Base de jurisprudence


Analyse n° 472366
20 juin 2023
Conseil d'État

N° 472366
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Lecture du mardi 20 juin 2023



52-045 : Pouvoirs publics et autorités indépendantes- Autorités administratives indépendantes-

HATVP - Avis sur la compatibilité de l'exercice d'une activité rémunérée au sein d'une entreprise avec des fonctions gouvernementales antérieures (art. 23 de la loi du 11 octobre 2023) - Appréciation sur le risque de prise illégal d'intérêts - 1) a) Existence d'un tel pouvoir - b) Teneur (1) - 2) Illustration - Cas d'un ancien secrétaire d'Etat chargé du numérique souhaitant rejoindre le conseil d'administrationd'Atos.




En vertu du I de l'article 23 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) se prononce sur la compatibilité de l'exercice d'une activité libérale ou d'une activité rémunérée au sein d'une entreprise ou au sein d'un établissement public ou d'un groupement d'intérêt public dont l'activité a un caractère industriel et commercial avec, notamment, des fonctions gouvernementales précédemment exercées, à la lumière des obligations déontologiques mentionnées à l'article 1er de cette même loi. 1) a) A ce titre, il lui appartient notamment d'apprécier si l'exercice des fonctions risque de placer l'intéressé en situation de commettre l'infraction prévue par l'article 432-13 du code pénal qui définit et punit la prise illégale d'intérêts par, entre autres, un ancien membre du gouvernement. b) A cet effet, il lui revient non d'examiner si les éléments constitutifs de cette infraction sont effectivement réunis, mais d'apprécier le risque qu'ils puissent l'être et de se prononcer de telle sorte qu'il soit évité à l'intéressé comme à l'administration d'être mis en cause. 2) Requérant ayant exercé, entre mars 2019 et mai 2022, des fonctions de secrétaire d'Etat chargé du numérique auprès de différents ministres. Requérant ayant demandé à la HATVP de se prononcer sur la compatibilité de son projet de devenir membre du conseil d'administration de la société Atos avec les fonctions gouvernementales qu'il avait exercées. Haute Autorité ayant émis un avis d'incompatibilité dont l'intéressé demande l'annulation pour excès de pouvoir. Le groupe Atos a bénéficié de plusieurs plans de soutien sectoriels comportant le versement de subventions de la part de l'Etat. La Haute Autorité a estimé, dans ses deux délibérations, que l'intéressé, qui exerçait des fonctions gouvernementales aux dates concernées, se trouvait, en raison de ses attributions, exposé au risque de commettre le délit de prise illégale d'intérêts défini par l'article 432-13 du code pénal s'il devenait administrateur de la société Atos. Les deux décrets d'attributions successifs de l'intéressé ont prévu, notamment, qu'il « veille au développement des entreprises et acteurs français du numérique », dont il est constant que la société Atos fait partie, et qu'« il participe à la mise en oeuvre du programme des investissements d'avenir dans le domaine du numérique ». Son cabinet, agissant sous son autorité, a effectivement participé, conformément à ces attributions, au processus ayant conduit à l'adoption des plans de soutien mentionnés ci-dessus et comportant le versement de subventions au groupe Atos. Compte tenu de ces circonstances, et alors même que l'inclusion du groupe Atos dans les plans de soutien se serait imposée avec une évidence telle qu'elle ne nécessitait aucune intervention de sa part ou de son cabinet et que la prise des décisions relatives à ces plans de soutien aurait été le fait d'autres autorités administratives, la Haute Autorité a pu légalement estimer que le projet de l'intéressé consistant à devenir administrateur de la société Atos l'exposait au risque de commettre le délit de prise illégale d'intérêts, sans qu'ait d'incidence sur cette appréciation la circonstance que les fonctions envisagées par lui au sein de la société Atos seraient celles d'« administrateur indépendant », cette indépendance impliquant seulement l'absence de lien antérieur d'emploi, de direction, de banque, de conseil ou de famille avec la société en cause.


(1) Rappr., s'agissant de l'appréciation portée par la HATVP au titre de l'examen de la compatibilité du projet d'activité privée lucrative d'un fonctionnaire avec ses fonctions précédentes, CE, 4 novembre 2020, M. , n° 440963, p. 389.