Conseil d'État
N° 438333
ECLI:FR:CECHR:2021:438333.20210331
Inédit au recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Jean-Marc Vié, rapporteur
Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public
SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, avocats
Lecture du mercredi 31 mars 2021
Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de l'obligation de payer les cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2001 à 2003 ainsi que les pénalités correspondantes, faisant l'objet de mises en demeure du 24 novembre 2016. Par un jugement n° 1745060 du 16 mai 2018, ce tribunal a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 18VE02436 du 17 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de M. A..., annulé ce jugement et déchargé le requérant de l'obligation de payer les impositions en litige.
Par un pourvoi, enregistré le 6 février 2020 au secrétariat du contentieux, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de procédure civile ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Marc Vié, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., redevable de cotisations d'impôt sur le revenu au titre des années 2001 à 2003 et de contributions sociales au titre des années 2000 à 2003 pour la somme totale de 1 298 832 euros, a fait l'objet de trois mises en demeure de payer ces impositions en date du 24 novembre 2016 et dont il a reçu notification le 12 décembre 2016. Le ministre de l'action et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 17 décembre 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, après avoir annulé le jugement du 16 mai 2018 du tribunal administratif de Montreuil rejetant la demande du contribuable tendant à la décharge de l'obligation de payer procédant de ces mises en demeure, a prononcé cette décharge motif pris de ce que l'action en recouvrement de l'administration était prescrite à la date de ces actes de poursuite.
2. Aux termes de l'article L. 258 A du livre des procédures fiscales : " (...) Les poursuites sont effectuées dans les formes prévues par le nouveau code de procédure civile pour le recouvrement des créances. Elles sont opérées par huissier de justice ou par tout agent de l'administration habilité à exercer des poursuites au nom du comptable ". Pour être régulier, l'acte de poursuites adressé au contribuable en application de ces dispositions doit être notifié à la dernière adresse qu'il a officiellement communiquée à l'administration fiscale. En cas de changement de domicile, il appartient au contribuable d'établir qu'il a accompli les diligences nécessaires pour informer l'administration de sa nouvelle adresse.
3. Pour juger que l'action en recouvrement était atteinte par la prescription à la date à laquelle les trois mises en demeure du 24 novembre 2016 ont été notifiées au contribuable, la cour administrative d'appel de Versailles, après avoir relevé que l'administration se prévalait pour seuls actes interruptifs de prescription intervenus dans le délai de quatre années précédant cette notification d'un avis à tiers détenteur du 18 juin 2014 et de trois mises en demeure du 19 juin 2014, notifiés par des courriers adressés au 11 rue Emile Dubois à Paris 14ème et retournés au service avec la mention " pli avisé - non réclamé ", s'est fondée sur ce que ces notifications étaient intervenues dans des conditions irrégulières et n'avaient, par suite, pas été interruptives de prescription dès lors que le domicile de M. A... n'était pas, à cette date, situé à cette adresse mais au 16 rue Chevreul à Paris 11ème, où l'intéressé avait été destinataire d'un avis d'imposition à la taxe d'habitation au titre de l'année 2014. En statuant ainsi, sans rechercher si les actes de poursuites avaient été notifiés à la dernière adresse communiquée par le requérant à l'administration fiscale, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit.
4. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
6. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de la mise en recouvrement des impositions en litige les 28 février 2005, 31 juillet 2005 et 31 octobre 2005, M. A... a formé, le 2 janvier 2006, une réclamation d'assiette assortie d'une demande de sursis de paiement, suivie d'une demande tendant à en obtenir la décharge, rejetée par jugement du tribunal administratif de Lille du 6 décembre 2007. L'administration a par la suite émis trois avis à tiers détenteur les 16 juin, 15 octobre et 27 octobre 2008, notifiés à M. A... les 19 juin, 18 octobre et 4 novembre 2008, puis assigné l'intéressé devant le tribunal de grande instance de Lille dans le cadre d'une action en déclaration de simulation à l'issue de laquelle ce tribunal a prononcé, le 29 août 2011, la réintégration dans le patrimoine de M. A... de l'immeuble sis 16 rue Chevreul à Paris 11ème. L'administration a ensuite signifié à M. A..., par un huissier des finances publiques, trois mises en demeure de payer datées du 25 avril 2012. Il n'est pas contesté que ces actes de poursuite ont été régulièrement notifiés et ont eu pour effet d'interrompre la prescription de l'action en recouvrement jusqu'au 25 avril 2016.
