Conseil d'État, 16 février 2009, Société ATOM

Passer la navigation de l'article pour arriver après Passer la navigation de l'article pour arriver avant
Passer le partage de l'article pour arriver après
Skip article sharing

Sanctions administratives – Plein contentieux

Faits et contexte juridique

La société ATOM avait été mise en demeure par l’État d’acquitter une amende sur la base de dispositions du code monétaire et financier.

Cette amende constitue une sanction administrative (TC, 22 octobre 1979, Texier, n°2125). En vertu d’une jurisprudence constante du Conseil d’État, le recours contre cette sanction relevait du contentieux de l’excès de pouvoir (CE, Section, 4 décembre 1992, Ministre du budget c / Établissements Quiblier fils, n°118311, p. 434). Il était en effet entendu qu’en principe, en l’absence de texte, un recours contre une sanction administrative relève du contrôle de l’excès du pouvoir (CE, Assemblée, 1er mars 1991, Le Cun, n°112820), le juge n’ayant que le pouvoir d’annuler la sanction ou de rejeter le recours.

Le sens et la portée de la décision

Avec la décision Société ATOM, le Conseil d’État réuni en Assemblée, a abandonné ces précédentes jurisprudences et a jugé que lorsqu’il est saisi d’une contestation portant sur une sanction que l’administration inflige à un administré, le juge administratif se prononce comme juge de plein contentieux.

Il en résulte que le juge doit prendre une décision qui se substitue à celle de l’administration, qu’il peut a minima annuler, mais également réformer, en se plaçant à la date à laquelle il statue et non à celle de la décision de l’administration infligeant la sanction. En outre, il  doit, le cas échéant, faire application d’une loi nouvelle plus clémente entrée en vigueur entre la date à laquelle l’infraction a été commise et celle à laquelle il statue.

En matière de sanctions, en particulier pénales, le principe de l’application de la loi nouvelle plus douce (principe dit de la rétroactivité in mitius) a été consacré comme un principe de valeur constitutionnelle par le Conseil constitutionnel (CC, 19-20 janvier 1981, n° 80-127 DC ; 25 juillet 1990, n° 90-277 DC ; , 21 février 1992, n° 92-305 DC). Le Conseil d’État en fait application dans le domaine des sanctions lorsqu’il intervient comme juge de plein contentieux (CE, Section, 5 avril 1996, Houdmond, n°176611 ; CE, Assemblée, 4 juillet 2011, Elections régionales d’Ile-de-France, Mme Arnautu et Midy, n° 338033, 338199 ; CE, 15 mars 2017, Ministre de l’Intérieur c/ M. Levannier, n°395286).

En l’espèce, la société Atom se prévalait d’une évolution de la législation relative à la fixation du montant de l’amende, depuis la date de la sanction contestée, devant conduire le Conseil d’État à faire application d’un nouveau taux moins élevé que le précédent, dès lors que la loi nouvelle était moins sévère. Le Conseil d’État se prononçant comme juge de plein contentieux, en a donc fait application en ramenant le taux de l’amende infligée à la société Atom de 5% des sommes indûment réglées en numéraires  à 3 % de ces sommes.

Le basculement du contentieux des sanctions administratives dans le champ du contentieux de pleine juridiction concerne les seules sanctions infligées par l’administration à un administré. Sont donc exclues de cette nouvelle jurisprudence et relèvent toujours du contentieux de l’excès de pouvoir, les sanctions disciplinaires prononcées à l’encontre des agents publics (CE, Assemblée, 13 novembre 2013, Dahan, n°347704), les sanctions professionnelles dirigées contre les professions réglementées (CE, Section, 22 juin 2007, Arfi, n°272650 ; CE, 20 mai 2011, Lecat, n° 332451), les sanctions infligées par une fédération sportive pour faits de dopage (CE, 2 mars 2010, Fédération française d’athlétisme, n°324439), ou encore celles infligées aux détenus par l’administration pénitentiaire (CE, 20 mai 2011, Letona Biteri, n°326084).

En revanche, dès lors que la personne sanctionnée est identifiée comme un administré non usager du service public, la contestation de la sanction est portée devant le juge de plein contentieux. C’est ce qui a été jugé s’agissant par exemple du retrait de la carte de résident d’une personne ayant employé un travailleur étranger de manière irrégulière (CE, 10 juin 2009, Mme Zheng, n°318898), de la contestation du retrait de points d’un permis de conduire (CE, 9 juillet 2010, Berthaud, n°336556) ou encore de l’exclusion d’un demandeur d’emploi du revenu de remplacement (CE, 23 février 2011, Cambessede, n°332837). Les sanctions prescrites par les autorités administratives indépendantes, comme le retrait de la décision d'autorisation délivrée à une opération de concentration par l’Autorité de la concurrence, relèvent également du plein contentieux (CE, Assemblée, 21 décembre 2012, Société Groupe Canal Plus et société Vivendi Universal, n°353856).

> Lire la décision