Conseil d'État
N° 412177
ECLI:FR:CECHR:2018:412177.20181126
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère et 4ème chambres réunies
M. Jean-Luc Nevache, rapporteur
M. Charles Touboul, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats
Lecture du lundi 26 novembre 2018
Vu la procédure suivante :
1° Sous le n° 412177, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 5 juillet et 20 septembre 2017 et les 26 avril, 10 septembre et 5 octobre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires (CRPCEN) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2017-887 du 9 mai 2017 relatif à l'organisation financière de certains régimes de sécurité sociale ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 412241, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 juillet et 5 octobre 2017 et le 12 septembre 2018, la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse de professionnels libéraux (CIPAV) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret n° 2017-887 du 9 mai 2017 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
3° Sous le n° 412254, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 juillet et 9 octobre 2017, les sociétés Ycap Asset Management, Quaero Capital, Trecento Asset Management, Vestathena et Raymond James Asset Management International demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret n° 2017-887 du 9 mai 2017 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
4° Sous le n° 412264, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 juillet et 24 août 2017 et les 5 mars et 9 octobre 2018, la caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes (CARPIMKO) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret n° 2017-887 du 9 mai 2017 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
5° Sous le n° 412266, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 juillet et 24 août 2017 et les 5 mars et 9 octobre 2018, la caisse nationale des barreaux de France (CNBF) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret n° 2017-887 du 9 mai 2017 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
6° Sous le n° 412278, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 10 juillet et 10 octobre 2017 et le 29 octobre 2018, le syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) France ALPA demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret n° 2017-887 du 9 mai 2017 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
7° Sous le n° 412295, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 10 juillet et 10 octobre 2017 et les 12 septembre et 26 octobre 2018, la caisse d'assurance vieillesse des experts-comptables et commissaires aux comptes (CAVEC) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret n° 2017-887 du 9 mai 2017 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
8° Sous le n° 412325, par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés le 10 juillet 2017 et les 27 août et 12 septembre 2018, la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL), la caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF), la caisse d'assurance vieillesse des pharmaciens (CAVP), la caisse autonome de retraite et de prévoyance des vétérinaires (CARPV), la caisse de retraite des notaires (CRN), la caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes (CARCDSF), la caisse d'allocations vieillesses des agents généraux et des mandataires non salariés de l'assurance et de la capitalisation (CAVAMAC) et la caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile (CRPN) demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret n° 2017-887 du 9 mai 2017 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 ;
- le code de l'aviation civile ;
- le code monétaire et financier ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code des transports ;
- la loi du 12 juillet 1937 instituant une caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaire ;
- le décret n° 90-1215 du 20 décembre 1990 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse de professionnels libéraux, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la société Ycap Asset Management, de la société Quaero Capital, de la société Trecento Asset Management, de la société Vestathena et de la société Raymond James Asset Management International, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la Caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs-kinesitherapeutes pédicures-podologues, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la Caisse nationale des barreaux de France, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du Syndicat national des pilotes de ligne France Alpa, à Me Le Prado, avocat de la Caisse d'assurance vieillesse des experts-comptables et commissaires aux comptes et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales, de la Caisse autonome de retraite des médecins de France, de la Caisse d'assurance vieillesse des pharmaciens, de la Caisse autonome de retraite et de prévoyance des vétérinaires, de la Caisse de retraite des notaires, de la Caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes et des sage-femmes, de la Société Cavamac et de la Caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civil.
Considérant ce qui suit :
1. Le décret du 9 mai 2017 relatif à l'organisation financière de certains régimes de sécurité sociale modifie les dispositions réglementaires du livre VI du code de la sécurité sociale relatives à la gestion financière de différents régimes, portant notamment sur la gestion de leurs placements, qui étaient jusque là principalement issues d'un décret du 25 octobre 2002. Il s'applique à la caisse nationale du régime social des indépendants, pour les régimes de retraite de base, de retraite complémentaire et d'invalidité, à la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) et à ses sections professionnelles, pour les régimes de retraite de base, de retraite complémentaire et d'invalidité, à l'institution de retraite complémentaire de l'enseignement et de la création (IRCEC), pour les régimes de retraite complémentaire des artistes et auteurs, à la caisse nationale des barreaux français (CNBF), pour les régimes de retraite de base, de retraite complémentaire et d'invalidité, à la caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), pour le régime de retraite complémentaire des non-salariés agricoles, à la caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile (CRPN), pour le régime de retraite complémentaire, et à la Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires (CRPCEN), pour le régime spécial de retraite qu'elle gère. Il comporte des dispositions relatives à la gouvernance de ces organismes en matière de gestion financière, au pilotage financier des régimes considérés, à leur politique de placement et de gestion des risques, au contrôle interne en matière de placements, à la prévention des conflits d'intérêts, aux actifs et opérations admissibles et au suivi des placements.
2. Par huit requêtes qu'il y a lieu de joindre, la caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires, la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse de professionnels libéraux, les sociétés Ycap Asset Management, Quaero Capital, Trecento Asset Management, Vestathena et Raymond James Asset Management International, la caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes, la caisse nationale des barreaux de France, le syndicat national des pilotes de ligne France ALPA, la caisse d'assurance vieillesse des experts-comptables et commissaires aux comptes ainsi que la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales, la caisse autonome de retraite des médecins de France, la caisse d'assurance vieillesse des pharmaciens, la caisse autonome de retraite et de prévoyance des vétérinaires, la caisse de retraite des notaires, la caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes, la caisse d'allocations vieillesse des agents généraux et des mandataires non salariés de l'assurance et de la capitalisation et la caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile demandent l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret.
Sur l'intervention :
3. M.B..., qui contribue au régime spécial de retraite des clercs et employés de notaires, justifie d'un intérêt suffisant au maintien du décret attaqué. Ainsi, son intervention est recevable.
Sur la légalité externe du décret attaqué :
En ce qui concerne l'initiative des dispositions adoptées :
4. Aux termes de l'article L. 644-1 du code de la sécurité sociale : " A la demande du conseil d'administration de la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales et après consultation par référendum des assujettis au régime de base, des décrets peuvent instituer un régime d'assurance vieillesse complémentaire fonctionnant à titre obligatoire dans le cadre soit de l'ensemble du groupe professionnel, soit d'une activité professionnelle particulière (...) ". Il résulte de ces dispositions que la procédure qu'elles prévoient est applicable aux décrets instituant un régime complémentaire obligatoire d'assurance vieillesse ainsi qu'aux décrets qui en modifient les règles constitutives. En revanche, elle n'est pas applicable à un décret qui, comme le décret attaqué, modifie seulement les règles applicables à la gestion financière d'un tel régime. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le décret attaqué aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière, en tant qu'il concerne les régimes complémentaires de retraite créés en application de cet article, faute de demande du conseil d'administration de la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales et de consultation des assujettis par référendum.
En ce qui concerne les consultations :
5. En premier lieu, il ressort des pièces produites par le ministre des solidarités et de la santé que le décret attaqué, pris après consultation de la section des finances du Conseil d'Etat, qui s'est prononcée dans sa séance du 2 mai 2017, ne contient aucune disposition différant à la fois de celles qui figuraient dans le projet soumis par le Gouvernement au Conseil d'Etat et de celles qui ont été adoptées par ce dernier. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les règles qui gouvernent l'examen par le Conseil d'Etat des projets de décret ont été méconnues.
6. En deuxième lieu, d'une part, si le III de l'article 14 du décret du 20 décembre 1990 portant application de la loi du 12 juillet 1937 instituant une caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires prévoit que : " Le conseil d'administration rend un avis motivé sur les projets de loi et de décrets dont il est saisi, relatifs aux domaines d'intervention de la caisse. / Il peut être saisi par les ministres de tutelle ou par le directeur de toute question relative aux domaines d'intervention de la caisse ", cette disposition ne faisait pas obligation aux ministres de soumettre le décret attaqué pour avis, avant son adoption, au conseil d'administration de la caisse. D'autre part, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe n'exigeaient que la caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile ni l'institution de retraite complémentaire de l'enseignement et de la création soient consultées sur le projet de décret attaqué. Par suite, le moyen tiré du défaut de consultation de ces organismes doit être écarté.
7. En dernier lieu, l'organisme dont une disposition législative ou réglementaire prévoit la consultation avant l'intervention d'une décision doit être mis à même d'exprimer son avis sur l'ensemble des questions soulevées par cette décision. La seule circonstance que le décret adopté n'était pas identique, en toutes ses dispositions, au projet soumis pour avis au conseil d'administration de la caisse centrale de mutualité sociale agricole, au conseil d'administration de la caisse nationale du régime social des indépendants et au conseil d'administration de la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales ne faisait pas obligation au ministre des affaires sociales et de la santé de les consulter à nouveau.
En ce qui concerne la compétence du pouvoir réglementaire :
8. En premier lieu, l'autonomie financière des organismes chargés de la gestion des régimes de sécurité sociale, dotés de la personnalité morale et administrés par des représentants des bénéficiaires de ces régimes et, le cas échéant, de leurs employeurs, constitue un des principes fondamentaux de la sécurité sociale qui relève, aux termes de l'article 34 de la Constitution, de la compétence du législateur. Toutefois, ce principe doit être apprécié dans le cadre des limitations de portée générale qui y ont été apportées pour permettre certaines interventions jugées nécessaires de la puissance publique en raison du caractère des activités assumées par ces organismes. En particulier, il résulte de l'ensemble des textes législatifs régissant les régimes de sécurité sociale, notamment de l'article L. 611-4 du code de la sécurité sociale pour la caisse nationale du régime social des indépendants, de l'article L. 152-1 du même code pour la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales et ses sections professionnelles, la caisse centrale de la mutualité sociale agricole, l'institution de retraite complémentaire de l'enseignement et de la création et la caisse nationale des barreaux français, de l'article L. 6527-2 du code des transports pour la caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile et de l'article 5 de la loi du 12 juillet 1937 instituant une caisse de retraite et d'assistance des clercs de notaires pour cette caisse, qu'il appartient à l'autorité administrative d'exercer certains pouvoirs de tutelle sur la gestion des organismes, dans l'intérêt des personnes qui y sont affiliées. A ce titre, au surplus, l'article L. 635-1 du code de la sécurité sociale prévoit, pour le régime de retraite complémentaire géré par la caisse nationale du régime social des indépendants, dans sa rédaction applicable à la date du décret attaqué, qu'"(...) Un décret détermine les règles de pilotage du régime, et notamment les conditions dans lesquelles le conseil d'administration de la Caisse nationale du régime social des indépendants formule à échéance régulière, au ministre chargé de la sécurité sociale, des règles d'évolution des paramètres permettant de respecter des critères de solvabilité ". Le deuxième alinéa de l'article L. 732-57 du code rural et de la pêche maritime dispose, pour le régime d'assurance vieillesse complémentaire obligatoire des professions non salariées agricoles, que : " La Caisse centrale de mutualité sociale agricole est chargée du placement des disponibilités du présent régime selon des modalités prévues par décret ". La dernière phrase de l'article L. 6527-8 du code des transports dispose, pour le régime de retraite complémentaire géré par la caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile, que : " Les règles comptables et de gestion des fonds affectés à la couverture des risques applicables à la caisse sont déterminées par décret ". Enfin, l'article 5 de la loi du 12 juillet 1937 prévoit l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat pour régler les conditions d'application de cette loi, " et notamment les modalités de constitution, d'organisation et de gestion financière de la caisse créée, l'organisation de son contrôle (...) ".
