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Ariane Web: Conseil d'État 392353, lecture du 30 décembre 2015, ECLI:FR:CECHS:2015:392353.20151230

Décision n° 392353
30 décembre 2015
Conseil d'État

N° 392353
ECLI:FR:CESJS:2015:392353.20151230
Inédit au recueil Lebon
9ème SSJS
M. Bastien Lignereux, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SCP DIDIER, PINET, avocats


Lecture du mercredi 30 décembre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles il a été assujetti au titre des années 2005 à 2009. Par un jugement n° 1003390 du 16 janvier 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14NC00500 du 2 juin 2015, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 août et 4 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 75-678 du 29 juillet 1975 ;
- la loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998 ;
- la loi n° 2002-1575 du 30 décembre 2002 ;
- la loi n° 2007-211 du 19 février 2007 ;
- la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bastien Lignereux, auditeur,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat de M. A...;


Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'État (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes de l'article 1467 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " La taxe professionnelle a pour base : / 1° Dans le cas des contribuables autres que ceux visés au 2° : / a. la valeur locative, telle qu'elle est définie aux articles 1469, 1518 A et 1518 B, des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de celles qui ont été détruites ou cédées au cours de la même période ; (...) / 2° Dans le cas des titulaires de bénéfices non commerciaux, des agents d'affaires, des fiduciaires pour l'accomplissement de leur mission et des intermédiaires de commerce employant moins de cinq salariés et n'étant pas soumis de plein droit ou sur option à l'impôt sur les sociétés, le dixième des recettes et la valeur locative des seules immobilisations passibles des taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties et dont le contribuable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie au a du 1°. / La fraction des recettes mentionnée au premier alinéa est fixée à (...) 6 % à compter de 2005 (...) ".

3. M. A...soutient que les dispositions du 2° de cet article, dans leur rédaction issue des articles 26 et 84 de la loi du 30 décembre 2002 de finances pour 2003 et de l'article 9 de la loi du 19 février 2007 instituant la fiducie, méconnaissent le principe d'égalité devant les charges publiques en ce qu'elles prévoient que, pour les titulaires de bénéfices non commerciaux employant moins de cinq salariés et n'étant pas soumis de plein droit ou sur option à l'impôt sur les sociétés, la base d'imposition à la taxe professionnelle comprend, outre la valeur locative des immobilisations passibles des taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, une fraction égale à 6 % des recettes, alors que les titulaires de bénéfices non commerciaux employant cinq salariés ou plus en sont dispensés en vertu du 1° de l'article 1467 du code général des impôts.

4. En premier lieu, les dispositions en cause sont applicables au présent litige, qui porte sur la taxe professionnelle due au titre des années 2005 à 2009.

5. En second lieu, si, par sa décision n° 98-405 DC du 29 décembre 1998, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la conformité à la Constitution des dispositions issues de l'article 44 de la loi du 30 décembre 1998 de loi de finances pour 1999, modifiant l'article 1467 du code général des impôts, en ce qu'elles maintenaient inchangée l'assiette de la taxe professionnelle due par les membres des professions libérales, agents d'affaires et intermédiaires de commerce employant moins de cinq salariés et relevant du régime fiscal des bénéfices non commerciaux, alors qu'elles procédaient par ailleurs à la suppression de la composante salariale de l'assiette de la taxe professionnelle due par les autres redevables de cette imposition, les dispositions du 2° de l'article 1467 du code général des impôts, définissant l'assiette de la taxe professionnelle due par les titulaires de bénéfices non commerciaux employant moins de cinq salariés ne peuvent être regardées, au sens et pour l'application du 2° de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, comme ayant déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

6. En troisième lieu, alors que la généralité des redevables de la taxe professionnelle étaient assujettis à celle-ci, pour les impositions établies postérieurement au 1er janvier 2003, sur le fondement de la valeur locative de l'ensemble des immobilisations corporelles dont ils avaient disposé pour les besoins de leur activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478 du code général des impôts, l'assiette de la taxe due par les titulaires de bénéfices non commerciaux employant moins de cinq salariés mentionnés au 2° de l'article 1467 du même code ne portait, outre une fraction de 6 % des recettes, que sur la valeur locative des immobilisations passibles des taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties. En instituant ce régime d'imposition particulier par la loi du 29 juillet 1975 supprimant la patente et instituant une taxe professionnelle, le législateur a entendu assurer, pour cette dernière catégorie de contribuables, une imposition qui soit en rapport avec la capacité contributive de redevables dont l'activité libérale peut être exercée sans mise en oeuvre de moyens matériels et humains importants. Eu égard à cette spécificité dans le mode d'exercice de leur activité, les titulaires de bénéfices non commerciaux se trouvaient, selon que le nombre de salariés qu'ils employaient était ou non inférieur à cinq, dans une situation différente au regard de l'objet de la loi, justifiant la différence de traitement que celle-ci avait instituée.

7. Au surplus, la circonstance que, dans sa décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution le premier alinéa du 2° de l'article 1467 du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 ne saurait être utilement invoquée par le requérant, dès lors qu'eu égard aux motifs de cette décision, la censure prononcée par le Conseil constitutionnel portait sur des dispositions instituant des règles d'imposition différentes de celles applicables aux années d'imposition en litige.

8. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Dès lors, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que le 2° de l'article 1467 du code général des impôts dans sa rédaction antérieure à la loi du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.

9. Pour demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque, M. A...soutient pour le surplus que la cour administrative d'appel de Nancy a, en premier lieu, insuffisamment motivé son arrêt en omettant de répondre au moyen tiré de ce que l'administration avait mal appliqué les dispositions du 2° de l'article 1467 du code général des impôts et, en second lieu, méconnu les articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales en jugeant qu'il ne pouvait se prévaloir à l'encontre de l'administration de l'avis d'absence de redressement que la vérificatrice lui a adressé le 28 janvier 2009.

10. Aucun de ces moyens n'est de nature à justifier l'annulation de l'arrêt attaqué. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de M. A...doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A....
Article 2 : Le pourvoi de M. A... est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... A...et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.