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Ariane Web: CAA de TOULOUSE 21TL00688, lecture du 16 mars 2023

Décision n° 21TL00688
16 mars 2023
CAA de TOULOUSE

N° 21TL00688

4ème chambre
M. CHABERT, président
M. Florian JAZERON, rapporteur
Mme MEUNIER-GARNER, rapporteur public
PILONE, avocats


Lecture du jeudi 16 mars 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Umicore France a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de l'arrêté n° 2018-11-072 du 29 novembre 2018 par lequel le préfet du Gard l'a mise en demeure de respecter les dispositions de l'article L. 541-2 du code de l'environnement pour la gestion d'un dépôt de résidus miniers situé sur la parcelle cadastrée section A n° 326 sur le territoire de la commune de Saint-Félix-de-Pallières.

Par un jugement n° 1900396 du 21 décembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a prononcé l'annulation de cet arrêté et a rejeté les conclusions présentées par la société Umicore France et par la commune de Saint-Félix-de-Pallières sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 février 2021 sous le n° 21MA00688 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL00688 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, puis des mémoires enregistrés le 21 septembre 2022 et le 26 octobre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1900396 du 21 décembre 2020 en tant qu'il a annulé l'arrêté du préfet du Gard du 29 novembre 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Umicore France devant le tribunal administratif de Nîmes sous le n° 1900396.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier au regard de l'article R. 741-7 du code de justice administrative en l'absence de signature de la minute ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que la surveillance et la prévention des risques résultant des résidus de l'ancienne exploitation minière avaient été transférées à l'État et que la sécurisation de ces résidus relevait d'une compétence étatique au titre du droit minier ;
- le préfet du Gard était fondé à mettre en oeuvre la police spéciale des déchets prévue par les articles L. 541-1 et suivants du code de l'environnement.
Par des mémoires en défense enregistrés le 28 mai 2021 et le 25 octobre 2022, la société Umicore France, représentée par Me Clément, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 8 000 euros soit mise à la charge de l'État et une somme de 3 000 euros à la charge de la commune de Saint-Félix-de-Pallières au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :
- le moyen de régularité invoqué par le ministre n'est pas fondé ;
- c'est à bon droit que le tribunal a jugé que la surveillance et la prévention des risques miniers avaient été transférées à l'État ;
- l'État lui ayant donné acte de l'arrêt de l'exploitation minière et ayant accepté sa renonciation aux concessions, le préfet ne pouvait pas légalement mettre en oeuvre la police des déchets pour lui imposer des mesures sur l'ancien site minier ; il a méconnu le principe de l'indépendance des législations et commis un détournement de pouvoir ;
- à supposer la police des déchets applicable, l'arrêté litigieux est illégal en ce qu'il ne repose pas sur une violation de la législation relative aux déchets ;
- l'arrêté est irrégulier dès lors que le préfet ne pouvait pas légalement se substituer au maire pour intervenir au titre de la police des déchets ;
- il est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'illégalité en ce qu'il lui impose des obligations à la fois imprécises et impossibles à mettre en oeuvre dans les délais impartis.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 septembre 2022, la commune de Saint-Félix-de-Pallières, représentée par Me Pilone, conclut :

1°) à titre principal à la confirmation du jugement attaqué ;

2°) à titre subsidiaire à l'annulation partielle de l'arrêté n° 2018-11-072 " en tant qu'il présente dans ses visas l'action préfectorale comme issue de la procédure tenant à l'arrêté portant substitution n° 2018-07-050 et non exclusivement sur l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales dans son 3° ou sur le pouvoir de police du préfet dans le cadre de l'article L. 163-9 du code minier " ;

3°) en tout état de cause, à ce que soit mise à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :
- le moyen de régularité invoqué par le ministre n'est pas fondé ;
- à titre principal, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que la surveillance et la prévention des risques miniers avaient été transférées à l'État ;
- à titre subsidiaire, le préfet n'était pas fondé à mettre en oeuvre la police des déchets : l'arrêté litigieux est entaché d'une erreur de fait concernant l'étendue de la pollution et d'une erreur sur la qualification de déchets ; le préfet aurait en revanche pu agir sur le fondement de son pouvoir de police générale ou au titre des risques miniers.

