CAA de PARIS
N° 23PA02003
Formation plénière
Mme la Pdte. FOMBEUR, présidente
Mme Marguerite SAINT-MACARY, rapporteure
Mme LIPSOS, rapporteure publique
SCP WAQUET FARGE HAZAN, avocats
Lecture du lundi 23 décembre 2024
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... K... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) à lui verser la somme de
142 000 euros, assortie des intérêts légaux, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de plusieurs fautes commises par l'établissement.
Par un jugement n° 2017652 du 9 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Institut national de la santé et de la recherche médicale à verser à M. K... une somme de 8 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2020 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 9 mai, 27 juin, 13 novembre et 12 décembre 2023, un mémoire récapitulatif produit en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, enregistré le 18 mars 2024, et de nouveaux mémoires enregistrés les 23 avril et 15 novembre 2024, M. K..., représenté par Me Delacharlerie, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris ;
2°) de condamner l'INSERM à lui verser la somme de 142 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2020 et de la capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge de l'INSERM la somme de 25 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
- le jugement attaqué ne mentionne pas les textes applicables au litige et répond de façon insuffisamment motivée à ses moyens tirés de la carence de l'INSERM en matière de traitement des risques psycho-sociaux et de l'absence de document unique d'évaluation des risques professionnels ;
- l'INSERM n'a pas respecté l'exigence légale de publicité et de transparence à la fois de la procédure et des résultats de l'évaluation de son équipe de recherche ;
- le courrier du 30 juillet 2019 notifiant le non-renouvellement de son unité de recherche est un faux en ce qu'il mentionne l'accord des autres tutelles et les affirmations concernant les signatures des documents relatifs à la décision du 29 juin 2020 sont fausses ;
- la décision de non-renouvellement de son équipe de recherche n'est pas fondée sur des critères objectifs, en méconnaissance des articles L. 114-1 et L. 114-3 et suivants du code de la recherche et de l'article L. 100-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle est entachée d'inexactitude matérielle quant aux effectifs, aux moyens financiers et au rayonnement international de son équipe ;
- elle méconnaît le principe de la contradiction ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle est liée à l'acrimonie du directeur de son unité de recherche à son encontre et fondée un motif politique alors que sa valeur scientifique est établie ;
- elle méconnaît le principe d'égalité ;
- l'INSERM a commis une faute en raison de l'absence de document unique d'évaluation des risques professionnels lors de l'agression verbale dont il a été victime, en méconnaissance des articles L. 4121-3 et R. 4121-1 du code du travail ;
- il n'a pas pris en compte les préconisations du rapport du 3 mai 2013 d'un membre de la commission scientifique spécialisée numéro 5 ;
- il n'a pas pris en compte les préconisations du médecin du travail ;
- il a minimisé l'agression dont il a été victime ;
- il a commis une faute en le laissant sans affectation ;
- ses préjudices s'élèvent à 32 000 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 10 000 euros au titre de l'absence d'affectation et de mission effective, 50 000 euros au titre de l'atteinte à l'honneur et à la réputation et 50 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence ;
- il existe un lien de causalité direct entre les fautes liées à ses conditions de travail et la perte d'une chance sérieuse d'éviter l'agression verbale dont il a été victime, la maladie professionnelle qu'il a contractée et les conséquences défavorables sur son niveau de rémunération, de même qu'entre le non-renouvellement de son équipe de recherche et les troubles dans ses conditions d'existence, son préjudice moral et une atteinte à son honneur et à sa réputation ;
- le non-renouvellement de son équipe est susceptible d'engager la responsabilité sans faute de l'INSERM pour rupture d'égalité devant les charges publiques.
Par des mémoires en défense enregistrés les 18 août et 10 novembre 2023 et 4 et 30 avril et 12 septembre 2024, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, représenté par la SCP Waquet, Farge, Hazan, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. K... la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par M. K... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le code de la recherche ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Saint-Macary,
- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,
- et les observations de Me Delacharlerie, représentant M. K..., et de Me Waquet, représentant l'INSERM.
Considérant ce qui suit :
1. M. K..., directeur de recherche à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), était affecté au sein de l'unité mixte de recherche A... intitulée O..., dépendant de l'université de Paris Saclay, de l'Institut Curie, du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et de l'INSERM, en tant que responsable de l'équipe de recherche N.... A la suite d'une agression verbale dont il indique avoir été l'objet de la part du directeur de l'unité de recherche le 14 décembre 2017, il s'est plaint auprès de l'institut Curie d'une situation qu'il estimait constitutive d'un harcèlement moral. Au printemps 2019, l'activité scientifique de son équipe a fait l'objet d'une évaluation sur les cinq dernières années, dans le cadre de la procédure de renouvellement de l'unité. A l'issue de cette procédure, ainsi qu'il résulte d'un courrier du 30 juillet 2019, l'INSERM n'a pas renouvelé son équipe de recherche à compter du 1er janvier 2020. Par une demande préalable du 25 juin 2020, qui a été implicitement rejetée, M. K... a demandé à l'INSERM la réparation de plusieurs préjudices pour un montant total de 142 000 euros. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris n'a fait droit à sa demande qu'à hauteur de 8 000 euros.
