Conseil d'État
N° 443904
ECLI:FR:CEORD:2020:443904.20200914
Inédit au recueil Lebon
CABINET BRIARD, avocats
Lecture du lundi 14 septembre 2020
Vu la procédure suivante :
Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution des dispositions de l'arrêté du 19 août 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rendu le port du masque obligatoire entre 7 heures et 3 heures du matin pour toutes les personnes de 11 ans et plus, pour leurs déplacements sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public sur la commune de Toulouse, ainsi que sur les marchés de plein vent, les brocantes, les vides greniers situés sur le département de la Haute-Garonne. Par une ordonnance n° 2004288 du 28 août 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Par une requête, enregistrée le 9 septembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler l'ordonnance ;
2°) de suspendre l'exécution de l'arrêté ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner dans un délai de cinq jours, au préfet de la Haute-Garonne de modifier l'arrêté afin :
- d'exclure du champ d'application de son arrêté les personnes lorsqu'elles pratiquent une activité physique ou sportive, lorsqu'elles mangent ou boivent, lorsqu'elles échangent avec des personnes sourdes ou malentendantes et les personnes sans domicile fixe ;
- de restreindre le champ d'application de sa mesure au seul centre de la commune de Toulouse ou aux seules personnes qui se trouvent à proximité d'autres individus ;
- d'organiser des distributions gratuites d'au moins vingt-huit masques par personne, sur des critères économiques et sociaux le cas échéant ;
et d'ordonner au préfet de faire évaluer, dans un délai de quinze jours, l'utilité sanitaire de la mesure ;
4°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'ordonnance contestée est entachée d'un défaut de motivation dès lors que le juge des référés a omis de se prononcer sur le caractère nécessaire de la mesure portant obligation de port du masque ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que, d'une part, les particularités locales n'ont pas été prises en compte et, d'autre part, il n'a pas été recherché si des mesures moins attentatoires aux libertés auraient pu être prises, en méconnaissance de l'article 1er du décret n° 2020-944 du 30 juillet 2020 et des principes généraux du droit de la police administrative ;
- la condition d'urgence est remplie dès lors que compte tenu de sa situation de grande précarité, elle est dans l'impossibilité de se procurer des masques en quantité suffisante et de circuler librement dans les rues de sa commune ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir, au respect de la liberté personnelle, à la liberté du commerce et de l'industrie et au droit au respect de la vie privée ;
- cette atteinte concerne tout particulièrement les personnes en situation de précarité eu égard à l'absence de mesures d'aides prévues qui les contraint soit à l'exclusion de l'ensemble de l'espace public soit à porter des masques inefficaces ne respectant pas les caractéristiques techniques fixées par l'article 278-0 bis du code général des impôts ;
- l'obligation de port du masque n'est ni nécessaire, ni adaptée eu égard, d'une part, au faible risque de transmission du virus en milieu ouvert et, d'autre part, à l'inefficacité du port du masque en extérieur ;
- le préfet aurait pu délimiter l'obligation du port du masque afin de rendre l'obligation plus simple et compréhensible par les administrés ;
- l'obligation de port du masque est disproportionnée eu égard à l'étendue des zones retenues par l'arrêté préfectoral ;
- cette obligation est également disproportionnée en l'absence d'exclusion pour les activités physiques ou sportives, de consommation d'aliments ou de boissons, de communication avec les personnes malentendantes ainsi que pour les personnes sans domicile fixe.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 ;
- le décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". En vertu de l'article L. 522-3 du code précité, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée. Il appartient au juge des référés saisi en appel de porter son appréciation sur ce point au regard de l'ensemble des pièces du dossier, et notamment des éléments recueillis par le juge de première instance dans le cadre de la procédure écrite et orale qu'il a diligentée.
2. La liberté d'aller et de venir et le droit de chacun au respect de sa liberté personnelle, qui implique en particulier qu'il ne puisse subir de contraintes excédant celles qu'imposent la sauvegarde de l'ordre public, le respect des droits d'autrui et le droit au respect de sa vie privée et personnelle, constituent des libertés fondamentales au sens des dispositions de cet article.
3. L'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d'urgence de santé publique de portée internationale par l'Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. La propagation du virus sur le territoire français a conduit le ministre des solidarités et de la santé puis le Premier ministre à prendre, à compter du 4 mars 2020, des mesures de plus en plus strictes destinées à réduire les risques de contagion. Le législateur, par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, a déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020, puis, par l'article 1er de la loi du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions, a prorogé cet état d'urgence sanitaire jusqu'au 10 juillet 2020 inclus. Au vu de l'évolution de la situation sanitaire, les mesures générales adoptées par décret ont assoupli progressivement les sujétions imposées afin de faire face à l'épidémie.