Par une ordonnance du 26 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 novembre 2022.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code minier ;
- le décret n° 59-1205 du 23 octobre 1959 ;
- le décret n° 2010-1394 du 12 novembre 2010 ;
- l'arrêté du ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer du 5 octobre 2016 fixant la liste des installations gérées par le bureau des recherches géologiques et minières au titre des 9 et 10 de l'article 1er du décret n° 59-1205 du 23 octobre 1959 ;
- l'arrêté du ministre de l'écologie, de l'énergie et du développement durable et de la mer du 19 avril 2010 relatif à la gestion des déchets des industries extractives ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,
- les observations de Me Bouillié, représentant la société Umicore France, et de Me Ortial, représentant la commune de Saint-Félix-de-Pallières.

Une note en délibéré présentée pour la société Umicore France, représentée par Me Clément, a été enregistrée le 22 février 2023.

Une note en délibéré, présentée pour la commune de Saint-Félix-de-Pallières, représentée par Me Pilone, a été enregistrée le 27 février 2023.


Considérant ce qui suit :

1. La société des Mines et fonderies de zinc de la Vieille Montagne exploitait depuis le début du XXème siècle plusieurs concessions minières instituées au XIXème siècle et situées sur le territoire des communes de Saint-Félix-de-Pallières, Thoiras et Tornac (Gard), notamment la concession de " La Croix de Pallières ", pour l'extraction de zinc, plomb, argent et autres métaux sauf le fer, et la concession de " Valleraube ", pour l'extraction de pyrite de fer. Par un arrêté du 25 janvier 1999, le préfet du Gard a donné acte à la société Union minière France, venue aux droits de la société Mines et fonderies de zinc de la Vieille Montagne, de l'arrêt des travaux miniers pour la concession de " Valleraube ". Par un arrêté du 6 juillet 1999, la même autorité a donné acte à ladite société de l'arrêt des travaux pour la concession de " La Croix de Pallières ". Puis, par deux arrêtés pris les 19 mars 2004 et 14 avril 2005, le ministre délégué à l'industrie a accepté la renonciation de la société Union minière France à ces deux concessions minières. Plusieurs études conduites entre les années 2008 et 2016 ayant mis en évidence l'existence de fortes concentrations en métaux lourds sur certains sites de ces anciennes mines, le préfet du Gard a mis en demeure le maire de Saint-Félix-de Pallières, le 8 mars 2018, d'exercer ses pouvoirs de police des déchets à l'encontre de la société Umicore France, venue aux droits de la société Union minière France, pour assurer en conformité avec les dispositions du code de l'environnement la gestion d'un dépôt de résidus de traitement présent sur la zone dite de " L'Issart ", sur la parcelle cadastrée section A n° 326, située dans le périmètre des deux anciennes concessions, sur le territoire de cette commune. Le maire de Saint-Félix-de-Pallières n'ayant pas répondu à la mise en demeure, le préfet du Gard s'est substitué à lui pour engager à l'encontre de la société Umicore France, par un arrêté n° 2018-07-050 édicté le 18 juillet 2018, la procédure prévue à l'article L. 541-3 du code de l'environnement. Ladite société a présenté, le 12 septembre 2018, ses observations sur cette procédure, mais, par un arrêté n° 2018-11-072 pris le 29 novembre 2018, le préfet du Gard l'a mise en demeure de respecter les dispositions de l'article L. 541-2 du même code pour la gestion du dépôt de résidus en cause. Par la présente requête, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires relève appel du jugement n° 1900396 du 21 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a prononcé l'annulation de ce dernier arrêté sur demande de la société Umicore France.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
2. L'article 91 du code minier en vigueur jusqu'au 1er mars 2011, dont les dispositions sont désormais reprises aux articles L. 163-2 à L. 163-9 du même code, dispose que : " (...) Lors de la cessation d'utilisation d'installations mentionnées à l'article 77, ou lors de la fin de chaque tranche de travaux ou, au plus tard, lors de la fin de l'exploitation et de l'arrêt des travaux, l'explorateur ou l'exploitant fait connaître les mesures qu'il envisage de mettre en oeuvre pour préserver les intérêts mentionnés à l'article 79, pour faire cesser de façon générale les désordres et nuisances de toute nature engendrés par ses activités, pour prévenir les risques de survenance de tels désordres, et pour ménager le cas échéant les possibilités de reprise de l'exploitation. / Dans le cas où il