Conseil d'État
N° 428178
ECLI:FR:CECHR:2020:428178.20201127
Mentionné aux tables du recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
Mme Sophie-Caroline de Margerie, rapporteur
M. Guillaume Odinet, rapporteur public
SCP SPINOSI, SUREAU, avocats
Lecture du vendredi 27 novembre 2020
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 février et 21 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Comité inter-mouvements auprès des évacués (CIMADE), l'Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et transexuelles à l'immigration et au séjour (ARDHIS), la Fédération des associations de solidarité avec tou-te-s les immigré-e-s (FASTI), l'action des chrétiens pour l'abolition de la torture-France (ACAT-France), le Groupe Accueil et Solidarité (GAS), l'association Avocats pour la défense des droits des étrangers, Dom'Asile, le Service Jésuite des Réfugiés (JRS), l'association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers, la Fédération des acteurs de la Solidarité (FAS), le syndicat des avocats de France et le syndicat de la magistrature demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2018-1159 du 14 décembre 2018 pris pour l'application de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie et portant diverses dispositions relatives à la lutte contre l'immigration irrégulière et au traitement de la demande d'asile ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ;
- le règlement (UE) 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 ;
- la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- la directive n° 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;
- la directive n° 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la directive n° 2013/33/UE du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 19 mars 2019, Arib e.a. (C-444/17) ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 14 mai 2019, M e.a. (C-391/16, C77/17 et C-78/17);
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la Comité inter-mouvements auprès des évacués (CIMADE) et autres ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 novembre 2020, présentée par la Cimade et autres ;
Considérant ce qui suit :
1. La loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a modifié différentes dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le décret du 14 décembre 2018 a été pris pour l'application de certaines des dispositions de cette loi. Le Comité inter-mouvements auprès des évacués (CIMADE) et les autres requérants en demandent l'annulation pour excès de pouvoir.
Sur la légalité externe du décret attaqué :
2. S'il résulte du II de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles que les conditions techniques minimales d'organisation et de fonctionnement des établissements et services sociaux et médico-sociaux, catégorie à laquelle appartiennent les centres d'accueil pour demandeurs d'asile, sont définies par décret après avis de la section sociale du Comité national d'organisation sanitaire et sociale, aucune des dispositions du décret attaqué n'est relative aux conditions techniques d'organisation et de fonctionnement de ces centres d'accueil. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait entaché d'un vice de procédure, faute de consultation préalable du Comité national d'organisation sanitaire et sociale, ne peut qu'être écarté.
Sur la légalité interne du décret attaqué :
En ce qui concerne l'article 2 relatif aux décisions de refus d'entrée prises à l'égard des étrangers qui viennent d'entrer sur le territoire en provenance directe d'un Etat partie à la convention de Schengen :
3. Les dispositions de l'article 2 du décret attaqué ont inséré dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile un article R. 213-1-1, pris pour l'application de l'article L. 213-3-1 du même code, lequel dispose : " En cas de réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures prévue au chapitre II du titre III du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), les décisions mentionnées à l'article L. 213-2 peuvent être prises à l'égard de l'étranger qui, en provenance directe du territoire d'un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, a pénétré sur le territoire métropolitain en franchissant une frontière intérieure terrestre sans y être autorisé et a été contrôlé dans une zone comprise entre cette frontière et une ligne tracée à dix kilomètres en deçà. Les modalités de ces contrôles sont définies par décret en Conseil d'Etat ".
4. Le a) du paragraphe 2 de l'article 2 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 du Parlement européen et du Conseil relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier permet aux Etats membres de ne pas appliquer les dispositions de cette directive aux ressortissants de pays tiers faisant l'objet d'une décision de refus d'entrée conformément à l'article 13 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), ou arrêtés ou interceptés à l'occasion du franchissement irrégulier de la frontière extérieure d'un Etat membre. Telles qu'interprétées par l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 19 mars 2019, Arib e.a. (C-444/17), ces dispositions ne sont pas applicables aux franchissements des frontières intérieures d'un Etat membre lorsque celui-ci a réintroduit le contrôle à ces frontières en vertu de l'article 25 du code frontières Schengen. Il suit de là que les associations requérantes sont fondées à soutenir que en ce qu'il permet d'opposer un refus d'entrée à un étranger qui a pénétré sur le territoire métropolitain en franchissant une frontière intérieure terrestre alors que lui sont applicables les dispositions, relatives au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier prises pour la transposition de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, les dispositions de l'article L. 213-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont incompatibles avec les objectifs de celle-ci et à demander l'annulation de l'article 2 du décret attaqué, pris pour l'application de ces dispositions législatives.
En ce qui concerne l'article 6 qui précise la procédure devant le juge judiciaire en matière de rétention administrative :
5. En premier lieu, l'article R. 552-20-1, inséré dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par l'article 6 du décret attaqué, dispose que : " Lorsqu'il est saisi d'un appel contre une décision rendue par le juge des libertés et de la détention hors des audiences prévues à l'article R. 552-9, le premier président de la cour d'appel peut rejeter la déclaration d'appel sans avoir préalablement convoqué les parties s'il apparaît qu'aucune circonstance nouvelle de fait ou de droit n'est intervenue depuis le placement en rétention administrative ou son renouvellement, ou que les éléments fournis à l'appui de la demande ne permettent manifestement pas de justifier qu'il soit mis fin à la rétention. / Dans ce cas, le premier président recueille par tout moyen les observations des parties sur l'absence de circonstance nouvelle de fait ou de droit depuis le placement en rétention administrative ou son renouvellement, ou sur le caractère inopérant des éléments fournis par l'étranger (...) ". Si les requérants soutiennent que cet article méconnaît, en en étendant le champ d'application, les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 552-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ont prévu une possibilité de rejet sans audience des appels dirigés contre les ordonnances du juge des libertés et de la détention en matière de prolongation de la rétention, le pouvoir réglementaire a pu, sans méconnaître ces dispositions, ni excéder sa compétence, prendre les dispositions litigieuses de l'article R. 552-20-1, dès lors, d'une part, qu'elles relèvent de la procédure civile et que, d'autre part, elle se bornent à dispenser le juge de l'obligation de tenir une audience dans les conditions qu'il fixe pour juger des appels dirigés contre des ordonnances de maintien en rétention, qui n'entrent pas dans le champ d'application de l'article L 552-9.
6. En second lieu, contrairement à ce qui est soutenu, le droit ouvert à un étranger de contacter un avocat et un tiers, de rencontrer un médecin et de s'alimenter, pendant la période de dix heures où il est maintenu à la disposition de la justice après qu'une ordonnance a mis fin à sa rétention ou l'a assigné à résidence, prévu par les dispositions des articles L. 552-6 et L. 552-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'appelle pas de précisions de la part du pouvoir réglementaire sur les modalités d'information de l'étranger ou les modalités d'exercice du droit qu'elles ouvrent.
En ce qui concerne l'article 10 en tant qu'il précise la procédure contentieuse applicable aux demandes de suspension de l'exécution d'une mesure d'éloignement prise à l'encontre de certains demandeurs d'asile :
7. Les dispositions du 1° du I de l'article 10 du décret attaqué modifient l'article R. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui renvoie aux dispositions des articles R. 776-1 et suivants du code de justice administrative pour l'examen des recours contre les décisions mentionnées à l'article L. 512-1 du même code, afin d'ajouter à cette référence l'examen des demandes de suspension de l'exécution des mesures d'éloignement des demandeurs d'asile, qui peuvent être introduites en vertu des dispositions des articles L. 743-3, L. 743-4 et L. 571-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. L'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 10 septembre 2018, pose le principe du droit au maintien sur le territoire du demandeur d'asile dans les termes suivants : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. (...) ".