4. En vertu du I de l'article 1er de la loi du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire, du 11 juillet 2020 au 30 octobre 2020 inclus, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19, réglementer la circulation des personnes. En vertu du deuxième alinéa du II du même article, lorsque ces mesures doivent s'appliquer dans un champ géographique qui n'excède pas le territoire d'un département, le Premier ministre peut habiliter le représentant de l'Etat dans le département à les décider lui-même, après avis, rendu public, du directeur général de l'agence régionale de santé. Ces mesures, selon le III de cet article, " sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires ". Le IV du même article précise qu'elles peuvent faire l'objet, devant le juge administratif, des recours présentés, instruits et jugés selon les procédures prévues aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative. Enfin, il résulte du VII du même article que la violation de ces mesures peut faire l'objet d'une amende d'un montant forfaitaire de 135 euros, et, en cas de récidive dans les quinze jours, d'une amende de cinquième classe ou, en cas de violation à plus de trois reprises dans un délai de trente jours, de six mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende ainsi que de la peine complémentaire de travail d'intérêt général. Aux termes du II de l'article 1er du décret du 10 juillet 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans les territoires sortis de l'état d'urgence sanitaire et dans ceux où il a été prorogé : " Dans les cas où le port du masque n'est pas prescrit par le présent décret, le préfet de département est habilité à le rendre obligatoire, sauf dans les locaux d'habitation, lorsque les circonstances locales l'exigent ". Il résulte de l'annexe 1 de ce décret que le masque doit alors répondre aux caractéristiques techniques fixées par l'article 30-0 E de l'annexe IV au code général des impôts.
5. Par un arrêté du 19 août 2020, pris sur le fondement du II de l'article 1er du décret du 10 juillet 2020, le préfet de la Haute-Garonne a imposé le port du masque, à compter du 21 août 2020 à 7 heures pendant une période de 30 jours pouvant être prolongée si les indicateurs épidémiologiques le justifient (article 3), d'une part (article 1er) à toute personne d'au moins onze ans sur l'ensemble de la commune de Toulouse lorsqu'elle se trouve sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public entre 7 heures et 3 heures, en complément de l'obligation de respect des mesures barrière et de l'obligation du port du masque dans les transports en commun, ainsi que, d'autre part (article 2), à toute personne d'au moins onze ans dans les marchés de plein air, brocantes et vide-greniers dans l'ensemble du département de Haute-Garonne en complément de l'obligation de respect des mesures barrières. Par ailleurs, l'arrêté précise à son article 4 que dans les secteurs définis aux articles 1er et 2, l'obligation du port du masque s'applique à l'ensemble des utilisateurs d'un véhicule de déplacement individuel, à l'exception des automobilistes et des passagers d'un véhicule à habitacle fermé. Sont, en vertu de l'article 5, exceptées des obligations prévues aux articles 1er et 2, les personnes en situation de handicap qui sont munies d'un certificat médical justifiant de cette dérogation et mettent en oeuvre les mesures sanitaires de nature à prévenir la propagation du virus.
6. Mme A... relève appel de l'ordonnance du 28 août 2020 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande, présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, tendant à ce que soient suspendus les articles 1er à 3 de cet arrêté.
Sur les atteintes dont Mme A... s'est prévalue dès la première instance :
En ce qui concerne le caractère nécessaire, proportionné et adapté de la mesure de police :
7. Pour estimer que la mesure prise par le préfet de Haute-Garonne était nécessaire, proportionnée et adaptée pour lutter, dans la ville de Toulouse et le département de Haute-Garonne, contre la propagation de la Covid 19 dont le caractère pathogène et contagieux n'est d'ailleurs pas contesté, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse s'est fondé de manière précise sur les constats scientifiques produits par les parties, sur l'ensemble des documents qui lui étaient soumis, en particulier ceux de l'agence régionale de santé dont les indicateurs traduisent la circulation virale mesurée en particulier à partir du taux d'incidence dont le seuil d'alerte est fixé à 50 / 100 000 habitants, ainsi que sur les échanges intervenus au cours de l'audience. Il a en particulier fait ressortir de ces éléments une évolution alarmante dans le département de Haute-Garonne et pour la ville de Toulouse en rappelant le nombre d'hospitalisations et en relevant, d'une part, qu'au 21 août dernier, avaient été dénombrés dans le département 32 " clusters " dont 14 non clôturés, d'autre part, que le taux d'incidence avait subi une dégradation sensible et rapide au niveau du département désormais classé en rouge au niveau épidémiologique, avec 43,6 cas / 100 000 habitants au 24 août contre 11,5 / 100 000 fin juillet et, enfin que, pour la ville de Toulouse, particulièrement affectée, le taux d'incidence avait triplé en moins d'un mois et avait désormais dépassé le seuil d'alerte (20 / 100 000 habitants à la fin juillet 2020, 64,2 cas / 100 000 habitants le 17 août et 77 cas / 100 000 le 21 août 2020). Il a également tenu compte des difficultés que les pouvoirs publics avaient rencontrées pour faire respecter, dans la période antérieure, des mesures moins contraignantes. Il a enfin, s'agissant de la ville de Toulouse, pris en compte l'existence d'importants regroupements à la proximité des bars, l'afflux touristique exceptionnel au cours de l'été, les premiers effets de la rentrée universitaire avec une perspective de 100 000 étudiants attendus, le constat du relâchement dans le port du masque et dans le respect de la distanciation sociale, notamment chez les jeunes, ainsi que la difficulté pour les agents de faire respecter les gestes barrière. Il a encore retenu que ce genre de difficultés se retrouvent dans l'ensemble du département, sur les marchés de plein vent, les brocantes, les vides greniers, notamment en raison de la hausse de la fréquentation touristique estivale. Ces éléments ne sont pas sérieusement contestés ou remis en cause en appel.
