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Ariane Web: Conseil d'État 440148, lecture du 28 avril 2020, ECLI:FR:CEORD:2020:440148.20200428

Décision n° 440148
28 avril 2020
Conseil d'État

N° 440148
ECLI:FR:CEORD:2020:440148.20200428
Inédit au recueil Lebon



Lecture du mardi 28 avril 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 17 avril 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) à titre principal, d'ordonner la suspension de l'exécution du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire dans sa rédaction issue du décret n° 2020-423 du 14 avril 2020 ;

2°) à titre subsidiaire, de pouvoir bénéficier de la possibilité de rendre visite à un proche de façon occasionnelle, soit à son domicile, soit à l'extérieur.


Il soutient que :
- si le décret attaqué est justifié par la protection du droit à la vie, il n'en porte pas moins une atteinte forte à plusieurs libertés fondamentales notamment la liberté de circulation ;
- il méconnaît le principe de proportionnalité en ce que, d'une part, il n'est pas démontré que le confinement total, tel que décidé par le gouvernement, soit plus efficace qu'un confinement partiel, tel que mis en oeuvre par plusieurs Etats européens, d'autre part, si au début de l'épidémie on pouvait craindre que notre système de santé soit débordé, on dispose actuellement d'une vision plus précise de sa résilience et, enfin, il est aujourd'hui clairement établi que les groupes de la population ne sont pas également exposés au même risque dès lors que, d'un point de vue statistique, les personnes jeunes sans condition chronique présentent un risque très faible de devoir être admis en réanimation.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;
- le décret n° 2020-423 du 14 avril 2020 ;
- le code de justice administrative ;



Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. La circonstance qu'une atteinte à une liberté fondamentale, portée par une mesure administrative, serait avérée n'est pas de nature à caractériser l'existence d'une situation d'urgence justifiant l'intervention du juge des référés dans le très bref délai prévu par les dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Il appartient au juge des référés d'apprécier, au vu des éléments que lui soumet le requérant comme de l'ensemble des circonstances de l'espèce, si la condition d'urgence particulière requise par l'article L. 521-2 est satisfaite, en prenant en compte la situation du requérant et les intérêts qu'il entend défendre mais aussi l'intérêt public qui s'attache à l'exécution des mesures prises par l'administration.

3. M. B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, qui interdit dans sa version initiale jusqu'au 31 mars 2020 le déplacement de toute personne hors de son domicile, sous réserve d'exceptions limitatives, tenant à diverses nécessités, ainsi que tout regroupement avec la possibilité, pour le représentant de l'Etat dans le département d'adopter des mesures plus strictes si des circonstances locales l'exigent. Les effets de ce décret ont été prolongés jusqu'au 11 mai 2020 par un décret n° 2020-423 du 14 avril 2020.

4. Pour justifier de l'urgence à ordonner la suspension demandée, M. B..., qui ne conteste pas la nécessité d'édicter des mesures pour garantir le droit au respect de la vie, se borne à soutenir que le décret attaqué porte atteinte à plusieurs libertés fondamentales, notamment la liberté de circulation.
5. Eu égard, d'une part, aux circonstances exceptionnelles qui ont conduit le législateur à déclarer l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois et aux vues desquelles les dispositions contestées ont été prises, et d'autre part, à l'intérêt public qui s'attache à l'exécution des mesures dites de confinement jusqu'au 11 mai 2020, dans le contexte actuel de saturation des structures hospitalières, la condition d'urgence particulière requise par l'article L. 521-2 du code de justice administrative ne saurait être regardée comme remplie.

6. Par suite, il y a lieu de rejeter la requête de M. B..., selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du même code.



O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B....