n'existe pas de mesures techniques raisonnablement envisageables permettant de prévenir ou faire cesser tout désordre, il incombe à l'explorateur ou à l'exploitant de rechercher si des risques importants susceptibles de mettre en cause la sécurité des biens ou des personnes subsisteront après l'arrêt des travaux. Si de tels risques subsistent, il étudie et présente les mesures, en particulier de surveillance, qu'il estime devoir être poursuivies après la formalité mentionnée au neuvième alinéa du présent article. (...) / Au vu de la déclaration d'arrêt des travaux, après avoir consulté les conseils municipaux des communes intéressées et après avoir entendu l'explorateur ou l'exploitant, l'autorité administrative prescrit, en tant que de besoin, les mesures à exécuter et les modalités de réalisation qui n'auraient pas été suffisamment précisées ou qui auraient été omises par le déclarant. L'autorité administrative indique le délai dans lequel les mesures devront être exécutées. / Le défaut d'exécution des mesures prescrites entraîne leur exécution d'office par les soins de l'administration, aux frais de l'explorateur ou de l'exploitant. (...) / Lorsque les mesures envisagées par l'explorateur ou l'exploitant, ou prescrites par l'autorité administrative en application du présent article, ont été exécutées, cette dernière en donne acte à l'explorateur ou à l'exploitant. / Cette formalité met fin à l'exercice de la police des mines telle qu'elle est prévue à l'article 77. Toutefois, s'agissant des activités régies par le présent code, et lorsque des risques importants susceptibles de mettre en cause la sécurité des biens ou des personnes apparaissent après la formalité prévue à l'alinéa précédent, l'autorité administrative peut intervenir dans le cadre des dispositions de l'article 79 jusqu'à l'expiration du titre minier et, dans les cas prévus au premier alinéa de l'article 93, jusqu'au transfert à l'Etat de la surveillance et de la prévention des risques miniers. ".
3. L'article 93 du code minier, dont les dispositions sont désormais reprises aux articles L. 174-1 et L. 174-2 dudit code, prévoit que : " Lorsque des risques importants d'affaissement de terrain ou d'accumulation de gaz dangereux, susceptibles de mettre en cause la sécurité des biens ou des personnes, ont été identifiés lors de l'arrêt des travaux, l'exploitant met en place les équipements nécessaires à leur surveillance et à leur prévention et les exploite. / La fin de la validité du titre minier emporte transfert à l'Etat de la surveillance et de la prévention de ces risques, sous réserve que les déclarations prévues à l'article 91 aient été faites et qu'il ait été donné acte des mesures réalisées. / Ce transfert n'intervient toutefois qu'après que l'explorateur ou l'exploitant a transmis à l'Etat les équipements, les études et toutes les données nécessaires à l'accomplissement des missions de surveillance et de prévention et qu'après le versement par l'exploitant d'une somme correspondant au coût estimé des dix premières années de la surveillance et de la prévention des risques et du fonctionnement des équipements. ".
4. En l'espèce, ainsi qu'il a été indiqué au point 1 ci-dessus, le préfet du Gard a donné acte de la cessation des travaux miniers à la société Union minière France le 25 janvier 1999 pour la concession dite de " Valleraube ", puis le 6 juillet suivant pour la concession dite de " La Croix de Pallières ". La renonciation à ces deux concessions a été ensuite acceptée par le ministre délégué à l'industrie par arrêtés des 19 mars 2004 et 14 avril 2005. Il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas allégué que des risques importants d'affaissement de terrain ou d'accumulation de gaz dangereux auraient été identifiés lors de l'arrêt des travaux miniers, ni même au demeurant après cet arrêt. Il ressort au contraire des termes de l'arrêté en litige que le dépôt de résidus de traitement situé sur la parcelle cadastrée section A n° 326 sur le territoire de la commune de Saint-Félix-de-Pallières n'est pas mis en cause pour des risques relevant de l'une de ces deux catégories, seules visées par les dispositions du premier alinéa de l'article 93 du code minier désormais reprises à l'article L. 174-1 du même code, mais pour des risques de contamination de leur environnement en raison d'une teneur excessive en métaux lourds. Par voie de conséquence et alors même que l'Etat a donné acte de l'arrêt des travaux miniers et accepté la renonciation aux titres miniers, il ne peut être regardé comme s'étant vu transférer la surveillance et la prévention des risques liés aux résidus miniers dont s'agit par