8. S'il est soutenu que les risques de contagion sont moins élevés voire inexistants en plein air, il appert, en l'état actuel des connaissances que, d'une part, le virus peut se transmettre par gouttelettes respiratoires, par contacts et par voie aéroportée et que, d'autre part, les personnes peuvent être contagieuses sans le savoir, notamment pendant la phase pré-symptomatique, de l'ordre de cinq jours en moyenne, de l'infection. Or, il résulte des avis et recommandations tant de l'Organisation mondiale de la santé que du Haut Conseil de la santé publique ou du conseil scientifique covid-19, appuyés sur les études épidémiologiques récentes et la revue de la littérature scientifique existante, que le port d'un masque, qui ne présente pas de risque particulier pour les personnes qui le portent, est efficace pour réduire le risque de contamination par le SARS-CoV-2. Si le risque de contamination est, de façon générale, moins élevé en plein air, la possibilité qu'un aérosol contenant des virus soit inhalé avec une charge infectante suffisante ou qu'une transmission par gouttelettes ait lieu existe en cas de forte concentration de population. Ainsi, le Haut Conseil de la santé publique recommande, dans un avis du 20 août 2020, en l'état actuel des connaissances et des ressources disponibles, de porter systématiquement un masque en plein air lors de la présence d'une forte densité de personnes ou lorsque le respect de la distance physique ne peut être garantie, par exemple en cas de rassemblement, regroupement, file d'attente, ou dans les lieux de forte circulation.
9. En outre, le caractère proportionné d'une mesure de police s'apprécie nécessairement en tenant compte de ses conséquences pour les personnes concernées et de son caractère approprié pour atteindre le but d'intérêt général poursuivi. Sa simplicité et sa lisibilité, nécessaires à sa bonne connaissance et à sa correcte application par les personnes auxquelles elle s'adresse, sont un élément de son effectivité qui doivent, à ce titre, être prises en considération. Il en résulte que le préfet, lorsqu'il détermine les lieux dans lesquels il rend obligatoire le port du masque, est en droit de délimiter des zones suffisamment larges pour englober de façon cohérente les points du territoire caractérisés par une forte densité de personnes ou une difficulté à assurer le respect de la distance physique, de sorte que les personnes qui s'y rendent puissent avoir aisément connaissance de la règle applicable et ne soient pas incitées à enlever puis remettre leur masque à plusieurs reprises au cours d'une même sortie. Il peut, de même, définir les horaires d'application de cette règle de façon uniforme dans l'ensemble d'une même commune, voire d'un même département, en considération des risques encourus dans les différentes zones couvertes par la mesure qu'il adopte. Il doit, toutefois, tenir compte de la contrainte que représente, même si elle reste mesurée, le port d'un masque par les habitants des communes concernées, qui doivent également respecter cette obligation dans les transports en commun et, le plus souvent, dans leur établissement scolaire ou universitaire ou sur leur lieu de travail.
10. Aussi, compte tenu des difficultés rencontrées antérieurement pour faire respecter des mesures de police moins contraignantes destinées à lutter contre la propagation du virus ainsi que de l'objectif de simplicité et de lisibilité d'une obligation de port du masque qui vise à en assurer l'effectivité auprès des populations concernées, Mme A..., en se bornant, par des considérations générales, à indiquer que les mesures auraient dû être circonscrites au centre-ville historique de Toulouse ainsi qu'aux marchés de plein air et brocantes, marqués par un afflux important de population ou l'étroitesse des rues et la densité des commerce, n'apporte pas les éléments de nature à faire apparaître que, dans les circonstances particulières de l'espèce et compte tenu notamment du tissu urbain à Toulouse, l'arrêté, serait manifestement illégal pour avoir pris en compte, d'une part, l'ensemble des marchés de plein air, brocantes et vide-greniers du département et, d'autre part, pour avoir délimité à Toulouse des zones suffisamment larges pour englober de façon cohérente les points du territoire caractérisés par une forte densité de personnes ou une difficulté à assurer le respect de la distance physique.