Sur les règles de procédure applicables au litige :
2. D'une part, la Cour n'a pas à prendre en considération l'argumentation de première instance à laquelle le requérant renvoie sans joindre à sa requête une copie des mémoires auxquels il se réfère.
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative : " Le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction peut demander à l'une des parties de reprendre, dans un mémoire récapitulatif, les conclusions et moyens précédemment présentés dans le cadre de l'instance en cours, en l'informant que, si elle donne suite à cette invitation, les conclusions et moyens non repris seront réputés abandonnés. En cause d'appel, il peut être demandé à la partie de reprendre également les conclusions et moyens présentés en première instance qu'elle entend maintenir. / Le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction peut en outre fixer un délai, qui ne peut être inférieur à un mois, à l'issue duquel, à défaut d'avoir produit le mémoire récapitulatif mentionné à l'alinéa précédent, la partie est réputée s'être désistée de sa requête ou de ses conclusions incidentes. La demande de production d'un mémoire récapitulatif informe la partie des conséquences du non-respect du délai fixé ".
4. Il résulte de ces dispositions qu'un mémoire récapitulatif doit reprendre l'ensemble des conclusions et moyens, présentés dans le cadre de l'instance en cours et, si l'invitation a porté également sur ce point, dans le cadre de la première instance, que la partie entend maintenir. Par suite, un tel mémoire ne peut être valablement motivé par référence à de précédentes écritures et un tel renvoi est dépourvu de portée. Le juge doit ainsi se prononcer, au vu des pièces versées au dossier, sur les moyens tels qu'ils sont développés dans le seul mémoire récapitulatif, sans se reporter aux écritures, fussent-elles jointes, précédemment présentées dans le cadre de l'instance en cours ni, si telle est la portée de l'invitation, dans le cadre de la première instance.
5. Par un courrier du 15 février 2024, la Cour a demandé à M. K... de produire, dans un délai d'un mois, un mémoire récapitulatif en application des dispositions de la première phrase du premier alinéa et du second alinéa de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que les renvois, par ce mémoire, aux écritures précédentes de M. K... devant la Cour sont dépourvus de portée.
Sur la régularité du jugement :
6. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Aux termes de l'article R. 741-2 du même code : " La décision (...) contient (...) les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application (...) ".
7. Tout d'abord, le tribunal, qui a visé le code de la recherche et mentionné dans les motifs de son jugement les articles de ce code dont il faisait application, a suffisamment exposé les motifs de droit sur lesquels il se fondait pour écarter les moyens dirigés contre la décision de non-renouvellement de l'équipe de recherche de M. K.... Ensuite, il a écarté de manière suffisamment motivée, aux points 15 à 18 de son jugement, le moyen tiré de la carence fautive de l'INSERM en matière de traitement des risques psycho-sociaux. Enfin, si M. K... soutenait que l'INSERM ne justifiait pas avoir élaboré un document unique d'évaluation des risques professionnels à la date de l'agression verbale dont il dit avoir été victime, le 14 décembre 2017, il ressort de ses écritures de première instance que l'absence de ce document était seulement invoquée comme un argument, auquel le tribunal n'était pas tenu de répondre, au soutien du moyen tiré de la faute commise par l'INSERM en s'abstenant de mettre en place des mesures pour prévenir les risques psycho-sociaux. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté.
Sur la responsabilité pour faute :
En ce qui concerne le non-renouvellement de l'équipe de recherche de M. K... :
8. Aux termes de l'article L. 114-1 du code de la recherche, dans sa rédaction applicable au litige : " Les activités de recherche financées en tout ou partie sur fonds publics, réalisées par des opérateurs publics ou privés, sont évaluées sur la base de critères objectifs adaptés à chacune d'elles et s'inspirant des meilleures pratiques internationales. / Parmi ces critères, les contributions au développement de l'innovation et de la culture scientifique et les actions en faveur de la participation du public à la prospection, à la collecte de données et au progrès de la connaissance scientifique sont prises en compte ". Aux termes de l'article L. 114-3 du même code : " L'appréciation de la qualité de la recherche repose sur des procédures d'appréciation périodique portant à la fois sur les personnels, les équipes, les programmes et les résultats. / Ces procédures respectent le principe de l'examen contradictoire et ouvrent la possibilité de recours devant l'autorité administrative ". Enfin, aux termes de l'article L. 100-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration agit dans l'intérêt général et respecte le principe de légalité. Elle est tenue à l'obligation de neutralité (...). Elle se conforme au principe d'égalité et garantit à chacun un traitement impartial ".