l'effet des dispositions du deuxième alinéa de l'article 93 du code minier désormais reprises à l'article L. 174-2 du même code. Par ailleurs, aucune autre disposition du code minier ou de ses règlements d'application ne prévoit une obligation pour l'Etat d'assurer, après l'expiration du titre minier, la surveillance et la prévention des risques miniers autres que ceux mentionnés au premier alinéa dudit article 93. La commune de Saint-Félix-de-Pallières ne saurait utilement se prévaloir à cet égard des dispositions du décret du 23 octobre 1959 relatif à l'organisation administrative et financière du bureau de recherches géologiques et minières ou de l'arrêté du 5 octobre 2016 pris pour son application, lesquels n'imposent à l'Etat aucune autre obligation de surveillance ou de prévention des risques miniers que celles résultant de la mise en oeuvre de la procédure de transfert prévue par l'article 93 du code minier. Dans ces conditions, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a estimé que l'arrêté du préfet du Gard n° 2018-11-072 du 29 novembre 2018 était entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions précitées.
5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Umicore France et la commune de Saint-Félix-de Pallières, en première instance et en appel, à l'encontre de l'arrêté attaqué.
Sur les autres moyens invoqués par les intimées :
6. L'article L. 541-1 du code de l'environnement mentionne que : " (...) II. - Les dispositions du présent chapitre et de l'article L. 125-1 ont pour objet : (...) / 2° De mettre en oeuvre une hiérarchie des modes de traitement des déchets consistant à privilégier, dans l'ordre : / a) La préparation en vue de la réutilisation ; / b) Le recyclage ; / c) Toute autre valorisation, notamment la valorisation énergétique ; / d) L'élimination ; / 3° D'assurer que la gestion des déchets se fait sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l'environnement, notamment sans créer de risque pour l'eau, l'air, le sol, la faune ou la flore, sans provoquer de nuisances sonores ou olfactives et sans porter atteinte aux paysages et aux sites présentant un intérêt particulier ; (...) ". Aux termes de l'article L. 541-2 du même code : " Tout producteur ou détenteur de déchets est tenu d'en assurer ou d'en faire assurer la gestion, conformément aux dispositions du présent chapitre. / Tout producteur ou détenteur de déchets est responsable de la gestion de ces déchets jusqu'à leur élimination ou valorisation finale, même lorsque le déchet est transféré à des fins de traitement à un tiers. (...) ". Selon l'article L. 541-2-1 du même code : " I. - Les producteurs de déchets, outre les mesures de prévention des déchets qu'ils prennent, et les détenteurs de déchets en organisent la gestion en respectant la hiérarchie des modes de traitement définie au 2° du II de l'article L. 541-1. / L'ordre de priorité du mode de traitement peut notamment être modifié pour certains types de déchets si cela est prévu par un plan institué en application des articles L. 541-11-1, L. 541-13, L. 541-14 ou L. 541-14-1 couvrant le territoire où le déchet est produit. / Cet ordre de priorité peut également être modifié si cela se justifie compte tenu des effets sur l'environnement et la santé humaine, et des conditions techniques et économiques. La personne qui produit ou détient les déchets tient alors à la disposition de l'autorité compétente les justifications nécessaires. (...) ".
7. En outre, l'article L. 541-3 du code de l'environnement dispose que : " I. - Lorsque des déchets sont abandonnés, déposés ou gérés contrairement aux prescriptions du présent chapitre et des règlements pris pour leur application, l'autorité titulaire du pouvoir de police compétente avise le producteur ou détenteur de déchets des faits qui lui sont reprochés ainsi que des sanctions qu'il encourt et, après l'avoir informé de la possibilité de présenter ses observations, écrites ou orales, dans un délai d'un mois, le cas échéant assisté par un conseil ou représenté par un mandataire de son choix, peut le mettre en demeure d'effectuer les opérations nécessaires au respect de cette réglementation dans un délai déterminé. / Au terme de cette procédure, si la personne concernée n'a pas obtempéré à cette injonction dans le délai imparti par la mise en demeure, l'autorité titulaire du pouvoir de police compétente peut, par une décision motivée qui indique les voies et délais de recours : / 1° L'obliger à consigner entre les mains d'un comptable public une somme correspondant au montant des mesures prescrites (...) / 2° Faire procéder d'office, en lieu et place de la personne mise en demeure et à ses frais, à l'exécution des mesures prescrites. (...) / 4° Ordonner le versement d'une astreinte journalière au plus égale à 1 500 ? (...) jusqu'à ce qu'il ait été satisfait aux mesures prescrites par la mise en demeure. (...) / 5° Ordonner le paiement d'une amende au plus égale à 150 000 ?. (...) ".