9. Ce principe est assorti de dérogations énumérées à l'article L. 743-2 du même code, dans sa rédaction issue de la même loi. À ce titre, le droit au maintien sur le territoire prend fin notamment, selon le 4° bis de cet article, lorsque l'Office, saisi d'une demande de réexamen, a pris une décision d'irrecevabilité au motif qu'elle ne présente pas d'éléments nouveaux augmentant de manière significative la probabilité que le demandeur justifie des conditions requises pour prétendre à une protection. Le droit au maintien sur le territoire prend également fin, selon le 7° de l'article L. 743-2, " dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2 ", c'est-à-dire lorsque l'Office, statuant en procédure accélérée, a rejeté une demande présentée par un étranger ressortissant d'un pays considéré comme un " pays d'origine sûr " en application de l'article L. 722-1, une demande de réexamen infondée ou une demande émanant d'un demandeur dont la présence sur le territoire français a été regardée par l'autorité compétente de l'Etat comme constituant une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat. En outre, le droit au maintien sur le territoire prend fin, selon le 8° de cet article, " dans les conditions prévues à l'article L. 571-4 ", c'est-à-dire lorsque l'Office a pris une décision de rejet ou d'irrecevabilité d'une demande d'asile présentée par un étranger faisant l'objet d'une mesure d'expulsion, d'une peine d'interdiction du territoire ou d'une interdiction administrative et qui est assigné à résidence ou placé en rétention le temps de l'examen de sa demande d'asile.
10. Enfin, l'article L. 743-3 du même code, dans sa rédaction issue de la même loi, dispose que : " (...) Dans le cas où le droit de se maintenir sur le territoire a pris fin en application des 4° bis ou 7° de l'article L. 743-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné statuant sur le recours formé en application de l'article L. 512-1 contre l'obligation de quitter le territoire français de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la cour. ". L'article L. 743-4 du même code ouvre la même faculté aux demandeurs d'asile dans le cas où ils ont fait l'objet, postérieurement à la décision négative de l'Office, d'une assignation à résidence ou d'un placement en rétention en vue de l'exécution d'une obligation de quitter le territoire français antérieure à cette décision. Enfin, selon le III. de l'article L. 571-4 du même code, la même faculté est ouverte aux personnes dont le droit au maintien a pris fin en application du 8° de l'article L. 743-2, mentionné au point 9.
11. Dans tous les cas mentionnés au point 10, l'étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement qui forme, en application de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un recours contre celle-ci peut, en application des articles précités, saisir le tribunal administratif de conclusions aux fins de suspension de cette mesure. A l'appui de ses conclusions, il peut se prévaloir d'éléments apparus et de faits intervenus postérieurement à la décision de rejet ou d'irrecevabilité de sa demande de protection ou à l'obligation de quitter le territoire français, ou connus de lui postérieurement. La mesure d'éloignement ne peut être mise à exécution pendant l'examen par le juge de la demande de suspension.
12. Ainsi, le demandeur d'asile dispose d'un recours juridictionnel effectif, conformément aux exigences du paragraphe 6 de l'article 46 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale, qui permet aux États membres, dans une série d'hypothèses qui correspondent à celles qui sont prévues par les dispositions précitées, de déroger au principe du caractère suspensif du recours, à condition qu'une juridiction, saisie d'office ou par le demandeur, puisse se prononcer sur le droit au maintien sur le territoire de ce dernier jusqu'à la décision de la juridiction compétente pour se prononcer sur la demande d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions des articles L. 743-3 et L. 743-4 et du III de l'article L. 571-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile seraient incompatibles avec les objectifs et dispositions de la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne l'article 10 en tant qu'il est relatif au placement en rétention et à l'assignation à résidence :
13. Aux termes du paragraphe 3 de l'article 8 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 : " Un demandeur ne peut être placé en rétention que : (...) b) pour déterminer les éléments sur lesquels se fonde la demande de protection internationale qui ne pourraient pas être obtenus sans un placement en rétention, en particulier lorsqu'il y a risque de fuite du demandeur (...) ; d) lorsque le demandeur est placé en rétention dans le cadre d'une procédure de retour au titre de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, pour préparer le retour et/ou procéder à l'éloignement, et lorsque l'Etat membre concerné peut justifier sur la base de critères objectifs, tels que le fait que le demandeur a déjà eu la possibilité d'accéder à la procédure d'asile, qu'il existe des motifs raisonnables de penser que le demandeur a présenté la demande de protection internationale à seule fin de retarder ou d'empêcher l'exécution de la décision de retour; e) lorsque la protection de la sécurité nationale ou de l'ordre public l'exige (...). Les motifs du placement en rétention sont définis par le droit national ". Lorsque son droit au maintien sur le territoire français a pris fin en application du 4° bis ou du 7° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'une obligation de quitter le territoire français a été prise à son encontre, l'étranger ne peut être placé en rétention, aux termes du I de l'article L. 744-9-1 de ce code, " que lorsque cela est nécessaire pour déterminer les éléments sur lesquels se fonde sa demande, notamment pour prévenir le risque mentionné au 3° du II de l'article L. 511-1 ou lorsque la protection de la sécurité nationale ou de l'ordre public l'exige. " Le risque mentionné au 3° du II de l'article L. 511-1 de ce code est le risque que l'étranger se soustraie à ses obligations, lequel, selon ces dispositions, peut être regardé comme établi dans les différents cas qu'il énumère. Le I de l'article L. 571-4 rend possible, sous conditions, l'assignation à résidence ou le placement en rétention du demandeur d'asile qui fait l'objet d'une mesure d'expulsion, d'une peine d'interdiction du territoire ou d'une interdiction administrative du territoire.
14. Les II, III et IV de l'article 10 ont pour objet d'étendre le champ d'application des articles R. 553-13 et R. 561-1 à R. 561-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatifs respectivement aux droits des étrangers retenus et au régime juridique de l'assignation à résidence, aux hypothèses de rétention et d'assignation à résidence prévues au I de l'article L. 744-9-1 et au I de l'article L. 571-4.
15. En premier lieu, les associations requérantes soutiennent que le I de l'article L. 744-9-1 méconnaît le paragraphe 3 de l'article 8 de la directive 2013/33/UE. Toutefois, et en tout état de cause, la seule circonstance que le I de l'article L. 744-9-1 renvoie, pour la définition du risque de fuite, aux dispositions de l'article L. 511-1, pris pour la transposition de la directive 2008/115 du 16 décembre 2008, et non à une définition des risques de fuite propre aux étrangers ayant présenté une demande d'asile ne saurait faire regarder ces dispositions législatives comme prises en méconnaissance des objectifs de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013.
16. En second lieu, il ressort des dispositions du I de l'article L. 571-4 et du I de l'article L. 744-9-1 que le placement en rétention ne peut être prononcé, outre le cas mentionné au point précédent en ce qui concerne les étrangers dont le droit au maintien sur le territoire a pris fin, que pour des raisons impérieuses de protection de l'ordre public ou de la sécurité nationale. Ce motif correspond à l'hypothèse fixée au e) du paragraphe 3 de l'article 8 de la directive n° 2013/33/UE du 26 juin 2013. Par suite, le moyen tiré de ce que ces dispositions législatives, ainsi que celles des dispositions de l'article 10 du décret attaqué relatives aux conditions et modalités du placement en rétention et de l'assignation à résidence de certains demandeurs d'asile et prises sur son fondement, seraient contraires aux objectifs de cette directive ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne l'article 11 qui précise les conditions de réalisation de l'entretien mené à la frontière par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides :
17. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 723-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un décret en Conseil d'Etat fixe les cas et les conditions dans lesquels l'entretien peut se dérouler par un moyen de communication audiovisuelle pour des raisons tenant à l'éloignement géographique ou à la situation particulière du demandeur ".
18. Il résulte de ces dispositions que le législateur, compétent pour prévoir le principe d'un entretien personnel entre le demandeur d'asile et les services de l'OFPRA et les garanties qui s'y attachent, a entendu permettre que, dans les cas tenant à l'éloignement géographique ou à la situation particulière du demandeur et par exception au principe qu'elles fixent, l'entretien personnel avec le demandeur puisse se dérouler par des moyens de visioconférence, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. Par suite, les associations requérantes sont fondées à soutenir que l'article 11 du décret attaqué, qui modifie les dispositions de l'article R. 213-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin de permettre que l'entretien personnel d'un demandeur d'asile se présentant à la frontière puisse être mené par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en recourant seulement à un moyen de communication téléphonique, est contraire aux dispositions de l'article L. 723-6 du même code et à en demander l'annulation.