9. Il résulte de l'ensemble des dispositions mentionnées au point précédent que le pouvoir réglementaire était compétent pour déterminer les obligations qui pèsent sur les organismes gérant les différents régimes entrant dans le champ d'application du décret attaqué, pour la gestion des placements destinés à contribuer au règlement des prestations de retraite ou d'invalidité dont ils ont la charge. Le pouvoir réglementaire avait notamment compétence pour définir les règles prudentielles applicables à ces placements, pour prévoir l'adoption par le conseil d'administration des caisses de documents relatifs au pilotage du régime et à la politique de placement et de gestion des risques, la formation des membres du conseil d'administration, l'existence d'une fonction de contrôle des risques et de conformité et de procédures de gestion des risques et pour définir des obligations de suivi des placements effectués.
10. S'il est soutenu, par ailleurs, que le décret ne pouvait prévoir que la commission chargée des placements à laquelle le conseil d'administration d'une caisse peut déléguer des attributions en matière de placements comprend une personne qualifiée, il résulte en tout état de cause des dispositions critiquées que cette personne a seulement voix consultative et que le décret ne met pas en cause, par de telles dispositions, le principe de l'administration des caisses de sécurité sociale par des représentants des personnes assujetties aux régimes qu'elles gèrent.
11. Enfin, il résulte des dispositions du décret attaqué relatives aux " fonds mutualisés " qu'il n'a pas créé une nouvelle catégorie d'instruments financiers mais s'est borné à ouvrir aux caisses des possibilités d'investissement plus étendues en cas de souscription à un organisme de placement collectif en valeurs mobilières relevant de la section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code monétaire et financier ou à un fonds d'investissement alternatif relevant de la section 2 du même chapitre lorsque celui-ci compte également parmi ses souscripteurs un autre organisme chargé de la gestion d'un régime de retraite légalement obligatoire et un tiers. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret aurait empiété sur la compétence réservée à la loi par l'article 34 de la Constitution doit être écarté.
12. En second lieu, il résulte des termes mêmes du décret attaqué qu'il a été signé par le Premier ministre, après contreseing des ministres des affaires sociales et de la santé, de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargé des relations internationales sur le climat, de l'économie et des finances, de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement ainsi que du secrétaire d'Etat chargé du budget et des comptes publics, le 9 mai 2017. Si un nouveau Président de la République a été élu le 7 mai 2017, le Premier ministre a présenté la démission du Gouvernement le 10 mai 2017 au Président de la République alors en fonction, qui l'a acceptée par un décret du même jour. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le Gouvernement, à la date du 9 mai, n'aurait pu qu'expédier les affaires courantes et que le décret attaqué aurait ainsi été pris par une autorité incompétente.
Sur la légalité interne du décret attaqué :
En ce qui concerne le champ d'application du décret :
13. En premier lieu, il appartient au Gouvernement de prendre, pour l'ensemble des régimes de retraite de base et complémentaires et des régimes d'invalidité revêtant un caractère obligatoire, les mesures réglementaires relevant de sa compétence qui s'avéreraient nécessaires pour préserver la sécurité des placements destinés à contribuer au règlement des prestations futures. Toutefois, s'agissant d'organismes gérant des régimes légalement obligatoires, dont la diversité résulte au surplus des modalités selon lesquelles s'est progressivement développée l'assurance vieillesse et invalidité en France, et non d'opérateurs intervenant sur un marché concurrentiel, le Premier ministre n'était tenu de définir ces mesures ni simultanément par un même décret, ni de façon identique pour tous les régimes. Par suite, les requérants ne peuvent utilement soutenir que le décret méconnaîtrait le principe d'égalité au motif qu'il ne s'applique pas à l'association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC), à l'association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (ARRCO), à l'établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (ERAFP), à l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC) ou aux régimes spéciaux de retraite de salariés autres que celui que gère la caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires, et ne sont pas fondés à soutenir qu'il serait, de ce seul fait, entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
14. En deuxième lieu, 1'article L. 641-4-1 du code de la sécurité sociale prévoit la conclusion entre 1'Etat et la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales d'un " contrat pluriannuel comportant des engagements réciproques " qui " détermine notamment des objectifs de qualité de gestion communs aux régimes de base et aux régimes complémentaires " et dont la mise en oeuvre " fait l'objet de contrats de gestion conclus entre la caisse nationale et chacune des sections professionnelles ". La circonstance que, pour la mise en oeuvre du contrat pluriannuel, conclu par l'Etat avec la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales, celle-ci avait passé un contrat de gestion avec la caisse d'assurance vieillesse des experts-comptables et commissaires aux comptes (CAVEC), applicable pour la période allant de 2016 à 2019, ne faisait aucunement obstacle à ce que le pouvoir réglementaire édicte des règles de gestion des actifs applicables aux régimes gérés par cette caisse. Dès lors, le moyen tiré de ce que la CAVEC ne pouvait être soumise aux dispositions du décret attaqué au motif qu'elle aurait, comme l'AGIRC et l'ARRCO, signé une convention d'objectifs et de gestion, ne peut qu'être écarté.
15. En dernier lieu, le décret attaqué fixe les règles d'organisation financière et de gestion des placements des différentes caisses de sécurité sociale pour les régimes énumérés à l'article R. 623-2 du code de la sécurité sociale et mentionnés au point 1. Si ces régimes, fonctionnant par répartition et, pour l'un d'eux, à la fois par répartition et par capitalisation, recouvrent des régimes de retraite de base, des régimes de retraite complémentaire et des régimes d'invalidité et assurent une solidarité pour certains entre salariés et pour d'autres entre travailleurs indépendants, ils ont pour caractéristique commune de revêtir un caractère obligatoire et de devoir gérer des actifs destinés à contribuer au financement à terme des prestations à servir à leurs affiliés. Compte tenu de l'objet de la réglementation en cause, qui vise à sécuriser et à assurer la transparence de leurs placements, le décret attaqué n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il inclut dans son champ les différents régimes considérés et, sous réserve de la prise en considération de la diversité de leur situation à la date de l'entrée en vigueur des nouvelles mesures, en ce qu'il leur applique des règles communes, reposant notamment sur des seuils à ne pas dépasser pour la détention de certains actifs.
En ce qui concerne le respect des règles relatives à la composition du conseil d'administration des caisses :
16. Aux termes de l'article L. 6527-3 du code des transports: " La Caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile est administrée par un conseil d'administration qui comprend, en nombre égal, des représentants des employeurs, désignés par l'autorité administrative, et des représentants des bénéficiaires élus selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat ". Le décret attaqué modifie l'article R. 623-3 du code de la sécurité sociale pour prévoir à son deuxième alinéa que le conseil d'administration de chaque organisme gérant l'un des régimes entrant dans son champ d'application " peut déléguer, dans les limites qu'il détermine, ses attributions en matière de gestion des placements à une commission chargée des placements. Cette commission est composée de membres du conseil d'administration. Elle comprend en outre, avec voix consultative, une personne qualifiée, désignée par le conseil d'administration sur une liste de trois personnes établie par les ministres chargés de la sécurité sociale et du budget ". Il résulte des termes mêmes de ces dispositions que la personne qualifiée ainsi mentionnée ne siège pas au conseil d'administration et n'a qu'une voix consultative au sein d'une commission dont la création est une simple faculté pour le conseil d'administration. Par suite, le moyen tiré de ce que l'article R. 623-3 du code de la sécurité sociale méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 6527-3 du code des transports et porterait atteinte à l'autonomie de gestion de la caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile doit être écarté.
En ce qui concerne le caractère excessif des contraintes imposées aux caisses :
Quant aux règles d'adossement :
17. L'article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale prévoit que : " (...) La pérennité financière du système de retraite par répartition est assurée par des contributions réparties équitablement entre les générations (...) ". Les articles R. 623-6 et R. 623-7 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue du décret attaqué, imposent aux organismes qui entrent dans son champ d'adopter, à la clôture de chaque exercice, un document comportant " la projection, pour chaque scénario et à réglementation constante, de la situation financière du régime à horizon de quarante ans " et de veiller, pour chaque régime, à l'adossement global sur toute la durée de cette projection, " des actifs aux dépenses de prestation et de gestion administrative et aux cotisations, contributions et taxes affectées prévues dans le scénario central ". Le principe de l'adossement prévu par ces dispositions vise à prendre en considération le décalage entre les cotisations et les prestations pouvant exister au fil du temps, y compris pour des régimes par répartition, et à adapter les types de placements, à la fois quant à leur durée et aux risques qu'ils comportent, aux échéances prévisibles de décaissements liés au paiement des prestations dues à leurs affiliés, compte tenu des autres recettes et dépenses prévisibles, soit pour faire face à un déséquilibre passager, soit pour mieux répartir entre les générations l'ajustement des niveaux de cotisations et de prestations rendu nécessaire par les évolutions démographiques, conformément à l'objectif mentionné par l'article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale. Les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'il en résulterait une contrainte injustifiée ou disproportionnée pour les différents régimes considérés au regard du principe d'autonomie financière des caisses de sécurité sociale.