Sur l'effet interruptif de prescription du procès-verbal de perquisition du 16 mai 2014 :
7. En vertu des dispositions de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, les recours contre les décisions de l'administration sur les contestations relatives au recouvrement des impôts sont portés devant le tribunal judiciaire lorsqu'elles sont relatives à la régularité en la forme de l'acte et devant le juge de l'impôt, tel qu'il est prévu à l'article L. 199, lorsqu'elles portent sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt. Il appartient, toutefois, au juge administratif, seul compétent, selon le même texte, pour connaître des contestations portant sur l'exigibilité des sommes réclamées, d'apprécier, le cas échéant, si un acte de poursuite antérieur à celui qui a provoqué la réclamation du contribuable a pu, eu égard aux conditions dans lesquelles il a été signifié à ce dernier, interrompre le cours de la prescription prévue par les dispositions de l'article L. 274 du même livre.
8. Aux termes de l'article R. 221-18 du code des procédures civiles d'exécution, applicable aux procédures de saisie-vente de biens corporels : " Si le débiteur n'a pas assisté aux opérations de saisie, une copie de l'acte lui est signifiée (...) ". Aux termes de l'article 659 du code de procédure civile : " Lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte (...) ".
9. Il résulte de l'instruction que, dans le cadre d'une procédure de saisie mobilière diligentée au domicile de M. A... situé 83 rue Manuel à Lille, dernière adresse communiquée à l'administration fiscale par l'intéressé, l'huissier mandaté par l'administration fiscale a établi un procès-verbal de perquisition, le 16 mai 2014. M. A... soutient cependant que ce procès-verbal ne lui a pas été signifié dans des conditions régulières et n'a pu, par suite, interrompre le cours de la prescription de l'action en recouvrement dès lors que l'huissier qui l'a établi n'aurait pas accompli les diligences qui lui incombaient. Il ressort du procès-verbal en cause que celui-ci se borne à mentionner que l'intéressé était " Parti sans laisser d'adresse - Renseignements divers : Expulsion judiciaire en avril 2013 " sans faire état de l'accomplissement d'aucune diligence pour rechercher son destinataire et lui notifier les actes de poursuites propres à assurer le recouvrement des impositions mises à sa charge. Dans ces conditions, ce procès-verbal ne peut être regardé comme ayant interrompu la prescription de l'action en recouvrement.
Sur l'effet interruptif de prescription de l'avis à tiers détenteur du 18 juin 2014 et des mises en demeure de payer du 19 juin 2014 :
10. Il résulte de l'instruction que le comptable en charge du recouvrement des impositions en litige a émis à l'égard de M. A..., les 18 et 19 juin 2014, un avis à tiers détenteur et trois mises en demeure. Ces actes de poursuites ont toutefois été notifiés non pas au 83 rue Manuel à Lille, dernière adresse que l'intéressé avait communiquée à l'administration fiscale, mais au 11 rue Emile Dubois à Paris 14ème, adresse à laquelle, au demeurant, il ne résidait plus depuis 1985 et n'était propriétaire ou locataire d'aucun bien. Dans ces conditions, alors que le ministre n'allègue pas que le contribuable aurait tenté d'égarer l'administration fiscale par des changements d'adresse successifs, ces notifications n'ont pu avoir pour effet d'interrompre la prescription de l'action en recouvrement, les circonstances que, d'une part, l'adresse située à Paris 14ème figurait au fichier national des comptes bancaires et assimilé (Ficoba) comme étant celle correspondant à un compte détenu par l'intéressé à la Caisse d'Epargne, et, d'autre part, que les plis expédiés à cette adresse sont revenus au service revêtus de la mention " Avisé - Non réclamé " étant dépourvues d'incidence à cet égard.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le délai de quatre années prévu par l'article L. 274 du livre des procédures fiscales était expiré à la date du 12 décembre 2016 à laquelle les trois mises en demeure du 24 novembre 2016 ont été notifiées à M. A..., de sorte qu'à cette date, les impositions mentionnées dans ces mises en demeure et restant en litige n'étaient, par l'effet de la prescription, plus exigibles. M. A... est en conséquence fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les frais de l'instance :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de M. A..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette SCP renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 17 décembre 2019 et le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 16 mai 2018 sont annulés.
Article 2 : M. A... est déchargé de l'obligation de payer les cotisations d'impôt sur le revenu au titre des années 2001 à 2003 et de contributions sociales au titre des années 2000 à 2003 mentionnées dans les mises en demeure de payer du 24 novembre 2016 émises à son encontre.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de M. A..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette SCP renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à M. B... A....
