Conseil d'État
N° 422790
ECLI:FR:Code Inconnu:2019:422790.20191122
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème - 6ème chambres réunies
Mme Louise Cadin, rapporteur
M. Nicolas Polge, rapporteur public
SCP SPINOSI, SUREAU, avocats
Lecture du vendredi 22 novembre 2019
Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 31 juillet et 26 octobre 2018 et le 1er avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société RT France demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 28 juin 2018 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) l'a mise en demeure de respecter à l'avenir les stipulations des articles 2-3-1 et 2-3-6 de la convention du 2 septembre 2015 du service de télévision " RT France ", à la suite de la diffusion d'un reportage au cours du journal télévisé de 11 heures du 13 avril 2018 ;
2°) de mettre à la charge du CSA la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme B... A..., auditrice
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la société RT France.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 novembre 2019, présentée par la société RT France ;
Considérant ce qui suit :
1. En vertu des dispositions de l'article 33-1 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, les services de radio et de télévision ne peuvent être diffusés par les réseaux n'utilisant pas des fréquences assignées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) qu'après qu'a été conclue avec ce dernier une convention définissant les obligations particulières de ces services. En application de ces dispositions, la société RT France, éditrice du service de télévision du même nom, a conclu le 2 septembre 2015 avec le CSA une convention, dont l'article 4-2-1 stipule que le CSA peut mettre l'éditeur en demeure de respecter les obligations qui lui sont imposées.
2. La société RT France demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 28 juin 2018 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel l'a mise en demeure de respecter à l'avenir les stipulations des articles 2-3-1 et 2-3-6 de la convention du 2 septembre 2015, à la suite de la diffusion, lors du journal télévisé de 11 heures du 13 avril 2018, d'une séquence relative à la situation de la région de Douma en Syrie
Sur la légalité externe :
3. Si le dernier alinéa de l'article 4 de la loi du 30 septembre 1986 dispose que " le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne peut délibérer que si quatre au moins de ses membres sont présents (...) ", il ressort des pièces du dossier que le Conseil supérieur de l'audiovisuel n'a pas, ainsi que le soutient la requérante, adopté la décision attaquée en méconnaissance de cette règle de quorum.
Sur la légalité interne :
4. Aux termes du troisième aliéna de l'article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 : " Le Conseil supérieur de l'audiovisuel garantit l'honnêteté, l'indépendance et le pluralisme de l'information et des programmes qui y concourent ".
En ce qui concerne les manquements aux obligations prévues par l'article 2-3-6 de la convention
5. Aux termes de l'article 2-3-6, de la convention conclue le 2 septembre 2015 par la société RT France avec le CSA, dans sa version alors applicable : " L'exigence d'honnêteté s'applique à l'ensemble des programmes. / L'éditeur (...) vérifie le bien-fondé et les sources de chaque information. Dans la mesure du possible, celle-ci doit être indiquée. L'information incertaine est présentée au conditionnel. / Il fait preuve de rigueur dans la présentation et le traitement de l'information. / Il veille à l'adéquation entre le contexte dans lequel des images ont été recueillies et le sujet qu'elles illustrent. Toute utilisation d'images d'archives est annoncée par une incrustation à l'écran, éventuellement répétée. Si nécessaire, mention est faite de l'origine des images. / Les images produites pour une reconstitution ou une scénarisation de faits réels, ou supposés tels, doivent être présentées comme telles aux téléspectateurs. / Sous réserve de la caricature ou du pastiche, lorsqu'il est procédé à un montage d'images ou de sons, celui-ci ne peut déformer le sens initial des images ou des propos recueillis, ni abuser le téléspectateur. / Dans les émissions d'information, l'éditeur s'interdit de recourir à des procédés technologiques permettant de modifier le sens ou le contenu des images. Dans les autres émissions, le public doit être averti de l'usage de ces procédés lorsque leur utilisation peut prêter à confusion. / (...) Le recours aux procédés de " micro-trottoir " ou de vote de téléspectateurs, qui ne peut être qualifié de sondage, ne doit pas être présenté comme représentatif de l'opinion générale ou d'un groupe en particulier, ni abuser le téléspectateur sur la compétence ou l'autorité des personnes sollicitées ".
6. Pour prononcer la mise en demeure attaquée, le CSA a, en premier lieu, retenu que la diffusion par RT France, au cours du programme litigieux, d'extraits d'interviews de personnes s'exprimant en arabe syrien et évoquant, dans cette langue, la situation de famine qui sévissait dans la région de Douma, avait été accompagnée d'une traduction simultanée dénuée de lien avec ces propos et mentionnant une simulation d'attaque à l'arme chimique. Il a toutefois précisé qu'il ressortait des pièces qui lui avaient été transmises que les propos sur une simulation d'attaque à l'arme chimique avaient été tenus dans un autre extrait, non diffusé à l'antenne.