18. Le décret attaqué prévoit également, par les dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 623-7 du code de la sécurité sociale, que : " Pour chacune des dix premières années, si les dépenses de prestation et de gestion administrative sont supérieures aux cotisations, contributions et taxes affectées, les placements ont pour objectif prioritaire de dégager des liquidités garanties et sûres au moins égales à la différence en résultant. Dans le cas où cet objectif n'est pas atteint, aucune position ne peut être détenue si elle n'y contribue pas. / Toutefois, pour chacune des années entre la sixième et la dixième, l'organisme peut choisir de couvrir jusqu'à un quart de la différence par des cessions d'actifs. Les encaissements apportés par ces cessions sont retenus pour la moitié de la valeur de réalisation actuelle de ces actifs. / Les dépôts mentionnés au 3° de l'article R. 623-10-5 et au 7° de l'article R. 623-10-9 ainsi que les parts ou actions d'organismes de placement collectif mentionnés au 6° de l'article R. 623-10-5 et au 3° de l'article R. 623-10-7 peuvent être utilisés pour couvrir toute différence survenant durant ces dix années ". En imposant l'objectif prioritaire, pour combler le décalage entre les dépenses et les recettes, de placements dégageant des " liquidités garanties et sûres ", par des dispositions qui sont suffisamment claires et précises, le pouvoir réglementaire a entendu sécuriser la couverture des déficits prévisibles de ces régimes dans les dix premières années de leurs projections, par le recours, outre aux dépôts offrant une rémunération fixe ou indexée sur des taux usuels du marché monétaire et aux parts ou actions d'organismes de placement collectif procurant un rendement comparable à celui du marché monétaire ou visant à préserver la valeur de l'investissement, mobilisables tout au long de cette période de dix ans, aux revenus de tous types de placements dès lors qu'ils sont stables ou faiblement exposés aux conditions de marché, Toutefois, en interdisant aux caisses la détention de toute position qui ne contribue pas à cet objectif, lorsqu'il n'est pas atteint, il a attaché à la méconnaissance de cette règle des conséquences qui, par leur indétermination, font peser sur les caisses des contraintes manifestement excessives au regard de l'objectif poursuivi. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes dirigés contre les mêmes dispositions, les requérants sont fondés à demander l'annulation de la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article R. 623-7.
Quant aux actifs et opérations admissibles :
19. Le décret attaqué, qui impose une gestion " prudente " des placements des régimes entrant dans son champ d'application, prévoit, d'une part, un régime de gestion des placements dit " simplifié " et, d'autre part, un régime de droit commun, lorsque le conseil d'administration de la caisse a adopté un document, valable trois ans au plus, relatif à la politique de placement et de gestion des risques, définissant cette politique et les modalités de son contrôle, qui n'a pas fait l'objet d'une décision de refus des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget. Dans le régime " simplifié ", en vertu des dispositions insérées aux articles R. 623-10-5 et R. 623-10-6 du code de la sécurité sociale, l'actif de placement de l'organisme peut comporter, au plus, 15 % d'actifs immobiliers et 15 % de titres de " fonds mutualisés " et doit, pour le surplus, être constitué exclusivement de titres de créances négociables, d'obligations admises à la négociation sur un marché réglementé, de dépôts ou de parts ou actions d'organismes de placement collectif monétaires, détenus directement ou par le biais d'organismes de placement collectif comptant au plus vingt investisseurs, satisfaisant en outre à certaines autres caractéristiques destinées à limiter le risque pris. Pour les organismes qui ne sont pas soumis au régime " simplifié ", en vertu des articles R. 623-10-7 et suivants du même code, l'actif de placement peut comporter, au plus, 20 % d'actifs immobiliers et 25 % de titres représentatifs de droits de propriété mobilière, cette part pouvant être portée à 50 % par le biais de " fonds mutualisés ", et doit, pour le surplus, être constitué exclusivement de titres représentatifs de droits de créance. L'exposition au risque de change ne peut excéder 15 % et aucun actif ne peut être détenu en dehors des Etats membres de l'Organisation de coopération et de développement économique autrement que par l'intermédiaire d'un organisme de placement collectif ou d'un fonds mutualisé, dans la limite de 15 % de la valeur de réalisation de ses parts ou actions. La détention de certains actifs et le recours à certaines opérations sont interdits et chaque catégorie d'actifs autorisés doit satisfaire à certaines caractéristiques particulières. Les différents ratios, y compris les ratios de dispersion et d'emprise, sont appréciés en valeur de réalisation de l'actif et en tenant compte, au prorata de la participation de la caisse, des titres détenus de façon indirecte. Enfin, en vertu des dispositions insérées aux articles R. 623-10-19 et R. 623-10-21 du même code, un fonds mutualisé peut être soit un organisme de placement collectif en valeurs mobilières soit, sous certaines réserves, un fonds d'investissement alternatif et " doit compter parmi ses souscripteurs au moins deux organismes chargés de la gestion d'un régime de retraite légalement obligatoire et au moins un tiers ", lequel doit détenir, s'il s'agit d'un fonds dédié, au moins 15 % des parts ou actions émises par le fonds.
20. En premier lieu, en vertu des dispositions insérées aux articles R. 623-10 et R. 623-10-1 du code de la sécurité sociale : " Le document relatif à la politique de placement et de gestion des risques et ses modifications entrent en vigueur dans un délai de cinq mois à compter de leur transmission aux ministres chargés de la société sociale et du budget à défaut de notification, dans ce délai, d'une décision de refus motivée par l'absence de conformité aux dispositions de la présente section " et " Si le conseil d'administration n'adopte pas de document relatif à la politique de placement et de gestion des risques ou si celui-ci fait l'objet d'une décision de refus dans les conditions mentionnées à l'article R. 623-10, l'organisme est soumis, pour les régimes concernés, à un régime de gestion des placements dit "simplifié''. (...) ". Il résulte de ces dispositions, tout d'abord, que les ministres chargés de la sécurité sociale et du budget ne peuvent légalement refuser un document relatif à la politique de placement et de gestion des risques adopté par le conseil d'administration d'une caisse que pour un motif tiré de la méconnaissance des dispositions de la section du code de la sécurité sociale consacrée à l'organisation financière des régimes d'assurance vieillesse, issues du décret attaqué. Par ailleurs, aucune disposition ni aucun principe n'imposaient que le décret prévoie le respect d'une procédure contradictoire ou d'une phase de conciliation préalable à une décision de refus, qui ne peut être regardée comme une sanction. Enfin, il résulte des dispositions précitées que la sortie du régime de gestion " simplifié " est seulement subordonnée à l'adoption par le conseil d'administration de la caisse concernée d'un document relatif à la politique de placement et de gestion des risques conforme aux textes et à l'expiration du délai imparti aux ministres pour vérifier cette conformité. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le décret attaqué permettrait aux ministres de s'opposer pour tout motif au document relatif à la politique de placement et de gestion des risques et s'abstiendrait illégalement d'assurer le respect des droits de la défense des caisses en cas de refus de ce document et d'organiser les conditions de sortie du régime de gestion " simplifié ".
21. En second lieu, le décret attaqué fait peser sur les caisses des contraintes dans l'allocation de leurs actifs, tenant à l'interdiction de détenir certains actifs susceptibles de leur faire prendre un risque excessif sur leur valeur, leur rendement ou leur liquidité et à l'obligation de respecter des ratios par types d'actifs destinés à assurer une répartition suffisante des risques pris. De même, certaines opérations sont interdites ou fortement encadrées, notamment par la limitation, à 10 % de la valeur de l'actif de placement, du risque de perte en capital susceptible de résulter de contrats financiers. Ces contraintes visent à réduire l'exposition au risque des réserves constituées par les caisses, dont la finalité est de contribuer au financement des prestations de retraite et d'invalidité auxquelles ont droit les personnes affiliées à ces régimes, y compris en cas de déséquilibre passager entre les cotisations et les prestations et, à plus long terme, en lissant les efforts à consentir en cas de dégradation du rapport démographique entre cotisants et allocataires. Le décret permet par ailleurs aux caisses de diversifier leurs placements et, notamment, de détenir une part plus importante d'actions, portée de 25 à 50 % de l'actif, à condition qu'elles investissent dans de tels titres par le biais des " fonds mutualisés " mentionnés au point 11, destinés à renforcer la qualité de la politique de gestion et la surface financière du fonds par la présence d'une autre caisse et d'un investisseur tiers acceptant de partager les risques des investissements réalisés, sans qu'il ressorte des pièces des dossiers, contrairement à ce qui est soutenu, qu'aucun tiers ne serait susceptible de participer à de tels fonds eu égard à la rigueur des règles prudentielles qui s'y attachent, ni que la participation minimale d'un ou plusieurs tiers à hauteur de 15 %, s'agissant des fonds dédiés, serait excessive ou que les organismes de retraite seraient placés sous la dépendance de ce tiers.
22. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces des dossiers que le décret attaqué ait porté à l'autonomie financière des caisses, par les règles qu'il fixe, de façon suffisamment précise, d'admission et de dispersion des actifs susceptibles d'être détenus, des contraintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi.
Quant aux conséquences de la détention d'actifs ne respectant pas les conditions posées par le décret :
23. D'une part, le décret attaqué prévoit, au nouvel article R. 623-10-2 qu'il insère dans le code de la sécurité sociale, que lorsqu'une caisse est soumise au régime " simplifié ", elle doit céder dans un délai de deux ans les instruments financiers et les actifs qu'elle détient et qui ne peuvent être détenus dans ce régime, ce délai étant porté à cinq ans pour les titres de créance tant que leur valeur de remboursement contractuelle reste supérieure à leur valeur de réalisation. Il prévoit, à l'article R. 623-10-39 qu'il insère dans le même code, que lorsqu'une caisse n'est pas soumise au régime " simplifié ", si un écart est constaté par rapport aux règles de placement et limites fixées aux articles R. 623-10-32 à R. 623-10-38, cette caisse doit avoir pour objectif prioritaire de régulariser cette situation, dans un délai de six mois au plus, en tenant compte de l'intérêt des affiliés. Par dérogation, lorsqu'elle ne respecte plus, en raison d'une évolution des valeurs de réalisation de ses actifs, la limite de 15 ou 20 % applicable à l'ensemble des actifs immobiliers ou celle de 10 % applicable à un même actif immobilier, elle peut conserver les immeubles qu'elle détient intégralement soit directement, soit par le biais d'une filiale, en disposant d'un délai de cinq ans pour céder tous ses autres actifs immobiliers et en ne pouvant entreprendre, tant que le dépassement persiste, aucun nouvel achat de tels actifs. D'autre part, le décret attaqué prévoit, à son article 4, qu'il entre en vigueur le 1er janvier 2018 et que les actifs détenus directement ou indirectement par des caisses à cette date qui ne respectent pas les conditions qu'il fixe peuvent être conservés pendant un délai d'un an. Il précise que : " Ce délai est porté à trois ans pour les titres de créance acquis avant cette même date, tant que leur valeur de remboursement contractuelle reste supérieure, dans tous les cas, à leur valeur de réalisation, ainsi que pour les actifs non admis à la négociation sur un marché réglementé et les titres dont la liquidité est insuffisante acquis avant cette même date. Il est porté à dix ans pour les immeubles ".