En ce qui concerne le coût d'acquisition des masques et ses conséquences sur les libertés fondamentales en cause :
11. Mme A..., bénéficiaire du revenu de solidarité active, estime que, compte tenu de sa situation de précarité financière, l'obligation du port de masque dans les conditions prévues par l'arrêté en litige porte une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales dont elle se prévaut. Elle fait en particulier valoir à ce titre qu'en l'absence de distribution gratuite, effective et suffisante de masques homologués par les pouvoirs publics auprès de la population en situation de pauvreté, et alors qu'elle n'a elle-même reçu que trois masques en tissu par la commune et le département, la mesure qui induit un coût important pour un budget comme le sien, la contraint soit à ne pouvoir sortir librement, soit à porter un masque non homologué et encourir ainsi le risque de devoir acquitter une amende d'un montant forfaitaire élevé en cas d'infraction constatée.
12. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, pas plus en appel qu'en première instance, qu'au regard du montant de ses ressources, du coût réel des masques homologués qu'ils soient à usage unique, et qui peuvent s'acheter de manière nettement plus économique par lots qu'à la pièce, ou à usages multiples après lavage, ainsi que des aides dont elle a déjà bénéficié à ce sujet ou qu'elle peut encore solliciter auprès des services sociaux, Mme A... justifie de circonstances particulières caractérisant la nécessité pour elle ou pour l'ensemble des personnes en situation de précarité de suspendre l'arrêté ou de bénéficier à très bref délai d'une mesure de distribution gratuite d'au moins vingt-huit masques.
Sur les atteintes dont Mme A... se prévaut pour la première fois en appel :
13. A l'appui de sa requête d'appel, Mme A... soutient que l'arrêté préfectoral serait manifestement illégal et porterait une atteinte grave à l'une ou plusieurs des libertés fondamentales rappelées au point 2 en ce qu'il ne prévoirait aucune dérogation au port du masque pour l'exercice d'activités physiques et sportives, qu'il ne comporterait aucune dérogation pour les personnes " sans domicile fixe ", qu'il ferait obstacle à une communication avec une personne sourde ou malentendante, ne permettrait pas de boire ou de s'alimenter sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public et enfin qu'il porterait atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie.
14. Il appartient à la personne qui saisit le juge des référés sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative de justifier de circonstances particulières caractérisant la nécessité de bénéficier, dans le très bref délai prévu par les dispositions de cet article, d'une mesure provisoire visant à sauvegarder une liberté fondamentale.
15. En premier lieu, Mme A... ne soutient ni même n'allègue qu'elle pratiquerait de manière habituelle une activité physique ou sportive en plein air ou qu'elle aurait dû cesser de se livrer à une telle pratique depuis l'entrée en vigueur de l'arrêté, mais se borne à énoncer des considérations générales sur les atteintes qu'un tel arrêté porteraient à ce type d'activités au regard de considérations sanitaires.
16. En deuxième lieu, Mme A... qui dispose d'un domicile à Toulouse et n'explique pas en quoi elle serait concernée à un titre ou à un autre par les conséquences de l'arrêté vis-à-vis des personnes sans domicile fixe, se borne à énoncer des considérations générales sur le caractère inadapté de l'arrêté au regard de la situation de telles personnes.
17. Il résulte de ce qui a été dit aux deux points précédents ainsi qu'au point 14 que Mme A... ne justifie d'aucune circonstance particulière qui rendrait nécessaire l'intervention, pour elle, à bref délai, d'une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative pour qu'il soit dérogé aux obligations de port du masque lors d'une activité physique ou sportive ou pour tenir compte de la situation des personnes sans domicile fixe.
18. En troisième lieu, un arrêté préfectoral comme celui en cause n'a pas à prévoir de dérogation pour toutes les situations particulières qui seraient susceptibles de survenir de manière occasionnelle ou contingente sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public. Il ne ressort pas, en outre, des termes de l'arrêté préfectoral en litige qu'il ferait obstacle aux gestes de la vie quotidienne pouvant impliquer, dans le respect des mesures barrière et dans les lieux de faible concentration de personnes, d'enlever temporairement le masque en particulier pour les besoins d'une communication avec des personnes sourdes ou malentendantes ou pour la consommation d'aliments ou de boissons. Il appartient en outre aux agents verbalisateurs d'apprécier, le cas échant, dans un contexte donné, si l'infraction d'absence de port du masque est constituée. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté serait manifestement illégal pour n'avoir pas prévu de dérogations destinées à tenir compte des situations rappelées ci-dessus.
19. En dernier lieu, Mme A... se borne à faire état d'une atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie sans en justifier.
20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est fondée ni à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée qui est suffisamment motivée contrairement à ce qui est soutenu, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande, ni à demander en appel que soient prononcées des dérogations particulières. Il y a lieu par suite de rejeter sa requête selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris les conclusions présentées par son avocat au titre des frais de procédure.