8. En premier lieu, la société Umicore France soutient que le droit minier doit être regardé comme régissant de manière exclusive les conditions de remise en état du site après l'arrêt des travaux miniers et comme excluant par conséquent la mise en oeuvre ultérieure de la police des déchets, telle que prévue par les dispositions précitées du code de l'environnement, à l'encontre de l'ancien exploitant. S'il est vrai qu'en application des dispositions rappelées au point 2 du présent arrêt, l'accomplissement des formalités liées à la procédure d'arrêt des travaux miniers met fin à l'exercice de la police spéciale des mines, sous réserve des exceptions prévues par le dernier alinéa de l'article 91 du code minier désormais reprises à l'article L. 163-9 du même code, aucune disposition du code minier ou du code de l'environnement, ni aucun autre texte ou principe, n'exclut en revanche l'exercice de la police spéciale des déchets sur un site minier et, a fortiori, sur le site d'une ancienne exploitation qui, comme en l'espèce, n'est plus soumis à la police des mines. Dès lors qu'il résulte par ailleurs des dispositions précitées de l'article L. 541-2 du code de l'environnement que le producteur ou le détenteur de déchets reste responsable de la gestion de ces déchets jusqu'à leur élimination ou leur valorisation finale, rien ne s'oppose à ce que l'autorité compétente intervienne sur le fondement des pouvoirs qui lui sont reconnus par l'article L. 541-3 dudit code à l'encontre du producteur ou du détenteur de déchets présents sur un tel site, alors même qu'il s'agirait de l'exploitant ou de l'ancien exploitant. Il en résulte que l'arrêté préfectoral en litige n'est pas entaché de l'erreur de droit invoquée par la société Umicore France à ce titre. Pour les mêmes motifs, le préfet du Gard n'a ni méconnu le principe d'indépendance des législations ni commis le détournement de pouvoir allégué.
9. En deuxième lieu, si l'autorité investie des pouvoirs de police municipale est en principe compétente pour prendre à l'égard du producteur ou du détenteur des déchets, sur le fondement de l'article L. 541-3 précité du code de l'environnement, les mesures nécessaires au respect de la législation relative à la gestion de ces déchets, l'autorité préfectorale doit prendre les mesures requises en cas de carence constatée de l'autorité municipale dans l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés au titre de la police spéciale des déchets. Dès lors que le maire de Saint-Félix-de-Pallières n'a pas satisfait en l'espèce à la mise en demeure qui lui a été adressée par le préfet du Gard le 8 mars 2018, la société Umicore France n'est pas fondée à soutenir que le préfet ne pouvait pas légalement se substituer audit maire pour exercer à son encontre les pouvoirs de police spéciale mentionnés à l'article L. 541-3 du code de l'environnement.
10. En troisième lieu, l'arrêté attaqué mentionne l'ensemble des textes dont il est fait application, rappelle les constats réalisés par les inspecteurs de l'environnement sur le site de l'ancienne mine et précise notamment la consistance des résidus miniers en cause et les risques susceptibles d'en résulter pour l'environnement ou la santé humaine. Il expose également les raisons pour lesquelles le préfet du Gard a considéré que ces résidus miniers devaient être regardés comme des déchets, que leur gestion ne respectait pas la législation en vigueur et que la société intimée devait être mise en demeure de remédier à ces manquements en qualité de productrice de ces déchets. En conséquence, l'arrêté litigieux est suffisamment motivé.
11. En quatrième lieu, la commune intimée reproche au préfet du Gard de s'être borné à prévoir des mesures portant sur le dépôt de résidus de traitement situé sur la parcelle cadastrée section A n° 326, ainsi que, par trois arrêtés du même jour, sur trois autres sites de l'ancienne zone d'exploitation, alors que la pollution concernerait, selon elle, la totalité du périmètre de ladite zone, sur plusieurs centaines d'hectares. L'arrêté en litige a toutefois pour seul objet de rechercher la mise en conformité de la gestion des résidus miniers susmentionnés, qui ont été identifiés comme l'une des principales sources de pollution potentielle. Il ne saurait donc être regardé comme traduisant une appréciation portée par l'autorité administrative sur la situation du reste de la zone anciennement exploitée. Dans ces conditions, la commune ne peut utilement soutenir que le préfet du Gard a commis une erreur de fait en prenant l'arrêté attaqué.
