Base de jurisprudence

Ariane Web: CAA VERSAILLES 15VE01823, lecture du 9 juin 2016

Décision n° 15VE01823
9 juin 2016
CAA de VERSAILLES

N° 15VE01823

5ème chambre
Mme SIGNERIN-ICRE, président
M. Rudolph D'HAËM, rapporteur
Mme MEGRET, rapporteur public


Lecture du jeudi 9 juin 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 6 novembre 2013 par laquelle la vice-présidente du conseil général du Val-d'Oise, chargée de l'éducation et de l'enseignement supérieur, et le conseiller général, délégué au personnel, l'ont dessaisi, en sa qualité d'adjoint gestionnaire du collège
Paul Vaillant-Couturier d'Argenteuil, de toute autorité fonctionnelle sur les agents du département affectés dans cet établissement.

Par une ordonnance n° 1412585 du 11 mai 2015, le président de la 3ème chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 10 juin 2015, M. A...demande à la Cour :

1° d'annuler cette ordonnance ;

2° d'annuler, pour excès de pourvoir, cette décision.

Il soutient que :

- l'ordonnance attaquée, fondée sur les dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, est entachée d'irrégularité dès lors que la décision en litige, qui restreint ses prérogatives et ses attributions d'adjoint gestionnaire du collège
où il est affecté au regard des dispositions de l'article R. 421-13 du code de l'éducation et des circulaires du 6 février 1997 et 30 septembre 2005, porte une atteinte grave à son honneur et à sa réputation et est à l'origine de la décision du 14 novembre 2013 du recteur de l'académie de Versailles le suspendant de ses fonctions pour une durée de quatre mois, ne saurait être assimilée à une mesure d'ordre intérieur, mais constitue une décision faisant grief susceptible d'un recours pour excès de pouvoir ;
- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas matériellement établis, l'administration n'apportant aucun élément de preuve et lui-même n'ayant jamais fait l'objet de mise en garde ou de rappel à l'ordre et ayant toujours entretenu de très bonnes relations avec l'ensemble des agents dont il avait la direction ; ainsi, la décision attaquée, qui constitue une sanction, est entachée d'erreur de droit, d'erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation ou revêt un caractère manifestement disproportionné.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Haëm,
- les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public.