En ce qui concerne l'article 12 qui fixe la liste des Etats dans lesquels le prononcé de décisions de condamnation impose, dans certaines conditions, à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de mettre fin au statut de réfugié de la personne qui en a fait l'objet :
19. Aux termes de l'article 14 de la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire et au contenu de cette protection : " (...) 4. Les Etats membres peuvent révoquer le statut octroyé à un réfugié par une autorité gouvernementale, administrative, judiciaire ou quasi judiciaire, y mettre fin ou refuser de le renouveler, / a) lorsqu'il existe des motifs raisonnables de le considérer comme une menace pour la sécurité de l'Etat membre dans lequel il se trouve ; / b) lorsque, ayant été condamné en dernier ressort pour un crime particulièrement grave, il constitue une menace pour la société de cet État membre. / 5. Dans les situations décrites au paragraphe 4, les États membres peuvent décider de ne pas octroyer le statut de réfugié, lorsqu'une telle décision n'a pas encore été prise. / 6. Les personnes auxquelles les paragraphes 4 et 5 s'appliquent ont le droit de jouir des droits prévus aux articles 3, 4, 16, 22, 31, 32 et 33 de la convention de Genève ou de droits analogues, pour autant qu'elles se trouvent dans l'État membre ". Il résulte des paragraphes 4 et 5 de l'article 14 de cette directive, tels qu'interprétés par l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 14 mai 2019, M e.a. (C-391/16, C77/17 et C-78/17) , que la " révocation " du statut de réfugié ou le refus d'octroi de ce statut ne saurait avoir pour effet de priver de la qualité de réfugié le ressortissant d'un pays tiers ou l'apatride concerné qui remplit les conditions pour se voir reconnaître cette qualité au sens du A de l'article 1er de la convention de Genève. En outre, le paragraphe 6 de l'article 14 de cette directive doit être interprété en ce sens que l'Etat membre qui fait usage des facultés prévues à l'article 14, paragraphes 4 et 5, de cette directive, doit accorder au réfugié relevant de l'une des hypothèses visées à ces dernières dispositions et se trouvant sur le territoire dudit Etat membre, à tout le moins, le bénéfice des droits et protections consacrés par la convention de Genève auxquels cet article 14, paragraphe 6 fait expressément référence, en particulier la protection contre le refoulement vers un pays où sa vie ou sa liberté serait menacée, ainsi que des droits prévus par ladite convention dont la jouissance n'exige pas une résidence régulière.
20. L'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pris pour la transposition des dispositions précitées du paragraphe 4 de l'article 14 de la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011, dispose, dans sa rédaction issue de la loi du 10 septembre 2018, que : " Le statut de réfugié est refusé ou il est mis fin à ce statut lorsque : / 1° Il y a des raisons sérieuses de considérer que la présence en France de la personne concernée constitue une menace grave pour la sûreté de l'Etat ; / 2° La personne concernée a été condamnée en dernier ressort en France, dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un Etat tiers figurant sur la liste, fixée par décret en Conseil d'Etat, des Etats dont la France reconnaît les législations et juridictions pénales au vu de l'application du droit dans le cadre d'un régime démocratique et des circonstances politiques générales soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d'emprisonnement, et sa présence constitue une menace grave pour la société française ". La liste de ces Etats tiers a été fixée à l'article R. 711-2, inséré dans le même code par l'article 12 du décret attaqué.
21. Les dispositions de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient seulement que le statut de réfugié est refusé ou qu'il y est mis fin , dans les limites prévues par l'article 33, paragraphe 1, de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le paragraphe 6 de l'article 14 de la directive du 13 décembre 2011, lorsqu'il y a des raisons sérieuses de considérer que la présence en France de l'intéressé constitue une menace grave pour la sûreté de l'Etat ou lorsque l'intéressé a été condamné en dernier ressort en France, dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans certains Etats tiers pour un crime ou pour certains délits et que sa présence constitue une menace grave pour la société. La perte du statut de réfugié résultant de l'application de l'article L. 711-6 ne saurait avoir aucune incidence sur la qualité de réfugié, que l'intéressé est réputé avoir conservé dans l'hypothèse où l'Office français des réfugiés et apatrides et, le cas échéant, le juge de l'asile, font application de l'article L. 711-6.
22. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont incompatibles avec les objectifs et dispositions de la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011 et que, pour ce motif, l'article 12 du décret pris sur le fondement du 2) de cet article est illégal ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne l'article 15 relatif à l'enregistrement de la demande d'asile :
23. La modification apportée par l'article 15 du décret attaqué à l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a pour seul objet de préciser que, pour que l'étranger qui présente sa demande d'asile auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, des services de police et de gendarmerie ou de l'administration pénitentiaire, soit orienté vers l'autorité compétente en vue de l'enregistrement de sa demande, il doit se présenter en personne devant ces administrations.. Elle n'a pas pour objet ni ne saurait avoir légalement pour effet de méconnaître le délai maximum de six jours ouvrables pour l'enregistrement de la demande d'asile prévu par l'article 6 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale. Contrairement à ce qui est soutenu, l'article 15 du décret attaqué n'est pas illégal au seul motif qu'il ne rappelle pas ce délai maximal.
En ce qui concerne les articles 16 et 17 relatifs à la notion de domicile stable des demandeurs d'asile :
24. Aux termes de l'article R.744-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 17 du décret attaqué : " ... sont considérés comme des domiciles stables les lieux mentionnés au 2° de l'article L. 744-3 autres que les établissements hôteliers. / Le lieu où la personne est hébergée sans disposer d'un titre pour y fixer son domicile n'est pas regardé comme un domicile stable ". La définition, résultant de cette disposition, du domicile stable où est hébergé un demandeur d'asile n'a ni pour objet ni pour effet de porter atteinte au droit au maintien sur le territoire reconnu au demandeur d'asile dans les conditions prévues par ce code. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article R. 744-1 et celles de l'article R. 743-2, dans leur rédaction issue de l'article 16 du décret attaqué, qui en assurent la coordination, seraient illégales pour ce motif ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne l'article 18 qui précise les conditions de prise en charge des demandeurs d'asile dans les lieux d'hébergement :
25. Il résulte du septième alinéa de l'article L. 744-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les normes minimales en matière d'accompagnement social et administratif dans les lieux d'hébergement pour demandeurs d'asile sont définies par décret en Conseil d'Etat. Pris pour l'application de ces dispositions, l'article R. 744-6-1 du même code, introduit par le I de l'article 18 du décret attaqué, énumère les prestations en matière d'accompagnement administratif, juridique, sanitaire et social qui doivent être fournies aux demandeurs d'asile pendant leur séjour dans ces lieux, parmi lesquelles figure, au 3°, l'accompagnement du demandeur d'asile dans les démarches relatives à la présentation de sa demande et, le cas échéant, à la préparation du recours contre la décision prise, ainsi au 7° que la " mise en place d'activités sociales, bénévoles et récréatives ".
26. En premier lieu, il ne résulte d'aucune disposition législative ni d'aucun principe que l'accompagnement du demandeur d'asile en matière juridique devrait concerner d'autres démarches que celles qui sont mentionnées au 3° de l'article R. 744-6-1. En second lieu, contrairement à ce qui est soutenu, l'accompagnement social qui doit être mis en oeuvre en vertu de l'article L. 744-3 du code n'implique pas que soient proposées au demandeur des activités non bénévoles, c'est à dire rémunérées. Le moyen tiré de ce que le I de l'article 18 du décret attaqué serait illégal pour ces motifs ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne l'article 19 relatif à l'orientation des demandeurs d'asile dans les lieux d'hébergement :
27. L'article 7 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 prévoit que : " 1. Les demandeurs peuvent circuler librement sur le territoire de l'Etat membre d'accueil ou à l'intérieur d'une zone qui leur est attribuée par cet Etat membre. La zone attribuée ne porte pas atteinte à la sphère inaliénable de la vie privée et donne suffisamment de latitude pour garantir l'accès à tous les avantages prévus par la présente directive. / 2. Les Etats membres peuvent décider du lieu de résidence du demandeur pour des raisons d'intérêt public ou d'ordre public ou, le cas échéant, aux fins du traitement rapide et du suivi efficace de sa demande de protection internationale. / 3. Les Etats membres peuvent prévoir que, pour bénéficier des conditions matérielles d'accueil, les demandeurs doivent effectivement résider dans un lieu déterminé fixé par les États membres. Ces décisions, qui peuvent être à caractère général, sont prises au cas par cas et fondées sur le droit national. (...) ". L'article 20 de cette même directive prévoit que : " 1. Les Etats membres peuvent limiter ou, dans des cas exceptionnels et dûment justifiés, retirer le bénéfice des conditions matérielles d'accueil lorsqu'un demandeur : a) abandonne le lieu de résidence fixé par l'autorité compétente sans en avoir informé ladite autorité ou, si une autorisation est nécessaire à cet effet, sans l'avoir obtenue ; ou b) ne respecte pas l'obligation de se présenter aux autorités, ne répond pas aux demandes d'information ou ne se rend pas aux entretiens personnels concernant la procédure d'asile dans un délai raisonnable fixé par le droit national ; ou c) a introduit une demande ultérieure telle que définie à l'article 2, point q), de la directive 2013/32/UE. / En ce qui concerne les cas visés aux points a) et b), lorsque le demandeur est retrouvé ou se présente volontairement aux autorités compétentes, une décision dûment motivée, fondée sur les raisons de sa disparition, est prise quant au rétablissement du bénéfice de certaines ou de l'ensemble des conditions matérielles d'accueil retirées ou réduites (...). / 5. Les décisions portant limitation ou retrait du bénéfice des conditions matérielles d'accueil ou les sanctions visées aux paragraphes 1, 2, 3 et 4 du présent article sont prises au cas par cas, objectivement et impartialement et sont motivées. Elles sont fondées sur la situation particulière de la personne concernée, en particulier dans le cas des personnes visées à l'article 21, compte tenu du principe de proportionnalité. Les Etats membres assurent en toutes circonstances l'accès aux soins médicaux conformément à l'article 19 et garantissent un niveau de vie digne à tous les demandeurs. / 6. Les Etats membres veillent à ce que les conditions matérielles d'accueil ne soient pas retirées ou réduites avant qu'une décision soit prise conformément au paragraphe 5 ".