24. Ces dispositions sont le corollaire de celles qui limitent la part de certains actifs susceptibles d'être détenus par une caisse dans le total de son actif de placement. Toutefois, d'une part, contrairement aux dispositions antérieures qui n'avaient pas été précisées sur ce point, le décret attaqué fixe ces limites en valeur de réalisation et non en valeur de bilan, ce dont il résulte que certaines caisses, qui respectaient les limites précédemment applicables, se trouvent, du fait de plus-values latentes, alors même que les ratios, pour certains actifs, sont fixés au même niveau que précédemment, détenir à la date d'entrée en vigueur du décret attaqué une part très importante d'actifs, notamment immobiliers, excédant les limites fixées par celui-ci, qu'elles seront contraintes de céder. D'autre part, tous les actifs mobiliers qui excéderaient les nouveaux seuils doivent être cédés, selon le cas, avant le 31 décembre 2018 ou le 31 décembre 2020, y compris s'il devait en résulter une perte en capital. En imposant ainsi, dans la période transitoire, des délais uniformes à toutes les caisses, sans considération de la diversité de la composition de leurs actifs, de la situation de leurs réserves par rapport à l'importance et aux échéances prévisibles des besoins de financement des régimes qu'elles gèrent, du niveau de risque présenté par les actifs qu'elles détiennent et des incidences des mesures à prendre sur la rentabilité des actifs détenus, le pouvoir réglementaire a commis une erreur manifeste d'appréciation. Par suite, les requérants sont fondés à demander l'annulation de l'article 4 du décret attaqué en tant qu'il ne prévoit pas de possibilité d'en adapter l'application à la situation particulière de chacun des régimes considérés.
Quant aux obligations de suivi des placements :
25. Tout d'abord, si le décret prévoit, au troisième alinéa de l'article R. 623-3 du code de la sécurité sociale, que, dans le cadre et les limites des compétences que le conseil d'administration lui a déléguées, la commission chargée des placements examine à chaque réunion les décisions d'achat ou de vente prises par les services de la caisse, par les gestionnaires des organismes de placement collectifs dont la caisse détient plus de 50 % de l'actif net et par les mandataires de la caisse, cet examen peut être opéré par grands agrégats, ainsi que le reconnaît le ministre des solidarités et de la santé en défense. Par ailleurs, si les caisses doivent, en vertu des dispositions des articles R. 623-10-40 et R. 623-10-44 insérés dans le même code, tenir à jour un inventaire " permanent " de l'actif de placement et effectuer un " suivi permanent " des contrats financiers, ces obligations ne sont susceptibles de s'appliquer qu'aux actifs et contrats qu'elles détiennent directement et non à ceux qui sont détenus par des organismes de placement collectifs dans lesquels elles auraient investi. Enfin, il ne ressort pas des pièces des dossiers que les obligations de suivi propres aux contrats financiers et les obligations relatives à la mesure des frais de gestion des placements seraient excessives au regard de l'objectif poursuivi de plus grande transparence dans la gestion de leurs placements.
26. Il résulte de ce qui a été dit aux points 17 à 25 ci-dessus que, sous réserve des dispositions qui sont annulées, il ne ressort pas des pièces des dossiers que les dispositions critiquées du décret attaqué feraient peser sur la gestion de leurs placements par les caisses des contraintes qui ne seraient pas justifiées par l'objectif d'intérêt général poursuivi ou qui seraient disproportionnées au regard de cet objectif. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le décret attaqué porterait une atteinte illégale à l'autonomie des caisses, affirmée notamment, pour l'organisation autonome d'assurance vieillesse des professions libérales, par l'article L. 641-1 du code de la sécurité sociale, non plus qu'à leur droit de propriété, à leur liberté contractuelle ou, en tout état de cause, à leur liberté d'entreprendre ou à la liberté du commerce et de l'industrie. Ils ne sont pas plus fondés à soutenir qu'il méconnaîtrait l'article L. 641-2 code de la sécurité sociale confiant à la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales le rôle d'assurer la gestion du régime d'assurance vieillesse de base des professionnels libéraux et la gestion des réserves de ce régime, l'article L. 723-11 du code rural et de la pêche maritime confiant à la caisse centrale de la mutualité sociale agricole la mission d'assurer la gestion de la trésorerie des organismes de mutualité sociale agricole ni l'article L. 6527-2 du code des transports confiant à la caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile la gestion du régime complémentaire de retraite du personnel navigant professionnel civil salarié, ni qu'il serait, pour les motifs mentionnés ci-dessus, entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne les autres moyens des requêtes :
27. En premier lieu, le décret attaqué s'applique aux organismes mentionnés à l'article R. 623-2 du code de la sécurité sociale qu'il modifie uniquement pour la gestion de régimes de retraite ou d'invalidité revêtant un caractère obligatoire. Par suite, il ne peut être utilement soutenu qu'il méconnaîtrait le principe d'égalité au motif qu'il imposerait à ces organismes des contraintes plus lourdes que celles qui sont applicables aux sociétés d'assurance et aux mutuelles ou aux régimes de retraite supplémentaire. Par ailleurs, la circonstance que les régimes régis par le décret attaqué n'entrent pas dans le champ de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice, dite " solvabilité II ", ne faisait pas obstacle à ce que le pouvoir réglementaire s'inspire sur certains points des objectifs poursuivis par cette directive.
28. En deuxième lieu, si l'exigence de participation d'un tiers aux fonds mutualisés mentionnés au point 11 pourrait, selon certains des requérants, favoriser les sociétés de gestion liées à des grands groupes au détriment de sociétés indépendantes, les dispositions litigieuses s'appliquent sans distinction à l'ensemble des sociétés de gestion. Par suite, il ne peut être utilement soutenu que le principe d'égalité serait méconnu. En outre, eu égard à l'objectif d'intérêt général poursuivi par les dispositions relatives aux fonds mutualisés pour la sécurisation des placements des organismes de retraite considérés, le moyen tiré de l'atteinte illégale au principe de libre concurrence doit, en tout état de cause, être écarté.
29. En troisième lieu, tout d'abord, les expressions " gestion prudente ", " prix exacts, fiables et établis régulièrement ", " actifs sous-jacents " et " longue période ", qui sont utilisées aux articles R. 623-5, R. 623-10-11 et R. 623-10-20 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction issue du décret attaqué, et qui, pour les trois premières, figurent déjà aux articles L. 532-9, R. 214-9 et L. 465-3-3 du code monétaire et financier, ne sont pas équivoques et sont suffisamment précises. Quant à l' " actif vu par transparence ", il s'apprécie, ainsi qu'il se déduit notamment des articles R. 623-10-6 et R. 623-10-8 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction issue du décret attaqué, en substituant aux parts ou actions des organismes de placement collectifs ou de fonds d'investissement alternatifs les actifs que ceux-ci détiennent, au prorata de la participation de la caisse. Par ailleurs, les échéances différentes pour la production des documents de gestion et de restitution prévues aux articles R. 623-10-25, R. 623-10-40, R. 623-10-43 et R. 623-10-44 du code de la sécurité sociale ne s'appliquent pas aux mêmes actifs et aux mêmes documents et ne sont donc pas contradictoires. Enfin, la circonstance que le décret renvoie, sur certains points précis, à un arrêté interministériel n'en affecte pas l'intelligibilité. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le décret attaqué méconnaîtrait l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la norme ou serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation ni, en tout état de cause, qu'il méconnaîtrait, pour le même motif, le principe de sécurité juridique.
30. En quatrième lieu, par les dispositions du troisième alinéa du nouvel article R. 623-3 du code de la sécurité sociale, le décret attaqué prévoit que : " Dans le cadre et les limites des compétences que le conseil d'administration lui a déléguées, la commission chargée des placements examine à chaque réunion les décisions d'achat ou de vente prises par les services de [la caisse] lorsqu'une délégation à cet effet leur est consentie, par les gestionnaires des organismes de placement collectifs dont [cette caisse] détient plus de 50 % de l'actif net et par les mandataires. Elle fait part, le cas échéant, de ses observations au conseil d'administration ". Ces dispositions, qui prévoient un simple examen par la commission chargée des placements des décisions d'achat et de vente de ses mandataires, n'ont ni pour objet ni pour effet de permettre une immixtion dans la gestion de ces derniers et n'introduisent aucune inégalité entre porteurs de parts. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'elles méconnaîtraient les dispositions de la réglementation financière qui imposent aux sociétés de gestion de portefeuille d'agir de manière indépendante et de servir au mieux les intérêts de l'ensemble des investisseurs.
31. En dernier lieu, le décret attaqué prévoit, à l'article R. 623-10-14 qu'il insère dans le code de la sécurité sociale, que : " Les actes de propriété des actifs immobiliers et les actes et les titres consacrant les créances doivent être conservés sur le territoire de la République française ". Ces dispositions ne prévoient d'obligation qu'en ce qui concerne les actifs détenus directement par les caisses et, par suite, n'empêchent pas ces dernières de souscrire des parts et actions d'organismes de placement collectif en valeurs mobilières ou de fonds d'investissement alternatifs qui investissent dans des actifs d'autres Etats de l'Union européenne. Dès lors, le moyen tiré de ce que le décret attaqué ne respecterait pas la libre circulation des capitaux garantie par le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doit être écarté.
32. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont fondés à demander l'annulation du décret qu'ils attaquent en tant seulement que, par des dispositions qui sont divisibles du reste de ce décret, l'article R. 623-7 nouveau qu'il insère dans le code de la sécurité sociale comporte une deuxième phrase à son deuxième alinéa et que son article 4 ne prévoit pas de possibilité d'adapter l'application des obligations qu'il impose à la situation particulière de chacun des régimes considérés.
Sur les frais liés au litige :
33. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat les sommes que les requérants demandent au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'intervention de M. B...est admise.
Article 2 : Le décret n° 2017-887 du 9 mai 2017 relatif à l'organisation financière de certains régimes de sécurité sociale est annulé en tant que l'article R. 623-7 nouveau qu'il insère dans le code de la sécurité sociale comporte une deuxième phrase à son deuxième alinéa et que son article 4 ne prévoit pas de possibilité d'adapter l'application des obligations qu'il impose à la situation particulière de chacun des régimes considérés.
Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires, à la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse de professionnels libéraux, à la société Ycap Asset Management, première nommée, pour l'ensemble des requérantes ayant présenté la requête n° 412254, à la caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes, à la caisse nationale des barreaux de France, au syndicat national des pilotes de ligne France ALPA, à la caisse d'assurance vieillesse des experts-comptables et commissaires aux comptes, à la caisse autonome de retraite des médecins de France, désignée représentante unique, pour l'ensemble des requérantes ayant présenté la requête n° 412325, au Premier ministre, à la ministre des solidarités et de la santé et à M. A...B....
Copie en sera adressée au Premier ministre et au ministre de l'économie et des finances.