7. Le CSA a, en second lieu, retenu que la traduction en français, au cours du même programme, de certains propos des personnes interviewées, qui s'exprimaient en arabe syrien, avait substitué au pronom " ils " employé par ces personnes, les mots " Jaych al Islam ", ce qui avait pour effet d'attribuer à ce groupe armé des simulations d'attaques à l'arme chimique, alors qu'une telle attribution ne ressortait pas des propos tenus dans leur langue par les personnes interviewées.
8. En estimant que les pratiques mentionnées aux points 6 et 7 ci-dessus, dont la description n'est entachée d'aucune inexactitude matérielle, constituaient des manquements aux exigences de rigueur ainsi que, pour la seconde, d'honnêteté dans la présentation et le traitement de l'information, le CSA a fait une exacte application des stipulations, citées au point 5, de l'article 2-3-6 de la convention du 2 septembre 2015.
En ce qui concerne les manquements aux obligations prévues par l'article 2-3-1 de la convention :
9. Aux termes de l'article 2-3-1 de la même convention du 2 septembre 2015 : " L'éditeur assure le pluralisme de l'expression des courants de pensée et d'opinion (...). Les journalistes, présentateurs, animateurs et collaborateurs d'antenne veillent à respecter une présentation honnête des questions prêtant à controverse et à assurer l'expression des différents points de vue (...) ". Si ces stipulations ne font pas obstacle à la définition par l'éditeur du service conventionné d'une ligne éditoriale, elles lui imposent cependant de n'aborder les questions prêtant à controverse qu'en veillant à une distinction entre la présentation des faits et leur commentaire et à l'expression de points de vue différents.
10. Il ressort des pièces du dossier que la séquence litigieuse, d'une durée d'environ dix-huit minutes, a été diffusée pendant un journal télévisé principalement consacré à la situation en Syrie à la suite d'attaques utilisant des armes chimiques perpétrées, le 7 avril 2018, contre la population civile de la ville de Douma. Après une présentation des réactions internationales, cette séquence comprenait notamment la diffusion des deux interviews mentionnées aux points 5 et 6, accompagnées de bandeaux comme " certains locaux auraient été forcés de simuler des attaques chimiques " ou " attaques simulées ", d'un " micro-trottoir " recueillant les avis de passants parisiens sur l'opportunité d'opérations aériennes occidentales en Syrie et de l'intervention en plateau d'une personne, présentée comme " conseiller en stratégie internationale ".
11. Pour prononcer la mise en demeure attaquée, le CSA a relevé qu'une telle séquence était empreinte d'un déséquilibre marqué dans l'analyse du sujet et d'un traitement univoque de la question des armes chimiques, alors que la sensibilité et le caractère controversé du sujet imposaient que, conformément aux obligations prévues par l'article 2-3-1 de la convention, différents points de vue soient exposés. En estimant que la société RT France avait manqué à ces obligations, le CSA a fait une exacte application des stipulations de cet article. Il ressort en effet des pièces du dossier que la séquence litigieuse donnait à penser, du fait d'une confusion entre la présentation des faits et leur commentaire et du choix de bandeaux comme " attaques simulées ", que le caractère fictif des attaques chimiques intervenues dans la ville de Douma le 7 avril 2018 constituait un fait établi, alors qu'il s'agissait d'un fait incertain et controversé, qui justifiait d'ailleurs que soit envisagé l'envoi d'une mission de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimique. En outre, il ressort également des pièces du dossier que la seule intervention en plateau d'un " conseiller en stratégie internationale " affirmant que l'armée syrienne ne faisait pas usage d'armes chimiques, que les djihadistes disposaient de laboratoires de fabrication de telles armes et que l'opinion publique des pays occidentaux était manipulée, sans qu'aucun autre élément du programme ne vienne contrebalancer ses propos, a conduit à une présentation univoque d'une question prêtant pourtant à controverse.
En ce qui concerne le moyen tiré du respect de la liberté d'expression :
12. Eu égard tant à sa portée qu'aux manquements analysés ci-dessus, la décision attaquée ne peut être regardée comme portant une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression protégée par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et par l'article 10, paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
13. Il résulte de ce qui précède que la société RT France n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle attaque. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par suite, être également rejetées.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de la société RT France est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société RT France ainsi qu'au Conseil supérieur de l'audiovisuel.
Copie en sera adressée au ministre de la culture.