28. Selon l'article L. 744-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue de la loi du 10 septembre 2018 : " Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil prévues à l'article L. 744-1 est subordonné : 1° A l'acceptation par le demandeur de la proposition d'hébergement ou, le cas échéant, de la région d'orientation déterminée en application de l'article L. 744-2. (...) ; / 2° Au respect des exigences des autorités chargées de l'asile, notamment en se rendant aux entretiens, en se présentant aux autorités et en fournissant les informations utiles afin de faciliter l'instruction des demandes. / Le demandeur est préalablement informé, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, que le fait de refuser ou de quitter le lieu d'hébergement proposé ou la région d'orientation mentionnés au 1° du présent article ainsi que le non-respect des exigences des autorités chargées de l'asile prévues au 2° entraîne de plein droit le refus ou, le cas échéant, le retrait du bénéfice des conditions matérielles d'accueil ". L'article L. 744-8 du même code prévoit quant à lui que : " Outre les cas, mentionnés à l'article L. 744-7, dans lesquels il est immédiatement mis fin de plein droit au bénéfice des conditions matérielles d'accueil, le bénéfice de celles-ci peut être : 1° Retiré si le demandeur d'asile a dissimulé ses ressources financières, a fourni des informations mensongères relatives à sa situation familiale ou a présenté plusieurs demandes d'asile sous des identités différentes, ou en cas de comportement violent ou de manquement grave au règlement du lieu d'hébergement ; 2° Refusé si le demandeur présente une demande de réexamen de sa demande d'asile ou s'il n'a pas sollicité l'asile, sans motif légitime, dans le délai prévu au 3° du III de l'article L. 723-2. (...) La décision de retrait des conditions matérielles d'accueil prise en application du présent article est écrite et motivée. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur. Elle est prise après que l'intéressé a été mis en mesure de présenter ses observations écrites selon des modalités définies par décret. ".
29. L'article 19 du décret attaqué a inséré dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile un article R. 744-13-1 prévoyant que la répartition des demandeurs d'asile et des réfugiés à laquelle procède le schéma national d'accueil tient compte des caractéristiques démographiques, économiques et sociales ainsi que des capacités d'accueil de chaque région. Le même article a également inséré dans le code un article R. 744-13-3 prévoyant qu'à défaut de présentation du demandeur d'asile, dans un délai de cinq jours, dans le lieu d'hébergement ou dans l'organisme conventionné qui lui a été indiqué, il est mis fin au bénéfice des conditions matérielles d'asile en application de l'article L. 744-7 de ce code. Le même article a enfin inséré dans le code un article R. 744-13-4 qui prévoit que le bénéfice des conditions matérielles d'accueil cesse si le demandeur quitte temporairement la région où il est domicilié sans autorisation de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, sauf en cas de motif impérieux ou de convocation par les autorités ou par les tribunaux.
30. En premier lieu, si l'obligation faite aux demandeurs d'asile de demeurer dans leur région et de solliciter une autorisation pour pouvoir la quitter temporairement, sauf en cas de motif impérieux ou de convocation par les autorités ou par les tribunaux, constitue une restriction à la liberté d'aller et venir des personnes concernées, elle est justifiée par des raisons d'intérêt général et ne méconnaît pas, contrairement à ce qui est soutenu, les objectifs et dispositions de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013, qui prévoit elle-même, à son article 7 cité au point 27, la possibilité de restreindre la liberté de circulation des demandeurs. Par ailleurs, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de la convention de Genève du 28 juillet 1951 qui prévoient la libre circulation des réfugiés est en tout état de cause inopérante à l'encontre de dispositions concernant les demandeurs d'asile.
31. En deuxième lieu, les termes précités de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 ne s'opposent pas à ce que les demandeurs d'asile ne bénéficient des conditions matérielles d'accueil que sous réserve d'accepter le lieu d'hébergement proposé par l'Office français de l'immigration et de l'intégration ou, le cas échéant, la région d'orientation déterminée en application de l'article L. 744-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En revanche, il résulte de l'article 20 de la directive que, s'il est possible, dans des cas exceptionnels et dûment justifiés, de retirer les conditions matérielles d'accueil à un demandeur d'asile, d'une part ce retrait ne peut intervenir qu'après examen de la situation particulière de la personne et être motivé, d'autre part l'intéressé doit pouvoir solliciter le rétablissement des conditions matérielles d'accueil lorsque le retrait a été fondé sur l'abandon du lieu de résidence sans information ou autorisation de l'autorité compétente, sur la méconnaissance de l'obligation de se présenter aux autorités ou de se rendre aux rendez-vous qu'elle fixe ou sur l'absence de réponse aux demandes d'information. Il suit de là que les associations requérantes sont fondées à soutenir qu'en créant des cas de refus et de retrait de plein droit des conditions matérielles d'accueil sans appréciation des circonstances particulières et en excluant, en cas de retrait, toute possibilité de rétablissement de ces conditions, les articles L. 744-7 et L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction résultant de la loi du 10 septembre 2018, sont incompatibles avec les objectifs de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013. Il en résulte que les associations requérantes sont fondées à demander l'annulation du I de l'article 19 du décret attaqué en tant qu'il introduit dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le second alinéa de l'article R. 744-13-3 et le dernier alinéa de l'article R. 744-13-4, pris pour application de ces dispositions législatives.
32. Enfin, si les associations requérantes soutiennent que le pouvoir réglementaire a commis une erreur manifeste d'appréciation en retenant comme critères de répartition les caractéristiques démographiques, économiques et sociales ainsi que des capacités d'accueil de chaque région, ce moyen n'est pas assorti des précisions nécessaires pour en apprécier le bien-fondé.
En ce qui concerne les conditions d'accessibilité adaptées aux lieux de rétention :
33. Si le dernier alinéa de l'article L. 553-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, introduit par la loi du 10 septembre 2018, renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de préciser les conditions d'accessibilité adaptées aux lieux de rétention, la seule circonstance que le décret attaqué ne comporte aucune disposition à cet égard ne saurait, contrairement à ce qui est soutenu, l'entacher d'illégalité dans cette mesure.
34. Il résulte de tout ce qui précède que les associations requérantes sont seulement fondées à demander l'annulation pour excès de pouvoir des articles 2 et 11 du décret attaqué, ainsi que du I de l'article 19 en tant qu'il introduit dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le second alinéa de l'article R. 744-13-3 et le dernier alinéa de l'article R. 744-13-4.
En ce qui concerne les conclusions des associations requérantes présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
35. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 200 euros à verser à chacune des associations requérantes, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Sont annulés les articles 2 et 11 du décret n° 2018-1159 du 14 décembre 2018, ainsi que le I de l'article 19 de ce décret en tant qu'il introduit dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le second alinéa de l'article R. 744-13-3 et le dernier alinéa de l'article R. 744-13-4.
Article 2 : L'Etat versera une somme de 200 euros à chacune des associations requérantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Cimade, première dénommée, pour l'ensemble des associations requérantes, au ministre de l'intérieur et au Premier ministre.