N° 412177
ECLI:FR:CECHR:2018:412177.20181126
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère et 4ème chambres réunies
M. Jean-Luc Nevache, rapporteur
M. Charles Touboul, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats
Lecture du lundi 26 novembre 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
1° Sous le n° 412177, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 5 juillet et 20 septembre 2017 et les 26 avril, 10 septembre et 5 octobre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires (CRPCEN) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2017-887 du 9 mai 2017 relatif à l'organisation financière de certains régimes de sécurité sociale ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 412241, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 juillet et 5 octobre 2017 et le 12 septembre 2018, la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse de professionnels libéraux (CIPAV) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret n° 2017-887 du 9 mai 2017 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
3° Sous le n° 412254, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 juillet et 9 octobre 2017, les sociétés Ycap Asset Management, Quaero Capital, Trecento Asset Management, Vestathena et Raymond James Asset Management International demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret n° 2017-887 du 9 mai 2017 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
4° Sous le n° 412264, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 juillet et 24 août 2017 et les 5 mars et 9 octobre 2018, la caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes (CARPIMKO) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret n° 2017-887 du 9 mai 2017 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
5° Sous le n° 412266, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 juillet et 24 août 2017 et les 5 mars et 9 octobre 2018, la caisse nationale des barreaux de France (CNBF) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret n° 2017-887 du 9 mai 2017 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
6° Sous le n° 412278, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 10 juillet et 10 octobre 2017 et le 29 octobre 2018, le syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) France ALPA demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret n° 2017-887 du 9 mai 2017 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
7° Sous le n° 412295, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 10 juillet et 10 octobre 2017 et les 12 septembre et 26 octobre 2018, la caisse d'assurance vieillesse des experts-comptables et commissaires aux comptes (CAVEC) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret n° 2017-887 du 9 mai 2017 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
8° Sous le n° 412325, par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés le 10 juillet 2017 et les 27 août et 12 septembre 2018, la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL), la caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF), la caisse d'assurance vieillesse des pharmaciens (CAVP), la caisse autonome de retraite et de prévoyance des vétérinaires (CARPV), la caisse de retraite des notaires (CRN), la caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes (CARCDSF), la caisse d'allocations vieillesses des agents généraux et des mandataires non salariés de l'assurance et de la capitalisation (CAVAMAC) et la caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile (CRPN) demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret n° 2017-887 du 9 mai 2017 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 ;
- le code de l'aviation civile ;
- le code monétaire et financier ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code des transports ;
- la loi du 12 juillet 1937 instituant une caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaire ;
- le décret n° 90-1215 du 20 décembre 1990 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse de professionnels libéraux, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la société Ycap Asset Management, de la société Quaero Capital, de la société Trecento Asset Management, de la société Vestathena et de la société Raymond James Asset Management International, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la Caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs-kinesitherapeutes pédicures-podologues, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la Caisse nationale des barreaux de France, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du Syndicat national des pilotes de ligne France Alpa, à Me Le Prado, avocat de la Caisse d'assurance vieillesse des experts-comptables et commissaires aux comptes et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales, de la Caisse autonome de retraite des médecins de France, de la Caisse d'assurance vieillesse des pharmaciens, de la Caisse autonome de retraite et de prévoyance des vétérinaires, de la Caisse de retraite des notaires, de la Caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes et des sage-femmes, de la Société Cavamac et de la Caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civil.
Considérant ce qui suit :
1. Le décret du 9 mai 2017 relatif à l'organisation financière de certains régimes de sécurité sociale modifie les dispositions réglementaires du livre VI du code de la sécurité sociale relatives à la gestion financière de différents régimes, portant notamment sur la gestion de leurs placements, qui étaient jusque là principalement issues d'un décret du 25 octobre 2002. Il s'applique à la caisse nationale du régime social des indépendants, pour les régimes de retraite de base, de retraite complémentaire et d'invalidité, à la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) et à ses sections professionnelles, pour les régimes de retraite de base, de retraite complémentaire et d'invalidité, à l'institution de retraite complémentaire de l'enseignement et de la création (IRCEC), pour les régimes de retraite complémentaire des artistes et auteurs, à la caisse nationale des barreaux français (CNBF), pour les régimes de retraite de base, de retraite complémentaire et d'invalidité, à la caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), pour le régime de retraite complémentaire des non-salariés agricoles, à la caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile (CRPN), pour le régime de retraite complémentaire, et à la Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires (CRPCEN), pour le régime spécial de retraite qu'elle gère. Il comporte des dispositions relatives à la gouvernance de ces organismes en matière de gestion financière, au pilotage financier des régimes considérés, à leur politique de placement et de gestion des risques, au contrôle interne en matière de placements, à la prévention des conflits d'intérêts, aux actifs et opérations admissibles et au suivi des placements.
2. Par huit requêtes qu'il y a lieu de joindre, la caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires, la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse de professionnels libéraux, les sociétés Ycap Asset Management, Quaero Capital, Trecento Asset Management, Vestathena et Raymond James Asset Management International, la caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes, la caisse nationale des barreaux de France, le syndicat national des pilotes de ligne France ALPA, la caisse d'assurance vieillesse des experts-comptables et commissaires aux comptes ainsi que la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales, la caisse autonome de retraite des médecins de France, la caisse d'assurance vieillesse des pharmaciens, la caisse autonome de retraite et de prévoyance des vétérinaires, la caisse de retraite des notaires, la caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes, la caisse d'allocations vieillesse des agents généraux et des mandataires non salariés de l'assurance et de la capitalisation et la caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile demandent l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret.
Sur l'intervention :
3. M.B..., qui contribue au régime spécial de retraite des clercs et employés de notaires, justifie d'un intérêt suffisant au maintien du décret attaqué. Ainsi, son intervention est recevable.
Sur la légalité externe du décret attaqué :
En ce qui concerne l'initiative des dispositions adoptées :
4. Aux termes de l'article L. 644-1 du code de la sécurité sociale : " A la demande du conseil d'administration de la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales et après consultation par référendum des assujettis au régime de base, des décrets peuvent instituer un régime d'assurance vieillesse complémentaire fonctionnant à titre obligatoire dans le cadre soit de l'ensemble du groupe professionnel, soit d'une activité professionnelle particulière (...) ". Il résulte de ces dispositions que la procédure qu'elles prévoient est applicable aux décrets instituant un régime complémentaire obligatoire d'assurance vieillesse ainsi qu'aux décrets qui en modifient les règles constitutives. En revanche, elle n'est pas applicable à un décret qui, comme le décret attaqué, modifie seulement les règles applicables à la gestion financière d'un tel régime. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le décret attaqué aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière, en tant qu'il concerne les régimes complémentaires de retraite créés en application de cet article, faute de demande du conseil d'administration de la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales et de consultation des assujettis par référendum.
En ce qui concerne les consultations :
5. En premier lieu, il ressort des pièces produites par le ministre des solidarités et de la santé que le décret attaqué, pris après consultation de la section des finances du Conseil d'Etat, qui s'est prononcée dans sa séance du 2 mai 2017, ne contient aucune disposition différant à la fois de celles qui figuraient dans le projet soumis par le Gouvernement au Conseil d'Etat et de celles qui ont été adoptées par ce dernier. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les règles qui gouvernent l'examen par le Conseil d'Etat des projets de décret ont été méconnues.
6. En deuxième lieu, d'une part, si le III de l'article 14 du décret du 20 décembre 1990 portant application de la loi du 12 juillet 1937 instituant une caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires prévoit que : " Le conseil d'administration rend un avis motivé sur les projets de loi et de décrets dont il est saisi, relatifs aux domaines d'intervention de la caisse. / Il peut être saisi par les ministres de tutelle ou par le directeur de toute question relative aux domaines d'intervention de la caisse ", cette disposition ne faisait pas obligation aux ministres de soumettre le décret attaqué pour avis, avant son adoption, au conseil d'administration de la caisse. D'autre part, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe n'exigeaient que la caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile ni l'institution de retraite complémentaire de l'enseignement et de la création soient consultées sur le projet de décret attaqué. Par suite, le moyen tiré du défaut de consultation de ces organismes doit être écarté.
7. En dernier lieu, l'organisme dont une disposition législative ou réglementaire prévoit la consultation avant l'intervention d'une décision doit être mis à même d'exprimer son avis sur l'ensemble des questions soulevées par cette décision. La seule circonstance que le décret adopté n'était pas identique, en toutes ses dispositions, au projet soumis pour avis au conseil d'administration de la caisse centrale de mutualité sociale agricole, au conseil d'administration de la caisse nationale du régime social des indépendants et au conseil d'administration de la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales ne faisait pas obligation au ministre des affaires sociales et de la santé de les consulter à nouveau.
En ce qui concerne la compétence du pouvoir réglementaire :
8. En premier lieu, l'autonomie financière des organismes chargés de la gestion des régimes de sécurité sociale, dotés de la personnalité morale et administrés par des représentants des bénéficiaires de ces régimes et, le cas échéant, de leurs employeurs, constitue un des principes fondamentaux de la sécurité sociale qui relève, aux termes de l'article 34 de la Constitution, de la compétence du législateur. Toutefois, ce principe doit être apprécié dans le cadre des limitations de portée générale qui y ont été apportées pour permettre certaines interventions jugées nécessaires de la puissance publique en raison du caractère des activités assumées par ces organismes. En particulier, il résulte de l'ensemble des textes législatifs régissant les régimes de sécurité sociale, notamment de l'article L. 611-4 du code de la sécurité sociale pour la caisse nationale du régime social des indépendants, de l'article L. 152-1 du même code pour la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales et ses sections professionnelles, la caisse centrale de la mutualité sociale agricole, l'institution de retraite complémentaire de l'enseignement et de la création et la caisse nationale des barreaux français, de l'article L. 6527-2 du code des transports pour la caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile et de l'article 5 de la loi du 12 juillet 1937 instituant une caisse de retraite et d'assistance des clercs de notaires pour cette caisse, qu'il appartient à l'autorité administrative d'exercer certains pouvoirs de tutelle sur la gestion des organismes, dans l'intérêt des personnes qui y sont affiliées. A ce titre, au surplus, l'article L. 635-1 du code de la sécurité sociale prévoit, pour le régime de retraite complémentaire géré par la caisse nationale du régime social des indépendants, dans sa rédaction applicable à la date du décret attaqué, qu'"(...) Un décret détermine les règles de pilotage du régime, et notamment les conditions dans lesquelles le conseil d'administration de la Caisse nationale du régime social des indépendants formule à échéance régulière, au ministre chargé de la sécurité sociale, des règles d'évolution des paramètres permettant de respecter des critères de solvabilité ". Le deuxième alinéa de l'article L. 732-57 du code rural et de la pêche maritime dispose, pour le régime d'assurance vieillesse complémentaire obligatoire des professions non salariées agricoles, que : " La Caisse centrale de mutualité sociale agricole est chargée du placement des disponibilités du présent régime selon des modalités prévues par décret ". La dernière phrase de l'article L. 6527-8 du code des transports dispose, pour le régime de retraite complémentaire géré par la caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile, que : " Les règles comptables et de gestion des fonds affectés à la couverture des risques applicables à la caisse sont déterminées par décret ". Enfin, l'article 5 de la loi du 12 juillet 1937 prévoit l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat pour régler les conditions d'application de cette loi, " et notamment les modalités de constitution, d'organisation et de gestion financière de la caisse créée, l'organisation de son contrôle (...) ".