N° 422790
ECLI:FR:Code Inconnu:2019:422790.20191122
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème - 6ème chambres réunies
Mme Louise Cadin, rapporteur
M. Nicolas Polge, rapporteur public
SCP SPINOSI, SUREAU, avocats
Lecture du vendredi 22 novembre 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 31 juillet et 26 octobre 2018 et le 1er avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société RT France demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 28 juin 2018 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) l'a mise en demeure de respecter à l'avenir les stipulations des articles 2-3-1 et 2-3-6 de la convention du 2 septembre 2015 du service de télévision " RT France ", à la suite de la diffusion d'un reportage au cours du journal télévisé de 11 heures du 13 avril 2018 ;
2°) de mettre à la charge du CSA la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme B... A..., auditrice
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la société RT France.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 novembre 2019, présentée par la société RT France ;
Considérant ce qui suit :
1. En vertu des dispositions de l'article 33-1 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, les services de radio et de télévision ne peuvent être diffusés par les réseaux n'utilisant pas des fréquences assignées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) qu'après qu'a été conclue avec ce dernier une convention définissant les obligations particulières de ces services. En application de ces dispositions, la société RT France, éditrice du service de télévision du même nom, a conclu le 2 septembre 2015 avec le CSA une convention, dont l'article 4-2-1 stipule que le CSA peut mettre l'éditeur en demeure de respecter les obligations qui lui sont imposées.
2. La société RT France demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 28 juin 2018 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel l'a mise en demeure de respecter à l'avenir les stipulations des articles 2-3-1 et 2-3-6 de la convention du 2 septembre 2015, à la suite de la diffusion, lors du journal télévisé de 11 heures du 13 avril 2018, d'une séquence relative à la situation de la région de Douma en Syrie
Sur la légalité externe :
3. Si le dernier alinéa de l'article 4 de la loi du 30 septembre 1986 dispose que " le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne peut délibérer que si quatre au moins de ses membres sont présents (...) ", il ressort des pièces du dossier que le Conseil supérieur de l'audiovisuel n'a pas, ainsi que le soutient la requérante, adopté la décision attaquée en méconnaissance de cette règle de quorum.
Sur la légalité interne :
4. Aux termes du troisième aliéna de l'article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 : " Le Conseil supérieur de l'audiovisuel garantit l'honnêteté, l'indépendance et le pluralisme de l'information et des programmes qui y concourent ".
En ce qui concerne les manquements aux obligations prévues par l'article 2-3-6 de la convention
5. Aux termes de l'article 2-3-6, de la convention conclue le 2 septembre 2015 par la société RT France avec le CSA, dans sa version alors applicable : " L'exigence d'honnêteté s'applique à l'ensemble des programmes. / L'éditeur (...) vérifie le bien-fondé et les sources de chaque information. Dans la mesure du possible, celle-ci doit être indiquée. L'information incertaine est présentée au conditionnel. / Il fait preuve de rigueur dans la présentation et le traitement de l'information. / Il veille à l'adéquation entre le contexte dans lequel des images ont été recueillies et le sujet qu'elles illustrent. Toute utilisation d'images d'archives est annoncée par une incrustation à l'écran, éventuellement répétée. Si nécessaire, mention est faite de l'origine des images. / Les images produites pour une reconstitution ou une scénarisation de faits réels, ou supposés tels, doivent être présentées comme telles aux téléspectateurs. / Sous réserve de la caricature ou du pastiche, lorsqu'il est procédé à un montage d'images ou de sons, celui-ci ne peut déformer le sens initial des images ou des propos recueillis, ni abuser le téléspectateur. / Dans les émissions d'information, l'éditeur s'interdit de recourir à des procédés technologiques permettant de modifier le sens ou le contenu des images. Dans les autres émissions, le public doit être averti de l'usage de ces procédés lorsque leur utilisation peut prêter à confusion. / (...) Le recours aux procédés de " micro-trottoir " ou de vote de téléspectateurs, qui ne peut être qualifié de sondage, ne doit pas être présenté comme représentatif de l'opinion générale ou d'un groupe en particulier, ni abuser le téléspectateur sur la compétence ou l'autorité des personnes sollicitées ".
6. Pour prononcer la mise en demeure attaquée, le CSA a, en premier lieu, retenu que la diffusion par RT France, au cours du programme litigieux, d'extraits d'interviews de personnes s'exprimant en arabe syrien et évoquant, dans cette langue, la situation de famine qui sévissait dans la région de Douma, avait été accompagnée d'une traduction simultanée dénuée de lien avec ces propos et mentionnant une simulation d'attaque à l'arme chimique. Il a toutefois précisé qu'il ressortait des pièces qui lui avaient été transmises que les propos sur une simulation d'attaque à l'arme chimique avaient été tenus dans un autre extrait, non diffusé à l'antenne.