9. En premier lieu, ainsi que l'admet d'ailleurs M. K..., les décisions de nomination de M. J... et de M. D... comme directeurs de l'unité A... sont étrangères au renouvellement de son équipe de recherche et sont ainsi dépourvues de lien avec les préjudices allégués. Dès lors, le requérant ne peut utilement soutenir qu'elles seraient irrégulièrement signées.
10. En deuxième lieu, le courrier du 30 juillet 2019 se borne à informer le futur directeur de l'unité de recherche A... du renouvellement de cette unité, sans l'équipe de recherche de M. K..., en annonçant la prochaine notification de la décision de renouvellement par les organismes de tutelle. Si cette décision n'a été formalisée que le 29 juin 2020, par un courrier signé du directeur du CNRS, du président-directeur général de l'INSERM, de la présidente de l'université Paris-Saclay et du président de l'Institut Curie précisant les cinq équipes de recherche composant l'unité à compter du 1er janvier 2020, il n'en résulte pas, contrairement à ce que soutient M. K..., que le courrier du 30 juillet 2019 serait un " faux " ou ferait état, à tort, d'une décision conjointe de renouvellement de l'unité de recherche.
11. En troisième lieu, si M. K... soutient que l'INSERM n'a pas respecté l'exigence légale de publicité et de transparence de la procédure et des résultats de l'évaluation, il ne précise pas quelles dispositions législatives ou réglementaires auraient été méconnues.
12. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que, d'une part, M. K... a reçu un guide relatif à l'évaluation des structures de recherche de l'INSERM, préalablement à la campagne d'évaluation, exposant le déroulement et les critères pris en considération pour l'évaluation des demandes de renouvellement d'unités de recherche. D'autre part, il a été évalué à partir des informations et documents qu'il a remis et a pu s'entretenir avec les responsables de la commission scientifique spécialisée dans le cadre de l'évaluation conduite et ainsi faire valoir ses observations sur le fonctionnement de son équipe. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure n'a pas respecté le principe de l'examen contradictoire doit être écarté.
13. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction que la décision de non-renouvellement de l'équipe de recherche dirigée par M. K... a été prise au regard de plusieurs critères, tenant notamment à la nature du projet de recherche de cette équipe, à ses publications et à leur valorisation, à sa visibilité internationale, à ses moyens humains, et à ses capacités de financement. En se bornant à se prévaloir, dans son mémoire récapitulatif et dans ses mémoires postérieurs, de sa propre valeur scientifique, de la place de son équipe dans un classement " Top10PDC ", qui aurait été établi par l'INSERM mais dont l'objet n'est pas précisé, et de la taille des modules de laboratoire, M. K... n'apporte pas d'éléments de nature à remettre en cause le bien-fondé de cette décision. Par ailleurs, s'il soutient que le comité scientifique n'aurait consacré que dix minutes à l'analyse de son unité de recherche, cette circonstance, à la supposer avérée, serait à elle seule sans incidence sur la pertinence de son évaluation qui repose sur des faits précédemment constatés par la commission scientifique spécialisée. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que l'équipe de M. K... n'aurait pas été évaluée sur la base de critères objectifs, ni que l'appréciation portée sur son équipe serait entachée d'inexactitude matérielle ou d'erreur manifeste d'appréciation, ni, enfin, que le principe d'égalité aurait été méconnu.
14. En dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que le directeur de l'unité de recherche de M. K..., avec lequel il entretenait de mauvaises relations, aurait eu une influence sur la décision de non-renouvellement de son équipe de recherche, ni que cette décision, intervenue, ainsi qu'il a été dit au point précédent, sur la base de critères objectifs, aurait été prise pour des motifs " politiques ". Il résulte d'ailleurs de l'instruction qu'à la date de la décision de non-renouvellement de cette équipe, le départ du directeur de l'unité de recherche était prévu au 1er janvier 2020.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. K... n'est pas fondé à soutenir que la décision du 30 juillet 2019 de non-renouvellement de son équipe de recherche serait entachée d'une illégalité fautive.
En ce qui concerne les conditions de travail de M. K... :
16. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'altercation de M. K... avec le directeur de son unité de recherche, le 14 décembre 2017, qu'il qualifie d'agression verbale, avait pour motif sa demande d'obtention de locaux plus grands et le règlement d'un problème relationnel au sein de son équipe. Il ne résulte pas de l'instruction que l'existence d'un document unique d'évaluation des risques professionnels, prévu par l'article R. 4121-1 du code du travail, aurait permis d'éviter cet incident. Par suite, le lien de causalité entre la faute qu'aurait commise l'INSERM en raison de l'absence d'un tel document et le préjudice découlant selon M. K... de cette altercation n'est pas établi.
17. En deuxième lieu, la préconisation figurant dans le rapport d'un membre de la commission scientifique spécialisée numéro 5, consistant en la nomination d'un médiateur en cas de conflit entre un membre de l'unité de recherche et le directeur de cette unité, ne présentait aucun caractère obligatoire. Elle a, en outre, été émise plusieurs années avant l'agression verbale dont M. K... dit avoir été victime, et n'avait identifié aucun risque précis de conflit. Ainsi, l'INSERM n'a commis aucune faute en ne suivant pas cette préconisation.