9. Il résulte de l'ensemble des dispositions mentionnées au point précédent que le pouvoir réglementaire était compétent pour déterminer les obligations qui pèsent sur les organismes gérant les différents régimes entrant dans le champ d'application du décret attaqué, pour la gestion des placements destinés à contribuer au règlement des prestations de retraite ou d'invalidité dont ils ont la charge. Le pouvoir réglementaire avait notamment compétence pour définir les règles prudentielles applicables à ces placements, pour prévoir l'adoption par le conseil d'administration des caisses de documents relatifs au pilotage du régime et à la politique de placement et de gestion des risques, la formation des membres du conseil d'administration, l'existence d'une fonction de contrôle des risques et de conformité et de procédures de gestion des risques et pour définir des obligations de suivi des placements effectués.
10. S'il est soutenu, par ailleurs, que le décret ne pouvait prévoir que la commission chargée des placements à laquelle le conseil d'administration d'une caisse peut déléguer des attributions en matière de placements comprend une personne qualifiée, il résulte en tout état de cause des dispositions critiquées que cette personne a seulement voix consultative et que le décret ne met pas en cause, par de telles dispositions, le principe de l'administration des caisses de sécurité sociale par des représentants des personnes assujetties aux régimes qu'elles gèrent.
11. Enfin, il résulte des dispositions du décret attaqué relatives aux " fonds mutualisés " qu'il n'a pas créé une nouvelle catégorie d'instruments financiers mais s'est borné à ouvrir aux caisses des possibilités d'investissement plus étendues en cas de souscription à un organisme de placement collectif en valeurs mobilières relevant de la section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code monétaire et financier ou à un fonds d'investissement alternatif relevant de la section 2 du même chapitre lorsque celui-ci compte également parmi ses souscripteurs un autre organisme chargé de la gestion d'un régime de retraite légalement obligatoire et un tiers. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret aurait empiété sur la compétence réservée à la loi par l'article 34 de la Constitution doit être écarté.
12. En second lieu, il résulte des termes mêmes du décret attaqué qu'il a été signé par le Premier ministre, après contreseing des ministres des affaires sociales et de la santé, de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargé des relations internationales sur le climat, de l'économie et des finances, de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement ainsi que du secrétaire d'Etat chargé du budget et des comptes publics, le 9 mai 2017. Si un nouveau Président de la République a été élu le 7 mai 2017, le Premier ministre a présenté la démission du Gouvernement le 10 mai 2017 au Président de la République alors en fonction, qui l'a acceptée par un décret du même jour. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le Gouvernement, à la date du 9 mai, n'aurait pu qu'expédier les affaires courantes et que le décret attaqué aurait ainsi été pris par une autorité incompétente.
Sur la légalité interne du décret attaqué :
En ce qui concerne le champ d'application du décret :
13. En premier lieu, il appartient au Gouvernement de prendre, pour l'ensemble des régimes de retraite de base et complémentaires et des régimes d'invalidité revêtant un caractère obligatoire, les mesures réglementaires relevant de sa compétence qui s'avéreraient nécessaires pour préserver la sécurité des placements destinés à contribuer au règlement des prestations futures. Toutefois, s'agissant d'organismes gérant des régimes légalement obligatoires, dont la diversité résulte au surplus des modalités selon lesquelles s'est progressivement développée l'assurance vieillesse et invalidité en France, et non d'opérateurs intervenant sur un marché concurrentiel, le Premier ministre n'était tenu de définir ces mesures ni simultanément par un même décret, ni de façon identique pour tous les régimes. Par suite, les requérants ne peuvent utilement soutenir que le décret méconnaîtrait le principe d'égalité au motif qu'il ne s'applique pas à l'association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC), à l'association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (ARRCO), à l'établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (ERAFP), à l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC) ou aux régimes spéciaux de retraite de salariés autres que celui que gère la caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires, et ne sont pas fondés à soutenir qu'il serait, de ce seul fait, entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
14. En deuxième lieu, 1'article L. 641-4-1 du code de la sécurité sociale prévoit la conclusion entre 1'Etat et la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales d'un " contrat pluriannuel comportant des engagements réciproques " qui " détermine notamment des objectifs de qualité de gestion communs aux régimes de base et aux régimes complémentaires " et dont la mise en oeuvre " fait l'objet de contrats de gestion conclus entre la caisse nationale et chacune des sections professionnelles ". La circonstance que, pour la mise en oeuvre du contrat pluriannuel, conclu par l'Etat avec la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales, celle-ci avait passé un contrat de gestion avec la caisse d'assurance vieillesse des experts-comptables et commissaires aux comptes (CAVEC), applicable pour la période allant de 2016 à 2019, ne faisait aucunement obstacle à ce que le pouvoir réglementaire édicte des règles de gestion des actifs applicables aux régimes gérés par cette caisse. Dès lors, le moyen tiré de ce que la CAVEC ne pouvait être soumise aux dispositions du décret attaqué au motif qu'elle aurait, comme l'AGIRC et l'ARRCO, signé une convention d'objectifs et de gestion, ne peut qu'être écarté.
15. En dernier lieu, le décret attaqué fixe les règles d'organisation financière et de gestion des placements des différentes caisses de sécurité sociale pour les régimes énumérés à l'article R. 623-2 du code de la sécurité sociale et mentionnés au point 1. Si ces régimes, fonctionnant par répartition et, pour l'un d'eux, à la fois par répartition et par capitalisation, recouvrent des régimes de retraite de base, des régimes de retraite complémentaire et des régimes d'invalidité et assurent une solidarité pour certains entre salariés et pour d'autres entre travailleurs indépendants, ils ont pour caractéristique commune de revêtir un caractère obligatoire et de devoir gérer des actifs destinés à contribuer au financement à terme des prestations à servir à leurs affiliés. Compte tenu de l'objet de la réglementation en cause, qui vise à sécuriser et à assurer la transparence de leurs placements, le décret attaqué n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il inclut dans son champ les différents régimes considérés et, sous réserve de la prise en considération de la diversité de leur situation à la date de l'entrée en vigueur des nouvelles mesures, en ce qu'il leur applique des règles communes, reposant notamment sur des seuils à ne pas dépasser pour la détention de certains actifs.
En ce qui concerne le respect des règles relatives à la composition du conseil d'administration des caisses :
16. Aux termes de l'article L. 6527-3 du code des transports: " La Caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile est administrée par un conseil d'administration qui comprend, en nombre égal, des représentants des employeurs, désignés par l'autorité administrative, et des représentants des bénéficiaires élus selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat ". Le décret attaqué modifie l'article R. 623-3 du code de la sécurité sociale pour prévoir à son deuxième alinéa que le conseil d'administration de chaque organisme gérant l'un des régimes entrant dans son champ d'application " peut déléguer, dans les limites qu'il détermine, ses attributions en matière de gestion des placements à une commission chargée des placements. Cette commission est composée de membres du conseil d'administration. Elle comprend en outre, avec voix consultative, une personne qualifiée, désignée par le conseil d'administration sur une liste de trois personnes établie par les ministres chargés de la sécurité sociale et du budget ". Il résulte des termes mêmes de ces dispositions que la personne qualifiée ainsi mentionnée ne siège pas au conseil d'administration et n'a qu'une voix consultative au sein d'une commission dont la création est une simple faculté pour le conseil d'administration. Par suite, le moyen tiré de ce que l'article R. 623-3 du code de la sécurité sociale méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 6527-3 du code des transports et porterait atteinte à l'autonomie de gestion de la caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile doit être écarté.
En ce qui concerne le caractère excessif des contraintes imposées aux caisses :
Quant aux règles d'adossement :
17. L'article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale prévoit que : " (...) La pérennité financière du système de retraite par répartition est assurée par des contributions réparties équitablement entre les générations (...) ". Les articles R. 623-6 et R. 623-7 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue du décret attaqué, imposent aux organismes qui entrent dans son champ d'adopter, à la clôture de chaque exercice, un document comportant " la projection, pour chaque scénario et à réglementation constante, de la situation financière du régime à horizon de quarante ans " et de veiller, pour chaque régime, à l'adossement global sur toute la durée de cette projection, " des actifs aux dépenses de prestation et de gestion administrative et aux cotisations, contributions et taxes affectées prévues dans le scénario central ". Le principe de l'adossement prévu par ces dispositions vise à prendre en considération le décalage entre les cotisations et les prestations pouvant exister au fil du temps, y compris pour des régimes par répartition, et à adapter les types de placements, à la fois quant à leur durée et aux risques qu'ils comportent, aux échéances prévisibles de décaissements liés au paiement des prestations dues à leurs affiliés, compte tenu des autres recettes et dépenses prévisibles, soit pour faire face à un déséquilibre passager, soit pour mieux répartir entre les générations l'ajustement des niveaux de cotisations et de prestations rendu nécessaire par les évolutions démographiques, conformément à l'objectif mentionné par l'article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale. Les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'il en résulterait une contrainte injustifiée ou disproportionnée pour les différents régimes considérés au regard du principe d'autonomie financière des caisses de sécurité sociale.