N° 428178
ECLI:FR:CECHR:2020:428178.20201127
Mentionné aux tables du recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
Mme Sophie-Caroline de Margerie, rapporteur
M. Guillaume Odinet, rapporteur public
SCP SPINOSI, SUREAU, avocats
Lecture du vendredi 27 novembre 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 février et 21 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Comité inter-mouvements auprès des évacués (CIMADE), l'Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et transexuelles à l'immigration et au séjour (ARDHIS), la Fédération des associations de solidarité avec tou-te-s les immigré-e-s (FASTI), l'action des chrétiens pour l'abolition de la torture-France (ACAT-France), le Groupe Accueil et Solidarité (GAS), l'association Avocats pour la défense des droits des étrangers, Dom'Asile, le Service Jésuite des Réfugiés (JRS), l'association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers, la Fédération des acteurs de la Solidarité (FAS), le syndicat des avocats de France et le syndicat de la magistrature demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2018-1159 du 14 décembre 2018 pris pour l'application de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie et portant diverses dispositions relatives à la lutte contre l'immigration irrégulière et au traitement de la demande d'asile ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ;
- le règlement (UE) 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 ;
- la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- la directive n° 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;
- la directive n° 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la directive n° 2013/33/UE du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 19 mars 2019, Arib e.a. (C-444/17) ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 14 mai 2019, M e.a. (C-391/16, C77/17 et C-78/17);
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la Comité inter-mouvements auprès des évacués (CIMADE) et autres ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 novembre 2020, présentée par la Cimade et autres ;
Considérant ce qui suit :
1. La loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a modifié différentes dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le décret du 14 décembre 2018 a été pris pour l'application de certaines des dispositions de cette loi. Le Comité inter-mouvements auprès des évacués (CIMADE) et les autres requérants en demandent l'annulation pour excès de pouvoir.
Sur la légalité externe du décret attaqué :
2. S'il résulte du II de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles que les conditions techniques minimales d'organisation et de fonctionnement des établissements et services sociaux et médico-sociaux, catégorie à laquelle appartiennent les centres d'accueil pour demandeurs d'asile, sont définies par décret après avis de la section sociale du Comité national d'organisation sanitaire et sociale, aucune des dispositions du décret attaqué n'est relative aux conditions techniques d'organisation et de fonctionnement de ces centres d'accueil. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait entaché d'un vice de procédure, faute de consultation préalable du Comité national d'organisation sanitaire et sociale, ne peut qu'être écarté.
Sur la légalité interne du décret attaqué :
En ce qui concerne l'article 2 relatif aux décisions de refus d'entrée prises à l'égard des étrangers qui viennent d'entrer sur le territoire en provenance directe d'un Etat partie à la convention de Schengen :
3. Les dispositions de l'article 2 du décret attaqué ont inséré dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile un article R. 213-1-1, pris pour l'application de l'article L. 213-3-1 du même code, lequel dispose : " En cas de réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures prévue au chapitre II du titre III du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), les décisions mentionnées à l'article L. 213-2 peuvent être prises à l'égard de l'étranger qui, en provenance directe du territoire d'un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, a pénétré sur le territoire métropolitain en franchissant une frontière intérieure terrestre sans y être autorisé et a été contrôlé dans une zone comprise entre cette frontière et une ligne tracée à dix kilomètres en deçà. Les modalités de ces contrôles sont définies par décret en Conseil d'Etat ".
4. Le a) du paragraphe 2 de l'article 2 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 du Parlement européen et du Conseil relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier permet aux Etats membres de ne pas appliquer les dispositions de cette directive aux ressortissants de pays tiers faisant l'objet d'une décision de refus d'entrée conformément à l'article 13 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), ou arrêtés ou interceptés à l'occasion du franchissement irrégulier de la frontière extérieure d'un Etat membre. Telles qu'interprétées par l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 19 mars 2019, Arib e.a. (C-444/17), ces dispositions ne sont pas applicables aux franchissements des frontières intérieures d'un Etat membre lorsque celui-ci a réintroduit le contrôle à ces frontières en vertu de l'article 25 du code frontières Schengen. Il suit de là que les associations requérantes sont fondées à soutenir que en ce qu'il permet d'opposer un refus d'entrée à un étranger qui a pénétré sur le territoire métropolitain en franchissant une frontière intérieure terrestre alors que lui sont applicables les dispositions, relatives au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier prises pour la transposition de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, les dispositions de l'article L. 213-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont incompatibles avec les objectifs de celle-ci et à demander l'annulation de l'article 2 du décret attaqué, pris pour l'application de ces dispositions législatives.
En ce qui concerne l'article 6 qui précise la procédure devant le juge judiciaire en matière de rétention administrative :
5. En premier lieu, l'article R. 552-20-1, inséré dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par l'article 6 du décret attaqué, dispose que : " Lorsqu'il est saisi d'un appel contre une décision rendue par le juge des libertés et de la détention hors des audiences prévues à l'article R. 552-9, le premier président de la cour d'appel peut rejeter la déclaration d'appel sans avoir préalablement convoqué les parties s'il apparaît qu'aucune circonstance nouvelle de fait ou de droit n'est intervenue depuis le placement en rétention administrative ou son renouvellement, ou que les éléments fournis à l'appui de la demande ne permettent manifestement pas de justifier qu'il soit mis fin à la rétention. / Dans ce cas, le premier président recueille par tout moyen les observations des parties sur l'absence de circonstance nouvelle de fait ou de droit depuis le placement en rétention administrative ou son renouvellement, ou sur le caractère inopérant des éléments fournis par l'étranger (...) ". Si les requérants soutiennent que cet article méconnaît, en en étendant le champ d'application, les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 552-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ont prévu une possibilité de rejet sans audience des appels dirigés contre les ordonnances du juge des libertés et de la détention en matière de prolongation de la rétention, le pouvoir réglementaire a pu, sans méconnaître ces dispositions, ni excéder sa compétence, prendre les dispositions litigieuses de l'article R. 552-20-1, dès lors, d'une part, qu'elles relèvent de la procédure civile et que, d'autre part, elle se bornent à dispenser le juge de l'obligation de tenir une audience dans les conditions qu'il fixe pour juger des appels dirigés contre des ordonnances de maintien en rétention, qui n'entrent pas dans le champ d'application de l'article L 552-9.
6. En second lieu, contrairement à ce qui est soutenu, le droit ouvert à un étranger de contacter un avocat et un tiers, de rencontrer un médecin et de s'alimenter, pendant la période de dix heures où il est maintenu à la disposition de la justice après qu'une ordonnance a mis fin à sa rétention ou l'a assigné à résidence, prévu par les dispositions des articles L. 552-6 et L. 552-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'appelle pas de précisions de la part du pouvoir réglementaire sur les modalités d'information de l'étranger ou les modalités d'exercice du droit qu'elles ouvrent.
En ce qui concerne l'article 10 en tant qu'il précise la procédure contentieuse applicable aux demandes de suspension de l'exécution d'une mesure d'éloignement prise à l'encontre de certains demandeurs d'asile :
7. Les dispositions du 1° du I de l'article 10 du décret attaqué modifient l'article R. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui renvoie aux dispositions des articles R. 776-1 et suivants du code de justice administrative pour l'examen des recours contre les décisions mentionnées à l'article L. 512-1 du même code, afin d'ajouter à cette référence l'examen des demandes de suspension de l'exécution des mesures d'éloignement des demandeurs d'asile, qui peuvent être introduites en vertu des dispositions des articles L. 743-3, L. 743-4 et L. 571-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. L'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 10 septembre 2018, pose le principe du droit au maintien sur le territoire du demandeur d'asile dans les termes suivants : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. (...) ".