18. En troisième lieu, si M. K... soutient que les préconisations du médecin du travail n'ont pas été respectées, il ne précise pas lesquelles.
19. En dernier lieu, il résulte de l'instruction qu'à la demande de la direction de l'Institut Curie, le directeur de son unité de recherche a changé de bureau, pour un bureau plus éloigné du sien, dans les semaines qui ont suivi l'incident du 14 décembre 2017. Par suite,
M. K... n'est pas fondé à soutenir que l'incident aurait été minimisé et que l'INSERM aurait commis une faute en ne prenant pas les mesures utiles pour apaiser les tensions entre le directeur de son unité de recherche et lui.
En ce qui concerne l'absence d'affectation de M. K... à compter du
1er janvier 2020 :
20. Sous réserve de dispositions statutaires particulières, tout fonctionnaire en activité tient de son statut le droit de recevoir, dans un délai raisonnable, une affectation correspondant à son grade. Pour déterminer l'étendue de la responsabilité de la personne publique, il est tenu compte des démarches qu'il appartient à l'intéressé d'entreprendre auprès de son administration, eu égard tant à son niveau dans la hiérarchie administrative qu'à la durée de la période pendant laquelle il a bénéficié d'un traitement sans exercer aucune fonction.
21. Il résulte de l'instruction qu'alors que l'absence d'affectation de M. K... à compter du 1er janvier 2020 était connue de l'INSERM depuis le 30 juillet 2019, l'établissement n'a proposé à l'intéressé aucun poste depuis cette date, ni même exploré des pistes d'affectation, comme s'y étaient pourtant engagés les responsables présents au seul entretien dont a bénéficié l'intéressé, le 25 septembre 2019, et ce malgré plusieurs relances de sa part jusqu'au mois de juin 2020. Si la crise sanitaire de 2020, la spécificité de l'emploi d'enseignant-chercheur de
M. K... et ses congés pour invalidité temporaire imputable au service du 10 décembre 2019 au 28 février 2020 et à compter du 18 décembre 2020 sont de nature à avoir rendu plus difficile la recherche d'une affectation, ces circonstances particulières ne permettent pas de regarder comme raisonnable le délai qui s'est écoulé depuis le 1er janvier 2020. Ce délai excessif constitue, dès lors, une faute. Il sera fait une juste appréciation du préjudice moral de M. K... en l'évaluant, dans les circonstances particulières de l'espèce, à la somme de 2 000 euros. En revanche, le requérant n'établit pas subir un déficit fonctionnel temporaire, des troubles dans ses conditions d'existence et une atteinte à son honneur et à sa réputation qui présenteraient un lien de causalité direct avec la faute commise par l'INSERM en s'abstenant de lui donner une nouvelle affectation dans un délai raisonnable.
22. La somme de 2 000 euros sera assortie des intérêts au taux légal à compter du
30 juin 2020, date de réception par l'INSERM de la demande d'indemnisation de M. K..., ainsi que de la capitalisation des intérêts le 30 juin 2021, date à laquelle un an d'intérêts était dû, et à chaque échéance annuelle depuis cette date.
Sur la responsabilité pour rupture d'égalité devant les charges publiques :
23. Le non-renouvellement de l'équipe de recherche de M. K..., dans le cadre de la procédure d'évaluation périodique des unités de recherche de l'INSERM, et à l'issue de l'application de critères objectifs, n'est pas susceptible de lui avoir causé un préjudice grave et spécial. Par suite, M. K... n'est pas fondé à soutenir qu'il devrait être indemnisé, sans faute, pour rupture d'égalité devant les charges publiques.
24. Il résulte de tout ce qui précède que M. K... est seulement fondé à demander que l'indemnité que le tribunal administratif a condamné l'INSERM à lui verser soit portée à la somme de 10 000 euros.
Sur les frais du litige :
25. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'INSERM une somme de 1 500 euros à verser à M. K... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de M. K... la somme demandée par l'INSERM sur ce fondement.
D É C I D E :
Article 1er : La somme de 8 000 euros que l'INSERM a été condamné à verser à M. K... est portée à 10 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2020 ainsi que de la capitalisation des intérêts le 30 juin 2021 et à chaque échéance annuelle depuis cette date.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 9 mars 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.
Article 3 : L'INSERM versera à M. K... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... K... et à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale.
Délibéré après l'audience du 11 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Fombeur, présidente de la Cour,
Mme M..., première vice-présidente,
M. C..., Mme L..., M. F..., M. I..., Mme E..., M. H..., M. G...,
Mme Menasseyre, présidents de chambre,
Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 décembre 2024.