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B... A... et au ministre des solidarités et de la santé.
N° 443904
ECLI:FR:CEORD:2020:443904.20200914
Inédit au recueil Lebon
CABINET BRIARD, avocats
Lecture du lundi 14 septembre 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution des dispositions de l'arrêté du 19 août 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rendu le port du masque obligatoire entre 7 heures et 3 heures du matin pour toutes les personnes de 11 ans et plus, pour leurs déplacements sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public sur la commune de Toulouse, ainsi que sur les marchés de plein vent, les brocantes, les vides greniers situés sur le département de la Haute-Garonne. Par une ordonnance n° 2004288 du 28 août 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Par une requête, enregistrée le 9 septembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler l'ordonnance ;
2°) de suspendre l'exécution de l'arrêté ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner dans un délai de cinq jours, au préfet de la Haute-Garonne de modifier l'arrêté afin :
- d'exclure du champ d'application de son arrêté les personnes lorsqu'elles pratiquent une activité physique ou sportive, lorsqu'elles mangent ou boivent, lorsqu'elles échangent avec des personnes sourdes ou malentendantes et les personnes sans domicile fixe ;
- de restreindre le champ d'application de sa mesure au seul centre de la commune de Toulouse ou aux seules personnes qui se trouvent à proximité d'autres individus ;
- d'organiser des distributions gratuites d'au moins vingt-huit masques par personne, sur des critères économiques et sociaux le cas échéant ;
et d'ordonner au préfet de faire évaluer, dans un délai de quinze jours, l'utilité sanitaire de la mesure ;
4°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'ordonnance contestée est entachée d'un défaut de motivation dès lors que le juge des référés a omis de se prononcer sur le caractère nécessaire de la mesure portant obligation de port du masque ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que, d'une part, les particularités locales n'ont pas été prises en compte et, d'autre part, il n'a pas été recherché si des mesures moins attentatoires aux libertés auraient pu être prises, en méconnaissance de l'article 1er du décret n° 2020-944 du 30 juillet 2020 et des principes généraux du droit de la police administrative ;
- la condition d'urgence est remplie dès lors que compte tenu de sa situation de grande précarité, elle est dans l'impossibilité de se procurer des masques en quantité suffisante et de circuler librement dans les rues de sa commune ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir, au respect de la liberté personnelle, à la liberté du commerce et de l'industrie et au droit au respect de la vie privée ;
- cette atteinte concerne tout particulièrement les personnes en situation de précarité eu égard à l'absence de mesures d'aides prévues qui les contraint soit à l'exclusion de l'ensemble de l'espace public soit à porter des masques inefficaces ne respectant pas les caractéristiques techniques fixées par l'article 278-0 bis du code général des impôts ;
- l'obligation de port du masque n'est ni nécessaire, ni adaptée eu égard, d'une part, au faible risque de transmission du virus en milieu ouvert et, d'autre part, à l'inefficacité du port du masque en extérieur ;
- le préfet aurait pu délimiter l'obligation du port du masque afin de rendre l'obligation plus simple et compréhensible par les administrés ;
- l'obligation de port du masque est disproportionnée eu égard à l'étendue des zones retenues par l'arrêté préfectoral ;
- cette obligation est également disproportionnée en l'absence d'exclusion pour les activités physiques ou sportives, de consommation d'aliments ou de boissons, de communication avec les personnes malentendantes ainsi que pour les personnes sans domicile fixe.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 ;
- le décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". En vertu de l'article L. 522-3 du code précité, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée. Il appartient au juge des référés saisi en appel de porter son appréciation sur ce point au regard de l'ensemble des pièces du dossier, et notamment des éléments recueillis par le juge de première instance dans le cadre de la procédure écrite et orale qu'il a diligentée.
2. La liberté d'aller et de venir et le droit de chacun au respect de sa liberté personnelle, qui implique en particulier qu'il ne puisse subir de contraintes excédant celles qu'imposent la sauvegarde de l'ordre public, le respect des droits d'autrui et le droit au respect de sa vie privée et personnelle, constituent des libertés fondamentales au sens des dispositions de cet article.
3. L'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d'urgence de santé publique de portée internationale par l'Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. La propagation du virus sur le territoire français a conduit le ministre des solidarités et de la santé puis le Premier ministre à prendre, à compter du 4 mars 2020, des mesures de plus en plus strictes destinées à réduire les risques de contagion. Le législateur, par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, a déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020, puis, par l'article 1er de la loi du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions, a prorogé cet état d'urgence sanitaire jusqu'au 10 juillet 2020 inclus. Au vu de l'évolution de la situation sanitaire, les mesures générales adoptées par décret ont assoupli progressivement les sujétions imposées afin de faire face à l'épidémie.