9. Ce principe est assorti de dérogations énumérées à l'article L. 743-2 du même code, dans sa rédaction issue de la même loi. À ce titre, le droit au maintien sur le territoire prend fin notamment, selon le 4° bis de cet article, lorsque l'Office, saisi d'une demande de réexamen, a pris une décision d'irrecevabilité au motif qu'elle ne présente pas d'éléments nouveaux augmentant de manière significative la probabilité que le demandeur justifie des conditions requises pour prétendre à une protection. Le droit au maintien sur le territoire prend également fin, selon le 7° de l'article L. 743-2, " dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2 ", c'est-à-dire lorsque l'Office, statuant en procédure accélérée, a rejeté une demande présentée par un étranger ressortissant d'un pays considéré comme un " pays d'origine sûr " en application de l'article L. 722-1, une demande de réexamen infondée ou une demande émanant d'un demandeur dont la présence sur le territoire français a été regardée par l'autorité compétente de l'Etat comme constituant une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat. En outre, le droit au maintien sur le territoire prend fin, selon le 8° de cet article, " dans les conditions prévues à l'article L. 571-4 ", c'est-à-dire lorsque l'Office a pris une décision de rejet ou d'irrecevabilité d'une demande d'asile présentée par un étranger faisant l'objet d'une mesure d'expulsion, d'une peine d'interdiction du territoire ou d'une interdiction administrative et qui est assigné à résidence ou placé en rétention le temps de l'examen de sa demande d'asile.
10. Enfin, l'article L. 743-3 du même code, dans sa rédaction issue de la même loi, dispose que : " (...) Dans le cas où le droit de se maintenir sur le territoire a pris fin en application des 4° bis ou 7° de l'article L. 743-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné statuant sur le recours formé en application de l'article L. 512-1 contre l'obligation de quitter le territoire français de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la cour. ". L'article L. 743-4 du même code ouvre la même faculté aux demandeurs d'asile dans le cas où ils ont fait l'objet, postérieurement à la décision négative de l'Office, d'une assignation à résidence ou d'un placement en rétention en vue de l'exécution d'une obligation de quitter le territoire français antérieure à cette décision. Enfin, selon le III. de l'article L. 571-4 du même code, la même faculté est ouverte aux personnes dont le droit au maintien a pris fin en application du 8° de l'article L. 743-2, mentionné au point 9.
11. Dans tous les cas mentionnés au point 10, l'étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement qui forme, en application de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un recours contre celle-ci peut, en application des articles précités, saisir le tribunal administratif de conclusions aux fins de suspension de cette mesure. A l'appui de ses conclusions, il peut se prévaloir d'éléments apparus et de faits intervenus postérieurement à la décision de rejet ou d'irrecevabilité de sa demande de protection ou à l'obligation de quitter le territoire français, ou connus de lui postérieurement. La mesure d'éloignement ne peut être mise à exécution pendant l'examen par le juge de la demande de suspension.
12. Ainsi, le demandeur d'asile dispose d'un recours juridictionnel effectif, conformément aux exigences du paragraphe 6 de l'article 46 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale, qui permet aux États membres, dans une série d'hypothèses qui correspondent à celles qui sont prévues par les dispositions précitées, de déroger au principe du caractère suspensif du recours, à condition qu'une juridiction, saisie d'office ou par le demandeur, puisse se prononcer sur le droit au maintien sur le territoire de ce dernier jusqu'à la décision de la juridiction compétente pour se prononcer sur la demande d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions des articles L. 743-3 et L. 743-4 et du III de l'article L. 571-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile seraient incompatibles avec les objectifs et dispositions de la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne l'article 10 en tant qu'il est relatif au placement en rétention et à l'assignation à résidence :
13. Aux termes du paragraphe 3 de l'article 8 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 : " Un demandeur ne peut être placé en rétention que : (...) b) pour déterminer les éléments sur lesquels se fonde la demande de protection internationale qui ne pourraient pas être obtenus sans un placement en rétention, en particulier lorsqu'il y a risque de fuite du demandeur (...) ; d) lorsque le demandeur est placé en rétention dans le cadre d'une procédure de retour au titre de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, pour préparer le retour et/ou procéder à l'éloignement, et lorsque l'Etat membre concerné peut justifier sur la base de critères objectifs, tels que le fait que le demandeur a déjà eu la possibilité d'accéder à la procédure d'asile, qu'il existe des motifs raisonnables de penser que le demandeur a présenté la demande de protection internationale à seule fin de retarder ou d'empêcher l'exécution de la décision de retour; e) lorsque la protection de la sécurité nationale ou de l'ordre public l'exige (...). Les motifs du placement en rétention sont définis par le droit national ". Lorsque son droit au maintien sur le territoire français a pris fin en application du 4° bis ou du 7° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'une obligation de quitter le territoire français a été prise à son encontre, l'étranger ne peut être placé en rétention, aux termes du I de l'article L. 744-9-1 de ce code, " que lorsque cela est nécessaire pour déterminer les éléments sur lesquels se fonde sa demande, notamment pour prévenir le risque mentionné au 3° du II de l'article L. 511-1 ou lorsque la protection de la sécurité nationale ou de l'ordre public l'exige. " Le risque mentionné au 3° du II de l'article L. 511-1 de ce code est le risque que l'étranger se soustraie à ses obligations, lequel, selon ces dispositions, peut être regardé comme établi dans les différents cas qu'il énumère. Le I de l'article L. 571-4 rend possible, sous conditions, l'assignation à résidence ou le placement en rétention du demandeur d'asile qui fait l'objet d'une mesure d'expulsion, d'une peine d'interdiction du territoire ou d'une interdiction administrative du territoire.
14. Les II, III et IV de l'article 10 ont pour objet d'étendre le champ d'application des articles R. 553-13 et R. 561-1 à R. 561-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatifs respectivement aux droits des étrangers retenus et au régime juridique de l'assignation à résidence, aux hypothèses de rétention et d'assignation à résidence prévues au I de l'article L. 744-9-1 et au I de l'article L. 571-4.
15. En premier lieu, les associations requérantes soutiennent que le I de l'article L. 744-9-1 méconnaît le paragraphe 3 de l'article 8 de la directive 2013/33/UE. Toutefois, et en tout état de cause, la seule circonstance que le I de l'article L. 744-9-1 renvoie, pour la définition du risque de fuite, aux dispositions de l'article L. 511-1, pris pour la transposition de la directive 2008/115 du 16 décembre 2008, et non à une définition des risques de fuite propre aux étrangers ayant présenté une demande d'asile ne saurait faire regarder ces dispositions législatives comme prises en méconnaissance des objectifs de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013.
16. En second lieu, il ressort des dispositions du I de l'article L. 571-4 et du I de l'article L. 744-9-1 que le placement en rétention ne peut être prononcé, outre le cas mentionné au point précédent en ce qui concerne les étrangers dont le droit au maintien sur le territoire a pris fin, que pour des raisons impérieuses de protection de l'ordre public ou de la sécurité nationale. Ce motif correspond à l'hypothèse fixée au e) du paragraphe 3 de l'article 8 de la directive n° 2013/33/UE du 26 juin 2013. Par suite, le moyen tiré de ce que ces dispositions législatives, ainsi que celles des dispositions de l'article 10 du décret attaqué relatives aux conditions et modalités du placement en rétention et de l'assignation à résidence de certains demandeurs d'asile et prises sur son fondement, seraient contraires aux objectifs de cette directive ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne l'article 11 qui précise les conditions de réalisation de l'entretien mené à la frontière par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides :
17. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 723-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un décret en Conseil d'Etat fixe les cas et les conditions dans lesquels l'entretien peut se dérouler par un moyen de communication audiovisuelle pour des raisons tenant à l'éloignement géographique ou à la situation particulière du demandeur ".
18. Il résulte de ces dispositions que le législateur, compétent pour prévoir le principe d'un entretien personnel entre le demandeur d'asile et les services de l'OFPRA et les garanties qui s'y attachent, a entendu permettre que, dans les cas tenant à l'éloignement géographique ou à la situation particulière du demandeur et par exception au principe qu'elles fixent, l'entretien personnel avec le demandeur puisse se dérouler par des moyens de visioconférence, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. Par suite, les associations requérantes sont fondées à soutenir que l'article 11 du décret attaqué, qui modifie les dispositions de l'article R. 213-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin de permettre que l'entretien personnel d'un demandeur d'asile se présentant à la frontière puisse être mené par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en recourant seulement à un moyen de communication téléphonique, est contraire aux dispositions de l'article L. 723-6 du même code et à en demander l'annulation.
