Désormais et durant 18 mois, les affaires les plus complexes et sensibles pourront être complétées par un échange oral entre les juges et les parties, en amont de l’audience de jugement. Alors que la procédure était jusqu’ici écrite, l’ajout de séances d’instruction orales doit permettre aux juges de se rapprocher le plus possible de la réalité afin de rendre les décisions les plus justes et les plus pragmatiques. S’inspirant des affaires jugées en urgence (« référés »), cette expérimentation lancée aujourd’hui, commencera début 2021 avec de premières affaires.
Au Conseil d’État comme devant les juridictions administratives, l’instruction des affaires est traditionnellement écrite. Le débat contradictoire se déroule à travers des échanges de mémoires dans lesquels les parties avancent leurs arguments. À l’issue de ce débat écrit se tient l’audience de jugement au cours de laquelle le rapporteur public résume les arguments des parties et expose la solution qu’il propose de donner au litige.
Soucieux d’améliorer continument ses procédures, le Conseil d’État va ajouter « une dose de dialogue oral entre les parties et les juges en amont des audiences afin d’approcher davantage la réalité pour les affaires qui le nécessitent », comme l’indique Jean-Denis Combrexelle, président de la section du contentieux.
S’inspirer des procédures d’urgence
L’oralité est déjà développée au Conseil d’État dans le cadre des « référés », ces décisions prises en urgence et permettant la mise en place de mesures provisoires par le juge. Après une instruction écrite courte compte tenu de l’urgence, une audience est organisée où le juge interroge directement les parties qui opposent leurs arguments, avant de rendre sa décision.
Ces audiences – et en particulier celles qui se sont tenues depuis le début de la crise sanitaire ¬–, « ont démontré les avantages de l’échange oral pour saisir au mieux la complexité des situations et rendre la décision la plus juste, la plus pertinente et la plus applicable dans la réalité », selon les mots du vice-président, Bruno Lasserre.
Dialoguer pour mieux juger
Sans remettre en cause le caractère écrit et l’organisation de la procédure, le Conseil d’État va ainsi expérimenter pendant 18 mois des échanges directs avec les parties en amont des audiences de jugement pour certaines affaires au fond. Cette innovation est encadrée par le décret n°2020-1404 du 18 novembre 2020. Des séances voire des audiences publiques d’instruction pourront être organisées lors desquelles les parties pourront répondre aux questions que les juges se posent et auxquelles ils ne trouvent pas la réponse dans les mémoires écrits. Cela permettra, pour les affaires très techniques ou sensibles, de clarifier certaines situations, de disposer d’informations complémentaires, de mieux comprendre certains points ou problématiques soulevés, et ce, avant que l’audience de jugement n’ait lieu.
L’expérimentation en pratique
Conformément au décret n°2020-1404 du 18 novembre 2020, l’expérimentation :
durera 18 mois ;
sera évaluée par un comité comprenant des membres du Conseil d'État, des avocats et des fonctionnaires ayant participé à l’expérimentation ;
fera l'objet d'un rapport d'évaluation remis au garde des sceaux, ministre de la justice, qui préconisera le maintien, l’ajustement ou l’abandon des mesures expérimentées.