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Ariane Web: Conseil d'État 347030, lecture du 13 juillet 2011, ECLI:FR:CESSR:2011:347030.20110713

Décision n° 347030
13 juillet 2011
Conseil d'État

N° 347030
ECLI:FR:CESSR:2011:347030.20110713
Publié au recueil Lebon
5ème et 4ème sous-sections réunies
M. Jean-Dominique Langlais, rapporteur
M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public
SPINOSI ; SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats


Lecture du mercredi 13 juillet 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu, 1° sous le n° 347030, le mémoire, enregistré le 19 avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour le SYNDICAT INTERPROFESSIONNEL DES RADIOS ET TELEVISIONS INDEPENDANTES, dont le siège est 7 villa Virginie à Paris (75014), en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; le syndicat demande au Conseil d'Etat, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la décision n° 2011-44 du 15 février 2011 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a autorisé la société nationale de programme Radio France à exploiter un service de radio par voie hertzienne terrestre intitulé France Bleu Toulouse, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 26 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, en tant qu'il permet l'attribution prioritaire de ressources radioélectriques aux sociétés mentionnées à l'article 44 de la même loi ;




Vu, 2° sous le n° 347721, le mémoire, enregistré le 19 avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la SARL 100% RADIO, dont le siège est 30 boulevard du Thoré à Aussillon (81200), l'ASSOCIATION ARA TOTEM, dont le siège est 8 rue du Gros à La Primaube (12450), la SA AFRICA MEDIA, dont le siège est 33 rue du Faubourg-Saint-Antoine à Paris (75011), la SARL NORD SUD COMMUNICATION, dont le siège est 116 rue Haxo à Paris (75019), la SAS OUI FM, dont le siège est 2 rue de la Roquette, passage du Cheval-Blanc à Paris (75011), la SARL RADIO NOVA, dont le siège est 127 avenue Ledru-Rollin à Paris (75011), la SAS RML, dont le siège est 167 rue du Chevaleret à Paris (75013), et la SARL TSF JAZZ, dont le siège est 127 avenue Ledru-Rollin à Paris (75011) ; les requérantes demandent au Conseil d'Etat, à l'appui de leur requête tendant à l'annulation de la même décision du 15 février 2011 du Conseil supérieur de l'audiovisuel, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de la même disposition de la loi du 30 septembre 1986 ;



....................................................................................


Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

Vu la décision n° 86-217 DC du 18 septembre 1986 du Conseil constitutionnel ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Spinosi, avocat du SYNDICAT INTERPROFESSIONNEL DES RADIOS ET TELEVISIONS INDEPENDANTES et de la SARL 100 % RADIO et autres et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de Radio France,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Spinosi, avocat du SYNDICAT INTERPROFESSIONNEL DES RADIOS ET TELEVISIONS INDEPENDANTES et de la SARL 100 % RADIO et autres et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Radio France ;



Considérant que les mémoires visés ci-dessus présentent à juger la question de la conformité à la Constitution des mêmes dispositions législatives ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

Considérant qu'aux termes du II de l'article 26 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : " A la demande du Gouvernement, le Conseil supérieur de l'audiovisuel et l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, respectivement pour les ressources radioélectriques de radiodiffusion et de transmission, accordent en priorité aux sociétés mentionnées à l'article 44 ou à leurs filiales répondant à des obligations de service public le droit d'usage de la ressource radioélectrique nécessaire à l'accomplissement de leurs missions de service public. (...) " ;

Considérant, d'une part, que si les dispositions de l'article 26 de la loi du 30 septembre 1986 ont été remplacées par celles issues de l'article 38 de la loi du 1er août 2000, ces dernières dispositions, dans la mesure où elles prévoient que l'autorité de régulation attribue par priorité aux sociétés mentionnées à l'article 44 de la même loi les ressources radioélectriques nécessaires à l'accomplissement de leurs missions de service public, reprennent à l'identique celles de l'article 26 de cette loi dans leur version initiale ; que le Conseil constitutionnel a, dans l'article 3 de sa décision n° 86-217 DC du 18 septembre 1986, déclaré conforme à la Constitution l'ensemble des dispositions de la loi du 30 septembre 1986 non censurées dans l'article 1er, au nombre desquelles celles de l'article 26 de ce texte, examiné dans les motifs de ladite décision, alors même que cet examen n'a expressément porté que sur le troisième alinéa de cet article ; qu'ainsi l'article 26 de la loi du 30 septembre 1986 a été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif de cette décision ;

Considérant, d'autre part, que si le législateur est intervenu depuis lors pour substituer le Conseil supérieur de l'audiovisuel à la Commission nationale de la communication et des libertés, pour accorder le droit d'usage de la ressource attribuée par priorité directement aux sociétés de programme et non plus à une société chargée de la diffusion de leurs programmes, pour préciser que la demande d'attribution prioritaire est adressée au Conseil supérieur de l'audiovisuel par le Gouvernement et pour mentionner explicitement, parmi les bénéficiaires du régime de l'attribution prioritaire, les filiales créées par les sociétés mentionnées à l'article 44 de la loi du 30 septembre 1986 et soumises aux mêmes obligations de service public, ces modifications ne constituent pas des changements de circonstances de droit affectant la portée des dispositions déclarées conformes à la Constitution ; que la circonstance, invoquée par les requérants, qu'il serait devenu matériellement impossible de rendre des fréquences disponibles pour la radiodiffusion en mode analogique autrement que par réallocation de fréquences déjà attribuées ne constitue pas davantage une circonstance de fait nouvelle de nature à permettre un nouvel examen de ces dispositions, dès lors que la rareté de la ressource radioélectrique est une donnée constante dont la situation actuelle était une conséquence raisonnablement prévisible dès l'adoption de la loi du 30 septembre 1986 et dont le législateur a tenu compte ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 26 de la loi du 30 septembre 1986, en tant qu'elles permettent l'attribution prioritaire de ressources radioélectriques aux sociétés mentionnées à l'article 44 de la même loi, méconnaissent les droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;


D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le SYNDICAT INTERPROFESSIONNEL DES RADIOS ET TELEVISIONS INDEPENDANTES, la SARL 100% RADIO, l'ASSOCIATION ARA TOTEM, la SA AFRICA MEDIA, la SARL NORD SUD COMMUNICATION, la SAS OUI FM, la SARL RADIO NOVA, la SAS RML et la SARL TSF JAZZ.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT INTERPROFESSIONNEL DES RADIOS ET TELEVISIONS INDEPENDANTES, à la SARL 100% RADIO, premier requérant dénommé sous le n° 347721, au Conseil supérieur de l'audiovisuel, à la société Radio France, au Premier ministre et au ministre de la culture et de la communication. Les autres requérants seront informés de la présente décision par Maître Spinosi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.



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