérieur pour un temps qui n'excède pas un an, sans suspension de traitement ". La suspension d'un professeur des universités sur la base de ces dispositions est une mesure à caractère conservatoire, prise dans le souci de préserver l'intérêt du service public universitaire. Elle peut être prononcée lorsque les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et que la poursuite des activités de l'intéressé au sein de l'établissement présente des inconvénients suffisamment sérieux pour le service ou pour le déroulement des procédures en cours. Son maintien en vigueur ou sa prorogation sont, en l'absence de poursuites pénales, subordonnés à l'engagement de poursuites disciplinaires dans un délai raisonnable après son édiction.
3. Il résulte de ce qui est dit au point 2 que la durée totale de la suspension susceptible d'être infligée à un enseignant-chercheur ne peut excéder une durée totale d'un an, quand bien même l'intéressé fait l'objet de poursuites disciplinaires ou de poursuites pénales. Par suite, en abrogeant l'arrêté du 3 mai 2017 par lequel il avait fixé au 16 janvier 2018 le terme de la suspension de M. D..., et en prolongeant celle-ci jusqu'à la fin des poursuites pénales engagées contre l'intéressé tout en assortissant cette mesure d'une retenue sur traitement et de la suppression des versements des primes de l'intéressé, le président de l'université Rennes 2, qui agit à ce titre par délégation du ministre chargé de l'enseignement supérieur, a méconnu les dispositions de l'article L. 951-4 du code de l'éducation. Dès lors, M. D... est fondé à demander pour ce motif l'annulation de l'arrêté notifié le 15 novembre 2017, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens qu'il soulève.
Sur les conclusions à fins d'annulation des décisions des 5 et 19 décembre 2017, à fins d'injonction et à fins de remboursement des frais de l'instance :
4. Il ressort des pièces du dossier que l'université Rennes 2 était tenue de rejeter la demande de M. D... tendant à ce qu'il soit affecté provisoirement sur un autre poste, ou chargé d'une mission dans l'intérêt de l'université, le cas échéant, dans le cadre d'un détachement, dès lors que la mesure de contrôle judiciaire dont M. D... faisait à cette date l'objet lui interdisait de se livrer à une activité d'enseignement, de direction de recherche ou d'entrainement sportif et d'entrer en relation avec toute personne travaillant ou étudiant à l'université Rennes 2, sauf sept personnes nominativement énumérées et pour les seuls besoins de la continuité du service public de l'enseignement supérieur et de la passation des dossiers en cours. Par suite, les moyens qu'il présente à l'encontre des décisions des 5 et 19 décembre 2017 ayant opposé un refus à sa demande sont inopérants et ne peuvent qu'être écartés.
5. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions des 5 et 19 décembre 2017. Par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'université de lui proposer une affectation provisoire ne peuvent également qu'être rejetées, de même que les conclusions qu'il a présentées à l'encontre de l'université Rennes 2 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par l'université Rennes 2 au même titre.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêté du président de l'université Rennes 2 notifié le 15 novembre 2017 est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de M. D... est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de l'université Rennes 2 présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. C... D... et à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et à l'université Rennes 2.
Délibéré à l'issue de la séance du 8 octobre 2021 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; M. Laurent Cabrera, conseiller d'Etat et M. Edouard Solier, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 30 décembre 2021.
La présidente :
Signé : Mme Maud Vialettes
Le rapporteur :
Signé : M. Edouard Solier
La secrétaire :
Signé : Mme A... B...