La rapporteure,
M. SAINT-MACARY
La présidente,
P. FOMBEUR
La greffière,
A. GASPARYAN
La République mande et ordonne au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA02003
N° 23PA02003
Formation plénière
Mme la Pdte. FOMBEUR, présidente
Mme Marguerite SAINT-MACARY, rapporteure
Mme LIPSOS, rapporteure publique
SCP WAQUET FARGE HAZAN, avocats
Lecture du lundi 23 décembre 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... K... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) à lui verser la somme de
142 000 euros, assortie des intérêts légaux, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de plusieurs fautes commises par l'établissement.
Par un jugement n° 2017652 du 9 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Institut national de la santé et de la recherche médicale à verser à M. K... une somme de 8 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2020 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 9 mai, 27 juin, 13 novembre et 12 décembre 2023, un mémoire récapitulatif produit en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, enregistré le 18 mars 2024, et de nouveaux mémoires enregistrés les 23 avril et 15 novembre 2024, M. K..., représenté par Me Delacharlerie, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris ;
2°) de condamner l'INSERM à lui verser la somme de 142 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2020 et de la capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge de l'INSERM la somme de 25 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
- le jugement attaqué ne mentionne pas les textes applicables au litige et répond de façon insuffisamment motivée à ses moyens tirés de la carence de l'INSERM en matière de traitement des risques psycho-sociaux et de l'absence de document unique d'évaluation des risques professionnels ;
- l'INSERM n'a pas respecté l'exigence légale de publicité et de transparence à la fois de la procédure et des résultats de l'évaluation de son équipe de recherche ;
- le courrier du 30 juillet 2019 notifiant le non-renouvellement de son unité de recherche est un faux en ce qu'il mentionne l'accord des autres tutelles et les affirmations concernant les signatures des documents relatifs à la décision du 29 juin 2020 sont fausses ;
- la décision de non-renouvellement de son équipe de recherche n'est pas fondée sur des critères objectifs, en méconnaissance des articles L. 114-1 et L. 114-3 et suivants du code de la recherche et de l'article L. 100-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle est entachée d'inexactitude matérielle quant aux effectifs, aux moyens financiers et au rayonnement international de son équipe ;
- elle méconnaît le principe de la contradiction ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle est liée à l'acrimonie du directeur de son unité de recherche à son encontre et fondée un motif politique alors que sa valeur scientifique est établie ;
- elle méconnaît le principe d'égalité ;
- l'INSERM a commis une faute en raison de l'absence de document unique d'évaluation des risques professionnels lors de l'agression verbale dont il a été victime, en méconnaissance des articles L. 4121-3 et R. 4121-1 du code du travail ;
- il n'a pas pris en compte les préconisations du rapport du 3 mai 2013 d'un membre de la commission scientifique spécialisée numéro 5 ;
- il n'a pas pris en compte les préconisations du médecin du travail ;
- il a minimisé l'agression dont il a été victime ;
- il a commis une faute en le laissant sans affectation ;
- ses préjudices s'élèvent à 32 000 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 10 000 euros au titre de l'absence d'affectation et de mission effective, 50 000 euros au titre de l'atteinte à l'honneur et à la réputation et 50 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence ;
- il existe un lien de causalité direct entre les fautes liées à ses conditions de travail et la perte d'une chance sérieuse d'éviter l'agression verbale dont il a été victime, la maladie professionnelle qu'il a contractée et les conséquences défavorables sur son niveau de rémunération, de même qu'entre le non-renouvellement de son équipe de recherche et les troubles dans ses conditions d'existence, son préjudice moral et une atteinte à son honneur et à sa réputation ;
- le non-renouvellement de son équipe est susceptible d'engager la responsabilité sans faute de l'INSERM pour rupture d'égalité devant les charges publiques.
Par des mémoires en défense enregistrés les 18 août et 10 novembre 2023 et 4 et 30 avril et 12 septembre 2024, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, représenté par la SCP Waquet, Farge, Hazan, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. K... la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par M. K... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le code de la recherche ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Saint-Macary,
- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,
- et les observations de Me Delacharlerie, représentant M. K..., et de Me Waquet, représentant l'INSERM.
Considérant ce qui suit :
1. M. K..., directeur de recherche à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), était affecté au sein de l'unité mixte de recherche A... intitulée O..., dépendant de l'université de Paris Saclay, de l'Institut Curie, du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et de l'INSERM, en tant que responsable de l'équipe de recherche N.... A la suite d'une agression verbale dont il indique avoir été l'objet de la part du directeur de l'unité de recherche le 14 décembre 2017, il s'est plaint auprès de l'institut Curie d'une situation qu'il estimait constitutive d'un harcèlement moral. Au printemps 2019, l'activité scientifique de son équipe a fait l'objet d'une évaluation sur les cinq dernières années, dans le cadre de la procédure de renouvellement de l'unité. A l'issue de cette procédure, ainsi qu'il résulte d'un courrier du 30 juillet 2019, l'INSERM n'a pas renouvelé son équipe de recherche à compter du 1er janvier 2020. Par une demande préalable du 25 juin 2020, qui a été implicitement rejetée, M. K... a demandé à l'INSERM la réparation de plusieurs préjudices pour un montant total de 142 000 euros. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris n'a fait droit à sa demande qu'à hauteur de 8 000 euros.