En ce qui concerne l'article 12 qui fixe la liste des Etats dans lesquels le prononcé de décisions de condamnation impose, dans certaines conditions, à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de mettre fin au statut de réfugié de la personne qui en a fait l'objet :
19. Aux termes de l'article 14 de la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire et au contenu de cette protection : " (...) 4. Les Etats membres peuvent révoquer le statut octroyé à un réfugié par une autorité gouvernementale, administrative, judiciaire ou quasi judiciaire, y mettre fin ou refuser de le renouveler, / a) lorsqu'il existe des motifs raisonnables de le considérer comme une menace pour la sécurité de l'Etat membre dans lequel il se trouve ; / b) lorsque, ayant été condamné en dernier ressort pour un crime particulièrement grave, il constitue une menace pour la société de cet État membre. / 5. Dans les situations décrites au paragraphe 4, les États membres peuvent décider de ne pas octroyer le statut de réfugié, lorsqu'une telle décision n'a pas encore été prise. / 6. Les personnes auxquelles les paragraphes 4 et 5 s'appliquent ont le droit de jouir des droits prévus aux articles 3, 4, 16, 22, 31, 32 et 33 de la convention de Genève ou de droits analogues, pour autant qu'elles se trouvent dans l'État membre ". Il résulte des paragraphes 4 et 5 de l'article 14 de cette directive, tels qu'interprétés par l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 14 mai 2019, M e.a. (C-391/16, C77/17 et C-78/17) , que la " révocation " du statut de réfugié ou le refus d'octroi de ce statut ne saurait avoir pour effet de priver de la qualité de réfugié le ressortissant d'un pays tiers ou l'apatride concerné qui remplit les conditions pour se voir reconnaître cette qualité au sens du A de l'article 1er de la convention de Genève. En outre, le paragraphe 6 de l'article 14 de cette directive doit être interprété en ce sens que l'Etat membre qui fait usage des facultés prévues à l'article 14, paragraphes 4 et 5, de cette directive, doit accorder au réfugié relevant de l'une des hypothèses visées à ces dernières dispositions et se trouvant sur le territoire dudit Etat membre, à tout le moins, le bénéfice des droits et protections consacrés par la convention de Genève auxquels cet article 14, paragraphe 6 fait expressément référence, en particulier la protection contre le refoulement vers un pays où sa vie ou sa liberté serait menacée, ainsi que des droits prévus par ladite convention dont la jouissance n'exige pas une résidence régulière.
20. L'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pris pour la transposition des dispositions précitées du paragraphe 4 de l'article 14 de la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011, dispose, dans sa rédaction issue de la loi du 10 septembre 2018, que : " Le statut de réfugié est refusé ou il est mis fin à ce statut lorsque : / 1° Il y a des raisons sérieuses de considérer que la présence en France de la personne concernée constitue une menace grave pour la sûreté de l'Etat ; / 2° La personne concernée a été condamnée en dernier ressort en France, dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un Etat tiers figurant sur la liste, fixée par décret en Conseil d'Etat, des Etats dont la France reconnaît les législations et juridictions pénales au vu de l'application du droit dans le cadre d'un régime démocratique et des circonstances politiques générales soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d'emprisonnement, et sa présence constitue une menace grave pour la société française ". La liste de ces Etats tiers a été fixée à l'article R. 711-2, inséré dans le même code par l'article 12 du décret attaqué.
21. Les dispositions de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient seulement que le statut de réfugié est refusé ou qu'il y est mis fin , dans les limites prévues par l'article 33, paragraphe 1, de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le paragraphe 6 de l'article 14 de la directive du 13 décembre 2011, lorsqu'il y a des raisons sérieuses de considérer que la présence en France de l'intéressé constitue une menace grave pour la sûreté de l'Etat ou lorsque l'intéressé a été condamné en dernier ressort en France, dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans certains Etats tiers pour un crime ou pour certains délits et que sa présence constitue une menace grave pour la société. La perte du statut de réfugié résultant de l'application de l'article L. 711-6 ne saurait avoir aucune incidence sur la qualité de réfugié, que l'intéressé est réputé avoir conservé dans l'hypothèse où l'Office français des réfugiés et apatrides et, le cas échéant, le juge de l'asile, font application de l'article L. 711-6.
22. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont incompatibles avec les objectifs et dispositions de la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011 et que, pour ce motif, l'article 12 du décret pris sur le fondement du 2) de cet article est illégal ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne l'article 15 relatif à l'enregistrement de la demande d'asile :
23. La modification apportée par l'article 15 du décret attaqué à l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a pour seul objet de préciser que, pour que l'étranger qui présente sa demande d'asile auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, des services de police et de gendarmerie ou de l'administration pénitentiaire, soit orienté vers l'autorité compétente en vue de l'enregistrement de sa demande, il doit se présenter en personne devant ces administrations.. Elle n'a pas pour objet ni ne saurait avoir légalement pour effet de méconnaître le délai maximum de six jours ouvrables pour l'enregistrement de la demande d'asile prévu par l'article 6 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale. Contrairement à ce qui est soutenu, l'article 15 du décret attaqué n'est pas illégal au seul motif qu'il ne rappelle pas ce délai maximal.
En ce qui concerne les articles 16 et 17 relatifs à la notion de domicile stable des demandeurs d'asile :
24. Aux termes de l'article R.744-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 17 du décret attaqué : " ... sont considérés comme des domiciles stables les lieux mentionnés au 2° de l'article L. 744-3 autres que les établissements hôteliers. / Le lieu où la personne est hébergée sans disposer d'un titre pour y fixer son domicile n'est pas regardé comme un domicile stable ". La définition, résultant de cette disposition, du domicile stable où est hébergé un demandeur d'asile n'a ni pour objet ni pour effet de porter atteinte au droit au maintien sur le territoire reconnu au demandeur d'asile dans les conditions prévues par ce code. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article R. 744-1 et celles de l'article R. 743-2, dans leur rédaction issue de l'article 16 du décret attaqué, qui en assurent la coordination, seraient illégales pour ce motif ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne l'article 18 qui précise les conditions de prise en charge des demandeurs d'asile dans les lieux d'hébergement :
25. Il résulte du septième alinéa de l'article L. 744-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les normes minimales en matière d'accompagnement social et administratif dans les lieux d'hébergement pour demandeurs d'asile sont définies par décret en Conseil d'Etat. Pris pour l'application de ces dispositions, l'article R. 744-6-1 du même code, introduit par le I de l'article 18 du décret attaqué, énumère les prestations en matière d'accompagnement administratif, juridique, sanitaire et social qui doivent être fournies aux demandeurs d'asile pendant leur séjour dans ces lieux, parmi lesquelles figure, au 3°, l'accompagnement du demandeur d'asile dans les démarches relatives à la présentation de sa demande et, le cas échéant, à la préparation du recours contre la décision prise, ainsi au 7° que la " mise en place d'activités sociales, bénévoles et récréatives ".
26. En premier lieu, il ne résulte d'aucune disposition législative ni d'aucun principe que l'accompagnement du demandeur d'asile en matière juridique devrait concerner d'autres démarches que celles qui sont mentionnées au 3° de l'article R. 744-6-1. En second lieu, contrairement à ce qui est soutenu, l'accompagnement social qui doit être mis en oeuvre en vertu de l'article L. 744-3 du code n'implique pas que soient proposées au demandeur des activités non bénévoles, c'est à dire rémunérées. Le moyen tiré de ce que le I de l'article 18 du décret attaqué serait illégal pour ces motifs ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne l'article 19 relatif à l'orientation des demandeurs d'asile dans les lieux d'hébergement :
27. L'article 7 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 prévoit que : " 1. Les demandeurs peuvent circuler librement sur le territoire de l'Etat membre d'accueil ou à l'intérieur d'une zone qui leur est attribuée par cet Etat membre. La zone attribuée ne porte pas atteinte à la sphère inaliénable de la vie privée et donne suffisamment de latitude pour garantir l'accès à tous les avantages prévus par la présente directive. / 2. Les Etats membres peuvent décider du lieu de résidence du demandeur pour des raisons d'intérêt public ou d'ordre public ou, le cas échéant, aux fins du traitement rapide et du suivi efficace de sa demande de protection internationale. / 3. Les Etats membres peuvent prévoir que, pour bénéficier des conditions matérielles d'accueil, les demandeurs doivent effectivement résider dans un lieu déterminé fixé par les États membres. Ces décisions, qui peuvent être à caractère général, sont prises au cas par cas et fondées sur le droit national. (...) ". L'article 20 de cette même directive prévoit que : " 1. Les Etats membres peuvent limiter ou, dans des cas exceptionnels et dûment justifiés, retirer le bénéfice des conditions matérielles d'accueil lorsqu'un demandeur : a) abandonne le lieu de résidence fixé par l'autorité compétente sans en avoir informé ladite autorité ou, si une autorisation est nécessaire à cet effet, sans l'avoir obtenue ; ou b) ne respecte pas l'obligation de se présenter aux autorités, ne répond pas aux demandes d'information ou ne se rend pas aux entretiens personnels concernant la procédure d'asile dans un délai raisonnable fixé par le droit national ; ou c) a introduit une demande ultérieure telle que définie à l'article 2, point q), de la directive 2013/32/UE. / En ce qui concerne les cas visés aux points a) et b), lorsque le demandeur est retrouvé ou se présente volontairement aux autorités compétentes, une décision dûment motivée, fondée sur les raisons de sa disparition, est prise quant au rétablissement du bénéfice de certaines ou de l'ensemble des conditions matérielles d'accueil retirées ou réduites (...). / 5. Les décisions portant limitation ou retrait du bénéfice des conditions matérielles d'accueil ou les sanctions visées aux paragraphes 1, 2, 3 et 4 du présent article sont prises au cas par cas, objectivement et impartialement et sont motivées. Elles sont fondées sur la situation particulière de la personne concernée, en particulier dans le cas des personnes visées à l'article 21, compte tenu du principe de proportionnalité. Les Etats membres assurent en toutes circonstances l'accès aux soins médicaux conformément à l'article 19 et garantissent un niveau de vie digne à tous les demandeurs. / 6. Les Etats membres veillent à ce que les conditions matérielles d'accueil ne soient pas retirées ou réduites avant qu'une décision soit prise conformément au paragraphe 5 ".