12. En cinquième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 541-1-1 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable au présent litige : " Au sens du présent chapitre, on entend par : / Déchet : toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l'intention ou l'obligation de se défaire ; (...) / Producteur de déchets : toute personne dont l'activité produit des déchets (producteur initial de déchets) ou toute personne qui effectue des opérations de traitement des déchets conduisant à un changement de la nature ou de la composition de ces déchets (producteur subséquent de déchets) ; / Détenteur de déchets : producteur des déchets ou toute autre personne qui se trouve en possession des déchets ; (...) ". Aux termes de l'article L. 541-4-1 du même code : " Ne sont pas soumis aux dispositions du présent chapitre : / - les sols non excavés, y compris les sols pollués non excavés et les bâtiments reliés aux sols de manière permanente ; (...) ".
13. D'une part, il est constant que les sociétés ayant exploité les concessions minières, productrices des résidus miniers en litige, puis la société Umicore France venue à leurs droits, se sont défaites ou ont l'intention de se défaire de ces reliquats des travaux d'extraction, lesquels n'ont pas vocation à être réutilisés sans transformation préalable. D'autre part, alors même que les sols environnants contiendraient également des substances provenant des travaux miniers, l'arrêté contesté a pour seul objet de traiter des résidus spécifiquement identifiés, lesquels sont issus des opérations d'extraction, résultent donc d'un processus d'excavation et sont par ailleurs présents en surface, au dessus du sol naturel, sans y être incorporés. Par suite, les intimées ne sont pas fondées à soutenir que les résidus visés par l'arrêté attaqué constitueraient des sols pollués non excavés exclus du champ d'application de la police des déchets en vertu de l'article L. 541-4-1 du code de l'environnement. Enfin, la commune ne saurait utilement invoquer ni la notion d'installation de surface, visée à l'article L. 171-2 du code minier désormais en vigueur, ni la notion d'installation de stockage de déchets, instituée par l'arrêté du 19 avril 2010 et le décret du 12 novembre 2010 susvisés, lesquels ne sont en tout état de cause pas applicables à l'ancien site minier en litige. Par conséquent, le préfet n'a pas retenu une qualification erronée en regardant les résidus en cause comme constituant des déchets au sens et pour l'application de la police spéciale prévue aux articles L. 541-1 et suivants du code de l'environnement.
14. En sixième lieu, l'arrêté attaqué indique qu'au regard des constats réalisés sur l'ancien site minier et des risques d'atteintes à l'environnement ou à la santé humaine qui en résultent, la gestion des déchets miniers litigieux ne peut être regardée comme respectant les prescriptions des articles L. 541-2 et L. 541-2-1 du code de l'environnement, telles que citées au point 6 du présent arrêt. D'une part, compte tenu de ce qui a été développé au point 8 ci-dessus, la circonstance que l'exploitant s'est conformé aux obligations qui lui ont été prescrites lors de la cessation des travaux miniers ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente intervienne à son encontre en cas de violation de la législation relative aux déchets. D'autre part, la société intimée ne conteste pas qu'elle a pu être légalement regardée comme la productrice des déchets miniers en sa qualité d'ayant droit des sociétés ayant exploité le site. La circonstance qu'elle n'est plus propriétaire des terres concernées et qu'elle n'est donc plus la détentrice des déchets litigieux n'est dès lors pas de nature à l'exonérer des obligations qui lui incombent pour assurer le traitement de ces déchets. De surcroît et ainsi que le rappelle le ministre, la responsabilité du propriétaire des terrains sur lesquels sont entreposés des déchets ne peut être recherchée que dans l'hypothèse d'une absence de tout producteur ou détenteur connu des déchets en cause. Enfin, il ressort clairement des pièces du dossier et notamment des conclusions des études évoquées au point 1 du présent arrêt, que les opérations d'extraction minière sont à l'origine des résidus visés par l'arrêté attaqué, lesquels contiennent les substances métalliques susceptibles d'entraîner des risques pour l'environnement. Dans ces conditions, la société Umicore France n'est pas fondée à soutenir que la violation de la législation relative aux déchets ne serait pas caractérisée.