Sur les règles de procédure applicables au litige :
2. D'une part, la Cour n'a pas à prendre en considération l'argumentation de première instance à laquelle le requérant renvoie sans joindre à sa requête une copie des mémoires auxquels il se réfère.
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative : " Le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction peut demander à l'une des parties de reprendre, dans un mémoire récapitulatif, les conclusions et moyens précédemment présentés dans le cadre de l'instance en cours, en l'informant que, si elle donne suite à cette invitation, les conclusions et moyens non repris seront réputés abandonnés. En cause d'appel, il peut être demandé à la partie de reprendre également les conclusions et moyens présentés en première instance qu'elle entend maintenir. / Le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction peut en outre fixer un délai, qui ne peut être inférieur à un mois, à l'issue duquel, à défaut d'avoir produit le mémoire récapitulatif mentionné à l'alinéa précédent, la partie est réputée s'être désistée de sa requête ou de ses conclusions incidentes. La demande de production d'un mémoire récapitulatif informe la partie des conséquences du non-respect du délai fixé ".
4. Il résulte de ces dispositions qu'un mémoire récapitulatif doit reprendre l'ensemble des conclusions et moyens, présentés dans le cadre de l'instance en cours et, si l'invitation a porté également sur ce point, dans le cadre de la première instance, que la partie entend maintenir. Par suite, un tel mémoire ne peut être valablement motivé par référence à de précédentes écritures et un tel renvoi est dépourvu de portée. Le juge doit ainsi se prononcer, au vu des pièces versées au dossier, sur les moyens tels qu'ils sont développés dans le seul mémoire récapitulatif, sans se reporter aux écritures, fussent-elles jointes, précédemment présentées dans le cadre de l'instance en cours ni, si telle est la portée de l'invitation, dans le cadre de la première instance.
5. Par un courrier du 15 février 2024, la Cour a demandé à M. K... de produire, dans un délai d'un mois, un mémoire récapitulatif en application des dispositions de la première phrase du premier alinéa et du second alinéa de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que les renvois, par ce mémoire, aux écritures précédentes de M. K... devant la Cour sont dépourvus de portée.
Sur la régularité du jugement :
6. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Aux termes de l'article R. 741-2 du même code : " La décision (...) contient (...) les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application (...) ".
7. Tout d'abord, le tribunal, qui a visé le code de la recherche et mentionné dans les motifs de son jugement les articles de ce code dont il faisait application, a suffisamment exposé les motifs de droit sur lesquels il se fondait pour écarter les moyens dirigés contre la décision de non-renouvellement de l'équipe de recherche de M. K.... Ensuite, il a écarté de manière suffisamment motivée, aux points 15 à 18 de son jugement, le moyen tiré de la carence fautive de l'INSERM en matière de traitement des risques psycho-sociaux. Enfin, si M. K... soutenait que l'INSERM ne justifiait pas avoir élaboré un document unique d'évaluation des risques professionnels à la date de l'agression verbale dont il dit avoir été victime, le 14 décembre 2017, il ressort de ses écritures de première instance que l'absence de ce document était seulement invoquée comme un argument, auquel le tribunal n'était pas tenu de répondre, au soutien du moyen tiré de la faute commise par l'INSERM en s'abstenant de mettre en place des mesures pour prévenir les risques psycho-sociaux. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté.
Sur la responsabilité pour faute :
En ce qui concerne le non-renouvellement de l'équipe de recherche de M. K... :
8. Aux termes de l'article L. 114-1 du code de la recherche, dans sa rédaction applicable au litige : " Les activités de recherche financées en tout ou partie sur fonds publics, réalisées par des opérateurs publics ou privés, sont évaluées sur la base de critères objectifs adaptés à chacune d'elles et s'inspirant des meilleures pratiques internationales. / Parmi ces critères, les contributions au développement de l'innovation et de la culture scientifique et les actions en faveur de la participation du public à la prospection, à la collecte de données et au progrès de la connaissance scientifique sont prises en compte ". Aux termes de l'article L. 114-3 du même code : " L'appréciation de la qualité de la recherche repose sur des procédures d'appréciation périodique portant à la fois sur les personnels, les équipes, les programmes et les résultats. / Ces procédures respectent le principe de l'examen contradictoire et ouvrent la possibilité de recours devant l'autorité administrative ". Enfin, aux termes de l'article L. 100-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration agit dans l'intérêt général et respecte le principe de légalité. Elle est tenue à l'obligation de neutralité (...). Elle se conforme au principe d'égalité et garantit à chacun un traitement impartial ".