1. Considérant que M.A..., attaché d'administration de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, a été affecté, à compter du 1er septembre 2011, au collège
Paul Vaillant-Couturier d'Argenteuil (Val-d'Oise) et y a exercé les fonctions d'adjoint gestionnaire auprès du chef d'établissement ; que, par un courrier du 6 novembre 2013, la
vice-présidente du conseil général du Val-d'Oise, chargée de l'éducation et de l'enseignement supérieur, et le conseiller général, délégué au personnel, ont informé le recteur de l'académie de Versailles qu'ils avaient été alertés par plusieurs agents du département affectés dans ce collège sur la dégradation de leurs conditions de travail provoquées par un comportement agressif ou inapproprié de M. A...et lui ont demandé de veiller à ce que des mesures soient rapidement prises pour prévenir un tel comportement ou tout risque de harcèlement moral, de la part de l'intéressé, à l'encontre de ces agents ; que, par ce même courrier, le recteur a également été informé de ce que, dans le souci d'assurer la protection de ses agents, l'autorité départementale avait décidé que ceux-ci relèveraient dorénavant exclusivement de l'autorité fonctionnelle du principal du collège, sans qu'une telle autorité puisse être exercée par M. A..., adjoint gestionnaire ; que M. A...relève appel de l'ordonnance du
11 mai 2015 par laquelle le président de la 3ème chambre du Tribunal administratif de
Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision le dessaisissant, en sa qualité d'adjoint gestionnaire du collège Paul Vaillant-Couturier d'Argenteuil, de toute autorité fonctionnelle sur les agents du département affectés dans cet établissement ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 4º Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser (...) " ;
3. Considérant, d'autre part, que les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours ; qu'il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération ; que le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination, est irrecevable ;
4. Considérant, enfin, qu'aux termes du II de l'article R. 421-13 du code de l'éducation : " Dans ses fonctions de gestion matérielle, financière et administrative, le chef d'établissement est secondé par un adjoint gestionnaire, membre de l'équipe de direction, nommé par le ministre chargé de l'éducation ou l'autorité académique habilitée à cet effet, parmi les personnels de l'administration scolaire et universitaire. L'adjoint gestionnaire est chargé, sous l'autorité du chef d'établissement et dans son champ de compétence, des relations avec les collectivités territoriales et il organise le travail des personnels administratifs et techniques affectés ou mis à disposition de l'établissement. " ;
5. Considérant que, par l'ordonnance attaquée prise sur le fondement des dispositions précitées du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le président de la 3ème chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté comme manifestement irrecevable la demande présentée par M. A...au motif que la mesure en litige constituait une simple mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours ; que, toutefois, il résulte des dispositions précitées de l'article R. 421-13 du code de l'éducation qu'il incombe notamment à l'adjoint gestionnaire, sous l'autorité du chef d'établissement, de diriger l'ensemble des personnels administratifs et techniques affectés ou mis à disposition de l'établissement, d'organiser leur service et de répartir leurs tâches ; qu'ainsi, en dessaisissant l'intéressé, en sa qualité d'adjoint gestionnaire du collège Paul Vaillant-Couturier d'Argenteuil, de toute autorité fonctionnelle sur les agents du département affectés dans cet établissement, cette mesure, eu égard aux missions que les adjoints gestionnaires exercent en application, notamment, de l'article R. 421-13 précité du code de l'éducation, restreint sensiblement les attributions et les responsabilités attachées aux fonctions de M. A... ; que, par suite, elle ne présente pas le caractère d'une simple mesure d'ordre intérieur, mais est susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; qu'il en résulte que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a rejeté comme manifestement irrecevable sa demande tendant à l'annulation de cette décision ; que l'ordonnance en date du 11 mai 2015 est, par suite, entachée d'irrégularité et doit, dès lors, être annulée ;
6. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
7. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'éducation : " Les collèges (...) sont des établissements publics locaux d'enseignement (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 421-3 du même code : " Les établissements publics locaux d'enseignement sont dirigés par un chef d'établissement. / Le chef d'établissement est désigné par l'autorité de l'Etat. / Il représente l'Etat au sein de l'établissement (...). " ; qu'aux termes de l'article R. 421-10 dudit code : " En qualité de représentant de l'Etat au sein de l'établissement, le chef d'établissement : / 1° A autorité sur l'ensemble des personnels affectés ou mis à disposition de l'établissement (...). Il fixe le service des personnels dans le respect du statut de ces derniers (...). " ; qu'enfin, il résulte des dispositions précitées du II de l'article R. 421-13 du même code que le chef d'établissement est secondé par un adjoint gestionnaire, nommé par le ministre chargé de l'éducation ou l'autorité académique habilitée à cet effet et chargé, sous son autorité et dans son champ de compétence, des relations avec les collectivités territoriales et d'organiser le travail des personnels administratifs et techniques affectés ou mis à disposition de l'établissement ;
8. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 213-2 du code de l'éducation : " Le département a la charge des collèges (...). / Le département assure l'accueil, la restauration, l'hébergement ainsi que l'entretien général et technique, à l'exception des missions d'encadrement et de surveillance des élèves, dans les collèges dont il a la charge (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 213-2-1 du même code : " Le département assure le recrutement et la gestion des personnels techniciens, ouvriers et de service exerçant leurs missions dans les collèges. Ces personnels sont membres de la communauté éducative et concourent directement aux missions du service public de l'éducation nationale dans les conditions fixées à l'article L. 421-23 et à l'article L. 913-1. " ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 421-23 dudit code, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. - Par dérogation aux dispositions des lois n° 83-634 du
13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat et n° 84-53 du
26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, les agents de l'Etat ou des collectivités territoriales affectés dans un établissement public local d'enseignement conservent leur statut, sont administrés par la collectivité dont ils dépendent statutairement et sont placés sous l'autorité du chef d'établissement. / II. - Pour l'exercice des compétences incombant à la collectivité de rattachement, le président du conseil général ou régional s'adresse directement au chef d'établissement. / Il lui fait connaître les objectifs fixés par la collectivité de rattachement et les moyens que celle-ci alloue à cet effet à l'établissement. Le chef d'établissement est chargé de mettre en oeuvre ces objectifs et de rendre compte de l'utilisation de ces moyens. / Le chef d'établissement est assisté des services d'intendance et d'administration ; il encadre et organise le travail des personnels techniciens, ouvriers et de service placés sous son autorité (...). / Une convention passée entre l'établissement et, selon le cas, le conseil général ou le conseil régional précise les modalités d'exercice de leurs compétences respectives. " ;
9. Considérant qu'en vertu des dispositions précitées, les personnels administratifs et techniques administrés par le département du Val-d'Oise et affectés ou mis à disposition du collège Paul Vaillant-Couturier d'Argenteuil, établissement public local d'enseignement, relèvent de l'autorité hiérarchique du président du conseil général du département, collectivité territoriale de rattachement, et, comme membres de la communauté éducative, sont placés sous l'autorité fonctionnelle du chef d'établissement assisté d'un adjoint gestionnaire, agents de l'Etat relevant de l'autorité du ministre de l'éducation nationale et du recteur de l'académie de Versailles ; qu'il suit de là que, s'il appartenait à l'autorité départementale, comme elle l'a d'ailleurs fait par son courrier du 6 novembre 2013, de solliciter le recteur afin qu'il prenne les mesures appropriées, notamment disciplinaires, de nature à faire cesser ou à prévenir la réitération du comportement qui était reproché à M.A..., adjoint gestionnaire de l'établissement, à l'égard de certains des agents du département affectés ou mis à disposition de l'établissement, aucun texte ne lui donnait compétence pour prendre à l'encontre de l'intéressé la décision en litige ayant pour objet, compte tenu de son comportement, de le dessaisir de toute autorité fonctionnelle à l'égard des agents du département ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens soulevés par M.A..., la décision attaquée est entachée d'incompétence et doit, dès lors, être annulée ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 1412585 du président de la 3ème chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 11 mai 2015 et la décision du 6 novembre 2013 de la
vice-présidente du conseil général du Val-d'Oise, chargée de l'éducation et de l'enseignement supérieur, et du conseiller général, délégué au personnel, dessaisissant M.A..., en sa qualité d'adjoint gestionnaire du collège Paul Vaillant-Couturier d'Argenteuil, de toute autorité fonctionnelle sur les agents du département affectés ou mis à disposition de cet établissement sont annulées.