N° 438333
ECLI:FR:CECHR:2021:438333.20210331
Inédit au recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Jean-Marc Vié, rapporteur
Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public
SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, avocats
Lecture du mercredi 31 mars 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de l'obligation de payer les cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2001 à 2003 ainsi que les pénalités correspondantes, faisant l'objet de mises en demeure du 24 novembre 2016. Par un jugement n° 1745060 du 16 mai 2018, ce tribunal a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 18VE02436 du 17 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de M. A..., annulé ce jugement et déchargé le requérant de l'obligation de payer les impositions en litige.
Par un pourvoi, enregistré le 6 février 2020 au secrétariat du contentieux, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de procédure civile ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Marc Vié, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., redevable de cotisations d'impôt sur le revenu au titre des années 2001 à 2003 et de contributions sociales au titre des années 2000 à 2003 pour la somme totale de 1 298 832 euros, a fait l'objet de trois mises en demeure de payer ces impositions en date du 24 novembre 2016 et dont il a reçu notification le 12 décembre 2016. Le ministre de l'action et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 17 décembre 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, après avoir annulé le jugement du 16 mai 2018 du tribunal administratif de Montreuil rejetant la demande du contribuable tendant à la décharge de l'obligation de payer procédant de ces mises en demeure, a prononcé cette décharge motif pris de ce que l'action en recouvrement de l'administration était prescrite à la date de ces actes de poursuite.
2. Aux termes de l'article L. 258 A du livre des procédures fiscales : " (...) Les poursuites sont effectuées dans les formes prévues par le nouveau code de procédure civile pour le recouvrement des créances. Elles sont opérées par huissier de justice ou par tout agent de l'administration habilité à exercer des poursuites au nom du comptable ". Pour être régulier, l'acte de poursuites adressé au contribuable en application de ces dispositions doit être notifié à la dernière adresse qu'il a officiellement communiquée à l'administration fiscale. En cas de changement de domicile, il appartient au contribuable d'établir qu'il a accompli les diligences nécessaires pour informer l'administration de sa nouvelle adresse.
3. Pour juger que l'action en recouvrement était atteinte par la prescription à la date à laquelle les trois mises en demeure du 24 novembre 2016 ont été notifiées au contribuable, la cour administrative d'appel de Versailles, après avoir relevé que l'administration se prévalait pour seuls actes interruptifs de prescription intervenus dans le délai de quatre années précédant cette notification d'un avis à tiers détenteur du 18 juin 2014 et de trois mises en demeure du 19 juin 2014, notifiés par des courriers adressés au 11 rue Emile Dubois à Paris 14ème et retournés au service avec la mention " pli avisé - non réclamé ", s'est fondée sur ce que ces notifications étaient intervenues dans des conditions irrégulières et n'avaient, par suite, pas été interruptives de prescription dès lors que le domicile de M. A... n'était pas, à cette date, situé à cette adresse mais au 16 rue Chevreul à Paris 11ème, où l'intéressé avait été destinataire d'un avis d'imposition à la taxe d'habitation au titre de l'année 2014. En statuant ainsi, sans rechercher si les actes de poursuites avaient été notifiés à la dernière adresse communiquée par le requérant à l'administration fiscale, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit.
4. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
6. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de la mise en recouvrement des impositions en litige les 28 février 2005, 31 juillet 2005 et 31 octobre 2005, M. A... a formé, le 2 janvier 2006, une réclamation d'assiette assortie d'une demande de sursis de paiement, suivie d'une demande tendant à en obtenir la décharge, rejetée par jugement du tribunal administratif de Lille du 6 décembre 2007. L'administration a par la suite émis trois avis à tiers détenteur les 16 juin, 15 octobre et 27 octobre 2008, notifiés à M. A... les 19 juin, 18 octobre et 4 novembre 2008, puis assigné l'intéressé devant le tribunal de grande instance de Lille dans le cadre d'une action en déclaration de simulation à l'issue de laquelle ce tribunal a prononcé, le 29 août 2011, la réintégration dans le patrimoine de M. A... de l'immeuble sis 16 rue Chevreul à Paris 11ème. L'administration a ensuite signifié à M. A..., par un huissier des finances publiques, trois mises en demeure de payer datées du 25 avril 2012. Il n'est pas contesté que ces actes de poursuite ont été régulièrement notifiés et ont eu pour effet d'interrompre la prescription de l'action en recouvrement jusqu'au 25 avril 2016.