4. En vertu du I de l'article 1er de la loi du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire, du 11 juillet 2020 au 30 octobre 2020 inclus, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19, réglementer la circulation des personnes. En vertu du deuxième alinéa du II du même article, lorsque ces mesures doivent s'appliquer dans un champ géographique qui n'excède pas le territoire d'un département, le Premier ministre peut habiliter le représentant de l'Etat dans le département à les décider lui-même, après avis, rendu public, du directeur général de l'agence régionale de santé. Ces mesures, selon le III de cet article, " sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires ". Le IV du même article précise qu'elles peuvent faire l'objet, devant le juge administratif, des recours présentés, instruits et jugés selon les procédures prévues aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative. Enfin, il résulte du VII du même article que la violation de ces mesures peut faire l'objet d'une amende d'un montant forfaitaire de 135 euros, et, en cas de récidive dans les quinze jours, d'une amende de cinquième classe ou, en cas de violation à plus de trois reprises dans un délai de trente jours, de six mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende ainsi que de la peine complémentaire de travail d'intérêt général. Aux termes du II de l'article 1er du décret du 10 juillet 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans les territoires sortis de l'état d'urgence sanitaire et dans ceux où il a été prorogé : " Dans les cas où le port du masque n'est pas prescrit par le présent décret, le préfet de département est habilité à le rendre obligatoire, sauf dans les locaux d'habitation, lorsque les circonstances locales l'exigent ". Il résulte de l'annexe 1 de ce décret que le masque doit alors répondre aux caractéristiques techniques fixées par l'article 30-0 E de l'annexe IV au code général des impôts.
5. Par un arrêté du 19 août 2020, pris sur le fondement du II de l'article 1er du décret du 10 juillet 2020, le préfet de la Haute-Garonne a imposé le port du masque, à compter du 21 août 2020 à 7 heures pendant une période de 30 jours pouvant être prolongée si les indicateurs épidémiologiques le justifient (article 3), d'une part (article 1er) à toute personne d'au moins onze ans sur l'ensemble de la commune de Toulouse lorsqu'elle se trouve sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public entre 7 heures et 3 heures, en complément de l'obligation de respect des mesures barrière et de l'obligation du port du masque dans les transports en commun, ainsi que, d'autre part (article 2), à toute personne d'au moins onze ans dans les marchés de plein air, brocantes et vide-greniers dans l'ensemble du département de Haute-Garonne en complément de l'obligation de respect des mesures barrières. Par ailleurs, l'arrêté précise à son article 4 que dans les secteurs définis aux articles 1er et 2, l'obligation du port du masque s'applique à l'ensemble des utilisateurs d'un véhicule de déplacement individuel, à l'exception des automobilistes et des passagers d'un véhicule à habitacle fermé. Sont, en vertu de l'article 5, exceptées des obligations prévues aux articles 1er et 2, les personnes en situation de handicap qui sont munies d'un certificat médical justifiant de cette dérogation et mettent en oeuvre les mesures sanitaires de nature à prévenir la propagation du virus.
6. Mme A... relève appel de l'ordonnance du 28 août 2020 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande, présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, tendant à ce que soient suspendus les articles 1er à 3 de cet arrêté.
Sur les atteintes dont Mme A... s'est prévalue dès la première instance :
En ce qui concerne le caractère nécessaire, proportionné et adapté de la mesure de police :
7. Pour estimer que la mesure prise par le préfet de Haute-Garonne était nécessaire, proportionnée et adaptée pour lutter, dans la ville de Toulouse et le département de Haute-Garonne, contre la propagation de la Covid 19 dont le caractère pathogène et contagieux n'est d'ailleurs pas contesté, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse s'est fondé de manière précise sur les constats scientifiques produits par les parties, sur l'ensemble des documents qui lui étaient soumis, en particulier ceux de l'agence régionale de santé dont les indicateurs traduisent la circulation virale mesurée en particulier à partir du taux d'incidence dont le seuil d'alerte est fixé à 50 / 100 000 habitants, ainsi que sur les échanges intervenus au cours de l'audience. Il a en particulier fait ressortir de ces éléments une évolution alarmante dans le département de Haute-Garonne et pour la ville de Toulouse en rappelant le nombre d'hospitalisations et en relevant, d'une part, qu'au 21 août dernier, avaient été dénombrés dans le département 32 " clusters " dont 14 non clôturés, d'autre part, que le taux d'incidence avait subi une dégradation sensible et rapide au niveau du département désormais classé en rouge au niveau épidémiologique, avec 43,6 cas / 100 000 habitants au 24 août contre 11,5 / 100 000 fin juillet et, enfin que, pour la ville de Toulouse, particulièrement affectée, le taux d'incidence avait triplé en moins d'un mois et avait désormais dépassé le seuil d'alerte (20 / 100 000 habitants à la fin juillet 2020, 64,2 cas / 100 000 habitants le 17 août et 77 cas / 100 000 le 21 août 2020). Il a également tenu compte des difficultés que les pouvoirs publics avaient rencontrées pour faire respecter, dans la période antérieure, des mesures moins contraignantes. Il a enfin, s'agissant de la ville de Toulouse, pris en compte l'existence d'importants regroupements à la proximité des bars, l'afflux touristique exceptionnel au cours de l'été, les premiers effets de la rentrée universitaire avec une perspective de 100 000 étudiants attendus, le constat du relâchement dans le port du masque et dans le respect de la distanciation sociale, notamment chez les jeunes, ainsi que la difficulté pour les agents de faire respecter les gestes barrière. Il a encore retenu que ce genre de difficultés se retrouvent dans l'ensemble du département, sur les marchés de plein vent, les brocantes, les vides greniers, notamment en raison de la hausse de la fréquentation touristique estivale. Ces éléments ne sont pas sérieusement contestés ou remis en cause en appel.