18. Le décret attaqué prévoit également, par les dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 623-7 du code de la sécurité sociale, que : " Pour chacune des dix premières années, si les dépenses de prestation et de gestion administrative sont supérieures aux cotisations, contributions et taxes affectées, les placements ont pour objectif prioritaire de dégager des liquidités garanties et sûres au moins égales à la différence en résultant. Dans le cas où cet objectif n'est pas atteint, aucune position ne peut être détenue si elle n'y contribue pas. / Toutefois, pour chacune des années entre la sixième et la dixième, l'organisme peut choisir de couvrir jusqu'à un quart de la différence par des cessions d'actifs. Les encaissements apportés par ces cessions sont retenus pour la moitié de la valeur de réalisation actuelle de ces actifs. / Les dépôts mentionnés au 3° de l'article R. 623-10-5 et au 7° de l'article R. 623-10-9 ainsi que les parts ou actions d'organismes de placement collectif mentionnés au 6° de l'article R. 623-10-5 et au 3° de l'article R. 623-10-7 peuvent être utilisés pour couvrir toute différence survenant durant ces dix années ". En imposant l'objectif prioritaire, pour combler le décalage entre les dépenses et les recettes, de placements dégageant des " liquidités garanties et sûres ", par des dispositions qui sont suffisamment claires et précises, le pouvoir réglementaire a entendu sécuriser la couverture des déficits prévisibles de ces régimes dans les dix premières années de leurs projections, par le recours, outre aux dépôts offrant une rémunération fixe ou indexée sur des taux usuels du marché monétaire et aux parts ou actions d'organismes de placement collectif procurant un rendement comparable à celui du marché monétaire ou visant à préserver la valeur de l'investissement, mobilisables tout au long de cette période de dix ans, aux revenus de tous types de placements dès lors qu'ils sont stables ou faiblement exposés aux conditions de marché, Toutefois, en interdisant aux caisses la détention de toute position qui ne contribue pas à cet objectif, lorsqu'il n'est pas atteint, il a attaché à la méconnaissance de cette règle des conséquences qui, par leur indétermination, font peser sur les caisses des contraintes manifestement excessives au regard de l'objectif poursuivi. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes dirigés contre les mêmes dispositions, les requérants sont fondés à demander l'annulation de la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article R. 623-7.
Quant aux actifs et opérations admissibles :
19. Le décret attaqué, qui impose une gestion " prudente " des placements des régimes entrant dans son champ d'application, prévoit, d'une part, un régime de gestion des placements dit " simplifié " et, d'autre part, un régime de droit commun, lorsque le conseil d'administration de la caisse a adopté un document, valable trois ans au plus, relatif à la politique de placement et de gestion des risques, définissant cette politique et les modalités de son contrôle, qui n'a pas fait l'objet d'une décision de refus des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget. Dans le régime " simplifié ", en vertu des dispositions insérées aux articles R. 623-10-5 et R. 623-10-6 du code de la sécurité sociale, l'actif de placement de l'organisme peut comporter, au plus, 15 % d'actifs immobiliers et 15 % de titres de " fonds mutualisés " et doit, pour le surplus, être constitué exclusivement de titres de créances négociables, d'obligations admises à la négociation sur un marché réglementé, de dépôts ou de parts ou actions d'organismes de placement collectif monétaires, détenus directement ou par le biais d'organismes de placement collectif comptant au plus vingt investisseurs, satisfaisant en outre à certaines autres caractéristiques destinées à limiter le risque pris. Pour les organismes qui ne sont pas soumis au régime " simplifié ", en vertu des articles R. 623-10-7 et suivants du même code, l'actif de placement peut comporter, au plus, 20 % d'actifs immobiliers et 25 % de titres représentatifs de droits de propriété mobilière, cette part pouvant être portée à 50 % par le biais de " fonds mutualisés ", et doit, pour le surplus, être constitué exclusivement de titres représentatifs de droits de créance. L'exposition au risque de change ne peut excéder 15 % et aucun actif ne peut être détenu en dehors des Etats membres de l'Organisation de coopération et de développement économique autrement que par l'intermédiaire d'un organisme de placement collectif ou d'un fonds mutualisé, dans la limite de 15 % de la valeur de réalisation de ses parts ou actions. La détention de certains actifs et le recours à certaines opérations sont interdits et chaque catégorie d'actifs autorisés doit satisfaire à certaines caractéristiques particulières. Les différents ratios, y compris les ratios de dispersion et d'emprise, sont appréciés en valeur de réalisation de l'actif et en tenant compte, au prorata de la participation de la caisse, des titres détenus de façon indirecte. Enfin, en vertu des dispositions insérées aux articles R. 623-10-19 et R. 623-10-21 du même code, un fonds mutualisé peut être soit un organisme de placement collectif en valeurs mobilières soit, sous certaines réserves, un fonds d'investissement alternatif et " doit compter parmi ses souscripteurs au moins deux organismes chargés de la gestion d'un régime de retraite légalement obligatoire et au moins un tiers ", lequel doit détenir, s'il s'agit d'un fonds dédié, au moins 15 % des parts ou actions émises par le fonds.
20. En premier lieu, en vertu des dispositions insérées aux articles R. 623-10 et R. 623-10-1 du code de la sécurité sociale : " Le document relatif à la politique de placement et de gestion des risques et ses modifications entrent en vigueur dans un délai de cinq mois à compter de leur transmission aux ministres chargés de la société sociale et du budget à défaut de notification, dans ce délai, d'une décision de refus motivée par l'absence de conformité aux dispositions de la présente section " et " Si le conseil d'administration n'adopte pas de document relatif à la politique de placement et de gestion des risques ou si celui-ci fait l'objet d'une décision de refus dans les conditions mentionnées à l'article R. 623-10, l'organisme est soumis, pour les régimes concernés, à un régime de gestion des placements dit "simplifié''. (...) ". Il résulte de ces dispositions, tout d'abord, que les ministres chargés de la sécurité sociale et du budget ne peuvent légalement refuser un document relatif à la politique de placement et de gestion des risques adopté par le conseil d'administration d'une caisse que pour un motif tiré de la méconnaissance des dispositions de la section du code de la sécurité sociale consacrée à l'organisation financière des régimes d'assurance vieillesse, issues du décret attaqué. Par ailleurs, aucune disposition ni aucun principe n'imposaient que le décret prévoie le respect d'une procédure contradictoire ou d'une phase de conciliation préalable à une décision de refus, qui ne peut être regardée comme une sanction. Enfin, il résulte des dispositions précitées que la sortie du régime de gestion " simplifié " est seulement subordonnée à l'adoption par le conseil d'administration de la caisse concernée d'un document relatif à la politique de placement et de gestion des risques conforme aux textes et à l'expiration du délai imparti aux ministres pour vérifier cette conformité. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le décret attaqué permettrait aux ministres de s'opposer pour tout motif au document relatif à la politique de placement et de gestion des risques et s'abstiendrait illégalement d'assurer le respect des droits de la défense des caisses en cas de refus de ce document et d'organiser les conditions de sortie du régime de gestion " simplifié ".
21. En second lieu, le décret attaqué fait peser sur les caisses des contraintes dans l'allocation de leurs actifs, tenant à l'interdiction de détenir certains actifs susceptibles de leur faire prendre un risque excessif sur leur valeur, leur rendement ou leur liquidité et à l'obligation de respecter des ratios par types d'actifs destinés à assurer une répartition suffisante des risques pris. De même, certaines opérations sont interdites ou fortement encadrées, notamment par la limitation, à 10 % de la valeur de l'actif de placement, du risque de perte en capital susceptible de résulter de contrats financiers. Ces contraintes visent à réduire l'exposition au risque des réserves constituées par les caisses, dont la finalité est de contribuer au financement des prestations de retraite et d'invalidité auxquelles ont droit les personnes affiliées à ces régimes, y compris en cas de déséquilibre passager entre les cotisations et les prestations et, à plus long terme, en lissant les efforts à consentir en cas de dégradation du rapport démographique entre cotisants et allocataires. Le décret permet par ailleurs aux caisses de diversifier leurs placements et, notamment, de détenir une part plus importante d'actions, portée de 25 à 50 % de l'actif, à condition qu'elles investissent dans de tels titres par le biais des " fonds mutualisés " mentionnés au point 11, destinés à renforcer la qualité de la politique de gestion et la surface financière du fonds par la présence d'une autre caisse et d'un investisseur tiers acceptant de partager les risques des investissements réalisés, sans qu'il ressorte des pièces des dossiers, contrairement à ce qui est soutenu, qu'aucun tiers ne serait susceptible de participer à de tels fonds eu égard à la rigueur des règles prudentielles qui s'y attachent, ni que la participation minimale d'un ou plusieurs tiers à hauteur de 15 %, s'agissant des fonds dédiés, serait excessive ou que les organismes de retraite seraient placés sous la dépendance de ce tiers.
22. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces des dossiers que le décret attaqué ait porté à l'autonomie financière des caisses, par les règles qu'il fixe, de façon suffisamment précise, d'admission et de dispersion des actifs susceptibles d'être détenus, des contraintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi.
Quant aux conséquences de la détention d'actifs ne respectant pas les conditions posées par le décret :
23. D'une part, le décret attaqué prévoit, au nouvel article R. 623-10-2 qu'il insère dans le code de la sécurité sociale, que lorsqu'une caisse est soumise au régime " simplifié ", elle doit céder dans un délai de deux ans les instruments financiers et les actifs qu'elle détient et qui ne peuvent être détenus dans ce régime, ce délai étant porté à cinq ans pour les titres de créance tant que leur valeur de remboursement contractuelle reste supérieure à leur valeur de réalisation. Il prévoit, à l'article R. 623-10-39 qu'il insère dans le même code, que lorsqu'une caisse n'est pas soumise au régime " simplifié ", si un écart est constaté par rapport aux règles de placement et limites fixées aux articles R. 623-10-32 à R. 623-10-38, cette caisse doit avoir pour objectif prioritaire de régulariser cette situation, dans un délai de six mois au plus, en tenant compte de l'intérêt des affiliés. Par dérogation, lorsqu'elle ne respecte plus, en raison d'une évolution des valeurs de réalisation de ses actifs, la limite de 15 ou 20 % applicable à l'ensemble des actifs immobiliers ou celle de 10 % applicable à un même actif immobilier, elle peut conserver les immeubles qu'elle détient intégralement soit directement, soit par le biais d'une filiale, en disposant d'un délai de cinq ans pour céder tous ses autres actifs immobiliers et en ne pouvant entreprendre, tant que le dépassement persiste, aucun nouvel achat de tels actifs. D'autre part, le décret attaqué prévoit, à son article 4, qu'il entre en vigueur le 1er janvier 2018 et que les actifs détenus directement ou indirectement par des caisses à cette date qui ne respectent pas les conditions qu'il fixe peuvent être conservés pendant un délai d'un an. Il précise que : " Ce délai est porté à trois ans pour les titres de créance acquis avant cette même date, tant que leur valeur de remboursement contractuelle reste supérieure, dans tous les cas, à leur valeur de réalisation, ainsi que pour les actifs non admis à la négociation sur un marché réglementé et les titres dont la liquidité est insuffisante acquis avant cette même date. Il est porté à dix ans pour les immeubles ".