7. Le CSA a, en second lieu, retenu que la traduction en français, au cours du même programme, de certains propos des personnes interviewées, qui s'exprimaient en arabe syrien, avait substitué au pronom " ils " employé par ces personnes, les mots " Jaych al Islam ", ce qui avait pour effet d'attribuer à ce groupe armé des simulations d'attaques à l'arme chimique, alors qu'une telle attribution ne ressortait pas des propos tenus dans leur langue par les personnes interviewées.
8. En estimant que les pratiques mentionnées aux points 6 et 7 ci-dessus, dont la description n'est entachée d'aucune inexactitude matérielle, constituaient des manquements aux exigences de rigueur ainsi que, pour la seconde, d'honnêteté dans la présentation et le traitement de l'information, le CSA a fait une exacte application des stipulations, citées au point 5, de l'article 2-3-6 de la convention du 2 septembre 2015.
En ce qui concerne les manquements aux obligations prévues par l'article 2-3-1 de la convention :
9. Aux termes de l'article 2-3-1 de la même convention du 2 septembre 2015 : " L'éditeur assure le pluralisme de l'expression des courants de pensée et d'opinion (...). Les journalistes, présentateurs, animateurs et collaborateurs d'antenne veillent à respecter une présentation honnête des questions prêtant à controverse et à assurer l'expression des différents points de vue (...) ". Si ces stipulations ne font pas obstacle à la définition par l'éditeur du service conventionné d'une ligne éditoriale, elles lui imposent cependant de n'aborder les questions prêtant à controverse qu'en veillant à une distinction entre la présentation des faits et leur commentaire et à l'expression de points de vue différents.
10. Il ressort des pièces du dossier que la séquence litigieuse, d'une durée d'environ dix-huit minutes, a été diffusée pendant un journal télévisé principalement consacré à la situation en Syrie à la suite d'attaques utilisant des armes chimiques perpétrées, le 7 avril 2018, contre la population civile de la ville de Douma. Après une présentation des réactions internationales, cette séquence comprenait notamment la diffusion des deux interviews mentionnées aux points 5 et 6, accompagnées de bandeaux comme " certains locaux auraient été forcés de simuler des attaques chimiques " ou " attaques simulées ", d'un " micro-trottoir " recueillant les avis de passants parisiens sur l'opportunité d'opérations aériennes occidentales en Syrie et de l'intervention en plateau d'une personne, présentée comme " conseiller en stratégie internationale ".
11. Pour prononcer la mise en demeure attaquée, le CSA a relevé qu'une telle séquence était empreinte d'un déséquilibre marqué dans l'analyse du sujet et d'un traitement univoque de la question des armes chimiques, alors que la sensibilité et le caractère controversé du sujet imposaient que, conformément aux obligations prévues par l'article 2-3-1 de la convention, différents points de vue soient exposés. En estimant que la société RT France avait manqué à ces obligations, le CSA a fait une exacte application des stipulations de cet article. Il ressort en effet des pièces du dossier que la séquence litigieuse donnait à penser, du fait d'une confusion entre la présentation des faits et leur commentaire et du choix de bandeaux comme " attaques simulées ", que le caractère fictif des attaques chimiques intervenues dans la ville de Douma le 7 avril 2018 constituait un fait établi, alors qu'il s'agissait d'un fait incertain et controversé, qui justifiait d'ailleurs que soit envisagé l'envoi d'une mission de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimique. En outre, il ressort également des pièces du dossier que la seule intervention en plateau d'un " conseiller en stratégie internationale " affirmant que l'armée syrienne ne faisait pas usage d'armes chimiques, que les djihadistes disposaient de laboratoires de fabrication de telles armes et que l'opinion publique des pays occidentaux était manipulée, sans qu'aucun autre élément du programme ne vienne contrebalancer ses propos, a conduit à une présentation univoque d'une question prêtant pourtant à controverse.
En ce qui concerne le moyen tiré du respect de la liberté d'expression :
12. Eu égard tant à sa portée qu'aux manquements analysés ci-dessus, la décision attaquée ne peut être regardée comme portant une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression protégée par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et par l'article 10, paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
13. Il résulte de ce qui précède que la société RT France n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle attaque. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par suite, être également rejetées.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de la société RT France est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société RT France ainsi qu'au Conseil supérieur de l'audiovisuel.
Copie en sera adressée au ministre de la culture.