Conseil d'État, 10 avril 1992, Époux V

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Responsabilité du service public hospitalier

Les faits

A l'occasion d'une césarienne pratiquée sous anesthésie péridurale, Mme V. avait été victime d'une succession d'erreurs et d'imprudences de la part des divers intervenants médicaux, comprenant notamment l'administration de produits contre-indiqués. Après un arrêt cardiaque d'une demi-heure, elle était restée plusieurs jours dans le coma puis avait souffert d'une hémiplégie gauche. Il en était resté d'importants troubles neurologiques et physiques.

Les époux V ont alors saisi la juridiction administrative d’une action en responsabilité contre l’État tendant à la réparation du préjudice subi.

Le sens et la portée de la décision

Par cette décision, le Conseil d'État abandonne l'exigence d'une faute lourde pour engager la responsabilité du service public hospitalier en cas d'acte médical.

L'exigence d'une faute lourde pouvait se justifier par la complexité des actes médicaux, qu'il s'agisse du diagnostic, des prescriptions, du traitement ou de l'opération chirurgicale. Avant cette décision, le juge administratif distinguait ainsi, pour l'engagement de la responsabilité d'un hôpital, entre les actes non médicaux, pour lesquels une faute simple suffisait, et les actes médicaux stricto sensu, considérés comme plus difficiles. Toutefois, les progrès mêmes de la médecine et les exigences accrues des justiciables avaient conduit le juge administratif à admettre de plus en plus souvent l'existence d'une faute lourde de sorte que cette qualification était employée à des comportements relevant davantage de la faute simple.

En abandonnant l'exigence de faute lourde, le Conseil d’État n'a pas entendu sanctionner toutes les erreurs médicales car toute erreur n'est pas nécessairement fautive, sauf à imposer aux médecins une obligation de résultats. Il a toutefois établi certaines hypothèses où la faute peut être présumée, notamment en cas de conséquences graves en matière d’organisation et de fonctionnement du service public hospitalier et des actes de soins courants qui peuvent être exécutés sans l'intervention ou la surveillance personnelle d'un médecin, (CE, 8 décembre 1989, Mme H..., n° 80341, p. 251). Le juge administratif a également  admis, sous certaines conditions très restrictives, la possibilité d'une responsabilité sans faute, pour remédier à l'absence d'indemnisation de l'aléa thérapeutique dans les cas les plus dramatiques (CE Ass. 9 avril 1993, B..., n° 69336, p. 126).

L'arrêt du 10 avril 1992 s'inscrit également dans une évolution générale de la jurisprudence, qui tend à admettre de plus en plus fréquemment qu'une faute simple suffise à engager la responsabilité des personnes publiques.

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