8. S'il est soutenu que les risques de contagion sont moins élevés voire inexistants en plein air, il appert, en l'état actuel des connaissances que, d'une part, le virus peut se transmettre par gouttelettes respiratoires, par contacts et par voie aéroportée et que, d'autre part, les personnes peuvent être contagieuses sans le savoir, notamment pendant la phase pré-symptomatique, de l'ordre de cinq jours en moyenne, de l'infection. Or, il résulte des avis et recommandations tant de l'Organisation mondiale de la santé que du Haut Conseil de la santé publique ou du conseil scientifique covid-19, appuyés sur les études épidémiologiques récentes et la revue de la littérature scientifique existante, que le port d'un masque, qui ne présente pas de risque particulier pour les personnes qui le portent, est efficace pour réduire le risque de contamination par le SARS-CoV-2. Si le risque de contamination est, de façon générale, moins élevé en plein air, la possibilité qu'un aérosol contenant des virus soit inhalé avec une charge infectante suffisante ou qu'une transmission par gouttelettes ait lieu existe en cas de forte concentration de population. Ainsi, le Haut Conseil de la santé publique recommande, dans un avis du 20 août 2020, en l'état actuel des connaissances et des ressources disponibles, de porter systématiquement un masque en plein air lors de la présence d'une forte densité de personnes ou lorsque le respect de la distance physique ne peut être garantie, par exemple en cas de rassemblement, regroupement, file d'attente, ou dans les lieux de forte circulation.
9. En outre, le caractère proportionné d'une mesure de police s'apprécie nécessairement en tenant compte de ses conséquences pour les personnes concernées et de son caractère approprié pour atteindre le but d'intérêt général poursuivi. Sa simplicité et sa lisibilité, nécessaires à sa bonne connaissance et à sa correcte application par les personnes auxquelles elle s'adresse, sont un élément de son effectivité qui doivent, à ce titre, être prises en considération. Il en résulte que le préfet, lorsqu'il détermine les lieux dans lesquels il rend obligatoire le port du masque, est en droit de délimiter des zones suffisamment larges pour englober de façon cohérente les points du territoire caractérisés par une forte densité de personnes ou une difficulté à assurer le respect de la distance physique, de sorte que les personnes qui s'y rendent puissent avoir aisément connaissance de la règle applicable et ne soient pas incitées à enlever puis remettre leur masque à plusieurs reprises au cours d'une même sortie. Il peut, de même, définir les horaires d'application de cette règle de façon uniforme dans l'ensemble d'une même commune, voire d'un même département, en considération des risques encourus dans les différentes zones couvertes par la mesure qu'il adopte. Il doit, toutefois, tenir compte de la contrainte que représente, même si elle reste mesurée, le port d'un masque par les habitants des communes concernées, qui doivent également respecter cette obligation dans les transports en commun et, le plus souvent, dans leur établissement scolaire ou universitaire ou sur leur lieu de travail.
10. Aussi, compte tenu des difficultés rencontrées antérieurement pour faire respecter des mesures de police moins contraignantes destinées à lutter contre la propagation du virus ainsi que de l'objectif de simplicité et de lisibilité d'une obligation de port du masque qui vise à en assurer l'effectivité auprès des populations concernées, Mme A..., en se bornant, par des considérations générales, à indiquer que les mesures auraient dû être circonscrites au centre-ville historique de Toulouse ainsi qu'aux marchés de plein air et brocantes, marqués par un afflux important de population ou l'étroitesse des rues et la densité des commerce, n'apporte pas les éléments de nature à faire apparaître que, dans les circonstances particulières de l'espèce et compte tenu notamment du tissu urbain à Toulouse, l'arrêté, serait manifestement illégal pour avoir pris en compte, d'une part, l'ensemble des marchés de plein air, brocantes et vide-greniers du département et, d'autre part, pour avoir délimité à Toulouse des zones suffisamment larges pour englober de façon cohérente les points du territoire caractérisés par une forte densité de personnes ou une difficulté à assurer le respect de la distance physique.