9. En premier lieu, ainsi que l'admet d'ailleurs M. K..., les décisions de nomination de M. J... et de M. D... comme directeurs de l'unité A... sont étrangères au renouvellement de son équipe de recherche et sont ainsi dépourvues de lien avec les préjudices allégués. Dès lors, le requérant ne peut utilement soutenir qu'elles seraient irrégulièrement signées.
10. En deuxième lieu, le courrier du 30 juillet 2019 se borne à informer le futur directeur de l'unité de recherche A... du renouvellement de cette unité, sans l'équipe de recherche de M. K..., en annonçant la prochaine notification de la décision de renouvellement par les organismes de tutelle. Si cette décision n'a été formalisée que le 29 juin 2020, par un courrier signé du directeur du CNRS, du président-directeur général de l'INSERM, de la présidente de l'université Paris-Saclay et du président de l'Institut Curie précisant les cinq équipes de recherche composant l'unité à compter du 1er janvier 2020, il n'en résulte pas, contrairement à ce que soutient M. K..., que le courrier du 30 juillet 2019 serait un " faux " ou ferait état, à tort, d'une décision conjointe de renouvellement de l'unité de recherche.
11. En troisième lieu, si M. K... soutient que l'INSERM n'a pas respecté l'exigence légale de publicité et de transparence de la procédure et des résultats de l'évaluation, il ne précise pas quelles dispositions législatives ou réglementaires auraient été méconnues.
12. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que, d'une part, M. K... a reçu un guide relatif à l'évaluation des structures de recherche de l'INSERM, préalablement à la campagne d'évaluation, exposant le déroulement et les critères pris en considération pour l'évaluation des demandes de renouvellement d'unités de recherche. D'autre part, il a été évalué à partir des informations et documents qu'il a remis et a pu s'entretenir avec les responsables de la commission scientifique spécialisée dans le cadre de l'évaluation conduite et ainsi faire valoir ses observations sur le fonctionnement de son équipe. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure n'a pas respecté le principe de l'examen contradictoire doit être écarté.
13. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction que la décision de non-renouvellement de l'équipe de recherche dirigée par M. K... a été prise au regard de plusieurs critères, tenant notamment à la nature du projet de recherche de cette équipe, à ses publications et à leur valorisation, à sa visibilité internationale, à ses moyens humains, et à ses capacités de financement. En se bornant à se prévaloir, dans son mémoire récapitulatif et dans ses mémoires postérieurs, de sa propre valeur scientifique, de la place de son équipe dans un classement " Top10PDC ", qui aurait été établi par l'INSERM mais dont l'objet n'est pas précisé, et de la taille des modules de laboratoire, M. K... n'apporte pas d'éléments de nature à remettre en cause le bien-fondé de cette décision. Par ailleurs, s'il soutient que le comité scientifique n'aurait consacré que dix minutes à l'analyse de son unité de recherche, cette circonstance, à la supposer avérée, serait à elle seule sans incidence sur la pertinence de son évaluation qui repose sur des faits précédemment constatés par la commission scientifique spécialisée. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que l'équipe de M. K... n'aurait pas été évaluée sur la base de critères objectifs, ni que l'appréciation portée sur son équipe serait entachée d'inexactitude matérielle ou d'erreur manifeste d'appréciation, ni, enfin, que le principe d'égalité aurait été méconnu.
14. En dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que le directeur de l'unité de recherche de M. K..., avec lequel il entretenait de mauvaises relations, aurait eu une influence sur la décision de non-renouvellement de son équipe de recherche, ni que cette décision, intervenue, ainsi qu'il a été dit au point précédent, sur la base de critères objectifs, aurait été prise pour des motifs " politiques ". Il résulte d'ailleurs de l'instruction qu'à la date de la décision de non-renouvellement de cette équipe, le départ du directeur de l'unité de recherche était prévu au 1er janvier 2020.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. K... n'est pas fondé à soutenir que la décision du 30 juillet 2019 de non-renouvellement de son équipe de recherche serait entachée d'une illégalité fautive.
En ce qui concerne les conditions de travail de M. K... :
16. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'altercation de M. K... avec le directeur de son unité de recherche, le 14 décembre 2017, qu'il qualifie d'agression verbale, avait pour motif sa demande d'obtention de locaux plus grands et le règlement d'un problème relationnel au sein de son équipe. Il ne résulte pas de l'instruction que l'existence d'un document unique d'évaluation des risques professionnels, prévu par l'article R. 4121-1 du code du travail, aurait permis d'éviter cet incident. Par suite, le lien de causalité entre la faute qu'aurait commise l'INSERM en raison de l'absence d'un tel document et le préjudice découlant selon M. K... de cette altercation n'est pas établi.
17. En deuxième lieu, la préconisation figurant dans le rapport d'un membre de la commission scientifique spécialisée numéro 5, consistant en la nomination d'un médiateur en cas de conflit entre un membre de l'unité de recherche et le directeur de cette unité, ne présentait aucun caractère obligatoire. Elle a, en outre, été émise plusieurs années avant l'agression verbale dont M. K... dit avoir été victime, et n'avait identifié aucun risque précis de conflit. Ainsi, l'INSERM n'a commis aucune faute en ne suivant pas cette préconisation.