24. Ces dispositions sont le corollaire de celles qui limitent la part de certains actifs susceptibles d'être détenus par une caisse dans le total de son actif de placement. Toutefois, d'une part, contrairement aux dispositions antérieures qui n'avaient pas été précisées sur ce point, le décret attaqué fixe ces limites en valeur de réalisation et non en valeur de bilan, ce dont il résulte que certaines caisses, qui respectaient les limites précédemment applicables, se trouvent, du fait de plus-values latentes, alors même que les ratios, pour certains actifs, sont fixés au même niveau que précédemment, détenir à la date d'entrée en vigueur du décret attaqué une part très importante d'actifs, notamment immobiliers, excédant les limites fixées par celui-ci, qu'elles seront contraintes de céder. D'autre part, tous les actifs mobiliers qui excéderaient les nouveaux seuils doivent être cédés, selon le cas, avant le 31 décembre 2018 ou le 31 décembre 2020, y compris s'il devait en résulter une perte en capital. En imposant ainsi, dans la période transitoire, des délais uniformes à toutes les caisses, sans considération de la diversité de la composition de leurs actifs, de la situation de leurs réserves par rapport à l'importance et aux échéances prévisibles des besoins de financement des régimes qu'elles gèrent, du niveau de risque présenté par les actifs qu'elles détiennent et des incidences des mesures à prendre sur la rentabilité des actifs détenus, le pouvoir réglementaire a commis une erreur manifeste d'appréciation. Par suite, les requérants sont fondés à demander l'annulation de l'article 4 du décret attaqué en tant qu'il ne prévoit pas de possibilité d'en adapter l'application à la situation particulière de chacun des régimes considérés.
Quant aux obligations de suivi des placements :
25. Tout d'abord, si le décret prévoit, au troisième alinéa de l'article R. 623-3 du code de la sécurité sociale, que, dans le cadre et les limites des compétences que le conseil d'administration lui a déléguées, la commission chargée des placements examine à chaque réunion les décisions d'achat ou de vente prises par les services de la caisse, par les gestionnaires des organismes de placement collectifs dont la caisse détient plus de 50 % de l'actif net et par les mandataires de la caisse, cet examen peut être opéré par grands agrégats, ainsi que le reconnaît le ministre des solidarités et de la santé en défense. Par ailleurs, si les caisses doivent, en vertu des dispositions des articles R. 623-10-40 et R. 623-10-44 insérés dans le même code, tenir à jour un inventaire " permanent " de l'actif de placement et effectuer un " suivi permanent " des contrats financiers, ces obligations ne sont susceptibles de s'appliquer qu'aux actifs et contrats qu'elles détiennent directement et non à ceux qui sont détenus par des organismes de placement collectifs dans lesquels elles auraient investi. Enfin, il ne ressort pas des pièces des dossiers que les obligations de suivi propres aux contrats financiers et les obligations relatives à la mesure des frais de gestion des placements seraient excessives au regard de l'objectif poursuivi de plus grande transparence dans la gestion de leurs placements.
26. Il résulte de ce qui a été dit aux points 17 à 25 ci-dessus que, sous réserve des dispositions qui sont annulées, il ne ressort pas des pièces des dossiers que les dispositions critiquées du décret attaqué feraient peser sur la gestion de leurs placements par les caisses des contraintes qui ne seraient pas justifiées par l'objectif d'intérêt général poursuivi ou qui seraient disproportionnées au regard de cet objectif. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le décret attaqué porterait une atteinte illégale à l'autonomie des caisses, affirmée notamment, pour l'organisation autonome d'assurance vieillesse des professions libérales, par l'article L. 641-1 du code de la sécurité sociale, non plus qu'à leur droit de propriété, à leur liberté contractuelle ou, en tout état de cause, à leur liberté d'entreprendre ou à la liberté du commerce et de l'industrie. Ils ne sont pas plus fondés à soutenir qu'il méconnaîtrait l'article L. 641-2 code de la sécurité sociale confiant à la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales le rôle d'assurer la gestion du régime d'assurance vieillesse de base des professionnels libéraux et la gestion des réserves de ce régime, l'article L. 723-11 du code rural et de la pêche maritime confiant à la caisse centrale de la mutualité sociale agricole la mission d'assurer la gestion de la trésorerie des organismes de mutualité sociale agricole ni l'article L. 6527-2 du code des transports confiant à la caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile la gestion du régime complémentaire de retraite du personnel navigant professionnel civil salarié, ni qu'il serait, pour les motifs mentionnés ci-dessus, entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne les autres moyens des requêtes :
27. En premier lieu, le décret attaqué s'applique aux organismes mentionnés à l'article R. 623-2 du code de la sécurité sociale qu'il modifie uniquement pour la gestion de régimes de retraite ou d'invalidité revêtant un caractère obligatoire. Par suite, il ne peut être utilement soutenu qu'il méconnaîtrait le principe d'égalité au motif qu'il imposerait à ces organismes des contraintes plus lourdes que celles qui sont applicables aux sociétés d'assurance et aux mutuelles ou aux régimes de retraite supplémentaire. Par ailleurs, la circonstance que les régimes régis par le décret attaqué n'entrent pas dans le champ de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice, dite " solvabilité II ", ne faisait pas obstacle à ce que le pouvoir réglementaire s'inspire sur certains points des objectifs poursuivis par cette directive.
28. En deuxième lieu, si l'exigence de participation d'un tiers aux fonds mutualisés mentionnés au point 11 pourrait, selon certains des requérants, favoriser les sociétés de gestion liées à des grands groupes au détriment de sociétés indépendantes, les dispositions litigieuses s'appliquent sans distinction à l'ensemble des sociétés de gestion. Par suite, il ne peut être utilement soutenu que le principe d'égalité serait méconnu. En outre, eu égard à l'objectif d'intérêt général poursuivi par les dispositions relatives aux fonds mutualisés pour la sécurisation des placements des organismes de retraite considérés, le moyen tiré de l'atteinte illégale au principe de libre concurrence doit, en tout état de cause, être écarté.
29. En troisième lieu, tout d'abord, les expressions " gestion prudente ", " prix exacts, fiables et établis régulièrement ", " actifs sous-jacents " et " longue période ", qui sont utilisées aux articles R. 623-5, R. 623-10-11 et R. 623-10-20 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction issue du décret attaqué, et qui, pour les trois premières, figurent déjà aux articles L. 532-9, R. 214-9 et L. 465-3-3 du code monétaire et financier, ne sont pas équivoques et sont suffisamment précises. Quant à l' " actif vu par transparence ", il s'apprécie, ainsi qu'il se déduit notamment des articles R. 623-10-6 et R. 623-10-8 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction issue du décret attaqué, en substituant aux parts ou actions des organismes de placement collectifs ou de fonds d'investissement alternatifs les actifs que ceux-ci détiennent, au prorata de la participation de la caisse. Par ailleurs, les échéances différentes pour la production des documents de gestion et de restitution prévues aux articles R. 623-10-25, R. 623-10-40, R. 623-10-43 et R. 623-10-44 du code de la sécurité sociale ne s'appliquent pas aux mêmes actifs et aux mêmes documents et ne sont donc pas contradictoires. Enfin, la circonstance que le décret renvoie, sur certains points précis, à un arrêté interministériel n'en affecte pas l'intelligibilité. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le décret attaqué méconnaîtrait l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la norme ou serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation ni, en tout état de cause, qu'il méconnaîtrait, pour le même motif, le principe de sécurité juridique.
30. En quatrième lieu, par les dispositions du troisième alinéa du nouvel article R. 623-3 du code de la sécurité sociale, le décret attaqué prévoit que : " Dans le cadre et les limites des compétences que le conseil d'administration lui a déléguées, la commission chargée des placements examine à chaque réunion les décisions d'achat ou de vente prises par les services de [la caisse] lorsqu'une délégation à cet effet leur est consentie, par les gestionnaires des organismes de placement collectifs dont [cette caisse] détient plus de 50 % de l'actif net et par les mandataires. Elle fait part, le cas échéant, de ses observations au conseil d'administration ". Ces dispositions, qui prévoient un simple examen par la commission chargée des placements des décisions d'achat et de vente de ses mandataires, n'ont ni pour objet ni pour effet de permettre une immixtion dans la gestion de ces derniers et n'introduisent aucune inégalité entre porteurs de parts. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'elles méconnaîtraient les dispositions de la réglementation financière qui imposent aux sociétés de gestion de portefeuille d'agir de manière indépendante et de servir au mieux les intérêts de l'ensemble des investisseurs.
31. En dernier lieu, le décret attaqué prévoit, à l'article R. 623-10-14 qu'il insère dans le code de la sécurité sociale, que : " Les actes de propriété des actifs immobiliers et les actes et les titres consacrant les créances doivent être conservés sur le territoire de la République française ". Ces dispositions ne prévoient d'obligation qu'en ce qui concerne les actifs détenus directement par les caisses et, par suite, n'empêchent pas ces dernières de souscrire des parts et actions d'organismes de placement collectif en valeurs mobilières ou de fonds d'investissement alternatifs qui investissent dans des actifs d'autres Etats de l'Union européenne. Dès lors, le moyen tiré de ce que le décret attaqué ne respecterait pas la libre circulation des capitaux garantie par le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doit être écarté.
32. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont fondés à demander l'annulation du décret qu'ils attaquent en tant seulement que, par des dispositions qui sont divisibles du reste de ce décret, l'article R. 623-7 nouveau qu'il insère dans le code de la sécurité sociale comporte une deuxième phrase à son deuxième alinéa et que son article 4 ne prévoit pas de possibilité d'adapter l'application des obligations qu'il impose à la situation particulière de chacun des régimes considérés.
Sur les frais liés au litige :
33. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat les sommes que les requérants demandent au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'intervention de M. B...est admise.
Article 2 : Le décret n° 2017-887 du 9 mai 2017 relatif à l'organisation financière de certains régimes de sécurité sociale est annulé en tant que l'article R. 623-7 nouveau qu'il insère dans le code de la sécurité sociale comporte une deuxième phrase à son deuxième alinéa et que son article 4 ne prévoit pas de possibilité d'adapter l'application des obligations qu'il impose à la situation particulière de chacun des régimes considérés.
Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires, à la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse de professionnels libéraux, à la société Ycap Asset Management, première nommée, pour l'ensemble des requérantes ayant présenté la requête n° 412254, à la caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes, à la caisse nationale des barreaux de France, au syndicat national des pilotes de ligne France ALPA, à la caisse d'assurance vieillesse des experts-comptables et commissaires aux comptes, à la caisse autonome de retraite des médecins de France, désignée représentante unique, pour l'ensemble des requérantes ayant présenté la requête n° 412325, au Premier ministre, à la ministre des solidarités et de la santé et à M. A...B....
Copie en sera adressée au Premier ministre et au ministre de l'économie et des finances.