En ce qui concerne le coût d'acquisition des masques et ses conséquences sur les libertés fondamentales en cause :
11. Mme A..., bénéficiaire du revenu de solidarité active, estime que, compte tenu de sa situation de précarité financière, l'obligation du port de masque dans les conditions prévues par l'arrêté en litige porte une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales dont elle se prévaut. Elle fait en particulier valoir à ce titre qu'en l'absence de distribution gratuite, effective et suffisante de masques homologués par les pouvoirs publics auprès de la population en situation de pauvreté, et alors qu'elle n'a elle-même reçu que trois masques en tissu par la commune et le département, la mesure qui induit un coût important pour un budget comme le sien, la contraint soit à ne pouvoir sortir librement, soit à porter un masque non homologué et encourir ainsi le risque de devoir acquitter une amende d'un montant forfaitaire élevé en cas d'infraction constatée.
12. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, pas plus en appel qu'en première instance, qu'au regard du montant de ses ressources, du coût réel des masques homologués qu'ils soient à usage unique, et qui peuvent s'acheter de manière nettement plus économique par lots qu'à la pièce, ou à usages multiples après lavage, ainsi que des aides dont elle a déjà bénéficié à ce sujet ou qu'elle peut encore solliciter auprès des services sociaux, Mme A... justifie de circonstances particulières caractérisant la nécessité pour elle ou pour l'ensemble des personnes en situation de précarité de suspendre l'arrêté ou de bénéficier à très bref délai d'une mesure de distribution gratuite d'au moins vingt-huit masques.
Sur les atteintes dont Mme A... se prévaut pour la première fois en appel :
13. A l'appui de sa requête d'appel, Mme A... soutient que l'arrêté préfectoral serait manifestement illégal et porterait une atteinte grave à l'une ou plusieurs des libertés fondamentales rappelées au point 2 en ce qu'il ne prévoirait aucune dérogation au port du masque pour l'exercice d'activités physiques et sportives, qu'il ne comporterait aucune dérogation pour les personnes " sans domicile fixe ", qu'il ferait obstacle à une communication avec une personne sourde ou malentendante, ne permettrait pas de boire ou de s'alimenter sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public et enfin qu'il porterait atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie.
14. Il appartient à la personne qui saisit le juge des référés sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative de justifier de circonstances particulières caractérisant la nécessité de bénéficier, dans le très bref délai prévu par les dispositions de cet article, d'une mesure provisoire visant à sauvegarder une liberté fondamentale.
15. En premier lieu, Mme A... ne soutient ni même n'allègue qu'elle pratiquerait de manière habituelle une activité physique ou sportive en plein air ou qu'elle aurait dû cesser de se livrer à une telle pratique depuis l'entrée en vigueur de l'arrêté, mais se borne à énoncer des considérations générales sur les atteintes qu'un tel arrêté porteraient à ce type d'activités au regard de considérations sanitaires.
16. En deuxième lieu, Mme A... qui dispose d'un domicile à Toulouse et n'explique pas en quoi elle serait concernée à un titre ou à un autre par les conséquences de l'arrêté vis-à-vis des personnes sans domicile fixe, se borne à énoncer des considérations générales sur le caractère inadapté de l'arrêté au regard de la situation de telles personnes.
17. Il résulte de ce qui a été dit aux deux points précédents ainsi qu'au point 14 que Mme A... ne justifie d'aucune circonstance particulière qui rendrait nécessaire l'intervention, pour elle, à bref délai, d'une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative pour qu'il soit dérogé aux obligations de port du masque lors d'une activité physique ou sportive ou pour tenir compte de la situation des personnes sans domicile fixe.
18. En troisième lieu, un arrêté préfectoral comme celui en cause n'a pas à prévoir de dérogation pour toutes les situations particulières qui seraient susceptibles de survenir de manière occasionnelle ou contingente sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public. Il ne ressort pas, en outre, des termes de l'arrêté préfectoral en litige qu'il ferait obstacle aux gestes de la vie quotidienne pouvant impliquer, dans le respect des mesures barrière et dans les lieux de faible concentration de personnes, d'enlever temporairement le masque en particulier pour les besoins d'une communication avec des personnes sourdes ou malentendantes ou pour la consommation d'aliments ou de boissons. Il appartient en outre aux agents verbalisateurs d'apprécier, le cas échant, dans un contexte donné, si l'infraction d'absence de port du masque est constituée. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté serait manifestement illégal pour n'avoir pas prévu de dérogations destinées à tenir compte des situations rappelées ci-dessus.
19. En dernier lieu, Mme A... se borne à faire état d'une atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie sans en justifier.
20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est fondée ni à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée qui est suffisamment motivée contrairement à ce qui est soutenu, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande, ni à demander en appel que soient prononcées des dérogations particulières. Il y a lieu par suite de rejeter sa requête selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris les conclusions présentées par son avocat au titre des frais de procédure.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B... A... et au ministre des solidarités et de la santé.