28. Selon l'article L. 744-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue de la loi du 10 septembre 2018 : " Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil prévues à l'article L. 744-1 est subordonné : 1° A l'acceptation par le demandeur de la proposition d'hébergement ou, le cas échéant, de la région d'orientation déterminée en application de l'article L. 744-2. (...) ; / 2° Au respect des exigences des autorités chargées de l'asile, notamment en se rendant aux entretiens, en se présentant aux autorités et en fournissant les informations utiles afin de faciliter l'instruction des demandes. / Le demandeur est préalablement informé, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, que le fait de refuser ou de quitter le lieu d'hébergement proposé ou la région d'orientation mentionnés au 1° du présent article ainsi que le non-respect des exigences des autorités chargées de l'asile prévues au 2° entraîne de plein droit le refus ou, le cas échéant, le retrait du bénéfice des conditions matérielles d'accueil ". L'article L. 744-8 du même code prévoit quant à lui que : " Outre les cas, mentionnés à l'article L. 744-7, dans lesquels il est immédiatement mis fin de plein droit au bénéfice des conditions matérielles d'accueil, le bénéfice de celles-ci peut être : 1° Retiré si le demandeur d'asile a dissimulé ses ressources financières, a fourni des informations mensongères relatives à sa situation familiale ou a présenté plusieurs demandes d'asile sous des identités différentes, ou en cas de comportement violent ou de manquement grave au règlement du lieu d'hébergement ; 2° Refusé si le demandeur présente une demande de réexamen de sa demande d'asile ou s'il n'a pas sollicité l'asile, sans motif légitime, dans le délai prévu au 3° du III de l'article L. 723-2. (...) La décision de retrait des conditions matérielles d'accueil prise en application du présent article est écrite et motivée. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur. Elle est prise après que l'intéressé a été mis en mesure de présenter ses observations écrites selon des modalités définies par décret. ".
29. L'article 19 du décret attaqué a inséré dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile un article R. 744-13-1 prévoyant que la répartition des demandeurs d'asile et des réfugiés à laquelle procède le schéma national d'accueil tient compte des caractéristiques démographiques, économiques et sociales ainsi que des capacités d'accueil de chaque région. Le même article a également inséré dans le code un article R. 744-13-3 prévoyant qu'à défaut de présentation du demandeur d'asile, dans un délai de cinq jours, dans le lieu d'hébergement ou dans l'organisme conventionné qui lui a été indiqué, il est mis fin au bénéfice des conditions matérielles d'asile en application de l'article L. 744-7 de ce code. Le même article a enfin inséré dans le code un article R. 744-13-4 qui prévoit que le bénéfice des conditions matérielles d'accueil cesse si le demandeur quitte temporairement la région où il est domicilié sans autorisation de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, sauf en cas de motif impérieux ou de convocation par les autorités ou par les tribunaux.
30. En premier lieu, si l'obligation faite aux demandeurs d'asile de demeurer dans leur région et de solliciter une autorisation pour pouvoir la quitter temporairement, sauf en cas de motif impérieux ou de convocation par les autorités ou par les tribunaux, constitue une restriction à la liberté d'aller et venir des personnes concernées, elle est justifiée par des raisons d'intérêt général et ne méconnaît pas, contrairement à ce qui est soutenu, les objectifs et dispositions de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013, qui prévoit elle-même, à son article 7 cité au point 27, la possibilité de restreindre la liberté de circulation des demandeurs. Par ailleurs, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de la convention de Genève du 28 juillet 1951 qui prévoient la libre circulation des réfugiés est en tout état de cause inopérante à l'encontre de dispositions concernant les demandeurs d'asile.
31. En deuxième lieu, les termes précités de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 ne s'opposent pas à ce que les demandeurs d'asile ne bénéficient des conditions matérielles d'accueil que sous réserve d'accepter le lieu d'hébergement proposé par l'Office français de l'immigration et de l'intégration ou, le cas échéant, la région d'orientation déterminée en application de l'article L. 744-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En revanche, il résulte de l'article 20 de la directive que, s'il est possible, dans des cas exceptionnels et dûment justifiés, de retirer les conditions matérielles d'accueil à un demandeur d'asile, d'une part ce retrait ne peut intervenir qu'après examen de la situation particulière de la personne et être motivé, d'autre part l'intéressé doit pouvoir solliciter le rétablissement des conditions matérielles d'accueil lorsque le retrait a été fondé sur l'abandon du lieu de résidence sans information ou autorisation de l'autorité compétente, sur la méconnaissance de l'obligation de se présenter aux autorités ou de se rendre aux rendez-vous qu'elle fixe ou sur l'absence de réponse aux demandes d'information. Il suit de là que les associations requérantes sont fondées à soutenir qu'en créant des cas de refus et de retrait de plein droit des conditions matérielles d'accueil sans appréciation des circonstances particulières et en excluant, en cas de retrait, toute possibilité de rétablissement de ces conditions, les articles L. 744-7 et L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction résultant de la loi du 10 septembre 2018, sont incompatibles avec les objectifs de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013. Il en résulte que les associations requérantes sont fondées à demander l'annulation du I de l'article 19 du décret attaqué en tant qu'il introduit dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le second alinéa de l'article R. 744-13-3 et le dernier alinéa de l'article R. 744-13-4, pris pour application de ces dispositions législatives.
32. Enfin, si les associations requérantes soutiennent que le pouvoir réglementaire a commis une erreur manifeste d'appréciation en retenant comme critères de répartition les caractéristiques démographiques, économiques et sociales ainsi que des capacités d'accueil de chaque région, ce moyen n'est pas assorti des précisions nécessaires pour en apprécier le bien-fondé.
En ce qui concerne les conditions d'accessibilité adaptées aux lieux de rétention :
33. Si le dernier alinéa de l'article L. 553-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, introduit par la loi du 10 septembre 2018, renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de préciser les conditions d'accessibilité adaptées aux lieux de rétention, la seule circonstance que le décret attaqué ne comporte aucune disposition à cet égard ne saurait, contrairement à ce qui est soutenu, l'entacher d'illégalité dans cette mesure.
34. Il résulte de tout ce qui précède que les associations requérantes sont seulement fondées à demander l'annulation pour excès de pouvoir des articles 2 et 11 du décret attaqué, ainsi que du I de l'article 19 en tant qu'il introduit dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le second alinéa de l'article R. 744-13-3 et le dernier alinéa de l'article R. 744-13-4.
En ce qui concerne les conclusions des associations requérantes présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
35. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 200 euros à verser à chacune des associations requérantes, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Sont annulés les articles 2 et 11 du décret n° 2018-1159 du 14 décembre 2018, ainsi que le I de l'article 19 de ce décret en tant qu'il introduit dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le second alinéa de l'article R. 744-13-3 et le dernier alinéa de l'article R. 744-13-4.
Article 2 : L'Etat versera une somme de 200 euros à chacune des associations requérantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Cimade, première dénommée, pour l'ensemble des associations requérantes, au ministre de l'intérieur et au Premier ministre.