Sur l'effet interruptif de prescription du procès-verbal de perquisition du 16 mai 2014 :
7. En vertu des dispositions de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, les recours contre les décisions de l'administration sur les contestations relatives au recouvrement des impôts sont portés devant le tribunal judiciaire lorsqu'elles sont relatives à la régularité en la forme de l'acte et devant le juge de l'impôt, tel qu'il est prévu à l'article L. 199, lorsqu'elles portent sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt. Il appartient, toutefois, au juge administratif, seul compétent, selon le même texte, pour connaître des contestations portant sur l'exigibilité des sommes réclamées, d'apprécier, le cas échéant, si un acte de poursuite antérieur à celui qui a provoqué la réclamation du contribuable a pu, eu égard aux conditions dans lesquelles il a été signifié à ce dernier, interrompre le cours de la prescription prévue par les dispositions de l'article L. 274 du même livre.
8. Aux termes de l'article R. 221-18 du code des procédures civiles d'exécution, applicable aux procédures de saisie-vente de biens corporels : " Si le débiteur n'a pas assisté aux opérations de saisie, une copie de l'acte lui est signifiée (...) ". Aux termes de l'article 659 du code de procédure civile : " Lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte (...) ".
9. Il résulte de l'instruction que, dans le cadre d'une procédure de saisie mobilière diligentée au domicile de M. A... situé 83 rue Manuel à Lille, dernière adresse communiquée à l'administration fiscale par l'intéressé, l'huissier mandaté par l'administration fiscale a établi un procès-verbal de perquisition, le 16 mai 2014. M. A... soutient cependant que ce procès-verbal ne lui a pas été signifié dans des conditions régulières et n'a pu, par suite, interrompre le cours de la prescription de l'action en recouvrement dès lors que l'huissier qui l'a établi n'aurait pas accompli les diligences qui lui incombaient. Il ressort du procès-verbal en cause que celui-ci se borne à mentionner que l'intéressé était " Parti sans laisser d'adresse - Renseignements divers : Expulsion judiciaire en avril 2013 " sans faire état de l'accomplissement d'aucune diligence pour rechercher son destinataire et lui notifier les actes de poursuites propres à assurer le recouvrement des impositions mises à sa charge. Dans ces conditions, ce procès-verbal ne peut être regardé comme ayant interrompu la prescription de l'action en recouvrement.
Sur l'effet interruptif de prescription de l'avis à tiers détenteur du 18 juin 2014 et des mises en demeure de payer du 19 juin 2014 :
10. Il résulte de l'instruction que le comptable en charge du recouvrement des impositions en litige a émis à l'égard de M. A..., les 18 et 19 juin 2014, un avis à tiers détenteur et trois mises en demeure. Ces actes de poursuites ont toutefois été notifiés non pas au 83 rue Manuel à Lille, dernière adresse que l'intéressé avait communiquée à l'administration fiscale, mais au 11 rue Emile Dubois à Paris 14ème, adresse à laquelle, au demeurant, il ne résidait plus depuis 1985 et n'était propriétaire ou locataire d'aucun bien. Dans ces conditions, alors que le ministre n'allègue pas que le contribuable aurait tenté d'égarer l'administration fiscale par des changements d'adresse successifs, ces notifications n'ont pu avoir pour effet d'interrompre la prescription de l'action en recouvrement, les circonstances que, d'une part, l'adresse située à Paris 14ème figurait au fichier national des comptes bancaires et assimilé (Ficoba) comme étant celle correspondant à un compte détenu par l'intéressé à la Caisse d'Epargne, et, d'autre part, que les plis expédiés à cette adresse sont revenus au service revêtus de la mention " Avisé - Non réclamé " étant dépourvues d'incidence à cet égard.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le délai de quatre années prévu par l'article L. 274 du livre des procédures fiscales était expiré à la date du 12 décembre 2016 à laquelle les trois mises en demeure du 24 novembre 2016 ont été notifiées à M. A..., de sorte qu'à cette date, les impositions mentionnées dans ces mises en demeure et restant en litige n'étaient, par l'effet de la prescription, plus exigibles. M. A... est en conséquence fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les frais de l'instance :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de M. A..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette SCP renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 17 décembre 2019 et le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 16 mai 2018 sont annulés.
Article 2 : M. A... est déchargé de l'obligation de payer les cotisations d'impôt sur le revenu au titre des années 2001 à 2003 et de contributions sociales au titre des années 2000 à 2003 mentionnées dans les mises en demeure de payer du 24 novembre 2016 émises à son encontre.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de M. A..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette SCP renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à M. B... A....