18. En troisième lieu, si M. K... soutient que les préconisations du médecin du travail n'ont pas été respectées, il ne précise pas lesquelles.
19. En dernier lieu, il résulte de l'instruction qu'à la demande de la direction de l'Institut Curie, le directeur de son unité de recherche a changé de bureau, pour un bureau plus éloigné du sien, dans les semaines qui ont suivi l'incident du 14 décembre 2017. Par suite,
M. K... n'est pas fondé à soutenir que l'incident aurait été minimisé et que l'INSERM aurait commis une faute en ne prenant pas les mesures utiles pour apaiser les tensions entre le directeur de son unité de recherche et lui.
En ce qui concerne l'absence d'affectation de M. K... à compter du
1er janvier 2020 :
20. Sous réserve de dispositions statutaires particulières, tout fonctionnaire en activité tient de son statut le droit de recevoir, dans un délai raisonnable, une affectation correspondant à son grade. Pour déterminer l'étendue de la responsabilité de la personne publique, il est tenu compte des démarches qu'il appartient à l'intéressé d'entreprendre auprès de son administration, eu égard tant à son niveau dans la hiérarchie administrative qu'à la durée de la période pendant laquelle il a bénéficié d'un traitement sans exercer aucune fonction.
21. Il résulte de l'instruction qu'alors que l'absence d'affectation de M. K... à compter du 1er janvier 2020 était connue de l'INSERM depuis le 30 juillet 2019, l'établissement n'a proposé à l'intéressé aucun poste depuis cette date, ni même exploré des pistes d'affectation, comme s'y étaient pourtant engagés les responsables présents au seul entretien dont a bénéficié l'intéressé, le 25 septembre 2019, et ce malgré plusieurs relances de sa part jusqu'au mois de juin 2020. Si la crise sanitaire de 2020, la spécificité de l'emploi d'enseignant-chercheur de
M. K... et ses congés pour invalidité temporaire imputable au service du 10 décembre 2019 au 28 février 2020 et à compter du 18 décembre 2020 sont de nature à avoir rendu plus difficile la recherche d'une affectation, ces circonstances particulières ne permettent pas de regarder comme raisonnable le délai qui s'est écoulé depuis le 1er janvier 2020. Ce délai excessif constitue, dès lors, une faute. Il sera fait une juste appréciation du préjudice moral de M. K... en l'évaluant, dans les circonstances particulières de l'espèce, à la somme de 2 000 euros. En revanche, le requérant n'établit pas subir un déficit fonctionnel temporaire, des troubles dans ses conditions d'existence et une atteinte à son honneur et à sa réputation qui présenteraient un lien de causalité direct avec la faute commise par l'INSERM en s'abstenant de lui donner une nouvelle affectation dans un délai raisonnable.
22. La somme de 2 000 euros sera assortie des intérêts au taux légal à compter du
30 juin 2020, date de réception par l'INSERM de la demande d'indemnisation de M. K..., ainsi que de la capitalisation des intérêts le 30 juin 2021, date à laquelle un an d'intérêts était dû, et à chaque échéance annuelle depuis cette date.
Sur la responsabilité pour rupture d'égalité devant les charges publiques :
23. Le non-renouvellement de l'équipe de recherche de M. K..., dans le cadre de la procédure d'évaluation périodique des unités de recherche de l'INSERM, et à l'issue de l'application de critères objectifs, n'est pas susceptible de lui avoir causé un préjudice grave et spécial. Par suite, M. K... n'est pas fondé à soutenir qu'il devrait être indemnisé, sans faute, pour rupture d'égalité devant les charges publiques.
24. Il résulte de tout ce qui précède que M. K... est seulement fondé à demander que l'indemnité que le tribunal administratif a condamné l'INSERM à lui verser soit portée à la somme de 10 000 euros.
Sur les frais du litige :
25. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'INSERM une somme de 1 500 euros à verser à M. K... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de M. K... la somme demandée par l'INSERM sur ce fondement.
D É C I D E :
Article 1er : La somme de 8 000 euros que l'INSERM a été condamné à verser à M. K... est portée à 10 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2020 ainsi que de la capitalisation des intérêts le 30 juin 2021 et à chaque échéance annuelle depuis cette date.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 9 mars 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.
Article 3 : L'INSERM versera à M. K... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... K... et à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale.
Délibéré après l'audience du 11 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Fombeur, présidente de la Cour,
Mme M..., première vice-présidente,
M. C..., Mme L..., M. F..., M. I..., Mme E..., M. H..., M. G...,
Mme Menasseyre, présidents de chambre,
Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 décembre 2024.
La rapporteure,
M. SAINT-MACARY
La présidente,
P. FOMBEUR
La greffière,
A. GASPARYAN
La République mande et ordonne au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA02003