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Ariane Web: Conseil d'État 418260, lecture du 2 décembre 2019, ECLI:FR:CECHR:2019:418260.20191202

Décision n° 418260
2 décembre 2019
Conseil d'État

N° 418260
ECLI:FR:CECHR:2019:418260.20191202
Mentionné aux tables du recueil Lebon
4ème - 1ère chambres réunies
Mme Françoise Tomé, rapporteur
M. Frédéric Dieu, rapporteur public
SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE ; SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET, avocats


Lecture du lundi 2 décembre 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du l6 juin 2015 par laquelle le conseil départemental de la ville de Paris de l'ordre des médecins a refusé de valider le contrat de remplacement qu'elle avait conclu avec Mme D... C... pour la période du 1er juin au 31 décembre 2015, ainsi que la décision du 24 septembre 2015 par laquelle le Conseil national de l'ordre des médecins a rejeté son recours contre cette décision. Par un jugement n° 1520024 du 17 janvier 2017, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17PA00912 du 21 décembre 2017, la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, annulé ce jugement en tant qu'il rejette les conclusions de Mme A... dirigées contre la décision du Conseil national de l'ordre des médecins du 24 septembre 2015, ainsi que cette décision, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de l'appel formé par Mme A... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 février et 16 mai 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Conseil national de l'ordre des médecins demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 de cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Françoise Tomé, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins et à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de Mme B... A... ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A..., médecin généraliste, a transmis au conseil départemental de la ville de Paris de l'ordre des médecins le contrat de remplacement pour la période du 1er juin au 31 décembre 2015 qu'elle avait conclu le 11 mai 2015 avec Mme D... C..., étudiante en médecine. Par une décision du 24 septembre 2015, le Conseil national de l'ordre des médecins a rejeté le recours formé par Mme A... contre la décision du 16 juin 2015 par laquelle le conseil départemental de la ville de Paris a refusé de " valider " ce remplacement, au motif que ce contrat de remplacement " ne peut être autorisé ". Par un jugement du 17 janvier 2017, le tribunal administratif de Paris a estimé que les conclusions de Mme A... dirigées contre la décision du conseil départemental, à laquelle s'était substituée la décision du Conseil national, étaient irrecevables et a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de cette dernière décision, de même que ses autres conclusions, qu'il a jugé non fondées. Le Conseil national de l'ordre des médecins se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 21 décembre 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement attaqué devant elle en tant qu'il est relatif à la décision du 24 septembre 2015, ainsi que cette décision.

Sur le cadre juridique :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 4113-9 du code de la santé publique : " Les médecins (...) doivent communiquer au conseil départemental de l'ordre dont ils relèvent les contrats et avenants ayant pour objet l'exercice de leur profession (.... ) " ; aux termes de l'article L. 4113-10 du même code : " le défaut de communication des contrats ou avenants (...) constitue une faute disciplinaire susceptible d'entraîner une des sanctions prévues à l'article L. 4124-6 ou de motiver un refus d'inscription au tableau de l'ordre ". Par ailleurs, l'article R. 4127-65 du même code dispose que : " Un médecin ne peut se faire remplacer dans son exercice que temporairement et par un confrère inscrit au tableau de l'ordre ou par un étudiant remplissant les conditions prévues par l'article L. 4131-2. / Le médecin qui se fait remplacer doit en informer préalablement, sauf urgence, le conseil de l'ordre dont il relève en indiquant les nom et qualité du remplaçant ainsi que les dates et la durée du remplacement. / Le remplacement est personnel (...)".

3. En deuxième lieu, les conditions dans lesquelles les personnes qui ne sont pas inscrites au tableau de l'ordre des médecins peuvent exercer la médecine sont fixées par l'article L. 4131-2 du code de la santé publique, qui, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que : " Peuvent être autorisées à exercer la médecine, soit à titre de remplaçant d'un médecin, soit comme adjoint d'un médecin en cas d'afflux exceptionnel de population, constaté par un arrêté du représentant de l'Etat dans le département, les personnes remplissant les conditions suivantes : / 1° Avoir suivi et validé la totalité du deuxième cycle des études médicales en France ou titulaires d'un titre sanctionnant une formation médicale de base équivalente, délivré par un Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ; / 2° Avoir validé au titre du troisième cycle des études médicales en France un nombre de semestres déterminé, en fonction de la spécialité suivie, par le décret mentionné au dernier alinéa ; /Ces autorisations sont délivrées pour une durée limitée par le conseil départemental de l'ordre des médecins qui en informe les services de l'Etat (...) ".

4. Il résulte des dispositions citées au point 2 que, lorsque le contrat de remplacement d'un médecin est transmis au conseil départemental de l'ordre, il appartient à ce dernier de donner un avis sur sa compatibilité avec les règles applicables à la profession, non d'autoriser le remplacement ; il en va ainsi, alors même que le contrat de remplacement a été conclu avec un étudiant en médecine qui, en vertu des dispositions citées au point 3, doit bénéficier d'une autorisation délivrée par le conseil départemental, auquel il incombe de s'assurer que les conditions posées par la loi sont remplies.

Sur le pourvoi :

5. En premier lieu, Mme A... se prévalait dans sa requête d'appel des dispositions de l'article R. 4127-65 du code de la santé publique et soutenait que les instances ordinales ne disposent d'aucun pouvoir d'approbation des contrats ou projets de contrats conclus par les médecins. Par suite, le moyen tiré de ce que la cour aurait méconnu l'article R. 611-7 du code de justice administrative en soulevant d'office, sans en informer les parties, le moyen tiré de ce que le remplacement d'un médecin n'a pas à être autorisé ne peut qu'être écarté.

6. En second lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour juger illégale la décision du Conseil national de l'ordre des médecins litigieuse, la cour administrative d'appel de Paris a relevé que le Conseil avait refusé d'autoriser le remplacement qui avait donné lieu au contrat qui lui avait été transmis. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que la cour, dont l'arrêt est suffisamment motivé et n'est entaché d'aucune dénaturation, n'a commis aucune erreur de droit.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le Conseil national de l'ordre des médecins n'est pas fondé à demander l'annulation des articles 1er et 2 de l'arrêt qu'il attaque. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, par suite, obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de Mme A... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins la somme de 3 000 euros à verser à Mme A... au titre des mêmes dispositions.



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du Conseil national de l'ordre des médecins est rejeté.
Article 2 : Le Conseil national de l'ordre des médecins versera à Mme A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au Conseil national de l'ordre des médecins et à Mme B... A....


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