15. En septième lieu, l'arrêté préfectoral contesté précise la nature, la consistance et la localisation des déchets miniers en litige, ainsi que les risques auxquels la mise en demeure a pour objet de remédier. L'article premier de cet arrêté impose à la société Umicore France de respecter les dispositions de l'article L. 541-2 du code de l'environnement pour la gestion des résidus en cause, tout en ménageant la possibilité pour cette dernière de proposer une éventuelle solution alternative à l'élimination ou à la valorisation de ces déchets, telle que pourrait l'être, par exemple, la solution de confinement évoquée entre les parties lors des échanges préalables à la mise en demeure. Le préfet du Gard a ainsi défini de manière suffisamment claire les mesures propres à atteindre les buts recherchés. La société intimée n'apporte par ailleurs aucun élément précis de nature à remettre en cause l'affirmation du préfet selon laquelle le ou les propriétaires intéressés ne s'opposent pas à ce qu'elle intervienne sur leurs terres pour procéder aux travaux nécessaires. Elle n'apporte pas davantage d'élément de nature à laisser présumer du caractère insuffisant des délais prescrits par la mise en demeure, lesquels ont été fixés à une année pour la mise en conformité de la gestion des déchets et à six mois pour la présentation d'une éventuelle solution alternative. Par suite, la société Umicore France n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté préfectoral lui imposerait des mesures imprécises et impossibles à mettre en oeuvre.
16. En huitième lieu, il résulte de ce qui a été développé aux points précédents que le préfet du Gard a pu légalement prononcer la mise en demeure litigieuse au titre de la police spéciale des déchets. Par voie de conséquence, les moyens invoqués par la commune intimée tirés de ce que le préfet aurait pu intervenir soit sur le fondement de son pouvoir de police générale prévu au 3° de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales pour les mesures dont le champ d'application excède le territoire d'une commune, soit au titre des risques miniers, doivent être écartés comme inopérants. En tout état de cause, il résulte de qui a été indiqué précédemment, d'une part, que les déchets miniers visés par l'arrêté attaqué se situent sur le territoire d'une seule commune et, d'autre part, que le préfet ne disposait plus d'aucune prérogative au titre de la législation minière à la date à laquelle cet arrêté a été édicté.
17. Il résulte tout de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué, que le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er de ce jugement, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du préfet du Gard du 29 novembre 2018.
Sur les conclusions subsidiaires de la commune intimée :
18. La commune intimée conclut à titre subsidiaire à l'annulation partielle de l'arrêté " en tant qu'il présente dans ses visas l'action préfectorale comme issue de la procédure tenant à l'arrêté portant substitution n° 2018-07-050 et non exclusivement sur l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales dans son 3° ou sur le pouvoir de police du préfet dans le cadre de l'article L. 163-9 du code minier ". Toutefois, il résulte de ce qui a été exposé au point 16 ci-dessus qu'une telle demande ne peut, en tout état de cause, qu'être rejetée.
Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, le paiement des sommes réclamées par la société Umicore France et par la commune de Saint-Félix-de-Pallières au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Umicore France à l'encontre de la commune sur le fondement des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nîmes n° 1900396 du 21 décembre 2020 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société Umicore France au tribunal administratif de Nîmes sous le n° 1900396 est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société Umicore France et par la commune de Saint-Félix-de-Pallières au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les conclusions subsidiaires de la commune, sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à la société Umicore France et à la commune de Saint-Félix-de-Pallières.
Copie en sera adressée à la préfète du Gard.
Délibéré après l'audience du 21 février 2023, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023.
Le rapporteur,
F. JazeronLe président,
D. Chabert
Le greffier,




F. Kinach



La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.


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